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Marie Gouze, dite đ‘¶đ’đ’šđ’Žđ’‘đ’† 𝒅𝒆 𝑼𝒐𝒖𝒈𝒆𝒔
𝐮𝑱𝑡𝑒𝑱𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 đ·đ‘’Ìđ‘đ‘™đ‘Žđ‘Ÿđ‘Žđ‘Ąđ‘–đ‘œđ‘› 𝑑𝑒𝑠 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑩𝑒𝑛𝑛𝑒, đ‘šđ‘–đ‘™đ‘–đ‘Ąđ‘Žđ‘›đ‘Ąđ‘’ 𝑝𝑜𝑱𝑟 𝑙'𝑎𝑏𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙'𝑒𝑠𝑐𝑙𝑎𝑣𝑎𝑔𝑒, đ‘ đ‘’đ‘đ‘œđ‘›đ‘‘đ‘’ 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 đ‘”đ‘ąđ‘–đ‘™đ‘™đ‘œđ‘Ąđ‘–đ‘›đ‘’Ìđ‘’ 𝑒𝑛 đč𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒, đ‘™đ‘’ 3 đ‘›đ‘œđ‘Łđ‘’đ‘šđ‘đ‘Ÿđ‘’ 1793, đ‘ŽÌ€ 45 đ‘Žđ‘›đ‘ , sous une PremiĂšre RĂ©publique qui n’a jamais vu le jour

(Jusqu’à quand fallut-il attendre ?)

NĂ©e dans une famille bourgeoise de Montauban, fille naturelle du poĂšte et auteur dramatique Lefranc de Pompignan, mariĂ©e Ă  17 ans et veuve un an plus tard, elle quitte Montauban et monte Ă  Paris, oĂč son Ă©ducation bourgeoise et sa filiation connue avec Lefranc, lui ouvre l'accĂšs aux milieux littĂ©raires et lui permit trĂšs tĂŽt d’embrasser l'esprit des LumiĂšres, et de s’ouvrir Ă  une carriĂšre littĂ©raire. Elle ne se remaria jamais, afin de garder sa libertĂ© littĂ©raire, et considĂ©rant de toute façon le mariage religieux comme le tombeau de la confiance et de l’amour.
DĂšs 1788, elle propose dans ses Ă©crits un vaste programme de mesures sociales, et notamment le projet d’impĂŽt patriotique. TrĂšs vite elle sera interpellĂ©e par le sort des esclaves noirs des colonies. Elle Ă©crira qu’elle est graduellement passĂ©e de l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale en vigueur que la nature mĂȘme du Noir le rendait infĂ©rieur Ă  la conviction que c’était la nature humaine avide de profit qui transformait le Noir en ĂȘtre infĂ©rieur. Bien que n’ayant pas voyagĂ© elle-mĂȘme dans les colonies françaises, ce sont principalement ses longues discussions avec des personnes qui seront les fondateurs de la sociĂ©tĂ© des Amis des Noirs qui forgeront ses convictions. Parmi ceux-ci La Fayette, PĂ©tion, Lavoisier, la Rochefoucauld, et plus tard l’AbbĂ© GrĂ©goire, et surtout Jacques Brissot, qui connaissait sans doute le mieux la question, de par ses voyages Ă  Londres, oĂč il a frĂ©quentĂ© la SociĂ©tĂ© de l’abolition de la traite des Noirs, et ses voyages aux jeunes Etats-Unis, oĂč il rencontrera notamment George Washington par l’entremise de La Fayette. Olympe de Gouges a Ă©crit plusieurs essais sur la condition des Noirs dans les colonies, et en particulier Ă  Saint-Domingue, ainsi que deux piĂšces : Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage, en 1784, et le MarchĂ© des Noirs, en 1790. 
Dans les premiers temps de la rĂ©volution, l’époque de la dĂ©mocratisation de la sociĂ©tĂ©, beaucoup de ces dĂ©mocrates Ă©taient amis et Ă©taient membre du Club des Jacobins, tels que Brissot prĂ©cisĂ©ment, PĂ©tion Ă©galement, et bien sĂ»r Maximilien de Robespierre, qui n’a jamais appartenu Ă  la sociĂ©tĂ© des Amis des Noirs, mais en partageait largement les idĂ©es.
En 1791, Antoine Barnave surtout fut sa cible favorite. Barnave avec Adrien Duport et Alexandre de Lameth formĂšrent ce qu’ils appelĂšrent le « triumvirat Â» et se placĂšrent Ă  l’extrĂȘme-gauche de l’AssemblĂ©e Constituante. Ses talents d’orateur eurent une influence funeste sur l’AssemblĂ©e. Il commencera par Ă©carter Mirabeau et La Fayette qui risquaient de lui disputer le pouvoir. Il dĂ©sirait en finir au plus vite avec la rĂ©volution, dĂ©fendant l’inviolabilitĂ© de la personne du Roi, et le maintien d’un droit de vĂ©to amĂ©nagĂ©. Surtout il Ă©tait un ardent dĂ©fenseur des colons et du maintien de l’esclavage, ce qui lui valut les foudres d’Olympe de Gouges, et de la gauche de l’AssemblĂ©e, en particulier Robespierre et Brissot. Dans cette AssemblĂ©e, siĂšgent principalement deux partis de gauche, les Montagnards, dont Robespierre, Danton et Marat (car ils occupent les bancs du haut de l’amphithĂ©Ăątre, et les Brissotins, partisans de Brissot, qui seront appelĂ©s bien aprĂšs la rĂ©volution, les Girondins, car la plupart des premiers dĂ©putĂ©s de ce parti, dont Vergniaud Ă©taient originaires de la Gironde. Barnave, lui, critiquĂ© par la gauche, quitta les Jacobins pour fonder le club, puis le parti des Feuillants, qui, aprĂšs les Ă©meutes du Champs-de-Mars des 16-17 juillet 1791, prendra de plus en plus d’ascendant sur l’AssemblĂ©e, faisant craindre la fin de l’évolution dĂ©mocratique, et favorisant l’adoption de la premiĂšre Constitution, votĂ©e le 3 septembre 1791 (donc aprĂšs la fuite Ă  Varennes en juin 1791), et approuvĂ©e par le roi. Elle dĂ©finit la notion de Nation, qui est l’AssemblĂ©e constituĂ©e de 745 membres et le roi. Elle refuse le bicamĂ©ralisme. Le droit de vĂ©to du roi est maintenu, mais il devient suspensif et il ne peut retarder de plus de six ans (!) l’application d’une loi votĂ©e. Les ministres restent nommĂ©s par le roi, et surtout, point le plus attaquĂ© par Olympe de Gouges, outre le fait que Barnave soutient les nĂ©griers, le scrutin reste purement censitaire. Ce qui signifie que seuls les « citoyens actifs Â», ceux qui ont les moyens financiers de payer le cens (l’impĂŽt) peuvent participer aux Ă©lections. Les pauvres, et bien Ă©videmment les femmes sont exclues du droit de vote. La France compte alors 28 millions d’habitants et seuls 4 millions d’hommes ont le droit de vote.

