Emmanuel Mouret est un cinéaste qui fait des inconsistances amoureuses son sujet de prédilection. Ses comédies passent allègrement de la gravité à l'humour. Il y a quelque chose de Woody Allen en lui. Et comme Woody Allen, il a pendant longtemps été des deux côtés de la caméra, se mettant en scène en tant que personnage principal dans le rôle de l'ingénu maladroit. Au cours de ces dernières, il s'est plutôt concentré dans son rôle de réalisateur et a mis à l'honneur une jeune génération d'acteurs.

 

Promene toi donc tout nu
1998

L'art d'aimer
2011

Une autre vie
2012

Caprice
2015

Les choses qu'ondit, les choses qu'on fait
2020


Promène toi donc pas tout nu (1998)

Tout pourrait aller très bien dans le couple que forment Stéphanie et Clément si ce dernier acceptait de se promener tout nu devant elle dans leur intimité... Le remarquable film de fin d'études d'Emmanuel Mouret


L'art d'aimer (2011)

Achille et sa voisine n’arrivent pas à conclure tandis que Vanessa s’apprête à tromper son amoureux... Du désarroi d'Élodie Navarre et Gaspard Ulliel au comique pas-de-deux de François Cluzet et Frédérique Bel, en passant par le trio libertin mené par Judith Godrèche, une comédie à sketches douce-amère d’Emmanuel Mouret, qui met le couple sens dessus dessous.

Isabelle n'a pas fait l'amour depuis un an. Quand son amie Zoé lui propose de lui "prêter" son compagnon, elle refuse, gênée. Achille se prend un énième râteau par téléphone, lorsque sa voisine frappe à sa porte en nuisette. Vanessa et William se sont juré de ne pas empiéter sur la liberté de l'autre. Mais au moment où la jeune femme annonce se préparer pour une aventure, William est sous le choc. En couple, Amélie accepte de coucher avec Boris, son meilleur ami. Mais prise de remords, elle convainc Isabelle, toujours célibataire, d'aller au rendez-vous à sa place…

Couples en péril
De film en film, Emmanuel Mouret a peaufiné un type de comédie sentimentale à sa façon, délicieux marivaudage nourri de dialogues rohmériens et de fantaisie burlesque. Il sait comme personne tourner autour de situations vaudevillesques avec délicatesse. Dans "L'art d'aimer", l'exercice atteint son apogée. Secondé par une brochette de comédiens talentueux et toujours en mouvement, le réalisateur a choisi la forme du film à sketches, tourné avec fluidité en plans-séquences. La mise en scène, bien huilée, et les intérieurs raffinés constituent l'éprouvette rassurante dans laquelle il met ses couples à l'épreuve. Au final, ils ressortent indemnes de ces expérimentations. L'infidélité, thème central chez Mouret, n'était qu'un explosif sujet de conversation, jusqu'à la prochaine fois… Du désarroi d'Élodie Navarre et Gaspard Ulliel au comique pas-de-deux de François Cluzet et Frédérique Bel, irrésistible allumeuse et muse du réalisateur, en passant par le trio libertin mené par Judith Godrèche, toujours à l'aise dans le registre de l'épouse bourgeoise égarée, le réalisateur, plus encore que dans ses précédents films, teinte sa verve humoristique d'émotion. Une délectable comédie mi-figue mi-raisin, qui laisse présager son virage vers le mélodrame, dans "Une autre vie", son film suivant.


Une autre vie (2012)

Une pianiste et un électricien vivent une passion enflammée... Cinéaste des marivaudages, Emmanuel Mouret effectue un heureux pas de côté vers le mélodrame à suspense, joliment interprété par Joey Starr, Jasmine Trinca et Virginie Ledoyen.

Aurore est une pianiste classique reconnue. Un soir, lors d’un concert, elle s'écroule en se levant de son tabouret. Alors qu’elle se repose dans une maison du sud de la France, veillée par son frère et agent, elle fait la connaissance de Jean, un électricien chargé de placer des alarmes. C'est le coup de foudre, point de départ d'une passion fiévreuse. Mais Jean est marié. Pour le garder, sa femme, Dolorès, entreprend de manipuler les amants. À l'un et l'autre séparément, elle annonce qu'elle est enceinte. Mais ses plans sont contrecarrés par un accident de la route qui la prive de l'usage de ses jambes.

Duel de femmes
Plus habitué aux marivaudages (Un baiser, s'il vous plaît !, Caprice), Emmanuel Mouret réussit avec Une autre vie son incursion dans le mélodrame, qu'il drape d'une atmosphère pesante. Le suspense sur fond de bord de mer, la musique de Grégoire Hetzel, proche de celle de Bernard Herrmann (le compositeur attitré des films d’Alfred Hitchcock) et l’actrice italienne Jasmine Trinca, aux airs d’Ingrid Bergman, concourent à dessiner un hommage appuyé aux maîtres du genre. On retiendra particulièrement le magnifique duel de femmes autour de Joey Starr, mené de main de maîtresse par Virginie Ledoyen.


