Henri Lafont, parrain de la Gestapo

documentaire de Jean-Pierre Devillers sur France Télévision (2015), d'après le livre de Grégory Auda « Les Belles Années du « milieu » 1940-1944. Le grand banditisme dans la machine répressive allemande en France » (Michalon, 2002)

Un nombre, le « 93 », ou une artère parisienne, la « rue Lauriston ». Dans les deux cas, un même effroi. Celui que suscitait dès les années d’Occupation l’adresse d’une officine de la Gestapo, un « bureau d’achats » pour le compte de la Wehrmacht, tenu par des Français à la réputation sulfureuse. A sa tête, un homme, Henri Lafont. En fait l’individu s’appelle Henri Louis Chamberlin. Il est né en 1902 à Paris dans un milieu populaire, s’est retrouvé livré à lui-même à 11 ans, orphelin de père et abandonné par sa mère.

De menus larcins en infractions banales, il passe de maison de correction en colonie pénitentiaire ou en prison, ponctuant de petits boulots une existence misérable. Un repris de justice dans la France des années 1930 n’ayant guère de perspective même si, fuyant le bagne, il dissimule son passé sombre en changeant de nom. C’est sous celui de Lafont qu’il va toutefois saisir sa chance. Sous les verrous quand l’exode de l’été 1940 conduit au transfert des prisonniers parisiens, Lafont s’enfuit du camp d’internement de Cepoy (Loiret) en compagnie de deux Allemands internés là pour espionnage au profit des nazis.

Audace et cruauté

De retour avec eux à Paris, désormais contrôlé par les soldats du Reich, Lafont va concrétiser le rêve de « participation indigène » à l’œuvre d’Hitler prôné dès Mein Kampf. Pour convaincre les nouveaux maîtres de l’employer, l’homme va multiplier les coups d’audace. Quand il exige en août, hors toute légitimité, la libération de gars incarcérés à Fresnes, pour s’en constituer une équipe, il braque l’occupant. Mais quand il enlève un leader belge de la résistance aux nazis réfugié à Toulouse, qu’il le ramène, ligoté dans le coffre de sa voiture, au siège parisien de la Gestapo, qu’il l’y torture lui-même et peut se prévaloir d’avoir démantelé son réseau, ­Lafont gagne la confiance des nouveaux maîtres.

S’en suivent près de quatre années d’exactions où, à la tête d’une brigade de repris de justice, de bandits et d’escrocs, Lafont règne en maître mafieux.