Cette premiĂšre constitution ne peut convenir aux plus dĂ©mocrates de l’AssemblĂ©e, et elle sera d’ailleurs trĂšs vite attaquĂ©e. Il n’empĂȘche, Ă  mon avis, que l’esprit de ce que sera cette RĂ©volution Française y est dĂ©jĂ  prĂ©sent. Cette rĂ©volution sera une rĂ©volution bourgeoise, de petits notables de province qui finiront par s’écharper entre eux dans le sang, et le peuple sera dupĂ© en en fera les frais, et pour longtemps. Mais continuons.Deux jours Ă  peine aprĂšs le vote de cette IĂšre Constitution infamante, Olympe de Gouges rĂ©digea le texte de la DĂ©claration des droits des femmes et des citoyennes, qu’elle adressa Ă  Marie-Antoinette. Ce texte, pastiche volontaire de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen ne deviendra bien Ă©videmment jamais un texte officiel, puisqu’il fut refusĂ© par le Convention. Il n’empĂȘche qu’il constitue la premiĂšre dĂ©claration jamais Ă©crite de l’universalitĂ© des droits humains.
Les seules victoires fĂ©ministes obtenues par Olympe de Bouges furent l’autorisation faite aux femmes Ă  participer Ă  des cĂ©rĂ©monies Ă  caractĂšre politique : la fĂȘte de la loi, et la commĂ©moration de la prise de la Bastille, Ă  partir de 1792.Dans le conflit qui opposait dĂšs 1792 les Montagnards aux Girondins, elle pris tout d’abord le parti des premiers, de Robespierre et de Marat, contre Brissot, Vergniaud, Condorcet. Les deux sujets principaux de ce conflit Ă©tait la guerre offensive, voulue par les Girondins, contre l’ennemi extĂ©rieur dans le but de prĂ©server la RĂ©publique, alors que les Montagnards voulaient prĂ©server la paix. Et d’autre part la volontĂ© ferme des Montagnards de conserver un pouvoir unique et centralisĂ©, alors que les Girondins privilĂ©giaient une forme de confĂ©dĂ©ration avec une grande partie des pouvoirs de dĂ©cision laissĂ©s aux dĂ©partements. C’est sur le point de la guerre qu’Olympe de Gouges se ralliait Ă  la cause des Montagnards, dĂ©clarant ne pas ĂȘtre fĂąchĂ©e contre les idĂ©es de Brissot, mais qu’il y avait un fossĂ© entre les idĂ©es sur papier et l’utopie de leur rĂ©alisation concrĂšte, sans que cela ne crĂ©e encore d’avantage le malheur du peuple français.Mais vinrent les massacres de septembre, du 2 au 7 septembre 1792, lors desquels quelques Montagnards de la Convention exhortĂšrent le peuple aux pires exactions, jusque dans les prisons Ă  Paris et en province, faisant environ 1500 morts, le tout dans un climat de crainte d’invasion austro-prussienne et de rĂ©voltes dans les provinces. Olympe de Gouges en fut particuliĂšrement choquĂ©e et en voua une haine sans borne Ă  Marat, qu’elle taxa « d’avorton de la RĂ©volution Â». A titre personnel, je ne lui donne pas tort. Marat Ă©tait un petit mĂ©decin mĂ©diocre et un physicien ratĂ©, dont les expĂ©riences faisaient sourire Benjamin Franklin, alors ambassadeur des Etats-Unis en France. Marat, originaire de la principautĂ© de NeuchĂątel (devenu aujourd’hui canton suisse de NeuchĂątel) est le prototype de ces petits notables de province assez mĂ©diocres, devenus Ă©pris de libertĂ© quand la RĂ©volution commence. C’est Ă  dire qu’ils y voient l’opportunitĂ© de plus de libertĂ©s, de plus de privilĂšges pour leur condition, eux les bourgeois, par rapport Ă  la noblesse. L’adoption de la premiĂšre constitution en est un tĂ©moignage. Marat figure parmi les plus acharnĂ©s d’entre eux. Il est de ceux-lĂ  qui feront Ă©chouer la RĂ©volution Française, avec toutes les consĂ©quences politiques et Ă©conomiques qui en dĂ©couleront pendant prĂšs d’un siĂšcle.

TrĂšs certainement influencĂ©e par ces massacres de septembre, Olympe de Bouges, dĂšs octobre 1792, se rapproche des Girondins, attirĂ©e par ses relations avec Sophie de Grouchy, Ă©pouse de Condorcet. 

Le 20 septembre 1792, les choses s’emballent encore d’avantage. La Convention dĂ©clare l’abolition de la royautĂ© et que l’An I de la RĂ©publique commence (le 22 septembre exactement, qui deviendra le 1ervendĂ©miaire du calendrier rĂ©publicain). Le 25 septembre, la RĂ©publique est dĂ©clarĂ©e Une et Indivisible.

Elle qui a Ă©tĂ© longtemps en faveur d’une monarchie constitutionnelle, Ă©pouse alors les idĂ©es rĂ©publicaines, tout en continuant Ă  vouloir prĂ©server la famille royale, jusqu’à se proposer d’assister Malesherbes (magistrat Ă  qui on doit notamment la protection de Diderot sous Louis XV et son aide pour que l’EncyclopĂ©die soit publiĂ©e), dans la dĂ©fense du roi Ă  la Convention. Ce qui lui fut refusĂ©.
Elle Ă©crivait qu’elle Ă©tait en faveur de la protection de la famille royale, tout en affirmant que si des puissances Ă©trangĂšres (l’Autriche en particulier) menaçaient la France pour rĂ©tablir le roi, on devrait alors placer toute la famille royale, avec femmes et enfants en premiĂšre ligne du front pour empĂȘcher les assaillants de tirer sur les patriotes.Fin 1792 est approuvĂ©e une nouvelle constitution beaucoup plus dĂ©mocratique que la premiĂšre, dite Constitution de l’An I, basĂ©e essentiellement sur un projet girondin. Le vote a lieu au suffrage universel des citoyens.  Ont qualitĂ©s de citoyens, les hommes, de plus de 21 ans, et habitant depuis plus d’un an en France. La RĂ©publique est Une et Indivisible et non fĂ©dĂ©rĂ©e ou confĂ©dĂ©rĂ©e. L’AssemblĂ©e demeure unicamĂ©rale. L’exĂ©cutif est composĂ© de huit membres Ă©lus pour deux ans, et est contrĂŽlĂ© et peut ĂȘtre rĂ©voquĂ© par l’AssemblĂ©e. Au niveau judiciaire, tout citoyen Ă  le droit d’ĂȘtre jugĂ© devant un tribunal composĂ© d’un jury, et la peine de mort pour dĂ©lits privĂ©s est abolie.
Il fut dĂ©cidĂ© d’attendre la paix avec l’extĂ©rieur et dans les provinces pour que cette constitution entre en vigueur. En attendant, un gouvernement rĂ©volutionnaire remplacera un gouvernement constitutionnel.

Entretemps, le 10 mars 1793, est crĂ©Ă©, sur proposition de Danton et Levasseur, le Tribunal rĂ©volutionnaire, « pour punir les ennemis du peuple Â». Il a, au dĂ©part pour vocation d’empĂȘcher de nouveaux massacres arbitraires comme le furent les massacres de septembre 1792.  Mais trĂšs vite cela deviendra la machine Ă  tuer le moindre adversaire politique, de façon de plus en plus arbitraire. Pendant les 16 mois sĂ©parant sa crĂ©ation de la chute de Robespierre, 4021 jugements y seront prononcĂ©s, dont 2585 condamnations Ă  mort, principalement par Fouquier-Tinville en tant qu’Accusateur public.

