Lacombe Lucien

Un film de Louis Malle (1974) avec Pierre Blaise et Aurore Clément

En 1944, un jeune fermier entre par hasard dans les rangs de la Gestapo après avoir été refusé par une cellule de résistants. Parce qu'il tendait le miroir de la collaboration au public français, ce grand film sur la versatilité de l'homme suscita un tollé et contraignit Louis Malle à l'exil.
 

 
Juin 1944, dans une petite préfecture du sud-ouest de la France. Lucien Lacombe, 15 ans, travaille dans un hospice. À la faveur d'un congé, il retourne dans sa ferme du village de Souleillac. Il y découvre que sa mère vit avec un autre homme, alors que son père est prisonnier des Allemands. Il veut gagner le maquis, mais son instituteur, un résistant influent, refuse, l'estimant trop jeune. Le soir, n'ayant pas respecté le couvre-feu à cause d'un pneu crevé, il est arrêté par la police et fait la rencontre d'un groupe d'auxiliaires français de la Gestapo qui le font boire et parler, puis finissent par l'adopter. Désormais, Lucien a du pouvoir, notamment celui de tuer. Il rencontre Albert Horn, tailleur juif réputé qui a trouvé refuge en province. Il tombe éperdument amoureux de sa fille, France, et lui rend visite tous les jours…

La banalité du mal

Avec ce film, Louis Malle aborde la collaboration dans une province française sous un angle démystifiant, celui de la "banalité du mal" – théorisée par Hannah Arendt. Il met en relief le caractère grossier et fortuit des motivations personnelles, un paradoxe dans lequel réside toute la tension de la narration. Chez le jeune paysan, en l'absence de conscience politique, ce sont les ressorts primaires et égoïstes qui jouent (le désir de revanche sociale, la jouissance du pouvoir, le besoin de reconnaissance). L'engagement dans la résistance ou la collaboration tient alors à peu de choses : un pneu crevé, le hasard d'une rencontre, une humiliation, le désœuvrement… Lucien Lacombe est un personnage fascinant et fruste dont la simplicité des émotions, en proie aux faux-semblants, touche et horrifie à la fois. Cinq ans après Le chagrin et la pitié, ce film est la première œuvre de fiction à éclairer le tabou du comportement de nombreux Français pendant la Seconde Guerre mondiale. Subissant les foudres de l'opinion (autant de l'extrême gauche que de l'extrême droite), Louis Malle a dû s'exiler aux États-Unis pour poursuivre sa carrière.