L'ordre moral (Ordem moral)

Mário Barroso - 2020

Basé sur des faits réels, au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors que la seconde vague de grippe espagnole fait des ravages, une grande bourgeoise est internée en psychiatrie pour s'être enfuie avec son jeune chauffeur... Maria de Medeiros campe avec fougue et talent cette femme libre, au coeur d'une affaire qui secoua le Portugal en son temps.

Portugal, 1918. Maria Adelaide Coelho da Cunha, issue de la grande bourgeoise lisboète, a hérité par son père de l'un des plus grands quotidiens du pays, qu'administre son époux, Alfredo da Cunha. Tandis que, la cinquantaine approchant, elle voit sa chevelure se parer de mèches blanches et son mari la délaisser pour une jeune maîtresse, cette femme fantasque et vive, à la sensibilité exacerbée, souffre de plus en plus des carcans d'une société qui étouffe le moindre de ses désirs. Un jour qu'elle se rend au chevet de malades touchés par la grippe espagnole, Maria Adelaide retrouve Manuel, son ancien chauffeur, et décide de prendre ses soins à sa charge. Son inclination grandit pour le jeune homme, un anarchiste de vingt ans son cadet. Lorsque les deux amants disparaissent ensemble, Alfredo décide de faire interner son épouse, avec la complicité de trois sommités de la psychiatrie : en la déclarant irresponsable, il pourra enfin revendre le journal dont elle est l'unique propriétaire…

La loi des hommes

Le réalisateur Mário Barroso (qui fut également acteur et directeur de la photographie, notamment pour ses compatriotes Manoel de Oliveira et João César Monteiro) s'est inspiré d'une histoire qui fit grand bruit dans le Portugal de l'entre-deux-guerres. Internée en hôpital psychiatrique pour s'être enfuie avec un homme du peuple – signe évident, pour une femme bien née, d'un profond désordre mental –, la véritable Maria Adelaide parvint à obtenir sa libération en médiatisant son cas, avant de faire innocenter son jeune amant, incarcéré pendant quatre ans sans procès pour enlèvement et viol… L'affaire déboucha même sur une réforme de la loi portugaise, lorsqu’une enquête de presse révéla de nombreux autres cas d'internements abusifs de femmes. Dans ce drame historique baigné d'une lumière veloutée, qui brosse le portrait d'une société sclérosée et d'une institution médicale régie par la loi des hommes, Maria de Medeiros campe avec fougue une femme à l'écoute de ses désirs, pugnace et libre.

Les médecins

Maria Adelaide Coelho da CunhaMaria Adelaide Coelho da Cunha

Fin 1918, Maria Adelaide Coelho da Cunha s'enfuit avec son chauffeur et amant, Manuel Ciaro, dans les environs de Porto. Son mari, qui vise de s'approprier de sa fortune et notamment du journal fondé par son père, le Diário de Notícias, le plus ancien quotidien du pays, tirant encore aujourd'hui à près de 50000 exemplaires, la fait interner de force, la fait déclarer folle et revend le journal.

Manuel Claro est emprisonné à la Cadeia da Relação de Porto, où il reste quatre ans sans être inculpé. Maria Adelaide Coelho da Cunha est internée à l'hôpital Conde de Ferreira. Une commission médicale formée des aliénistes portugais les plus célèbres de l'époque dont Júlio de Matos, António Egas Moniz et José Sobral Cid la déclare folle et incapable juridiquement. Maria Adelaide Coelho da Cunha se défend et fait éclater le scandale dans la presse.

Júlio de Matos donnera son nom à l'hopital psychiatrique de Lisbonne, fondé en 1942.

Un des grands hopitaux psychiatriques de Porto, porte encore le nom du médecin-chef de l'époque de l'hôpital Conde de Ferreira, Magalhães Lemos, où Maria Adelaide Coelho da Cunha fut enfermée.

José Sobral Cid était spécialisé en psychiatrie légale. Il a été ministre de l'Éducation en 1914. Au moment des faits évoqués dans le film, il est le directeur de la faculté de médecine de l'université de Lisbonne

Egas Moniz, surtout, appelé "Professeur" dans le film, était considéré comme une sommité dans le domaine de la psychiatrie depuis le début du siècle. Il développa la lobotomie dans le but notamment de soigner les homosexuels, considérés comme souffrant de déviance mentale, une "maladie" qu'il comptait soigner ainsi. La lobotomie consistait à sectionner ou altérer la substance blanche d'un lobe cérébral. Les patients, parmi lesquels les schizophrènes et les épileptiques, devenaient complètement apathiques. Plus tard, il développa la leucotomie, alternative consistant à ne plus sectionner que certaines fibres de la substance blanche. Ces pratiques sont aujourd'hui prohibées car considérées comme de mauvaises pratiques médicales. Dès les années 50, les neuroleptiques ont fait leur apparition et ont permi de progressivement mieux soigner les personnes atteintes de troubles psychiques, et même aujourd'hui de leur rendre une vie sociale quasiment normale.
Il n'empêche qu'Egas Moniz, pour ses travaux sur la lobotomie et la leucotomie, s'est vu attribuer le Prix Nobel de Médecine en 1949. À ma connaissance, l'attribution de ce prix n'a jamais fait débat par la suite. 


 


Distribution du film