C’est d’ailleurs ce tribunal qui jugera et condamnera Ă  mort les Girondins, suite Ă  leur mise en accusation par Saint-Just, le 2 juin 1793. Fait qu’Olympe de Bouges qualifiera d’extrĂȘmement grave, dans la mesure oĂč l’arrestation d’élus du peuple par d’autres Ă©lus du peuple constitue une violation Ă©vidente de la dĂ©mocratie.Suite Ă  l’arrestation et la condamnation des Girondins, la Constitution de l’An I, toujours pas entrĂ©e en application, sera amendĂ©e par les Montagnards le 24 juin 1793, essentiellement par addition dans la Constitution de l’An I de la DĂ©claration des Droits de l’Homme et du Citoyen, complĂ©tĂ©e de certains articles, tels que les droits Ă©conomiques et sociaux, la souverainetĂ© populaire et non plus nationale (Ă©bauche du referendum), le droit Ă  l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple.Cette Constitution de l’An I ne sera toutefois jamais adoptĂ©e, car, face aux menaces d’insurrections « contre-rĂ©volutionnaires Â», principalement en VendĂ©e et Ă  Lyon, la Convention dĂ©cide de maintenir en place le gouvernement rĂ©volutionnaire et d’instaurer un rĂ©gime de Terreur destinĂ© Ă  punir les ennemis de la rĂ©volution. La Convention se verra trĂšs vite dominĂ©e par deux comitĂ©s, le ComitĂ© de Salut GĂ©nĂ©ral, et surtout le ComitĂ© de Salut Public qui se voit confier les affaires extĂ©rieures, la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l’État et la conduite des affaires les plus importantes. Il est dominĂ© par Robespierre, Saint-Just et Couthon, qui, alors que la loi prĂ©voit le remplacement annuel de ses membres, y garderont le pouvoir de façon permanente. Cette pĂ©riode, qui s’arrĂȘtera avec la chute de Robespierre provoquĂ©e par le ComitĂ© de Salut GĂ©nĂ©ral et les dĂ©putĂ©s de la Plaine, verra l’exĂ©cution de 17000 personnes, dont celles condamnĂ©es par le Tribunal rĂ©volutionnaire, et la mort de 150000 victimes dans la guerre de VendĂ©e. 
Toutes les atrocitĂ©s de cette pĂ©riode n’ont pas Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es ici, et notamment la terrible rĂ©pression religieuse, alors que Robespierre, paradoxalement, sans doute poussĂ© par le peuple mĂ©content, rĂ©instaurera un culte sous l’aspect de cette bouffonnerie que fut l’Être SuprĂȘme.
Robespierre, Saint-Just et Couthon seront exĂ©cutĂ©s sans jugement le 27 juillet 1794 (9 thermidor An II), et dans la suite un millier de leurs partisans le seront Ă©galement. Que devient Olympe de Gouges pendant ce temps ? Elle dĂ©nonce Robespierre dans ses Ă©crits, considĂ©rant qu’il a transformĂ© la rĂ©volution et ses principes en une dictature sanguinaire. Elle restera proche de Danton, chez qui elle admire l’Homme des Principes, celui de la suppression de l’emprisonnement pour dettes, celui du prix du pain qui doit rester abordable pour tout homme pauvre, celui de l’éducation, principe le plus important aprĂšs l’accĂšs au pain, celui de l’impĂŽt sur les riches, et adversaire de Robespierre lorsque celui-ci instaure la Grande Terreur. 


Olympe de Gouges, qui n’a jamais pris dĂ©finitivement position pour la RĂ©publique par rapport Ă  une monarchie constitutionnelle, publie le 20 juillet 1793 une affiche qu’elle intitule Les Trois Urneset qui appelle Ă  une Ă©lection Ă  trois choix : rĂ©publique une et indivisible, rĂ©publique fĂ©dĂ©raliste, retour Ă  la monarchie constitutionnelle. Le fait mĂȘme d’évoquer la monarchie constitutionnelle est considĂ©rĂ©e comme un crime de haute trahison par le ComitĂ© de Salut Public. Elle est arrĂȘtĂ©e le jour mĂȘme, et inculpĂ©e. Elle passe devant le Tribunal rĂ©volutionnaire le 2 novembre 1793, soit 2 jours aprĂšs l’exĂ©cution de ses amis de la Gironde. AprĂšs un procĂšs sommaire, sans assistance d’un avocat, elle est condamnĂ©e Ă  mort, et exĂ©cutĂ©e le lendemain 3 novembre 1793, Ă  45 ans, pour avoir tentĂ© de rĂ©tablir un gouvernement autre que ce gouvernement rĂ©volutionnaire Ă©voluant en dehors de toutes lois constitutionnelles.

Mon point de vue personnel par rapport Ă  cette RĂ©volution Française et Ă  cette PremiĂšre RĂ©publique, est qu’elle a dĂ©marrĂ© dans un esprit de libertĂ© et d’égalitĂ©, menĂ©e par des hommes intĂšgres,  sans doute comme Robespierre Ă  ses dĂ©buts. Le Serment du Jeu de Paume et la DĂ©claration des Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 en sont les actes qui Ă©taient marqueurs d’espoir. Mais trĂšs vite, elle a Ă©tĂ© dĂ©voyĂ©e par une classe bourgeoise constituĂ©e essentiellement de petits notables de province (dont faisait d’ailleurs partie Robespierre) qui y ont vu d’avantage une opportunitĂ© de s’octroyer des privilĂšges que de se prĂ©occuper du peuple. La fuite de Louis XVI, dite fuite Ă  Varennes fut sans doute le virage d’une rĂ©volution se voulant progressiste vers une dictature de plus en plus sanguinaire. Et j’éprouve beaucoup de difficultĂ©s Ă  comprendre que la France en ait fait l’évĂ©nement fondateur de la RĂ©publique et en soit fiĂšre au point d’en faire, au travers de l’acte symbolique de prise de la Bastille, sa fĂȘte nationale. Les seuls Ă©lĂ©ments positifs de cette pĂ©riode, Ă  mon avis, sont d’une part que la famine a pris fin en 1793, et qu’une convention dĂ©mocratique, prĂ©figurant les grands principes d’égalitĂ© et de libertĂ© et de sĂ©paration des pouvoirs a Ă©tĂ© approuvĂ©e en cette mĂȘme annĂ©e 1793, mais malheureusement n’a JAMAIS Ă©tĂ© appliquĂ©e.  

En ce qui me concerne, certes sur une pĂ©riode plus courte de seulement trois ans, ce bain de sang, et ce crime anti-dĂ©mocratique ignoble qui a fait qu’un comitĂ© dictatorial s’arrogeait le droit de condamner et d’exĂ©cuter des Ă©lus du peuple, n’a rien Ă  envier Ă  la pĂ©riode stalinienne, pourtant tellement dĂ©criĂ©e par les français qui se taxent de dĂ©mocrates.

Au dĂ©but de ce siĂšcle, la France Ă©tait la plus grande puissance politique et Ă©conomique d’Europe. Au travers du siĂšcle malgrĂ© un pouvoir monarchique absolu et rĂ©pressif, et la toute-puissance de la noblesse et du clergĂ©, c’est en France qu’est nĂ© l’Esprit des LumiĂšres, dont les plus illustres reprĂ©sentants furent Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Diderot. Diderot qui fut complĂštement ignorĂ© par la rĂ©volution. D’abord parce qu’il avait de lui-mĂȘme fait en sorte que ses Ɠuvres principales ne soient Ă©ditĂ©es qu’à titre posthume, de crainte de la censure, et parce que ses idĂ©es allaient bien au-delĂ  de ce que les rĂ©volutionnaires eux-mĂȘmes Ă©taient prĂȘts Ă  accepter en termes de libertĂ© et de rationalisme et d’athĂ©isme. Diderot demeurera ignorĂ© pendant pratiquement tout le XIXe siĂšcle, et il faudra attendre le XXe siĂšcle pour vraiment le dĂ©couvrir et connaĂźtre l’existence de certaines de ses Ɠuvres les plus importantes comme Le Neveu de Rameau.

