+33, la crucifixion de Jésus

Patrick Boucheron - Quand l'histoire fait dates - ARTE

Le temps chrétien est un temps orienté. Il commence avec la naissance du Christ, mais ce qui lui donne son sens — sa direction et son espérance — c’est la crucifixion. Pourquoi la crucifixion de Jésus-Christ fait date dans l'histoire chrétienne ?

Etre chrétien, c’est croire que Dieu s’est fait homme, qu’il est venu sur Terre pour sauver l’homme de ses pêchés, qu’il a prêché et fait des miracles, qu’il est mort sur la croix et qu’il est ressuscité. La crucifixion n’est donc pas un événement, c’est un fait de croyance — la croyance d’un événement sans fin, qui se commémore tous les dimanches.

Or il y a un double paradoxe. Le premier est que la venue du Christ sur terre fonde un nouveau temps chrétien, linéaire, qui pointe vers la fin des temps. D’où le fait que le calcul de la date de la Passion est crucial, si l’on peut dire, pour séparer le christianisme du judaïsme. Le second paradoxe est que la crucifixion de Jésus — c’est-à-dire le fait qu’il ait subi un supplice infâmant et atroce, réservé aux rebelles de l’ordre romain, amenant les chrétiens à choisir un instrument de torture pour signe de ralliement — est peut-être pour les historiens l’indice le moins incertain de l’existence de Jésus.

Pourquoi inventer une histoire pareille, si scandaleuse, si incroyable, si elle n’était pas vraie ? Le christianisme d’ailleurs, ce n’est rien d’autre que cela : faire date avec de l’incroyable.