Caprice (2015)

Partagé entre une intimidante maîtresse et une incontrôlable soupirante, Emmanuel Mouret joue avec finesse, de chaque côté de la caméra, des tourments de l'amour et du hasard. Avec les talentueuses Virginie Efira et Anaïs Demoustier. Un cocktail sucré mais puissant.

"Sois infidèle, ne sois pas égoïste !", intime Caprice à Clément après s'être une nouvelle fois glissée dans son appartement. Un réel dilemme pour ce professeur d'école sans histoire, qui a vu en quelques semaines sa vie bouleversée : d'abord, une actrice reconnue – qu'il adule – est tombée amoureuse de lui et de ses maladresses, et puis Caprice, cette jeune femme avec laquelle il a passé une nuit presque contre son gré, ne cesse de le poursuivre de ses assiduités, obstinée et indifférente à ses bégaiements de refus.

Douceur de vivre
Il n'y a rien qu'on ne connaisse déjà dans les histoires mises en scène par Emmanuel Mouret. Le thème du trio amoureux, le marivaudage, le personnage du gaffeur… Comment se fait-il, alors, que le charme opère dès les premiers instants de cette comédie romantique, dont il rebat si joliment les cartes ? Dans le jeu, Mouret a le visage mobile et surpris des acteurs de muet. Derrière la caméra, les situations qu'il filme sont infusées de tendresse et légèreté, nimbées de jazz et de douceur de vivre. Quant à Virginie Efira et Anaïs Demoustier, elles s'acquittent avec talent de leurs rôles, plus creusés qu'il n'y paraît. Le visage de la première est traversé par l'angoisse des grandes actrices de ne plus plaire et celui de la seconde arbore l'insolence des premières amours. Un cocktail sucré mais puissant.


Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait( (2020)

En amour, Maxime et Daphné enchaînent les complications... Magnifiée par le brillant quatuor Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne et Émilie Dequenne, une ode douce-amère à l’inconstance, par Emmanuel Mouret.

Maxime rend visite à son cousin François dans le sud de la France. Mais c’est sa compagne Daphné, qu’il n’avait jamais rencontrée, qui l’accueille et lui fait visiter la région. En attendant le retour de François, retenu par un voyage d’affaires, Daphné et Maxime sympathisent et se confient leurs histoires de cœur. Celles de Maxime sont douloureuses. Il a vécu une froide idylle avec Victoire, avant de croiser par hasard Sandra, son grand amour hélas ! non réciproque. Celle-ci est aussitôt tombée sous le charme de Gaspard, le meilleur ami de Maxime. L’affaire s’est muée en un inextricable triangle amoureux, qui a laissé Maxime humilié et meurtri. Daphné, elle, raconte qu’elle s’est donnée à François par dépit. Mais aujourd’hui, elle assure qu’elle l’aime et elle attend d’ailleurs un enfant de lui. De balade provençale en confidence, Maxime et Daphné passent de délicieux moments ensemble…

"En amour, quelle est la règle ?"
Difficile de résumer l’intrigue d’un film d’Emmanuel Mouret. Mais à l’écran, tous ces emboîtements amoureux s’enchaînent avec fluidité. Le cinéaste persiste dans ses marivaudages, l’humeur folâtre en moins, avec une gravité déjà à l’œuvre dans le cruel Mademoiselle de Joncquières. Si des personnages comme Sandra ou Gaspard suivent leurs penchants sans s’embarrasser de scrupules, le film s’arrête plus volontiers sur les timides en plein conflit intérieur, comme Daphné ou Maxime, qui s’interdisent un désir qui pourrait blesser l’autre. "En amour, quelle est la règle ?", se tourmente Maxime, que le cinéaste prend un malin plaisir à plonger dans les situations les plus alambiquées. Dirigés avec la minutie d’un chef de chœur, les personnages, magnifiquement incarnés par le quatuor Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne et Émilie Dequenne, évoluent les uns vis-à-vis des autres avec retenue, tandis que la bande-son romantique, elle, s’emballe, de Chopin à Haydn. Dans cette lumineuse et mélancolique "ode à notre inconstance" et aux tempêtes internes qu’elle provoque, le cinéaste atteint une plénitude inédite et revigore avec brio les clichés fleur bleue, la célèbre scène d’adieux sur un quai de gare se refaisant une jeunesse dans le TER au départ d’Avignon.