À la fin du siĂšcle, la France termine exsangue, au propre comme au figurĂ©. Elle a massacrĂ© son peuple et dĂ©pensĂ© des fortunes pour dĂ©fendre cette rĂ©volution bĂąclĂ©e contre les « ennemis de la rĂ©publique, intĂ©rieurs et extĂ©rieurs Â». Au mĂȘme moment, une autre rĂ©volution commence en Europe, grĂące d’ailleurs en partie aux LumiĂšres et aux progrĂšs scientifiques, grĂące aussi Ă  la Royal Society de Londres Ă  la crĂ©ation de laquelle Isaac Newton a largement contribuĂ©. La rĂ©volution industrielle. L’Angleterre s’y est engouffrĂ©e. La France, toute Ă  ses conflits n’a pas eu l’occasion de lui emboiter le pas. Elle va accuser un retard Ă©norme sur l’Angleterre, qui deviendra au XIXe siĂšcle la premiĂšre puissance Ă©conomique mondiale. La France ne comblera jamais son retard. C’est toujours le cas aujourd’hui. Et le dĂ©sastre ne s’arrĂȘte pas lĂ . AprĂšs l’exĂ©cution de Robespierre, les modĂ©rĂ©s de la Convention mettent au point une nouvelle constitution. Celle-ci est adoptĂ©e par la Convention thermidorienne le 22 aoĂ»t 1795 (5 fructidor An III) et a comme prĂ©ambule la DĂ©claration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen de 1795. C’est la premiĂšre constitution rĂ©publicaine Ă  avoir Ă©tĂ© appliquĂ©e en France. Elle met en place le rĂ©gime exĂ©cutif du Directoire, qui entrera en fonction le 26 octobre 1795 (4 brumaire An IV). Il s’agit d’un ensemble de cinq directeurs, chefs de l’exĂ©cutif, entre lesquels les diffĂ©rents ministres sont rĂ©partis, pour Ă©viter la tyrannie. Je ne peux m’empĂȘcher de comparer cela au triumvirat romain du Ier siĂšcle avant notre Ăšre, lui aussi instaurĂ© pour Ă©viter de mettre le pouvoir dans les mains d’une seule personne. Ce siĂšcle fut le pire siĂšcle de guerres civiles Ă  Rome. Trois au total. Dues aux conflits entre les Consuls. Entre Marius et Sylla, entre CĂ©sar et PompĂ©e, conduisant Ă  la dictature, entre Octave et Marc-Antoine enfin, qui ne s’apaisera que lorsque le Principat sera instaurĂ©.
Le Directoire fut une pĂ©riode qui dura Ă  peine 4 ans, mais qui, sans ne plus connaĂźtre les vagues sanguinaires qui caractĂ©risĂšrent les annĂ©es 1792-1794, n’en fut pas moins une pĂ©riode particuliĂšrement troublĂ©e, instable et totalement inĂ©galitaire, pendant laquelle les conflits et complots furent incessants, me rappelant cette pĂ©riode romaine qui distribua l’exĂ©cutif entre plusieurs mains. On assista Ă  de nombreux complots royalistes d’une part, jacobins d’autre part. La bourgeoisie enrichie par l’opportunisme des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes Ă©tant de plus en plus nombreuse, le suffrage redevient censitaire (Eh oui ! Le « pays des droits de l’homme Â» n’a respectĂ© aucune de ses deux constitutions de la pĂ©riode dont il a fait sa fĂȘte nationale). Les Ă©lections annuelles, dans une France devenue bicamĂ©rale (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens) sont autant de dĂ©saveux pour l’exĂ©cutif qui se maintient en place Ă  force de coups d’états, en particulier lorsque, chose qui devrait ĂȘtre impensable dans une RĂ©publique ayant rĂ©ussi, les monarchistes sont devenus majoritaires aux Conseils. C’est alors que l’AbbĂ© SieyĂšs pris plus d’emprise sur les destinĂ©es du directoire. Cet homme, peu connu aujourd’hui, fut de tous les coups. Il participa Ă  toutes les phases de la rĂ©volution depuis 1789 jusqu’au Consulat. Toujours en douce, sans prise de risque exagĂ©rĂ©e. Robespierre le surnommait « la taupe de la RĂ©volution Â». Il Ă©tait proche de la famille royale, puis Ă©pousa la rĂ©volution naissante en Ă©tant membre du Tiers-Etat, oĂč d’ailleurs il s’opposa Ă  Mirabeau. Il participa Ă  l’élaboration de la premiĂšre constitution. Il vota la mort du roi. Il s’effaça de la Convention durant la Terreur pour rĂ©apparaĂźtre en dĂ©cembre 1794 et joua un rĂŽle actif lors de l’élaboration de la Constitution de l’An III. Il fut dĂ©putĂ© de la Sarthe puis de l’Indre-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents. Il fut mandatĂ© en Hollande pour y nĂ©gocier un traitĂ© de paix. Il fut pendant un an (de juin 1798 Ă  mai 1799) ambassadeur Ă  Berlin, oĂč il obtint la neutralitĂ© de la Prusse. Lors de la montĂ©e en puissance des monarchistes qui rĂ©clamaient une rĂ©vision de la Constitution, il soutint le coup d’état du Directoire du 18 fructidor An V, alors qu’il Ă©tait prĂ©sident du Conseil des Cinq-Cents. En 1799, il entre au Directoire. Etant lui-mĂȘme en faveur d’une rĂ©vision de la constitution, il Ɠuvre en ce sens en Ă©cartant les Directeurs qui lui sont dĂ©favorables, et comme il faut attendre un dĂ©lai de 9 ans pour obtenir une rĂ©vision, il fomente lui-mĂȘme un nouveau coup d’état, en recherchant une « main armĂ©e Â» qu’il finit par trouver en Bonaparte de retour d’Egypte. Le coup d’état du 18 brumaire An VIII donne naissance au Consulat de trois membres, Bonaparte, SieyĂšs et Ducos. Bonaparte Ă©carta trĂšs vite et trĂšs facilement les deux autres pour prendre les pleins pouvoirs. La Constitution de l’An III est enterrĂ©e, et on connaĂźt la suite.

La rĂ©publique avait vĂ©cu. La RĂ©publique qui est issue des LumiĂšres, qui a Ă©crit un texte splendide sur les Droits de l’Homme, mais qui ne l’a jamais appliquĂ©, de mĂȘme qu’elle ne s’est jamais conformĂ©e Ă  aucune de ses deux Constitutions, qui a vĂ©cu pendant 8 ans dans la violence, les bains de sang, les guerres et les complots. La RĂ©publique qui a enfantĂ© d’un Hymne qui fut au dĂ©part un chant guerrier Ă©crit pour les troupes, parmi lesquelles des Marseillais, combattant sur le Rhin contre l’attaquant autrichien. Ce chant mĂȘme que des dĂ©putĂ©s entonnent encore Ă  voix haute, et que, pire encore, on fait chanter par des enfants de 6 ans dans les Ă©coles : « Contre nous de la tyrannie, l'Ă©tendard sanglant est levĂ©. Entendez-vous dans nos campagnes, mugir ces fĂ©roces soldats ? Ils viennent jusque dans vos bras, Ă©gorger vos fils, vos compagnes ! Aux armes, citoyens, formez vos bataillons, marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons Â». 

