Début de l’année 1808, les troupes de Napoléon Ier sous prétexte de conquérir le Portugal envahissent l’Espagne. Le Roi Charles IV et son fils Ferdinand VII sont écartés du pouvoir et Joseph Bonaparte, frère de l’empereur, est installé sur le trône. Poussée à l’émeute par les nobles et les réformistes, la population de Madrid se révolte. L’insurrection s’étend peu à peu à tout le pays et l’Espagne connaît l’un des pires moments de son histoire. La ville de Saragosse est prise d’assaut avec une rare violence et tombe aux mains des français le 1er février 1809, par la suite la ville de Barcelone est conquise à son tour.

Mais à partir de 1812, la tendance s’inverse, la désastreuse campagne de Russie affaiblit le pouvoir militaire de Napoléon et les espagnols alliés aux anglais avec le duc de Wellington reprennent peu à peu les territoires occupés. Le 11 décembre 1813 le traité de Valençay rend son trône à Ferdinand VII, exilé en France depuis 5 ans.

Pour la France napoléonienne, la guerre espagnole aura été un effroyable gouffre en vie humaine, 260 000 hommes sont morts. Du côté espagnol, ces six années de guerre deviendront dans la mémoire collective, celles de la « guerre d’indépendance ».

Cette période de l’occupation française va être pour Goya une terrible épreuve. Non seulement nombre de ses amis libéraux vont devenir des « afrancesados » c’est à dire des collaborateurs, pensant que le « roi Intrus » Joseph Bonaparte représentait le salut pour l’avenir du pays ; mais encore durant la terrible famine madrilène de 1811-1812 qui fit plus de 20 000 morts, il va perdre son épouse bien-aimée Josepha.

Traumatisé par les images du conflit et l’ampleur du désastre humain de cette guerre, Goya commence à graver les plaques de cuivre de cette nouvelle série en 1810, à partir de dessins préparatoires réalisés à la sanguine. Il la termine dix ans plus tard en 1820. Composée de quatre-vingt gravures, elle se déploie autour de trois thèmes principaux. 
• Le premier concerne 47 gravures qui décrivent les conséquences épouvantables de la guerre et les actes de barbarie perpétrés par les deux camps. 
• Le deuxième thème, de la gravure n°48 à 64, témoigne de sa compassion pour les souffrances du peuple espagnol lors de la famine qui sévit à Madrid et des inégalités entre riches et pauvres. 
• Le troisième évoque la mise en place d’un régime réactionnaire et théocratique sous l’autorité de Ferdinand VII, après le départ des troupes napoléoniennes. Goya passe ainsi en revue les tenants de l’absurde et de l’immobilisme : le pouvoir absolu, une église rétrograde, un peuple inculte et superstitieux et des élites corrompues.

Après le départ de Goya pour la France en 1824, les matrices sont conservées par son fils puis en 1856, leur nouveau propriétaire Jaime Machén Casalins les offre à l’Etat espagnol. L’Académie des Beaux-arts de San Fernando en fait une première édition en 1863, soit 35 ans après la mort de Goya.

Les desastres de la guerre