Jeanne la Folle (Juana la Loca)
Vicente Aranda - 2001
Résumé d'ARTE :
À la mort de sa mère, Jeanne de Castille devient reine, mais elle est si jalouse de son mari qu’elle passe bientôt pour folle… L’actrice Pilar López de Ayala se met magistralement dans la peau de cette héroïne volcanique et rebelle.
1496. Héritière présomptive du trône de Castille et d’Aragon, la jeune princesse Jeanne part pour la Flandre afin d’épouser son promis, Philippe de Habsbourg. Ce mariage de convenance, aux visées politiques, tourne d’emblée à la passion amoureuse. Éperdument éprise de son mari, Jeanne découvre bientôt ses infidélités. À la mort de sa mère, Isabelle la Catholique, elle devient reine à son tour. Mais elle fait preuve d’une telle jalousie qu’on la soupçonne d’être atteinte d’un dérèglement mental. D’autant que son mari, tout comme son père, Ferdinand d’Aragon, ont politiquement intérêt à ce qu’elle soit déclarée inapte à gouverner.
Déraison et sentiments
La supposée démence de Jeanne de Castille (1479-1555) reste sujette à débat parmi les historiens. Il est, en revanche, attesté que cette jeune reine au tempérament passionné, rétive aux obligations religieuses, faisait de violentes scènes de jalousie à son mari volage et n’hésitait pas à défier physiquement ses maîtresses. Dans cette relecture contemporaine, le personnage de Jeanne, porté avec une belle intensité par Pilar López de Ayala, révèle avant tout les déchirements d’une femme trop indépendante pour son époque. Refusant de trancher, le film maintient habilement une ambiguïté autour de la folie de son héroïne, qui apparaît tantôt suggérée par l’image que Jeanne donne d’elle-même, tantôt exagérée par les intrigants de la cour. Guidée par ses sentiments, et contre tous les usages, la jeune reine ne craint pas de rabrouer les hommes haut placés qui voudraient la mettre au pas. Face à elle, Daniele Liotti incarne avec justesse un Philippe de Habsbourg plus fragile que sa jeune épouse ne veut le croire. Par son propos féministe et son esthétique soignée, Jeanne la folle s'inscrit parfaitement dans la filmographie progressiste de Vicente Aranda, cinéaste engagé, qui avait révélé en 1977 la jeune Victoria Abril en jeune adolescent transgenre dans Je veux être une femme, et célébré le courage féminin dans Libertarias (1996).
Les médecins
Maria Adelaide Coelho da Cunha
Fin 1918, Maria Adelaide Coelho da Cunha s'enfuit avec son chauffeur et amant, Manuel Ciaro, dans les environs de Porto. Son mari, qui vise de s'approprier de sa fortune et notamment du journal fondé par son père, le Diário de Notícias, le plus ancien quotidien du pays, tirant encore aujourd'hui à près de 50000 exemplaires, la fait interner de force, la fait déclarer folle et revend le journal.
Manuel Claro est emprisonné à la Cadeia da Relação de Porto, où il reste quatre ans sans être inculpé. Maria Adelaide Coelho da Cunha est internée à l'hôpital Conde de Ferreira. Une commission médicale formée des aliénistes portugais les plus célèbres de l'époque dont Júlio de Matos, António Egas Moniz et José Sobral Cid la déclare folle et incapable juridiquement. Maria Adelaide Coelho da Cunha se défend et fait éclater le scandale dans la presse.
Júlio de Matos donnera son nom à l'hopital psychiatrique de Lisbonne, fondé en 1942.
Un des grands hopitaux psychiatriques de Porto, porte encore le nom du médecin-chef de l'époque de l'hôpital Conde de Ferreira, Magalhães Lemos, où Maria Adelaide Coelho da Cunha fut enfermée.
José Sobral Cid était spécialisé en psychiatrie légale. Il a été ministre de l'Éducation en 1914. Au moment des faits évoqués dans le film, il est le directeur de la faculté de médecine de l'université de Lisbonne
Egas Moniz, surtout, appelé "Professeur" dans le film, était considéré comme une sommité dans le domaine de la psychiatrie depuis le début du siècle. Il développa la lobotomie dans le but notamment de soigner les homosexuels, considérés comme souffrant de déviance mentale, une "maladie" qu'il comptait soigner ainsi. La lobotomie consistait à sectionner ou altérer la substance blanche d'un lobe cérébral. Les patients, parmi lesquels les schizophrènes et les épileptiques, devenaient complètement apathiques. Plus tard, il développa la leucotomie, alternative consistant à ne plus sectionner que certaines fibres de la substance blanche. Ces pratiques sont aujourd'hui prohibées car considérées comme de mauvaises pratiques médicales. Dès les années 50, les neuroleptiques ont fait leur apparition et ont permi de progressivement mieux soigner les personnes atteintes de troubles psychiques, et même aujourd'hui de leur rendre une vie sociale quasiment normale.
Il n'empêche qu'Egas Moniz, pour ses travaux sur la lobotomie et la leucotomie, s'est vu attribuer le Prix Nobel de Médecine en 1949. À ma connaissance, l'attribution de ce prix n'a jamais fait débat par la suite.