Franchement !!! Est-ce digne de chanter cela Ă  l’AssemblĂ©e nationale ? N’est-ce pas tout simplement Ă©pouvantable de faire chanter cela Ă  des enfants de 6 ans ? Qui en plus, n’y comprennent sans doute rien. Étendard sanglant ? FĂ©roces soldats ? Nos sillons ? Quels sillons, et quel sang impur ?
C’est un peu comme quand on me faisait radoter « JĂ©sus, le fruit de vos entrailles Â» Ă  un Ăąge oĂč on ne m’avait pas encore appris comment naissaient les enfants. JĂ©sus, un fruit ??? Bizarre. Mais au moins, c’était un fruit, pas un fĂ©roce soldat Ă©gorgeur.
À titre de comparaison, prenons l’Hymne national tchĂšque : «OĂč est ma patrie ? L'eau ruisselle dans les prĂ©s. Les pins murmurent sur les rochers. Le verger luit de la fleur du printemps. Un paradis terrestre en vue ! Et c'est ça, un si beau pays, cette terre tchĂšque, ma patrie. Â»

Tout cela au nom d’une rĂ©volution ratĂ©e, dont le seul succĂšs fut le prix du pain voulu par Danton, et la fin de la famine. Maigre bilan.

La suite donc, un tyran s’auto-couronnant empereur, mettant l’Europe Ă  feu et Ă  sang, la double restauration de deux monarchies oĂč trĂŽnaient les propres frĂšres du guillotinĂ©.
Viennent les Trois Glorieuses des 27, 28 et 29 juillet 1830, oĂč le peuple de Paris, lassĂ© du pouvoir autoritaire du rĂšgne des Bourbons, se rĂ©volte pour ne pas mettre fin Ă  la monarchie, mais mettre sur le trĂŽne, Louis-Philippe d’OrlĂ©ans, de la branche cadette des Bourbons, non plus comme roi de France, mais comme roi des Français, passant ainsi Ă  une monarchie parlementaire, oĂč le roi rĂšgne mais ne gouverne plus. Le rĂ©gime aura Ă  composer trĂšs difficilement avec les diffĂ©rentes factions en prĂ©sence, les OrlĂ©anistes, les LĂ©gitimistes (monarchistes fidĂšles aux Bourbons), les bonapartistes et les rĂ©publicains. Longtemps, Louis-Philippe tentera d’adopter une politique du juste-milieu (le fameux Aurea mediocritas d’Horace), et cette monarchie de Juillet, qui dura quand mĂȘme 18 ans, aurait pu ĂȘtre une des Ă©poques les plus stables du XIXe siĂšcles, si les dissensions politiques, n’intĂ©ressant finalement que la haute bourgeoisie n’avaient Ă©tĂ© omniprĂ©sentes. Le scrutin Ă©tait d’ailleurs purement censitaire, et le fossĂ© se creusait entre bourgeoisie de plus en plus riche et peuple ouvrier, main d’Ɠuvre opprimĂ©e de l’industrialisation grandissante, devenant de plus en plus pauvre, et vivant dans des conditions sanitaires dĂ©plorables. Durant toutes ces 18 annĂ©es de cette monarchie de Juillet, Adolphe Thiers, un orlĂ©aniste ayant au dĂ©part des idĂ©es de gauche, joua un rĂŽle dĂ©terminant. Il fit le jeu de la bourgeoisie, glissant ainsi de plus en plus Ă  droite, occupera une place centrale dans la colonisation de l’AlgĂ©rie, alors que disettes, faillites, chĂŽmage, paupĂ©risation, et par lĂ , manifestations de plus en plus virulentes du monde ouvrier qui va jusqu’à casser leurs outils de travail se multiplient. La demande pressante du passage au suffrage universel n’est jamais acceptĂ©e. Thiers qui choisit de dĂ©fendre la bourgeoisie Ă  tout prix, choisit la rĂ©pression. La monarchie en fera les frais et Louis-Philippe finit par abdiquer en 1848 au profit de son petit-fils Philippe d’OrlĂ©ans, futur comte de Paris, et la IIe RĂ©publique est proclamĂ©e le 24 fĂ©vrier 1848.
Cette IIe RĂ©publique se caractĂ©rise d’abord par son cĂŽtĂ© Ă©phĂ©mĂšre (Ă  peine 4 ans, et en rĂ©alitĂ© Ă  peine 3), et son pouvoir autoritaire. Au dĂ©but, le suffrage universel masculin est pour la premiĂšre fois rĂ©ellement instaurĂ© en France. Les socialistes portĂ©s par les ouvriers jouent un rĂŽle politique important. En fin d’annĂ©e, Louis-NapolĂ©on Bonaparte, neveu de NapolĂ©on Bonaparte est Ă©lu au suffrage universel masculin. A la tĂȘte du Parti de l’Ordre, il Ă©vince les socialistes, tandis qu’au contraire le clergĂ© voit son influence grandir dans le domaine de l’éducation. Il limite progressivement le suffrage universel pour freiner la progression de la gauche, tandis que son propre parti est de plus en plus en faveur d’un retour de la monarchie. La constitution l’empĂȘchant de se reprĂ©senter pour un second mandat, il organise avec les Bonapartistes encore nombreux un coup d’état, le 2 dĂ©cembre 1851, lui octroyant les pleins pouvoirs, puis un an aprĂšs, jour pour jour, le 2 dĂ©cembre 1852, il se proclame Empereur du second empire que connaitra la France en ce siĂšcle oĂč elle s’était imaginĂ©e rĂ©publicaine.

Ce second empire a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© par aprĂšs, surtout sous la IIIe rĂ©publique comme une pĂ©riode noire du XIXe siĂšcle. Ceci surtout Ă  cause du coup d’Etat qui lui a donnĂ© naissance, et Ă  la dĂ©faite de 1870 face Ă  la Prusse, qui a ĂŽtĂ© l’Alsace et une partie de la Lorraine Ă  la France. Traumatisme qui restera aussi vif dans les esprits que la dĂ©bĂącle de 1940, et qui conduira une grande majoritĂ© des Français Ă  haĂŻr les Allemands jusqu’à les transformer en va-t’en guerre extrĂȘmes, seulement calmĂ©s par la victoire de 1918 et les conditions triomphantes mais combien Ă©pouvantables du traitĂ© de Versailles.  A cela, il faut ajouter la vindicte de Victor Hugo contre Louis-NapolĂ©on. AprĂšs le coup d’Etat du 2 dĂ©cembre 1951, Victor Hugo s’exile Ă  Bruxelles, plus tard, Ă  Jersey et Ă  Guernesey. Pour 20 ans. C’est un homme extrĂȘmement populaire et aurĂ©olĂ© de gloire. Il a Ă©tĂ© Pair de France, il est membre de l’AcadĂ©mie Française. Auteur de poĂ©sies cĂ©lĂšbres et surtout de deux grands romans comme « Les Derniers Jours D’un CondamnĂ© Â», combat contre la peine de mort, « Notre Dame de Paris Â», et des piĂšces comme « Ruy Blas Â» ou « Hernani Â». Victor Hugo vouera une haine de 20 ans Ă  Louis-NapolĂ©on, dans ses ouvrages « NapolĂ©on Le Petit Â» et surtout dans « Les ChĂątiments Â». Ce n’est guĂšre trop que de dire qu’il s’y montre carrĂ©ment odieux. Pourtant, au dĂ©part, ils sont plutĂŽt amis. Tous deux sont de droite, et tous deux Ă©volueront progressivement vers des valeurs de gauche. Victor Hugo est un fervent bonapartiste sous le premier empire, aprĂšs avoir Ă©tĂ© monarchiste. Tous deux sont dĂ©putĂ©s Ă  l’AssemblĂ©e constituante de 1848, une Ă©poque marquĂ©e par un mutuel respect. Il qualifie Louis-NapolĂ©on de « distinguĂ© et intelligent Â». Il soutient sa candidature Ă  l’ÉlysĂ©e et sera mĂȘme un de ses conseillers, tandis que ses idĂ©es Ă©voluent de plus en plus vers la rĂ©publique et le socialisme. Mais Louis-NapolĂ©on suit un parcours de pensĂ©e similaire, malgrĂ© l’opposition de son Ă©pouse EugĂ©nie, catholique fervente et militante. Alors pourquoi subitement tant de haine. Certes le coup d’État, acte Ă©minemment anti-dĂ©mocratique. Coup d’état qui ne fera en final que peu de victimes (environ 300-400), alors qu’on avait comptĂ© 5000 morts sur les barricades ouvriĂšres des trois glorieuses de 1848. Coup d’État qu’il faut aussi replacer dans son contexte : la Chambre des DĂ©putĂ©s Ă©tait trĂšs majoritairement aux mains des monarchistes, hostiles au suffrage universel et aux idĂ©es rĂ©publicaines. MĂȘme si sous l’Empire, il dominera l’AssemblĂ©e, en ce sens que seul lui pourra proposer des lois, celles-ci seront mises au vote de l’AssemblĂ©e qui sera Ă©lue au suffrage universel masculin entiĂšrement rĂ©tabli. Et la plupart des gens de progrĂšs, du monde de la culture se montreront satisfaits de ce passage de la monarchie parlementaire Ă  l’Empire. Louis-NapolĂ©on sera plĂ©biscitĂ©. Les Ă©lections au suffrage universel verront le ralliement de la toute grande majoritĂ© des campagnes Ă  l’Empire, ainsi que le peuple ouvrier, au dĂ©but. Les attaques de Victor Hugo ne seront pas Ă©coutĂ©es. Il restera longtemps un auteur toujours cĂ©lĂšbre, mais ne comptera plus sur la scĂšne politique. D’ailleurs Louis-NapolĂ©on se montre plutĂŽt progressiste, surtout en matiĂšre d’éducation nationale, oĂč il fera en sorte que les filles aient libre accĂšs Ă  l’enseignement, malgrĂ© la rĂ©sistance catholique. Il se prĂ©occupera avec sincĂ©ritĂ© de la condition ouvriĂšre allant jusqu’à accepter de mettre en place l’ébauche d’un syndicat ouvrier, fit crĂ©er les caisses de retraite et les assurances contre les accidents de travail. Les transports ont progressĂ©, en particulier le chemin de fer. Paris a Ă©tĂ© transformĂ© sous le prĂ©fet Haussmann, rendant la ville plus saine et facilitant aussi les dĂ©placements des transports en commun (certes Haussmann lui-mĂȘme avoua qu’un des buts des grands boulevards Ă©taient aussi le dĂ©placement plus rapide des troupes). C’était tout compte fait une pĂ©riode de progrĂšs, mĂȘme d’un point de vue social. Hugo pourtant a persistĂ© dans sa haine tenace. Un Ă©lĂ©ment supplĂ©mentaire a pu jouer. Au temps oĂč il soutenait Louis-NapolĂ©on, alors prĂ©sident de la IIe RĂ©publique, il briguait le portefeuille ministĂ©riel de l’Éducation Nationale, et face Ă  la demande pressante de la majoritĂ©, composĂ©e presqu’exclusivement de catholiques, il a dĂ» le leur cĂ©der. Hugo le rĂ©publicain ne l’a pas acceptĂ©. De mĂȘme qu’au moment d’une loi d’amnistie gĂ©nĂ©rale des prisonniers et exilĂ©s politiques, Hugo l’a refusĂ©e et est restĂ© en exil. Les historiens du XXe et du XXIe siĂšcles se sont abondamment penchĂ©s sur cette pĂ©riode du Second Empire, et sur l’attitude de Victor Hugo. Beaucoup d’entre eux, sans vouloir rĂ©habiliter Louis-NapolĂ©on (ce n’est d’ailleurs pas le rĂŽle d’un historien) lui ont redonnĂ© une place plus logique et moins ternie dans l’histoire du XIXe siĂšcle, et beaucoup ont donnĂ© tort Ă  Victor Hugo.
Hugo Ă©tait illustre et trĂšs riche. Il se considĂ©rait comme supĂ©rieur Ă  Louis-NapolĂ©on. Son exil lui permettait de continuer l’écriture de ses Ɠuvres les plus cĂ©lĂšbres, comme les MisĂ©rables, et Ă  travailler avec acharnement Ă  la protection de ses droits d’auteur. Par ses manifestes contre Louis-NapolĂ©on et ses Ɠuvres en faveur de la cause du peuple, il entendait se positionner en chef de l’opposition rĂ©publicaine et socialiste, mais avec l’énorme avantage de ne devoir effectuer aucune action concrĂšte sur le terrain politique. En quelques sortes, le programme Ă©tait beau, mais la piĂšce n’était jamais jouĂ©e.

L’attentat manquĂ© d’Orsini contre Louis-NapolĂ©on et EugĂ©nie, le 14 janvier 1858, Ă  l’entrĂ©e de l’opĂ©ra de Paris (c’était encore l’opĂ©ra de la rue Le Pelletier, qui a prĂ©cĂ©dĂ© l’opĂ©ra Garnier) marquera un changement dans la politique europĂ©enne de Louis-NapolĂ©on. Il Ă©tait jusque-lĂ  plutĂŽt pacifique et n’était guĂšre intervenu en politique Ă©trangĂšre, bien qu’il ait une vision d’une Europe des Nations. Suite Ă  l’affaire d’Orsini, il se rapprocha de Cavour, et par lĂ , de Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, duc de Savoie, prince du PiĂ©mont et comte de Nice. Il leur offre les services de la France pour vaincre l’Autriche et contribuer Ă  l’unification italienne. Il n’ira cependant pas jusqu’au bout, puisque Venise restera aux mains des Autrichiens et que Rome et les Ă©tats pontificaux resteront la propriĂ©tĂ© du pape, Ă  nouveau par l’entremise de sa trĂšs catholique Ă©pouse EugĂ©nie. Toutefois, la premiĂšre unification italienne Ă©tait assurĂ©e, puisque tout le nord jusqu’à la Toscane ainsi que le royaume de Naples seront rĂ©unis en un seul pays ayant Victor-Emmanuel II comme roi, et Florence pour capitale (le premier palais royal fut le Palazzo Pitti de Florence). En compensation, le 24 mars 1860, la Savoie et le comtĂ© de Nice furent rattachĂ©s Ă  la France. La Savoie fut sĂ©parĂ©e en deux dĂ©partements, Savoie et Haute Savoie, qui sont donc les derniers territoires Ă  avoir complĂ©tĂ© la France gĂ©opolitique telle qu’elle est aujourd’hui. 

Du cĂŽtĂ© des Balkans, il s’allie Ă  l’Angleterre, l’ennemi de toujours, pour soutenir l’Empire ottoman dans sa guerre contre la Russie, qui voulait s’octroyer le contrĂŽle du Bosphore et l’accĂšs Ă  la MĂ©diterranĂ©e. La guerre de CrimĂ©e conduit Ă  la victoire de SĂ©bastopol, qui scellera l’appartenance du Bosphore aux Ottomans. Cette victoire a encore une rĂ©percussion actuellement, puisque c’est le contrĂŽle du Bosphore qui est une des raisons stratĂ©giques essentielles de l’appartenance de la Turquie Ă  l’Otan. En compensation, le Tsar obtiendra qu’on ne mette pas en cause l’appartenance de la Pologne Ă  la Russie.

Par ailleurs, toujours selon le principe des nationalitĂ©s, Louis-NapolĂ©on ne s’opposera pas Ă  la rĂ©unification allemande, et fera preuve de neutralitĂ© dans la guerre qui opposera la Prusse Ă  l’Autriche, se soldant par la dĂ©faite de l’Empire Autrichien, le rattachement de plusieurs territoires Ă  la Prusse, le Holstein, le Hanovre, la Hesse-Cassel, le duchĂ© de Nassau et Francfort-sur-le-Main pour former la confĂ©dĂ©ration d'Allemagne du Nord. Cette dĂ©faite de l’Autriche lui fera perdre Ă©galement la VĂ©nĂ©tie et les rĂ©gions correspondant actuellement au Trentin et au Haut-Adige, au profit de l’Italie, qui acquiĂšrent Ă©galement les Ă©tats-pontificaux, finalisant ainsi l’unification du pays.

Au cours de la deuxiĂšme dĂ©cennie du Second Empire, alors que la politique de Louis-NapolĂ©on devient de plus en plus libĂ©rale, c’est sa politique extĂ©rieure qui allait marquer sa perte.
Il y eu d’abord l’expĂ©dition dĂ©sastreuse du Mexique. Au dĂ©but des annĂ©es ’60, le Mexique Ă©tait un Ă©tat fortement endettĂ© vis-Ă -vis de l’Angleterre, de l’Espagne et de la France. EugĂ©nie y voyait une opportunitĂ© d’y crĂ©er un grand Empire catholique, contrebalançant dans la rĂ©gion la puissance des Etats-Unis protestants. Le moment Ă©tant d’autant plus appropriĂ© que les Etats-Unis ne pourraient s’interposer, alors qu’ils Ă©taient en pleine guerre de sĂ©cession. Louis-NapolĂ©on imagine qu’en crĂ©ant une zone d'influence française dans cette rĂ©gion du monde, il y offrirait des dĂ©bouchĂ©s pour l'industrie mais aussi un accĂšs Ă  de nombreuses matiĂšres premiĂšres, et qu’il dĂ©tournerait beaucoup de nouveaux colons, notamment d’origine italienne ou grecque des Etats-Unis. Les nĂ©gociations avec les Anglais et les Espagnols n’aboutissent pas, et trĂšs tĂŽt, seule l’armĂ©e française se retrouve au Mexique pour soutenir le gouvernement libĂ©ral mexicain. Il offre la couronne du nouvel empire mexicain Ă  Maximilien, frĂšre de François-Joseph d’Autriche, en compensation de son soutien Ă  la nouvelle monarchie italienne. TrĂšs vite cependant, la rĂ©bellion du peuple mexicain dĂ©borde l’armĂ©e française et les conservateurs mexicains qu’ils soutiennent. L’armĂ©e française se retire du Mexique, y abandonnant Maximilien. L’épouse de Maximilien est Charlotte de Belgique, fille de LĂ©opold Ier. Elle est Ă  ce moment en Europe pour essayer de convaincre les Français et le Vatican de lever une armĂ©e pour secourir son mari. Sans succĂšs. Maximilien est exĂ©cutĂ© par la rĂ©volution mexicaine en 1867. Charlotte n’en sera avertie que six mois plus tard. Elle terminera sa vie en Belgique, dans un Ă©tat de demi-folie et vivant totalement isolĂ©e, jusqu’ Ă  sa mort en 1927 Ă  l’ñge de 87 ans.

Mais c’est surtout du cĂŽtĂ© de la Prusse que les choses tournent mal. Le chancelier Bismarck lui avait promis que s’il faisait preuve de neutralitĂ© dans le conflit prusso-autrichien, il ne s’opposerait pas Ă  l’occupation par la France de la Belgique et du Luxembourg. Louis-NapolĂ©on ignorait que dans le mĂȘme temps, Bismarck concluait un traitĂ© de protection mutuelle avec les États d’Allemagne mĂ©ridionale. Guillaume III des Pays-Bas, Ă  qui appartenait le Luxembourg Ă©tait par ailleurs intĂ©ressĂ© par le vendre Ă  la France. Mais il subordonne cette vente Ă  un accord de la Prusse. L’opinion allemande est scandalisĂ©e. Pour eux, le Luxembourg qui a appartenu au Saint-Empire, fait partie du pangermanisme. Les Ă©tats allemands du sud craignent Ă©galement un contrĂŽle accru de la France. Bismarck force Guillaume III d’Orange Ă  renoncer Ă  la vente.
Dans le mĂȘme temps, la succession d’Espagne est ouverte, et le prince LĂ©opold de Hohenzollern se porte candidat au trĂŽne. Louis-NapolĂ©on craint une politique d’encerclement comme au temps de Charles-Quint. Il demande Ă  Guillaume de Prusse de renoncer Ă  ce choix. Celui-ci accepte mais refuse de renoncer dĂ©finitivement par Ă©crit au trĂŽne d’Espagne. Sa rĂ©ponse polie est transformĂ©e en une version dĂ©daigneuse dans la dĂ©pĂȘche d’Elms de Bismarck. De part et d’autre, les tensions et les volontĂ©s guerriĂšres sont Ă  leur comble. Louis-NapolĂ©on est de nature pacifiste, et tente de se rallier aux conseils de paix de l’orlĂ©aniste Thiers et du rĂ©publicain Gambetta. En vain. L’opinion française, surtout la droite lĂ©gitimiste et bonapartiste, avec une fois de plus l’appui d’EugĂ©nie veut la confrontation armĂ©e. La guerre est dĂ©clarĂ©e le 19 juillet 1870. Ce n’est qu’une sĂ©rie de revers pour la France, la Prusse comptant le double d’hommes et Ă©tant nettement mieux armĂ©e. Le sort de l’Empire est scellĂ© lors de la capitulation de Sedan, le 1erseptembre 1870. L’Allemagne se rĂ©unifie. Louis-NapolĂ©on est exilĂ© en Angleterre oĂč il mourra trois ans plus tard. Les dĂ©putĂ©s rĂ©publicains, avec LĂ©on Gambetta Ă  leur tĂȘte, proclament la IIIe RĂ©publique le 4 septembre. Le lendemain, 5 septembre, Victor Hugo fait son entrĂ©e triomphale Ă  Paris. Il soutient les rĂ©publicains, encore trĂšs minoritaires, dont Gambetta et ClĂ©menceau. Il s’oppose au traitĂ© de paix avec l’Allemagne voulu par Thiers. Il soutient la Commune de Paris, mais il n’y participe pas, se trouvant alors Ă  Bruxelles, mais en condamne les excĂšs.

Concernant Victor Hugo, je me range Ă  l’avis de nombreux historiens modernes. Sa haine envers Louis-NapolĂ©on Ă©tait dĂ©mesurĂ©e, voire inutile et destructrice pour l’avenir de la France. Il a eu une attitude intransigeante vis-Ă -vis du coup d’état du 2 dĂ©cembre 1851, sans mĂȘme vouloir comprendre que l’alternative, comme l’a Ă©crit Georges Sand, Ă©tait plus terrible encore. Hugo avait clairement un agenda personnel et cultivait ainsi sa gloire. Les deux hommes Ă©taient plutĂŽt des libĂ©raux. Ensemble, ils auraient pu travailler Ă  l’élaboration d’une France plus progressiste. Son appui Ă  Louis-NapolĂ©on aurait sans doute limitĂ© les ardeurs de ses nombreux opposants, surtout monarchistes, appuyĂ©s par sa propre Ă©pouse EugĂ©nie, et qui ont fait que son pouvoir n’a jamais Ă©tĂ© bĂąti sur des bases solides. C’est EugĂ©nie aussi qui avait des rĂȘves de dynastie et voulait Ă  tout prix voir son fils sur le trĂŽne de France. De mon point de vue Hugo aurait pu travailler de concert avec Louis-NapolĂ©on pour que celui-ci dĂ©pose Ă  sa mort, l’Empire dans lequel l’élection du corps lĂ©gislatif au suffrage universel n’a jamais Ă©tĂ© abandonnĂ©, dans les mains de la RĂ©publique.

La volontĂ© de Louis-NapolĂ©on de voir se rĂ©aliser les nationalismes en Europe fut sans doute une erreur stratĂ©gique, surtout en ce qui concerne l’Allemagne, car cela a dĂ©bouchĂ© sur des fossĂ©s de haine creusĂ©s entre les Ă©tats. Ou alors, il fallait voir plus loin, et, comme Nietzsche le thĂ©orisa un peu plus tard (Nietzsche qui Ă©tait un fervent opposant au nationalisme, et en particulier Ă  la vision pangermanique de son pays), viser une plus grande solidaritĂ© entre les nations, en quelques sortes, une premiĂšre union europĂ©enne, que Nietzsche illustrait par le percement du Saint-Gothard Ă  l’aide de la dynamite de son ami Alfred Nobel.

La guerre avec l’Allemagne rĂ©unifiĂ©e n’en est pas finie pour autant. Gambetta veut continuer la lutte. L’Allemagne occupe 40 dĂ©partements français et assiĂšge Paris. Les premiĂšres Ă©lections lĂ©gislatives de la IIIe RĂ©publique donnent un immense avantage aux monarchistes orlĂ©anais et lĂ©gitimistes (400 dĂ©putĂ©s sur 638). Pas tellement parce que le peuple est monarchiste, mais parce que les monarchistes veulent la paix et que le peuple est fatiguĂ© de la guerre. Adolphe Thiers est nommĂ© chef de l’exĂ©cutif. Suite aux nĂ©gociations de Thiers avec Bismarck, un armistice est signĂ© le 10 mai 1871. La dette de guerre française est colossale, et elle perd l’Alsace et une trĂšs grande partie de la Lorraine, dont Metz et les Vosges.

Cet armistice dont les bases furent Ă©tablies dĂšs janvier 1871 vit l’opposition massive des Parisiens, qui Ă©taient assiĂ©gĂ©s et se battaient depuis 4 mois. La faim rĂ©gnait dans la ville. Celle-ci, contrĂŽlĂ©e principalement par la gauche, se rĂ©volta contre le pouvoir. La Commune de Paris, qui dura du 18 mars au 28 mai 1871, fut extrĂȘmement meurtriĂšre pour les communards comptant environ 10000 morts et des centaines de condamnation Ă  mort. Paradoxalement, le fait que le gouvernement ait pu mater une nouvelle rĂ©volution donna du crĂ©dit Ă  la RĂ©publique naissante. A son dĂ©pend, la rĂ©volution manquĂ©e de la Commune de Paris constitua vraiment l’acte fondateur de la RĂ©publique Française, et non pas cette autre rĂ©volution, elle aussi manquĂ©e, qui eut lieu quelques 90 ans plus tĂŽt.

VoilĂ  aussi pourquoi, malheureusement, Le Temps Des Cerises n’a pas eu l’occasion de devenir un nouvel Hymne National, et que cette guerriĂšre et dĂ©suĂšte Marseillaise est restĂ©e envers et contre tout.

La IIIe RĂ©publique connaĂźt toutefois des dĂ©buts balbutiants. Adolphe Thiers est Ă©lu premier prĂ©sident de la rĂ©publique par une chambre Ă  toute grande majoritĂ© monarchiste. Ceux-ci sont divisĂ©s entre lĂ©gitimistes, fidĂšles au comte de Chambord, petit-fils de Charles X, et orlĂ©anistes, fidĂšles au comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe. Une stupide histoire de drapeau jette heureusement la discorde entre eux, et les empĂȘche de faire rebasculer la rĂ©publique vers la monarchie, alors qu’à ce moment, personne ne donnait trĂšs cher de cette rĂ©publique naissante. Devant cette discorde entre monarchistes, Thiers, pourtant orlĂ©anais, se range du cĂŽtĂ© des rĂ©publicains, jusqu’à ce qu’une union des monarchistes finissent Ă  le contraindre Ă  la dĂ©mission. Il est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Patrice de Mac Mahon, qui a matĂ© la Commune de Paris, et qui est un lĂ©gitimiste convaincu, gouvernant peu et mettant toute son Ă©nergie Ă  tenter de faire revenir le pays Ă  la monarchie, en rĂ©tablissant l’ordre moral et en supprimant l’essentiel des symboles rĂ©publicains. La rĂ©action rĂ©publicaine ne se fait pas attendre, et ceux-ci graduellement deviennent majoritaires Ă  la Chambre, contraignant finalement Mac Mahon Ă  la dĂ©mission.

Nous sommes alors en 1879. La IIIe RĂ©publique est enfin stabilisĂ©e. Les RĂ©publicains sont nettement majoritaires Ă  la Chambre et au SĂ©nat, rĂ©partis entre la gauche rĂ©publicaine de Jules Ferry, l’union rĂ©publicaine de Gambetta et les radicaux de ClĂ©menceau. Le nouveau prĂ©sident est Jules GrĂ©vy, pour une durĂ©e de presque 9 ans. Le prĂ©sident de la rĂ©publique n’a cependant que peu de pouvoirs sous cette troisiĂšme rĂ©publique. L’essentiel du pouvoir Ă©tant entre les mains du chef du gouvernement, renommĂ© PrĂ©sident du Conseil. Sous la prĂ©sidence du Jules GrĂ©vy, il n’y aura pas moins de 9 gouvernements diffĂ©rents, avec notamment Jules Ferry et LĂ©on Gambetta comme prĂ©sidents du Conseil.

Cette IIIe RĂ©publique, si on considĂšre qu’elle dĂ©buta en 1870, dura 70 ans, jusqu’à juillet 1940. Elle a Ă©tĂ© principalement caractĂ©risĂ©e par son esprit revanchard par rapport Ă  l’Allemagne, et se terminera pourtant dans la dĂ©bĂącle et la collaboration de l’État français de PĂ©tain. Elle ne connut pas de moments trĂšs glorieux. Boulangisme, antisĂ©mitisme exacerbĂ©, avec l’affaire Dreyfus d’une part, et la montĂ©e inexorable de l’extrĂȘme-droite dans les annĂ©es trente. Une guerre mondiale, qui fut un massacre abominable pour la seule volontĂ© de puissance des souverains europĂ©ens envoyant leurs peuples au casse-pipe. Des gĂ©nĂ©raux exerçant sur leurs troupes un pouvoir exĂ©crable, envoyant Ă  l’abattoir une gĂ©nĂ©ration perdue, pour des motifs politiques inadmissibles, mais auxquels tous ces jeunes poilus obĂ©issaient Ă  la fois toujours par esprit de revanche et par peur des reprĂ©sailles. Cette guerre fut une boucherie injustifiable et les conditions odieuses du traitĂ© de Versailles ne conduisirent qu’à une chose : l’émergence du nazisme. Et tout le monde chantait la Marseillaise. « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » chantaient les mioches, en attendant de chanter « MarĂ©chal nous voilĂ  ».

Et finalement, tout au long de cette pĂ©riode de 150 ans qui sĂ©parent la fin de la monarchie absolue de droit divin Ă  la fin de la IIIe rĂ©publique, je ne vois que trĂšs peu de personnalitĂ©s politiques qui se sont rĂ©ellement prĂ©occupĂ©es du sort du peuple de France tout en restant des personnalitĂ©s intĂšgres. JaurĂšs a sauvĂ© l’honneur de cette troisiĂšme rĂ©publique en Ă©tant un homme de paix et d‘union des peuples au travers de l’Internationale socialiste. Sinon, au tout dĂ©but de la rĂ©publique ? Mirabeau, je ne sais pas. Il n’a pas vĂ©cu assez longtemps. Parmi les Ă©lus, je ne retiens que Danton. Et puis surtout cette femme, qui ne pouvait ĂȘtre Ă©lue, mais qui a tant fait entendre sa voix, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges.