Vu d’Allemagne : 

Période sèche au moins jusqu'à Pâques

Podcast de la NDR : 03.02.2021 13h44

Cela reste difficile au premier trimestre, cela est clair après le sommet politique de début février sur la vaccination contre la pandémie du coronavirus. Cependant, il existe quelques chiffres supplémentaires disponibles concernant la disponibilité probable des vaccins pendant cette période et le trimestre suivant. Nous en parlons dans notre nouvel épisode de podcast avec Christian Drosten, directeur de l'Institut de virologie de la Charité de Berlin. Mais aussi jusqu’à quel point les vaccinations peuvent réellement aider à maîtriser la pandémie.

Drosten 74

Korinna Hennig: Je voudrais commencer brièvement par la vie quotidienne car nous savons tous qu'avec les mesures renforcées, il est vraiment important que nous les respections afin de ne pas être confronté à une chaîne sans fin de nouvelles extensions de confinement. Maintenant, par exemple, à Hambourg, où est basé le NDR, il y avait de la neige ce week-end. C'est devenu rare dans le nord. Les familles se bousculent alors pour faire de la luge sur les quelques pistes qui existent dans la ville. Ce ne sont pas des rendez-vous, à proprement parler, ils sont conformes aux règles. Et pourtant c'est un exemple parmi tant d'autres qui revient à poser toujours la même question : quel rôle joue réellement le fait d’être à l’extérieur à ces températures, dont on parlait tant l'été, c'est-à-dire que quand les gouttelettes et les aérosols se dissipent rapidement, le risque d'infection diminue ? Maintenant, il fait froid, ce sont des températures que le virus aime, et nous avons toujours une incidence assez élevée. Cet effet extérieur a-t-il encore un sens ?

Christian Drosten : Oui, je pense. Je ne peux pas en parler d'après mon expérience scientifique, mais tout au plus d'après ma connaissance de la littérature. Selon une référence, 19 fois plus de transmissions ont lieu à l'intérieur qu'à l'extérieur. Nous avons discuté de ce travail dans un podcast à l'époque, au printemps. C'est une étude qui a été réalisée à Wuhan. Il faisait froid à l'époque, on peut donc même dire que cela a même été enregistré dans nos conditions actuelles. En même temps, il y a eu relativement peu d'autres études systématiques, du moins à ma connaissance. Par conséquent, il est relativement difficile de spéculer à ce sujet. Mais je pense que dans l'ensemble, il y a un léger effet de température avec ce virus. Cette considération sur l'effet de la température peut être faite de façon générale. Mais je ne voudrais pas renverser la situation et dire que dans le froid, il ne sert à rien de sortir. Je pense que la même règle de base s'applique là aussi, à savoir que l'air extérieur est beaucoup plus dilué. Il y a toujours un vent léger quelque part. Mais bien sûr, vous êtes avec beaucoup de monde, même si vous êtes à l'extérieur, sur une telle piste de luge. Mais c'est une proximité différente que si vous étiez dans les transports en commun ou dans une salle d'événement.

Hennig: Cela signifierait donc, surtout pour les enfants, que si vous voulez leur permettre de se rencontrer, n'est-ce pas alors préférable de le faire encore à l'extérieur ?

Drosten: Oui, bien sûr. Les enfants doivent avoir la possibilité de faire de l'exercice normalement. Avec toutes les restrictions qui existent actuellement, vous devez bien sûr agir avec un certain sens des proportions.

Hennig: Nous avons déjà parlé du fait qu'une valeur R de 0,9 est assez bonne. Ensuite, il faut quatre semaines pour que les nombres diminuent de moitié mathématiquement. Mais lorsque nous avons atteint 0,7, tout ce que vous avez à faire est d'attendre une autre semaine de confinement jusqu'à ce que les chiffres diminuent de moitié. L'Institut Robert Koch dit maintenant que la valeur R est actuellement d'environ un. Maintenant aussi, beaucoup se demandent quelle est la proportion du variant du virus anglais en Allemagne où les nombres diminuent toujours lentement ? Nous en avons déjà parlé. Avez-vous maintenant quelques données supplémentaires sur la mesure dans laquelle le variant commence réellement à s'implanter en Allemagne ?

Drosten: Je connais les chiffres, bien sûr. Cependant, je ne voudrais pas les mentionner déjà dans ce podcast. Je préfère attendre un peu plus longtemps, et obtenir de l’information sur une zone géographique plus large et aussi plus de données du réseau de laboratoires et attendre que cela soit rassemblé. Le RKI fera cela. Le RKI est d’ailleurs déjà en train de rassembler tout cela. C'est d’ailleurs leur tâche et non d'un professeur de la Charité.  Ce que je peux certainement dire : nous verrons un pourcentage à un chiffre. Ce ne sera pas très élevé. Mais le virus est là. Je dois également ajouter que nous ne devrions pas prendre le tout premier chiffre mentionné aujourd’hui. Le RKI n’en fera pas une publicité énorme. Les limitations qui y sont mentionnées résultent d'de biais dans l’observation. Étant donné la surcharge actuelle de toutes les structures médicales, l'environnement n'est pas testé assez intensément.

Si quelqu'un présente un mutant, un suivi très strict des cas est effectué, surtout un test très précis de tout l'environnement de contact. Et là, vous trouverez bien sûr le mutant parmi ceux qui ont été infectés. C'est pourquoi cela conduit en ce moment à une trop grande estimation du nombre de cas. Les premiers chiffres que vous voyez ne devraient pas être considérés avec précipitation. Il faut considérer le chiffre actuel comme une valeur de départ. Il faut maintenant regarder de semaine en semaine son évolution. Malheureusement, c'est un peu plus facile à faire dans d'autres pays car ce sont des pays plus petits. Le Danemark, la Belgique, par exemple, qui sont hors de l'Angleterre, et qui ont des systèmes plus petits et plus clairs où vous pouvez planifier de séquencer et de tester un grand nombre de positifs, simplement parce que la centralisation des tests de laboratoire dans ces pays rend cela possible. Ce sont simplement des pays plus petits, où il n’est pas besoin d’équiper de nouveaux laboratoires pour effectuer ce suivi. On a déjà l'impression que ce mutant 1.1.7 augmente régulièrement. Et ce serait étrange si ce n’était pas le cas en Allemagne.

Hennig: Mais nous devons nous accrocher à ce mutant anglais, une fois de plus, pour que cela soit clair, car dans les conversations, j'entends toujours combien on se fait du souci : après tout ce qui est connu, on n’observe pas d'évasion immunitaire. Il n'évite pas les anticorps censés protéger contre le virus que ce soit après une infection ou une vaccination.

L'audio du podcast original


Le transcrit du podcast original en allemand

Le pdf du podcast en français

Mutation E484K une mutation de fuite immunitaire ?

Drosten: Oui, mais pour tout à fait exact, il faut dire : premièrement, que c'est vrai. En tous cas probablement pas une évasion immunitaire forte, peut-être un peu. Mais ce n'est pas facile à confirmer pour le moment. Il n'y a pas de données convaincantes à ce sujet, mais plutôt une transférabilité plus élevée. Mais aussi, il faut dire dans le débat public, sur les réseaux sociaux, que des virus appartenant à ce clade 1.1.7 (note personnelle : ceux avec la mutation N501Y)ont été récemment découverts, qui ont également acquis une autre mutation. À savoir la mutation E484K. Il s'agit très probablement d'une mutation d'évasion immunitaire. Autrement dit, l'évolution continue. Ce virus a convergé au moins deux fois indépendamment pour acquérir la mutation E484 au sein du clade B.1.1.7. Et avec tout ce qu’on sait, on est maintenant amener à supposer qu’elle provoque une évasion immunitaire. Le tout reste donc une considération très pertinente. Encore une fois, il faut l'aborder la tête froide et s’en assurer d'abord. Le fait que cela se soit produit de façon convergente, que la même évolution ait eu lieu indépendamment deux fois dans ce clade de virus suggère que ce n’est pas dû au hasard, que c’est une réelle pression de sélection, que cela correspond à une pertinence biologique.

Deuxièmement, il faut dire que tout cela est certainement encore un phénomène rare. Si rare que nous ne l’ayons peut-être pas encore chez nous. En résumé, il faut dire : cela souligne une fois de plus combien il est important pour le moment de prendre au sérieux les mesures d’intervention non pharmaceutiques, de se rendre compte que tout cela arrive de l’extérieur pour le moment. C'est pourquoi l'évaluation des contrôles d'entrée a changé par rapport, par exemple, à la situation de la première vague ou après la première vague. Il faut penser spécialement à ce problème d'entrée dans le pays en rapport avec les mutations.

Hennig: Cette mutation E484K est celle qui joue également un rôle dans les variants brésiliens et sud-africains.

Drosten: Exactement, c'est le cas observé dans ces deux variants, nous avons des situations en Afrique du Sud et au Brésil où nous pouvons supposer qu'au moins localement, il existe déjà des populations qui sont immunisées ou du moins largement immunisées. Il est donc plausible qu'un tel mutant soit apparu sous la pression la protection immunologique.

Informations sur la mutation E484K de l'autorité sanitaire britannique

Effet de la vaccination avec des variantes de coronavirus

Hennig: Nous discuterons plus en détails le Brésil un peu plus tard dans ce podcast. Vous avez dit qu’il fallait le regarder avec la tête froide. Mais je sais que beaucoup de personnes âgées qui sont actuellement vaccinées ou qui viennent de se faire vacciner avec la première dose sont bien sûr inquiètes à ce sujet. Vous vous demandez, est-ce que cela rend ma vaccination inutile ? Même si nous en avons déjà discuté en partie, dans un souci de clarification, que vaut cette vaccination dans l'état actuel, quand il existe de telles mutations ?

Drosten: La vaccination actuelle, dont nous parlons principalement, est le vaccin BioNTech‑Pfizer. Il y a aussi le vaccin Moderna, puis le vaccin AstraZeneca. Mais avant tout, les personnes âgées sont principalement concernées par le BioNTech. C'est un vaccin qui produit une réponse immunitaire très forte. Les données disponibles ne suggèrent pas que le variant britannique, c'est-à-dire le variant 1.1.7 - sans cette mutation supplémentaire - provoque une évasion immunologique importante. Mais non seulement il y a des anticorps neutralisants, mais il y a aussi une immunité due aux lymphocytes T. C'est pour qu'il n’est pas possible de dire exactement ce que sera l’immunité contre ce variant 484. Mais ce n'est pas à considérer pour les jours ni même les semaines qui viennent. Nous n'avons pas à en avoir peur pour le moment. Cette vaccination fonctionnera si on a la chance d’y procéder maintenant. Nous avons entendu de nouveaux chiffres dans les médias hier (au 1er février 2021). Il y avait un document d'information du sommet sur la vaccination. Les informations de ce document, du document de travail du ministère de la Santé, sont devenues publiques. Vous pouvez le lire dans les journaux. Nous savons qu’au premier trimestre, comme l'a dit Mme Merkel lors de l'événement de presse, nous avons suffisamment de vaccin pour 9,15 millions de personnes. Cela signifie une double vaccination. Donc deux doses pour ces 9,15 millions de personnes. C'est un grand nombre. Cela couvrirait également une proportion considérable des patients à risque.

Hennig: Il faut encore tenir bon, précisément parce que vous avez dit que le mutant anglais peut être dans une fourchette à un chiffre, nous vaccinons principalement contre le type sauvage, contre le virus qui circulait jusqu'à présent, c'est toujours important.

Drosten: Oui, bien sûr, c'est tout à fait au premier plan. Mais comme je l'ai dit, je suppose fermement que la vaccination bloquera également ce mutant 1.1.7.

Hennig: Nous devons discuter brièvement d'une deuxième chose à propos de ce mutant. Nous y avons déjà fait allusion. On entend encore et encore dans les conversations avec des parents inquiets. Mais ce variant est un peu plus contagieux pour tout le monde, mais d'après tout ce que nous savons maintenant, les enfants ne sont pas affectés de manière disproportionnée par rapport aux autres groupes d’âge.

Les enfants sont-ils plus touchés par les coronavirus mutants ?

Drosten: Exactement, nous avions déjà dit cela, je pense que dans le premier podcast de la nouvelle année, et discuté de ce phénomène en détail. On a pu voir très clairement dans une grande étude de l'Imperial College que les infections par ce mutant 1.1.7 chez les enfants ont été surestimées. Nous nous sommes alors posé la question : d'où cela peut-il venir? Est-ce parce que ce virus infecte plus particulièrement les enfants ? Ou est-ce que ce virus était présent lors d’une vague d'infection parmi les étudiants à l'époque, avec le confinement partiel et les écoles ouvertes ? Et entre-temps, il a été statistiquement confirmé que cette dernière hypothèse était correcte. Ce virus n'est pas un virus affectant spécifiquement les enfants, mais à l'époque, il était surestimé chez les enfants à cause des écoles ouvertes.

Hennig: Nous pouvons également le voir à partir des données statistiques, qui sont assez bien collectées en Angleterre.

Drosten: Oui, exactement. On peut l’affirmer assez clairement maintenant. Donc, ce virus infecte plus fortement, mais il infecte plus intensément tous les âges de la même façon.

Hennig: En ce qui concerne les enfants, il y a eu récemment quelques gros titres complètement différents en Allemagne. Les pédiatres ont une fois de plus souligné les graves conséquences de la fermeture des écoles pour les enfants, en particulier ceux issus de familles avec des lacunes d’apprentissage plus graves, par exemple pour des raisons socio-économiques, mais aussi les conséquences de l'isolement pour les enfants en général. Et théoriquement, je perçois aussi un tel consensus éthique que l'éducation doit avoir la priorité. Dans quelle mesure cela est effectivement soutenu dans la pratique par l’évolution dse mesures alors que les écoles sont en grande partie fermées, cela reste à voir. Au niveau régional, les ouvertures d'écoles sont déjà à nouveau examinées. Ce serait en fait une bonne occasion de regarder d'un point de vue scientifique, comment on peut spécifiquement contenir le processus d'infection dans les écoles, comment on devrait élaborer les scénarios d'ouverture. Nous avons souvent discuté du sujet des enfants dans les podcasts. Il y a maintenant un consensus sur le fait que les enfants sont impliqués dans le processus d'infection. De nombreuses études, dont nous avons également discuté à plusieurs reprises, ont ignoré le nombre de cas non déclarés ou présentaient une source d'erreur inévitable car elles se sont déroulées à des périodes de faible incidence dans la population générale. Une étude autrichienne a récemment fourni un peu plus d'indices. Nous n'en avons même pas discuté ici dans nos podcasts. Les enfants jusqu'à la huitième année ont été examinés avec un test de gargarisme. A deux reprises, à quelques semaines d'intervalle. À votre avis, les résultats sont-ils un peu plus proches de la réalité que de nombreuses autres études ?

Incidence des infections dans les écoles

Drosten: C'est une étude importante qui a été réalisée en Autriche. Maintenant, oui, vous avez commencé exactement comme il se doit. C’est un lourd fardeau pour les enfants. Bien sûr, il faut regarder très attentivement les éléments du problème, avec l'activité infectieuse dans les écoles. En ce moment, je dirais que nous voyons deux tendances dans l'argumentation publique. C'est très clair : ce que les pédiatres disent, par exemple, ce qu'ils voient et savent de leur expérience professionnelle et où ils soulignent ce qui est tout à fait correct, c'est que bien sûr, les enfants doivent retourner à l'école dès que possible. Nous ne voulons même remettre ceci en question. C'est tout à fait exact et cela doit être une priorité absolue. Je pense que le plus important pour nous dans ce contexte et peut-être surtout pour moi ainsi que d’autres, avec une expérience professionnelle différente des pédiatres, à savoir les virologues, qui regardent donc les données épidémiologiques et virologiques, est de savoir comment aborder cette vérité. Et toutes les deux ou trois semaines, une nouvelle information vient s’ajouter.Pour le moment, nous avons deux deux types d’argumentation dans le public et aussi entre experts. Une liargumentation est la suivante: en rassemblant toutes les études, et en les analysant, les enfants ne sont pas fortement infectés et il n’y a pas beaucoup d'enfants infectés. Dans la littérature scientifique, on trouve deux types d’argumentations. L'un est le travail original et l'autre est la revue, qui rassemble tous les travaux originaux eten fait une évaluation complète. Ces évaluations conjointes sont généralement publiées officiellement avant les vacances d'automne. De plus, dans ces revues tout est plus consolidé scientifiquement et donc le niveau des connaissances le plus consensuel est ce qui était connu avant la pause d'automne. Maintenant, au niveau de l'étude d'origine, nous avons la possibilité de regarder un peu plus loin. Ces études originales comportent deux catégories, d’une part les articles scientifiques, et d’autre part, les très bonnes données de reporting. Ces très bonnes données rapportées sont les données du National Statistics Office en Angleterre sur la population adulte. Pendant les vacances, les gens se mêlent d’avantage les uns aux autres dire - et on voit que rapidement après les vacances, les étudiants ont le même taux d'infection que le reste de la population. Ce sont des examens très bien faits que nous n'avons pas dans les rapports classiques. C'est une conclusion issue de la combinaison d'une étude scientifique bien établie, d’une part et d'une enquête, d’autre part, comme le rappellent les responsables britanniques.

Hennig: Surveillance générale, donc.

Étude scolaire d'Autriche

Drosten: Exactement. Et maintenant, nous avons également une nouvelle étude venant d'Autriche, qui a été publiée sous forme de preprint il y a quelques semaines. Et cela montre quelque chose de très similaire, une tendance très similaire. À savoir qu’après les vacances d'automne, il est devenu très clair que le virus s’est multiplié dans les écoles lorsque les écoles se sont ouvertes. Et que sinon, les étudiants ont le même niveau d'infection que le reste de la population. Des échantillons ont été prélevés à deux reprises en Autriche. L'objectif à l'époque était d'échantillonner 250 écoles, de sélectionner au hasard 60 élèves par école et également de sélectionner au hasard dix pour cent d'enseignants. Ils ont presqu’atteint cet objectif au premier tour. Au deuxième tour, il y en avait un peu moins de données collectées.

Simplement parce qu'il a été alors décidé en Autriche que la majorité des niveaux scolaires devaient malheureusement être fermés parce que les rapports officiels montraient qu'il y avait un haut taux d’infection et que la valeur R n'avait pas baissé suffisamment à ce moment-là. L’échantillonnage est donc restreint. Mais quand même, les chiffres sont suffisamment importants pour être comparés. 245 écoles ont été incluses dans le premier tour, soit un total de plus de 10 000, près de 11 000 participants. Le premier tour s'est déroulé de la fin septembre au 22 octobre. Au deuxième tour, l'échantillonnage a eu lieu du 10 au 16 novembre. L'étude a dû être arrêtée après la collecte de données de 3745 participants en raison du confinement à venir. Néanmoins, les chiffres sont clairs et significatifs, au premier tour une prévalence momentanée mesurée par PCR d'environ 0,4 pour cent et au second tour de 1,42 pour cent.

Hennig: Donc plus que triplé en un mois.

Drosten: Exactement. Cela correspond à peu près à l'observation qui a été faite en Angleterre et qui conclut simplement la même chose: le virus se multiplie dans les écoles parce qu’elles sont ouvertes. Si vous laissez les écoles ouvertes alors que d'autres parties, en particulier la vie de loisirs des adultes, sont fermées, alors après un certain temps, vous avez une fréquence d'infection significativement plus élevée chez les écoliers. C'est juste quelque chose qui devrait être considéré de manière neutre et peu critique. Dans le passé, on a souvent entendu un argument quelque peu trompeur qui allait toujours dans le même sens: vous pouvez ouvrir les écoles en toute sécurité car il n'y a pratiquement pas d'infections là-bas de toute façon. Au fil des mois, nous avons discuté encore et encore pourquoi on peut aussi penser que ces études présentent des faiblesses évidentes et que certains tests ont été effectués à des moments et à des endroits, avec des fréquences où le virus ne pouvait pas être trouvé correctement et où il fallait aussi s'attendre à des erreurs pour d’autres raisons. Il est tout à fait normal en science que de telles études soient menées et que l'on discute de leur signification.

Ce qui n’est pas normal, c’est comment on utilisait les résultats de ces études, à la fois dans le domaine de la science, mais aussi en dehors de la communauté scientifique, en particulier en politique. On l'a entendu maintes et maintes fois dans la sphère politique : les écoles ou les enfants ne sont pas les moteurs de la pandémie.

Hennig: Un éducateur intelligent a récemment écrit sur Twitter que cela aurait en fait été la mauvaise déclaration de l'année pour lui, car cela a rendu la discussion difficile et donc un débat constructif sur ce qui peut être fait pour les enfants dans les écoles, a été rendu impossible.

Drosten: Je pense que cette façon de parler a certainement empêché de percevoir l’urgence du problème à certains endroits alors que tout cela aurait du être abordé avec une grande urgence, de manière résolue et avec un certain pragmatisme. Cela n'a pas été fait, en partie à cause de cette déclaration, à savoir que quelqu'un soit moteur ou non-moteur de la pandémie. Je pense que nous devons réexaminer cela à partir d'une compréhension épidémiologique de ce qui se cache réellement derrière ces termes.
Terme insensé "moteur de la pandémie"

Hennig: Qu'est-ce que cela signifie ? On peut l'examiner dans d'autres contextes et se demander si ce concept de moteurs de la pandémie a réellement un sens

Drosten: Eh bien, cela existe déjà. J'ai un peu l'impression que certaines personnes qui se disputent sur le plan épidémiologique peuvent avoir en tête des exemples d'épidémiologie qui traitent essentiellement de la façon de considérer la grippe. Donc, en ce qui concerne la grippe, nous avons à la fois la grippe saisonnière, l'épidémie de grippe, qui peut survenir de temps en temps sous forme d’une vague plus grave de grippe saisonnière. Et nous avons la grippe pandémique, qui se présente comme un nouveau virus et affecte ensuite les adultes, toute la population très fortement et se propage comme le virus que nous avons maintenant, ce virus du SRAS. La vraie question est: est-ce vraiment la même chose ? Avec la grippe saisonnière, l'effet est très clair. Avec la grippe saisonnière, nous, adultes et enfants d'un certain âge, avons tous été en contact avec le virus et avons une certaine immunité. Mais les petits enfants ne l’ont pas. C'est pourquoi le virus se répand vraiment chez les jeunes enfants. Il existe de nombreux cas parce qu'ils sont naïfs sur le plan immunologique. Ils sont le créneau de la population où le virus peut se multiplier. De là, il se propage encore et encore dans les années adultes. En ce sens, les enfants sont les moteurs de ce qui se passe avec la grippe saisonnière. Les écoles aussi, si vous voulez, en tant que situation sociale, sont des moteurs de ce qui se passe. De nombreux modes de pensée dans la planification d'une pandémie proviennent de la grippe. J'ai le sentiment qu'il n'y a même pas de réelle distinction entre la grippe saisonnière et pandémique.

Mais même avec la grippe pandémique, qui est parfois oubliée, surtout dans le domaine épidémiologique, j'ai le sentiment c’est parce que l'immunologie ne s’y est pas si étroitement focalisée. Dans tous les cas, ce que j'entends parfois, en lisant un peu entre les lignes, c'est qu'on ne pensait pas que même avec une grippe pandémique, la population adulte et aussi les enfants plus âgés conservaient encore une immunité de fond en raison de leur contact antérieur avec le virus de la grippe prépandémique.

Hennig: Avec un autre variant du virus de la grippe ?

Drosten: Exactement. Lorsqu'un virus de la grippe pandémique survient, l'hémagglutinine (note personnelle : la protéine de surface H. La protéine N étant la neuraminidase), le principal antigène de surface, est pratiquement toujours différent. La protéine est échangée par réassortiment, c'est-à-dire par une nouvelle combinaison des segments du génome du virus de la grippe. Il y a cette vieille histoire avec le cochon comme "réceptacle de mélange" et la source chez les oiseaux aquatiques. Puis souvent aussi des protéines échangées entre les porcs et les humains. Les protéines virales internes, qui proviennent en fait d'un pool de gènes et qui sont souvent très similaires au virus qui a précédemment circulé dans la population humaine. Ces gènes viraux internes, qui sont presque tous des protéines structurales, sont tous présents dans la particule virale, certains d'entre eux sont également conservés dans une certaine mesure, notamment dans leurs sites de reconnaissance immunitaire, dans leurs épitopes, notamment les épitopes des lymphocytes T. On pourrait donc dire que les adultes ne sont pas complètement naïfs sur le plan immunologique par rapport à un virus d’une grippe pandémique. Il y a toujours un peu de protection résiduelle. Cela a été très clairement observé lors de la pandémie H1N1 de 2009. Nous en avons déjà discuté dans le podcast de la fin du printemps lorsque nous parlions de ce que l'on appelait à l'époque la grippe porcine (épisode 42). J'avais déjà expliqué que les personnes âgées avaient une immunité de fond très spéciale dont on ne pouvait pas vraiment se rendre compte au début. Et ce fut aussi la raison pour laquelle cette pandémie à l'époque fut si bénigne pour de la population, même si le virus semblait relativement dangereux au début.

Pour revenir à notre discussion, nous continuons d'avoir un tel déséquilibre avec la grippe, entre les enfants et les adultes pour ces raisons. Ainsi, même avec un virus de grippe pandémique,  les enfants sont plus exposés à l’infection. Même là, on pourrait presque parler d'un moteur de la grippe pandémique. Cela varie d’un virus pandémique à l’autre. Et pourtant, c'est en fait le cas classique de la lutte contre la pandémie en épidémiologie des infections. Ici, une gradation importante est réalisée. Il y a confinement, stratégie de confinement. Nous voulons empêcher le virus de se propager parmi la population en premier lieu. Nous voulons garder une trace de tous les cas. À un certain moment, les choses s’atténuent, c'est-à-dire que nous atténuons le processus d'infection par le contrôle des contacts. Nous le faisons surtout là où le taux d'infection a un impact particulièrement important. PaNous parlons des groupes à risque. Dans le cas de la grippe aussi, ce sont les personnes âgées de la population, et elles veulent être protégées. Il faut penser à quelques autres groupes à risque. Sinon, vous devez admettre que vous ne pouvez pas l'arrêter. Et qu’en fin de compte, vous devez relâcher d’avantage. J'entends parfois dans les discussions publiques que ce type de pensée est appliqué pour ce virus du SRAS-2. Je ne pense pas que ce soit correct et de toute façon, ce type de réflexion arrive un peu tard.

Preprint de l'étude autrichienne sur les écoles

Preprint de l'étude de la Charité sur les écoles

La propagation du virus est répartie de manière relativement uniforme dans la société

Nous avons maintenant de fortes indications que la sensibilité et la participation à la propagation de ce virus SRAS-2 sont beaucoup plus uniformément réparties dans la société, dans tous les groupes d'âge. Dans ce cas-ci, comme on l'imagine, tout le monde est en quelque sorte également impliqué et à cet égard, il n'est peut-être pas juste de dire que n'importe quel groupe de la population est le moteur du processus d'infection. Avec le Covid-19, les enfants ne sont pas les moteurs du processus d'infection. Ni les clients du restaurant, ni les spectateurs des opéras, ni les employés des grands bureaux. Cette liste pourrait être étendue à bien d’autres exemples. Il y a tellement d'avantages à discuter par rapport à l'un ou l'autre groupe d'intérêt. Ensuite, il y a souvent cette notion de moteur. Il était souvent utilisé pour les enfants ou l'école. Sur la base de cette considération, je crois que la comparaison avec la grippe, où l'on perçoit en fait les enfants comme les moteurs, est biaisée, et que cette discussion s’enflamme inutilement.

Hennig: Cela signifie que le terme «moteur de la pandémie», qui s'est un peu transformé en un terme combattant au cours de la discussion sur les enfants - pour faire simple - peut être un terme significatif sur le plan épidémiologique. Mais seulement si l'immunité de fond est inégalement répartie. Et ce n'est tout simplement pas le cas avec le coronavirus, car tout le monde est immunologiquement naïf par rapport à ce virus.

Immunisation de fond

Drosten: Oui, c'est à ça que ça ressemble. En fait, on dirait un peu que les adultes sont un peu plus réceptifs que les plus jeunes enfants. Selon la lecture des données, on peut dire que l'école primaire et la garderie ou simplement la garderie sont un peu moins réceptives que les adultes. Cela peut être déduit de certaines études, mais pas d'autres. Mais là, on peut en discuter en détail. Le fait est que ce serait donc plutôt l'inverse qu'avec la grippe pandémique, où vous vous attendez à ce que les enfants soient les premiers porteurs et devoir les surveiller séparemment. Je pense que la bonne façon de voir ce processus de transfert est plutôt de regarder quel genre de contributions quantitatives nous avons réellement. Donc, quelle est la proportion de chaque groupe de la population et à quelle part de la valeur de R ce groupe contribue-t-il alors ? Il faut inspecter ça attentivement. Alors prenons tous les enfants ensemble, cela représente peut-être 20% de la population, donc 20% des contacts. En conséquence, nous pouvons ouvrir complètement les écoles et leur permettre de fonctionner normalement, mais en retour, si l'on veut avoir le même effet de contrôle sur l'activité infectieuse, une autre part de 20 pour cent de la population devrait être privée de contact.

Hennig: Ce serait véritablement donner la priorité à l'éducation, à proprement parler.

Drosten: Exactement. On pourrait dire cela. Mais par ailleurs, les enfants forment un groupe très uniforme. Le fonctionnement de l'école correspond à une unité définie, il y a des règles et une manière de les appréhender qui n'existe pas dans d'autres domaines de la vie adulte, sur les lieux de travail, etc.  D'où cette lutte politique, qui d'une part reconnaît combien il est important, pour des raisons de développement, pour des raisons éducatives et pour des raisons de soins, etc., d'avoir un fonctionnement scolaire ouvert et actif. D'un autre côté, il faudrait chercher ailleurs où il y a encore des lacunes. Par exemple, ce grand sujet du travail à domicile. C'est peut-être un point de vue qui devrait être clarifié pour calmer un peu le débat public. Dire au revoir à cette idée stupide selon laquelle un groupe est le moteur spécial de ce qui se passe. Inversement, si quelqu'un n'est pas le moteur, cela ne veut pas dire qu'il n'est pas à risque. Nous apportons tous la même contribution à ce problème.

Hennig: Le problème était donc considéré dans le mauvais sens : les enfants ne sont pas les moteurs de la pandémie et c’est donc un argument en faveur du fait que les écoles peuvent rester ouvertes relativement sans réserve. Pour revenir à l'étude autrichienne : il y aurait maintenant une chance de l'examiner qualitativement et de voir quelles mesures peuvent être utilisées pour permettre spécifiquement l'ouverture des écoles, ce qui peut être effectué là pour rendre l'éducation aussi accessible que possible. Il faut savoir que le prochain, le troisième cycle de cette étude devrait commencer le 8 février, lorsque les écoles autrichiennes rouvriront petit à petit puis redémarreront lentement par équipes. Le ministère autrichien de l'Education a arrêté ce cycle et l'a reporté à un mois plus tard. Du point de vue de la recherche, une période d'observation intéressante est déjà perdue. Surtout lorsque vous avez un point de départ commun avec des nombres d'infection clairs en utilisant peut-être même les mesures individuelles.

Ouvertures d'écoles en lock-out ?

Drosten: Oui, c’est à peu près cela. Lorsque vous avez une étude aussi bien faite, il serait important de regarder plus loin et d'examiner cette différence. Si vous ouvrez à nouveau les écoles, regardez et confirmez après le même temps d’attente, que la fréquence de l'infection est probablement la même que dans le reste de la population. Pour cela, vous avez besoin de cette contre-preuve, de cette confirmation, de ce contrôle. Et ainsi savoir combien de temps il faut pour que la fréquence de l'infection redevienne indépendante et se dissocie de ce qui se passe dans la vie adulte, où vous avez alors d'autres conditions dues au maintien du confinement. D'un point de vue scientifique, on peut dire que c'est dommage de ne pas posséder cette information.

D'un point de vue politique, il faut se demander comment on peut en quelque sorte compenser ce manque d'information, si l'on peut obtenir des données similaires d’une autre façon, si l'on décide de regarder du côté de l'Angleterre, où les données sont collectées différemment et mieux et de prendre cela comme norme. Je pense que l'essentiel est simplement qu’il faut se débarrasser de ce genre d'argument, qui a fini par être accepté, que les enfants doivent être écartés. Pour abandonner un peu cette idée de propagation de l’infection, il faut au contraire se convaincre que nous n'avons pas besoin d'essayer d'interpréter les données scientifiques différemment de ce qu'elles sont. Il faut dire: c'est là. Et d'autre part, il y a là une valeur très élevée, une valeur idéale, sociale très élevée, on peut presque dire un intérêt juridique très élevé. Et nous devons protéger cela. Nous devons ouvrir les écoles. Bien que nous sachions que le virus y est également transmis. C'est peut-être la meilleure approche.

Hennig: Et il faut probablement aussi faire attention à la perception que beaucoup ont au niveau local parce qu'ils ne remarquent pas les enfants asymptomatiques et concluent qu’il n'y a jamais eu de cas dans leur école, et se référer un peu plus aux données.

Drosten: Peut-être puis-je ajouter une fois de plus que la Charité a également fait une étude scolaire qui montre essentiellement le même effet. Où vous pouvez voir qu’après le début des vacances d'automne, l'activité infectieuse augmente brusquement. C'était une enquête un peu plus petite, mais vous pouvez déjà observer qu’un ou plusieurs élèves gravement infectés viennent d’un tiers de toutes les classes. Là aussi, on a lu différentes interprétations à ce sujet dans les médias. Dans certains journaux, il était dit: "C'est super. Si peu d'étudiants sont infectés."

Hennig: J'ai vu quelque part "L'étude de la Charité apporte des preuves".

Drosten: C'est un très bon exemple de la façon dont les médias perçoivent les mêmes faits de façon totalement différente. Je pense que nous devons tous lire tout cela avec prudence. Pour être honnête, je n'aimerais pas vraiment continuer à discuter ce sujet scolaire car il y a tellement d'autres avis d’experts qui sont nécessaires maintenant. Il est donc important que les pédiatres disent s’il y a une épidémiologie des infections ou non, mais nous voyons les enfants et nous voyons comment ils souffrent. Cela a également des conséquences médicales, à la fois physiques et émotionnelles. Et en tant que médecins, nous nous intéressons au bien-être de l'enfant dans son ensemble. Les éducateurs, bien sûr, qui réfléchissent à cela de leur côté et qui peuvent également apporter d'autres solutions pour faire fonctionner l'école. À un moment donné, il faut simplement laisser le virologue de côté. Pour être honnête, ce sujet a maintenant reçu une réponse d'un point de vue épidémiologique. Je voudrais qu’on revienne sur la comparaison de la grippe sous un angle différent. Et aussi d'un aspect qui a également beaucoup été repris dans les médias après avoir cité un chiffre dans une interview dans "Spiegel" (du 22 janvier 2021), à savoir 100 000. Cela a ensuite été interprété dans les médias. Il s'agissait d'autre chose de ce que les médias décrivaient. Il s'agissait en fait d'une réflexion sur la façon dont les choses vont se passer suite au confinement, maintenant en février, puis peut-être au printemps.J'ai dit dans l'interview à l'époque: on ne peut pas se fier au fait qu'il y aura un fort effet de température. Et nous ne savons pas vraiment comment vont les vaccins. Heureusement, nous le savons maintenant un peu mieux. C'est formidable que ces chiffres soient plus médiatisés maintenant. Le ministère de la Santé a fait un résumé. Je ne sais même pas si c'est même publié. Dans tous les cas, ils sont entré dans les médias et peuvent désormais être lu partout. Nous savons donc maintenant que plus de neuf millions de personnes peuvent être vaccinées au premier trimestre. Ce premier trimestre se termine à Pâques. Le plan est en fait, j'ai lu cela aussi, ou entendu après le sommet sur la vaccination, que tous les plus de 80 ans voudront se faire vacciner. C'est à peu près ce nombre. Et bien sûr, il y a aussi le personnel médical, dont la plupart devraient être vaccinés d'ici là, en particulier le personnel hospitalier. La question est, bien sûr, de savoir ce qui se passerait si, dans un débat social et politique, il y avait une forte demande de mettre fin aux mesures de distanciation dès alors et, en principe, j’imagine, de déclarer cette pandémie terminée.

Hennig: Lâcher prise donc.

Drosten: Oui, lâcher prise, exactement. Que se passerait-il alors ? À quoi devrions-nous être préparés ? Et c'est de là que vient ce nombre. A l'époque, j'ai dit: si vous savez qu'en ce moment, pendant la vague hivernale en Angleterre, avec une population d'environ 60 millions d'habitants, entre 60 000 et 70 000 cas par jour se sont produits, il est très facile d'avoir un nombre nettement plus important en Allemagne, qui peut être de l'ordre de 100 000.

Hennig: nouvelles infections par jour.

Drosten: Oui. Dans l'état actuel des choses, quand vous parlez de chiffres, ce chiffre est dans le titre. Et puis il est écrit : "Drosten met en garde - 100 000 infections par jour en mai". Ce n'est pas dans le but d’arriver à ce genre de propos que vous tenez une telle interview. Le but est de concevoir un scénario, puis, étant donné un tel scénario, de considérer quelles options il existe et quelles sont les attentes pour l'avenir.

Vaccinations pour les enfants ?

Hennig: Lorsque nous parlons de ce scénario, de mon point de vue, nous arrivons en fait au concept d'immunité collective, dont nous avons discuté au début du podcast. On parlait juste des enfants, une fois sortis de l'école, mais il y a déjà un sujet important dont on ne parle pas vraiment beaucoup, à savoir si les enfants ne devraient pas aussi être vaccinés. Selon ce plan, pour arriver un jour à l'immunité de horde, ce sera par la vaccination de la population, aussi par des infections, mais idéalement pour la plupart par la vaccination. Nous n'avons pas encore de vaccin pour les enfants. Mais j'ai vérifié, il y a statistiquement 13,5 millions d'enfants et d'adolescents en Allemagne, c'est-à-dire jusqu'à 18 ans, c'est le dernier chiffre de l'Office fédéral de la statistique. Dès lors, il y a une énorme lacune dans ce système de vaccination s'ils ne devaient tout simplement pas être vaccinés à long terme, ou quelles en seraient les conséquences ?

Drosten: Les vaccins pour les enfants, ce n'est pas que cela a simplement été complètement oublié. L'homologation du vaccin doit bien sûr fixer des priorités et doit fonctionner dans cette situation d'urgence où l'on peut avancer le plus rapidement. Et c'est maintenant clairement les adultes qui peuvent signer le consentement eux-mêmes, parfois de manière informelle, qui sont traités en premier. En sachant également que c’est chez les adultes que la gravité de la maladie se situe. Donc, si vous regardez la liste des études de vaccins à la London School, que pouvez rechercher via le London School Vaccine Tracker, il y a 156 études d'enregistrement des vaccins répertoriées. Presque tous sont des vaccins actifs. Il n'y a pratiquement pas d'autres concepts impliqués de ce que nous appelons maintenant un vaccin. Et de ces nombreuses études, il n'y en a qu'un petit nombre qui sont même menées sur des enfants. Je l'ai écrit. Nous en avons trois de fabricants renommés. A savoir BioNTech, puis le vaccin ChAdOx, c'est-à-dire le vaccin AstraZeneca et ensuite Moderna. En effet, ces vaccins sont actuellement également étudiés dans des cohortes pédiatriques.

Hennig: Mais d'abord à partir de douze ans, non ?

Drosten: C'est vrai, chez BioNTech et Moderna, c'est à partir de douze ans. Et avec le vaccin ChAdOx, dans une étude, c'est apparemment déjà à partir de cinq ans. Dans tous les cas, ces études se déroulent en été ou en automne. Ils pourraient s'arrêter un peu plus tôt si des effets forts et visibles sont observés. Je ne peux pas du tout juger de la situation. Je n'ai vu aucune donnée sur ces études. Compte tenu de celà, il faut être clair : si vous disposez de telles données en été, vous pouvez vous attendre à ce que l’approbation ait lieu à l’automne et que vous puissiez ensuite vacciner les enfants. Nous ne pouvons qu'espérer cela. Si les enfants doivent être vaccinés, il y aura certainement à nouveau un débat séparé sur le sujet. Je ne veux rien en dire pour le moment. Je voudrais plutôt souligner qu’il faut aussi s’attendre à ce qu’un grand nombre d’enfants soient infectés, comme on peut s’y attendre également dans d’autres groupes d’âge, en l’absence de vaccin. Soit dit en passant, pour terminer très brièvement, il existe d'autres études sur les vaccins chez les enfants. Je compte cinq autres études ici, toutes sauf une avec des vaccins chinois. Celui qui fait exception est un vaccin du Vietnam. Ce sont certainement tous des vaccins qui seront hors de question pour nous, pour notre région. Mais il y a ces trois études et la première d'entre elles sera probablement prête cet été. Avant cela, vous n'aurez tout simplement pas de vaccins approuvés avant l'automne. Toni Fauci a expliqué que les enfants aux États-Unis seront vaccinés plus tôt. Je ne sais pas ce qu'il entend par là. Il est peut-être celui qui connaît le mieux les données d'étude. Je ne sais pas ce que signifie sa déclaration. Mais il est beaucoup plus réfléchi que moi par rapport aux Etats-Unis.

Hennig: Mais il faut encore revoir les arguments pour ou contre la vaccination des enfants. Même si vous avez dit que vous ne voulez pas entrer dans le détail de la discussion sur les enfants ici. Il y a un argument souvent répété selon lequel les enfants sont en fait à peine affectés. En règle générale, ils ne tombent malades que légèrement, voire pas du tout. Et nous ne savons même pas exactement quel est l'effet des vaccinations que nous avons jusqu'à présent, si le virus continuera à être transmis ou pas. Il y a le concept d'immunité stérilisante. L'infection n'est donc plus possible. Et jusqu'à présent, nous n'avons que des données d'expérimentation animale sur la contagion après vaccination. Mais il n'y a toujours pas de données concrètes sur la question de savoir si, par exemple, un enfant était vacciné, il pourrait encore être infecté mais asymptomatique et transporter le virus chez ses parents. Qu’en pensez-vous ? Existe-t-il des résultats ? Ou pensez-vous à partir de votre intuition de virologue que nous sommes dans une zone grise ? Pouvez-vous nous expliquer s'il existe un lien entre l'immunité stérilisante et la transmission absolue que nous, profanes, pouvions comprendre ?

Infection et transmission non détectées du coronavirus

Drosten: En effet, il faut peser beaucoup de choses. Cette considération fait certainement partie du processus de réalisation de l'immunité stérile. C'est quelque chose qui est présenté un peu noir ou blanc dans le débat public. L'un dit que nous devons vacciner, puis l'autre dit, mais nous ne savons même pas si cette vaccination réduira du tout la transmission. Et avec les enfants, tout est question de transmission. Sinon, ils n'ont aucun avantage à la vaccination. Ainsi, les enfants ne seraient pratiquement vaccinés que pour protéger les adultes. Tout cela n'est pas entièrement correct. C'est tout simplement trop grossier en termes d'uniformité de la présentation. Tout d'abord, les enfants peuvent aussi subir des complications. Et il y a aussi des patients à haut risque parmi les enfants. De nombreux enfants courent un risque évident et ne doivent surtout pas être infectés par ce virus.

Mais il faut préciser un point positif à ce sujet, à savoir que les pédiatres sont autorisés à vacciner ces enfants avec un vaccin pour adultes. Ce n'est donc pas qu'un pédiatre ne peut en aucun cas donner un vaccin approuvé pour un adulte à l'enfant. Un enfant à risque recevra un vaccin. Mais la question est de savoir si vous pouvez travailler sur des enfants dans le cadre d'un permis régulier. Maintenant, on pense souvent que cela ne vaut pas la peine de permettre cela pour les enfants. Ils n'en bénéficient pas. C'est un fait. Nous ne savons donc même pas à quoi nous attendre si tous les enfants en Allemagne devaient être tous infectés en peu de temps. Je pense que c'est une situation dont personne ne veut et dont personne ne veut répondre. C'est pourquoi il est impératif de poursuivre cette possibilité de vaccination des enfants, également bien sûr en raison des complications qui peuvent survenir, qui sont rares, mais qui existent. Par exemple, il existe ce syndrome inflammatoire multi-systémique bien connu chez les enfants.

Hennig: C'est similaire au syndrome de Kawasaki ?

Drosten: Exactement, nous avons déjà discuté de tout cela dans le passé (épisode 41). Mais ce n'est pas le syndrome de Kawasaki. Cela se produit dans une tranche d'âge différente. Ce sont des enfants d'un âge différent. Ils ont environ sept ans, cela semble être le pic de fréquence, si je me souviens bien. Et il y a d'autres choses. Bien sûr, les enfants ont aussi des symptômes. Et bien sûr, nous ne savons même pas exactement à quoi on peut s'attendre si on examinait beaucoup de cas d'enfants. Mais oublions cela. En principe, il y aura aussi de nombreux parents qui voudront tout simplement que leurs enfants soient vaccinés.

Hennig: Ou les enfants eux-mêmes.

Drosten: Bien sûr, surtout quand on pense aux scénarios pour l'automne, lorsque les adultes seront largement vaccinés et que les enfants ne seront pas encore vaccinés, alors à ce moment, bien sûr, il y aura un beaucoup d'infections exclusivement chez les enfants. Alors peut-être que ce terme de moteur sera utilisé à nouveau. Mais il est certain qu’il faut garder un œil sur les enfants en tant que sources d'infection, également socialement. La question est donc là de savoir si la vaccination fait-elle réellement quelque chose. Donc le concept d'immunité stérile. L'immunité stérile doit d'abord être expliquée, elle vient avec des vaccins qui ont une très forte réponse en anticorps neutralisants.

Immunité stérile

Hennig: Pour la rougeole et les oreillons, par exemple.

Drosten: Ce seraient des exemples. On pourrait également donner d'autres exemples qui ont également une réponse par anticorps neutralisants très forte ou une réponse lymphocytaire T très forte. Prenez la fièvre jaune, par exemple. Vous ne mesurez même pas les anticorps neutralisants car leur niveau est très faible. Néanmoins, c'est presque un dogme que, même s’il vous faut actualiser cette vaccination tous les dix ans, en fait vous ne contracterez plus cette maladie et ne pourrez plus la transmettre très, très longtemps, probablement à vie après une vaccination contre la fièvre jaune. Mais le mécanisme de transmission est également beaucoup plus compliqué. Le virus pénètre dans le sang et est transmis par les moustiques, de sorte qu'il est difficile de le transmettre. Mais il est également vrai qu'une personne qui a été vaccinée avec succès n'a même pas un peu de virus dans le sang après avoir été piquée par un moustique.

Mais le Covid-19, c'est une maladie complètement différente. Et parce que cela passe par les voies respiratoires, parce que c'est une immunité muqueuse qui joue un rôle ici, il est presque inutile de penser que nous pouvons obtenir une immunité stérile comme pour la fièvre jaune. Il sera toujours vrai qu'une personne qui a été vaccinée peut encore avoir une réplication du virus sur les muqueuses. La seule question est : qu'est-ce que cela signifie réellement ? Maintenant, dans les études de vaccination, et une partie de cela a déjà été fait, mais pas encore assez bien évalué, vous pouvez mesurer le virus chez ceux qui ont été infectés malgré leur vaccination, et vous pouvez parfois voir que l'ARN viral peut être détecté. Dans certaines expériences sur les animaux, où vous faites cela en parallèle, vous pouvez voir que vous ne pouvez pas isoler autant de virus vivants en laboratoire. On pourrait l'expliquer par exemple par le fait que le virus est là sur les muqueuses, mais il y a aussi des anticorps dans les muqueuses et ils gèlent le virus dès que le virus émerge de la muqueuse. Le virus peut alors être détecté dans un test de laboratoire, mais il ne serait alors plus infectieux car les anticorps le protègent. Ce n’est qu’une simple considération. Vous m'avez interrogé sur mon instinct en tant que virologue. Je peux vous dire une chose à ce sujet. Mon intuition en tant que virologue est que la vaccination empêchera le virus de se propager. Même si cela peut encore être détecté en laboratoire, une personne vaccinée transmettra certainement de moins en moins le virus, même si cela variera certainement d'un vaccin à l'autre.

Hennig: C’est en effet loin d’être le cas que cette immunité stérile ou stérilisante existe pour tous les vaccins. N'est-ce pas la même chose avec la coqueluche et la grippe ?

Drosten: Il existe de nombreuses maladies virales où ce n'est pas le cas. Pas avec la grippe de toute façon. L'une des maladies virales les plus connues, la polio, la poliomyélite, c'est un excellent vaccin, vous pouvez l'administrer par vaccination orale. C’est un vaccin vivant, après quoi les enfants sont tout sauf totalement immunisés à vie si vous regardez simplement la réplication du virus. Mais là encore, si vous avez même un tout petit peu d'anticorps dans votre sang, vous ne risquerez plus cette évolution difficile. Vous pouvez donc citer de nombreux exemples où les meilleurs vaccins que vous avez semblent présenter une telle lacune. Mais ce n'est souvent pas du tout un argument légitime. Dans le cas de la polio, par souci d'exhaustivité, il est vrai que les enfants qui sont infectés dans l'intestin peuvent même continuer à excréter et transmettre le virus de manière infectieuse. C'est quelque chose dont on profite en fait. Cela s'applique même au vaccin vivant. Le virus vaccinal est transmis à d'autres enfants à proximité et vous obtenez un effet de vaccination environnementale, ce qui est particulièrement important lorsque ce virus est éradiqué dans les zones rurales d'Afrique ou dans d'autres zones où il est difficile d'atteindre chaque enfant. C’est tout à fait souhaitable.

Hennig: Actuellement, la question se pose de savoir ce qui va se passer une fois vacciné. Nous savons si quelqu’un est vacciné, mais nous ne savons pas s’il faut encore se protéger des personnes vaccinées. On se pose aussi souvent la question de savoir si quelqu'un dans le ménage est vacciné et d'autres non, et surtout l’inquiétude est grande avec un couple plus âgé, s’il faut craindre ou non de continuer à infecter les membres de ma famille. Ce n'est pas réaliste. Je ne porterai pas de masque tout le temps à la maison. En principe, cela donne aux gens si peu d’assurance que c’est encore un peu comme un confinement, même en situation familiale.

Drosten: Oui, je pense que oui. C’est une autre question de service.

Hennig: Je sais que vous ne les aimez pas.

Perspectives grâce aux vaccins

Drosten: C'est vrai. Je crois aussi qu'en tant que personne vaccinée, vous pouvez être relativement rassurée que si vous deviez être infecté malgré la vaccination, vous n’êtes plus susceptible d’infecter l'environnement et d'agir comme porteur sain. Mais peut-être que j'insisterais aussi sur d'autres choses, si nous voulons parler de ce sujet de vaccination ici et aussi des perspectives futures. C'est simplement la question de savoir comment les choses vont se passer maintenant. Je dois dire que je suis très agréablement surpris par les chiffres qui sont maintenant publiés. Ils ont certainement aussi fait des extrapolations. Ce sont toutes des estimations et cela dépend de beaucoup de choses, de nombreux facteurs d'influence. Personne ne peut dire pour le moment quels problèmes logistiques le secteur de la vaccination rencontrera en cours de route. Certains lots de production dans les installations de production ne sont peut-être tout simplement pas bons. Vous rencontrez toujours de telles choses dans la production de vaccins. Mais les choses sont assez encourageantes. La situation est bien meilleure que je ne le pensais il y a quelques jours. Parce que la situation globale avec cette disponibilité de vaccin évolue très rapidement, malgré qu’à plusieurs reprises, des discussions publiques soient assez critiques. Quand vous voyez les chiffres se rapprocher des niveaux espérés, vous devez vous dire en principe que c'est en fait ainsi que cela a toujours été communiqué au niveau politique. Au début, il y a peu et ensuite cela augmente rapidement si bien que nous ne sommes en rien à la traîne

Bien sûr, les médias citent parfois aussi qu'un certain petit pays a déjà vacciné autant de pourcents de sa population. AloAinsi, non seulement Israël, mais aussi d'autres pays sont comparés. Mais parfois, on a tendance à oublier que la disponibilité du vaccin ne peut pas simplement être augmentée à volonté. Et les pays qui n'ont qu'une très petite population ont tout simplement l’avantage que le taux de vaccination en pourcentage s’élève beaucoup plus rapidement. Mais ne vous laissez pas tromper. Ici, en Allemagne, la question est de savoir à quoi pouvons-nous nous attendre. Je pense qu’un moment où vous pourrez vous rendre compte que quelque chose commence à changer, c’est vers le printemps. Je veux en fait dire deux choses. D’abord que je suis agréablement surpris et que les opportunités offertes par les livraisons de vaccins en perspective sont tout simplement formidables. Vous pouvez commencer à calculer. Si nous considérons les chiffres du deuxième trimestre sur la base des vaccins qui ont déjà été approuvés, il existe apparemment des contrats pour la livraison de près de 55 millions de doses de vaccin au deuxième trimestre. Vous devez l’administrer deux fois. Donc, c’est environ 27 millions de personnes qui peuvent être vaccinées. Mais il y a aussi des livraisons d'entreprises qui ne sont pas encore approuvées pour le moment. Il y a même une entreprise dont le vaccin fournira une protection vaccinale avec une seule dose.

Hennig: Johnson & Johnson.

Drosten: C’est cela, Johnson & Johnson. Il y a plus de dix millions de doses sur la liste. C'est un chiffre énorme en soi. Ensuite, il y a évidemment des contrats d'approvisionnement supplémentaires avec BioNTech et ainsi de suite. Vous pouvez donc additionner ces chiffres, de sorte que les doubles vaccins seraient de 67 millions. Cela divisé par deux serait de 33,5 millions de vaccinés au deuxième trimestre. Plus dix millions de Johnson et Johnson supplémentaires, vous seriez alors 43,6 millions vaccinés. Autrement dit, si vous ajoutez 9,15 millions aux doses déjà disponibles au premier trimestre, vous avez plus de 50 millions de personnes qui devraient théoriquement être vaccinées au deuxième trimestre. Maintenant, il faut être clair : nous avons de l’ordre de 83 millions d'habitants en Allemagne, mais les réseaux de contacts entre ces 83 millions ne sont pas toujours ouverts. Et s’il n'y a pas d'effet soudain d'immunité collective, ce n'est pas non plus un effet tout ou rien.

Hennig: Ne faut-il pas atteindre 66 ou 70%, pour que soudainement les chiffres diminuent ?

Drosten: Oui. C'est en effet ainsi - vous pouvez le voir ces jours-ci - il y a des données de départ très précoces d'Israël qui n'ont pas encore vraiment été publiées. Mais ils ont déjà été rassemblés par des scientifiques et sont déjà diffusés sur les ressources des médias sociaux et sur les sites Web, où vous avez l'impression que si environ 50% d'un groupe d'âge est déjà vacciné, il est surprenant de constater que même si ce n’est qu’un seul groupe qui a reçu deux doses complètes, le taux d'hospitalisation dans ce groupe d'âge diminue - par rapport à d'autres groupes d'âge qui n'ont pas ce taux de vaccination élevé. C'est extrêmement encourageant. Parce qu'il ne s'agit pas simplement d'un comptage des infections par PCR, c'est-à-dire pas de zones grises, de sous-déclarations de diagnostics. Mais les admissions à l'hôpital, qui sont des données objectives, car vous n'oubliez pas de compter les admissions. Il est absolument encourageant de voir que la moitié d'une tranche d'âge vaccinée contribue déjà à cet effet. On a donc vacciné la moitié de ce groupe, puis on voit moins d'hospitalisations dans le groupe. C'est génial. Je ne veux pas entrer dans plus de détail car l’étude n'a pas encore été publiée de façon scientifiquement rigoureuse. Mais cela me semble plausible. Et bien sûr, il faut ajouter que cela s’effectue en même temps que des mesures de distanciation sont encore d’application. Ce n'est pas que cela signifie qu’alors, il ne faut plus aucune mesure de confinement. C'est ce que je veux dire, ce n'est pas du noir ou du blanc, mais d'un côté ça devient un peu plus gris clair et de l'autre ça devient un peu plus gris foncé. De cette manière, ces effets compensent le fait que c’est soit la vaccination soit les mesures de réduction des contacts.

Hennig: Mais en fonction de l'incidence, vous pouvez voir, je suppose, dans quelle mesure ils doivent encore être particulièrement durs ou pourraient être un peu plus ciblés, comme nous l'avons déjà discuté pour les zones vertes.

Suivi des vaccins de la London School of Medicine

Mais ça ne va pas vite

Drosten: Exactement, c'est la stratégie no-covid, qui, je pense, devrait certainement être envisagée dans un proche avenir. Parce que cela ne va pas assez vite. Eh bien, j'ai dit beaucoup de choses positives jusqu’ici. Malheureusement, je dois redire certaines choses qui ne sont peut-être pas faciles à entendre. Une chose, par exemple, est l'avenir immédiat au premier trimestre, soit 9,15 millions de doses de vaccin prévues. Il faut toujours être clair qu'une dose qui doit être livrée au premier trimestre sera expédiée de l'usine et qu'elle ne se retrouvera pas au centre de vaccination ou au cabinet médical avant la deuxième voire la troisième semaine du deuxième trimestre. Tous ces chiffres sont des estimations et sont certainement de purs chiffres de commande et de livraison. Toute cette logistique incroyable qui est derrière cela et qui devient de plus en plus compliquée à mesure que nous voulons inoculer plus de monde par unité de temps, on n’en tient même pas compte ici. En fait, la complexité dans ce domaine est si élevée qu'une modélisation scientifique distincte devrait en fait être faite à ce sujet. Avec tous ces facteurs perturbateurs qui font partie du transfert de l’usine de production au patient à vacciner, c'est-à-dire la logistique, la livraison, l'arrivée effective à l'entrepôt, la coopération des cabinets médicaux. Aussi, combien de médecins internes accepteront de passer leur temps dans un centre de vaccination d'urgence et de ne faire presque que des vaccinations. C'est une tâche incroyable que nous devons affronter ensemble en peu de temps. Tout le monde doit accepter cela.

Hennig: Et les généralistes ne peuvent pas inoculer tous les vaccins car la question de la basse température est critique.

Drosten: Exact, ça aussi c’est une question qui doit encore trouver une réponse. Quelle quantité peut être inoculée dans le cabinet d'un médecin ? Comment cela peut-il changer au fil du temps avec l'approbation de nouveaux vaccins au fil du temps ? A propos des délais court et rapides, il y aura aussi des conditions de stockage différentes. À quoi cela ressemble-t-il lorsque nous incluons cela dans les scénarios ? Que peuvent réellement faire les cliniques ambulatoires spéciales des hôpitaux, où les patients à risque plus jeunes doivent rester quand ils sont en cycle d'examen par exemple. Ne peuvent-ils pas également être vaccinés ? Qu'en est-il des médecins du travail, comment sont-ils réellement inclus dans la vaccination ? Comment peut-on réellement envisager que même les pharmaciens pourraient vacciner ?  Donc, cette masse incroyable de vaccinations, qui devra ensuite s'accélérer au deuxième trimestre, doit bien entendu être d'abord mise en place pour le moment. Mais nous devons également anticiper cela dans une étude scientifique, afin que les politiciens reçoivent des scénarios avec lesquels ils peuvent planifier. Parce que l'économie demandera quand nous pourrons ouvrir des choses supplémentaires. Ce n'est donc pas seulement les écoles, c'est aussi l'économie, bien sûr. Donc c'est important, mais pour le futur proche, pour le premier trimestre, il faut malheureusement se rendre compte que si vous avez ce maximum de 9,15 millions de doses, ce seront avant tout des patients très âgés qui sont plus susceptibles de ne pas être au centre des réseaux de transmission.

Hennig: Cela signifie que l'effet ne deviendra probablement perceptible que plus tard.

Drosten: Ces dix millions de doses ne sont pas si nombreuses au début. Et puis, en grande partie, ils vont aux membres de la société qui ne sont pas forcément les grands propagateurs, mais plutôt les cibles du virus qui se trouvent au bout de la chaîne de transmission. Et pour contrôler l'activité épidémique, nous devons vacciner les propagateurs. Il se pourrait donc que nous ne voyions aucun effet de la vaccination jusqu'à Pâques. Il suffit de dire cela avec cette fermeté. Vous devez planifier en fonction de cela et de toute l’infrastructure pour planifier le confinement au niveau politique. Pendant combien de temps vous devrez le poursuivre et avec quelle prudence vous pourrez desserrer progressivement ce confinement. Car s'attendre à un effet de vaccination maintenant serait probablement un peu imprudent, un peu prématuré. Malheureusement, pour le moment, il faut supposer que le processus de propagation devra encore être contrôlé par le maintien des mesures de contact.

Hennig: À votre avis, quelle est l'importance des différences dans les taux d'efficacité des différents vaccins dans ce contexte ? Le profane pense souvent que 20 à 30% d’efficacité en moins, en font le pire vaccin. Et ne veulent pas de celui-là. Est-ce vraiment important dans la lutte contre les pandémies ? En principe, ce ne sont que des valeurs approximatives observées statistiquement.

Les vaccins sont tous efficaces

Drosten: Oui, je ne peux dire que des choses terre-à-terre à ce sujet, parce que je n'ai tout simplement pas les données des études d'approbation, mais aussi parce que je ne suis pas aussi bien la littérature spécifique sur ces vaccins. C'est juste au-delà de ma capacité. Je n'ai pas le temps de tout lire. La vaccination n'est pas mon sujet scientifique. C'est pourquoi je dois faire des coupes. Mais maintenant, si vous me demandez "M. Drosten, quel vaccin voulez-vous prendre lorsque vous aurez votre tour ?". De ce point de vue, je peux dire, par exemple, que ces différentes données d'efficacité concerne principalement des infections cliniquement visibles, mais cela peut aussi bien un simple mal de gorge. Ce qui nous intéresse réellement lorsque nous sommes vaccinés, c'est de savoir si nous sommes protégés contre l'évolution sévère. Et là, l'efficacité est bien, bien, bien meilleure. Tous ces vaccins sont totalement efficaces contre les maladies graves. C'est aussi quelque chose qui, en tant que personne ordinaire, qui n'est en aucun cas médicalement informé, vous ne le voyez jamais clairement. Vous entendez qu’un tel vaccin a une efficacité de tel pourcentage. En fin de compte, ils protègent tous très, très bien contre une évolution sévère, ce dont nous avons vraiment peur en tant que patients.

Hennig: Cela vaut également pour les vaccins qui sont déjà en cours de développement et qui, selon certains, seront probablement approuvés en Europe dans un proche avenir. Au moins, il existe déjà des données d'efficacité tirées de communiqués de presse, non encore publiées dans des études, pas même dans des études publiées antérieurement. Par exemple, nous avons mentionné Johnson & Johnson. Ils ont donné une efficacité de 85% pour le risque de tomber malade avec des symptômes sévères. Monsieur Drosten, en conclusion, je voudrais revenir sur le mot-clé d’immunité collective, car nous l'avons toujours évacué. Ceci est également discuté à maintes reprises en relation avec les mutants qui sont se déplacent. L'immunité de horde, dont nous avons discuté au tout début du podcast, est d'environ deux tiers, 66%, 70%. Mais ce n'est pas une valeur fixe ici. Ceci est mathématiquement lié à la valeur R, le nombre de reproductions, c'est-à-dire le nombre qui indique combien d'autres personnes seront infectées en moyenne par une seule personne. Et ce nombre est également influencé par les mesures, par la composition de la population, etc. Ce concept, cette valeur cible de la réalisation de l'immunité collective grâce à la vaccination, par exemple, peut-il changer avec les variants ?

Immunité de la population

Drosten: Vous pouvez calculer cela en incluant les variants. Il est vrai qu'un variant qui est 35% plus infectieux nécessite également 35% de réduction de contact en plus ou une proportion correspondante de ceux qui ont été vaccinés afin de ramener la valeur R en dessous de un. De tels calculs simples peuvent être effectués. Le problème avec ceci est que ce n'est pas aussi facile que de l'écrire sur un morceau de papier. Donc, ce calcul très simple, nous avons un R0 de trois pour un virus et le contrôle est obtenu lorsque Rt, c'est-à-dire le taux de propagation à un moment, est de un. Nous devons vacciner les deux tiers, pour qu’ils soient plus transmetteurs. C'est bien en moyenne. Mais il y a beaucoup de choses qui jouent un rôle. L'un est les réseaux de contacts et la fréquence des contacts. Imaginons les choses de cette façon, nous avons une population, ce n'est pas forcément des gens, imaginons des fourmis. Nous avons un virus de la fourmi et nous pourrions vacciner ces fourmis. Maintenant, nous avons ce tas de fourmis en désordre. Cela fait une énorme différence si nous les mélangeons tous et que les deux tiers d'entre eux sont vaccinés.

Ensuite, en moyenne, ce sera tel qu'un virus de fourmi avec un R égal à trois ne se propage plus largement. Ensuite, le nombre de fourmis infectées est relativement constant. Mais si nous divisons notre terrarium avant la vaccination et disons que nous mettons un tiers des fourmis dans une boîte dans le terrarium et les deux tiers dans l'autre boîte et maintenant nous vaccinerons ces deux tiers, alors nous verrons bien sûr que la population va être divisé sous cette séparation le tiers non vacciné devient complètement infecté et aucun d'entre eux n'est protégé. C'est l'exemple extrême d'une population non mélangée qui est simplement séparée artificiellement. La vérité dans une population se situe quelque part entre les deux. Même dans une population en moyenne bien vaccinée, il y a toujours des niches où il n'y a pas autant de personnes vaccinées et où le virus résiste. Ça fait également partie de ce phénomène d'immunité des populations. Nous voyons cela avec la rougeole, par exemple, où nous avons ces épidémies régionales encore et encore dans certaines régions d'Allemagne, même si la population allemande est en fait assez bien vaccinée.

Hennig: La bonne nouvelle à ce sujet est que nous pouvons jouer le jeu de l'immunité collective avec des mesures visant à séparer les réseaux les uns des autres.

Drosten: C'est vrai. Pour une grande part, ces mesures sont également des mesures de distanciation sociale. Il y a des domaines dans la société qui ont des propriétés de réseau fortes, malheureusement les écoles, mais aussi d'autres, de grands bureaux, etc., où l'effet de cette réduction des contacts n'est pas seulement dû au fait que chaque individu est retiré de la vie quotidienne et non plus le virus, mais aussi en interrompant certaines connexions du réseau. Nous savons précisément avec ce virus que, dans sa propriété à se propager principalement par épidémies, nous allons probablement passer sous certains seuils dans un réseau à un moment donné, en ayant alors besoin de beaucoup moins de 70% de personnes vaccinées, avec des mesures de distanciation sociales légères, puis aussi pour obtenir des effets protecteurs pour la population. Ce serait un grand espoir que, par exemple, vers la fin du deuxième trimestre, c'est-à-dire dans les mois d'été en Allemagne, quelque chose comme une immunité efficace de la population soit en place. Bien que 70% de la population n'ait pas encore été vaccinée. Tout simplement parce que ce virus se propage en grappes et à un moment donné soudainement un effet de seuil est atteint, où les connexions essentielles entre ces épidémies ne peuvent plus être cloisonnées par les réseaux de transmission.

Situation du coronavirus au Brésil

Hennig: Avec le mot-clé immunité collective, je voudrais jeter un dernier regard sur un domaine très spécial. Nous nous sommes mis d'accord sur cela pour le podcast pendant longtemps, puis l'avons reporté encore et encore parce que de nouveaux, d'autres sujets continuaient de surgir. Mais pour la compréhension de toute cette situation, je trouve très instructif pour les connaissances de base, de comprendre les mutants, la question de la fuite immunitaire, les vaccinations et la question des réinfections. Il y avait pas mal de gros titres sur Manaus, sur cette ville de l'état d'Amazonas au Brésil. On a parlé d'immunité collective atteinte et puis qu’ils ont été durement touchés par une autre vague de virus. Il y avait des rapports selon lesquels l'oxygène s'épuisait, des rapports vraiment dramatiques. Et puis il y a eu un article de "Science", également cité dans de nombreux journaux, qui postulait en fait que 70% de la population avait déjà été infectée en octobre. Et s'ils sont tous à nouveau infectés aujourd’hui, alors la conclusion de l’amateur est évidemment que cela doit être dû au nouveau variant. Comment expliquiez-vous cela ?

Drosten: Il y a de fait ce papier, qui était très douteux dès le départ. En principe, il se fonde sur de petites études qui y ont été faites auprès de la population. Cela a été fait avec des donneurs de sang, par exemple. C'est juste une partie de la population qui n'est pas nécessairement représentative. Ensuite, ils ont corrigé. Non seulement ils ont fait un test de laboratoire et ont ensuite utilisé les taux de détection des anticorps pour voir combien de personnes dans la population étaient déjà immunisés, mais ils ont également corrigé ces taux de détection. On a donc dit que le test n'avait qu'une certaine sensibilité, donc le nombre réel doit être plus élevé. Un facteur de correction doit être ajouté à cela. Mais il est également vrai que le taux d'anticorps est plus élevé chez les patients hospitalisés que dans des cas bénins, comme on s'attendrait plutôt chez les donneurs de sang.

Ensuite, il a à nouveau été corrigé. Il est également vrai que les anticorps disparaissent après un certain temps. Et ici, nous avions un temps important entre l'infection et le test de laboratoire. De plus quelqu'un qui n'a pas d'anticorps est toujours immunisé. Il y avait donc une justification pour faire valoir cet argument. Et puis un calcul de compensation a été fait qui était relativement facile à formuler. En résumé, à la fin, il a été conclu qu'avec de nombreux facteurs de correction, 76% de la population de Manaus aurait été immunisée à la fin du mois d'octobre. Il y a déjà la question de savoir comment cela doit être interprété, qu'une nouvelle vague dramatique s'est néanmoins produite au cours de l'année, c'est-à-dire en décembre. Et une explication à cela est que c'est un virus échappant aux défenses immunitaires qui circule.

Hennig: P1, la variante brésilienne.

Drosten: C’est cela. Les gens sont infectés même s'ils ont eu une infection initiale. Et bien qu'il existe une immunité de la population, cette nouvelle vague dramatique est maintenant en train d’arriver. Donc, fondamentalement, la pandémie recommence, si on regarde cela superficiellement. Le problème est qu’il n'est pas vraiment à prévoir qu'une nouvelle vague se produira dans une population qui a déjà été complètement infectée et la rendra alors très pénible. Une grosse vague de rhumes, j'aurais cru ça tout de suite. Mais il m'est difficile d'accepter une grande nouvelle vague de cas très graves comme une situation expliquée purement par évasion immunitaire. Vous devez à nouveau examiner très attentivement les données de base. Et vous demander s’il était même vrai que l'immunité collective s'était déjà développée là-bas à Manaus. Ou est-ce que l'explication du fait que l'incidence a chuté entretemps, comme par elle-même au cours de l'automne, est-elle due à autre chose ? A savoir ce que nous venons de discuter : les effets de réseau avec une immunité partielle existante. Si bien qu'en réalité l'immunité était peut-être de l'ordre de 30, 40, 50 % de la population et que les réseaux de contact ne pouvaient plus se rapprocher. Et que cette baisse apparente de l'activité infectieuse s'expliquerait plus vraisemblablement de cette façon. Et c'est un très bel exemple de ce dont nous avons discuté plus tôt, il n'y a pas de seuil d'immunité de horde qu’on puisse calculer rapidement.

Hennig: Cela signifie donc assurément que la mutation de fuite qui existe là‑bas ne doit pas nous jeter tous dans un état de panique. Nous partons maintenant de zéro avec cette infection, vue d'un point de vue universel. Je pense que le premier trimestre sera difficile. Mais vous êtes très optimiste sur tout ce qui concerne les vaccinations, notamment en Europe.

Article de Science sur l'immunité de horde à Manaus, Brésil

L'objectif demeure : réduire l'incidence

Drosten: Je ne veux pas être compris comme étant seulement optimiste. Il est vrai que je dois dire que nous ne pouvons pas espérer beaucoup de protection de la population par la vaccination pour la période allant jusqu'à Pâques, mais plutôt une protection pour les groupes à risque. Cela supprime la mortalité. Il est important d'être clair à ce sujet. Mais tout ce qui va dans le sens de la réduction de l'incidence, que nous voulons une situation No-Covid et que nous voulons aller jusqu’à ce qu'il ne reste plus rien. Ou si vous dites que cela peut être difficile en Allemagne, mais au moins que nous voulons aller assez loin pour que nous puissions tout remettre entre les mains des autorités sanitaires et qu'elles maintiennent le taux bas, je pense que c'est absolument essentiel. Il n'y a pas d’autre discussion possible pour moi. Donc, je considère toute discussion sur une occupation maximale de lit tolérable, vraiment malavisées. C'est la seule chose que je puis dire.

L'autre chose que je voudrais également dire est - malgré toute la joie que j'ai à propos de ces nouveaux chiffres de disponibilité des vaccins au deuxième trimestre – qu’on doit toujours restreindre les contacts et réaliser qu'après Pâques, nous ne pourrons pas utiliser cet effet d'immunité de la population. Et en cas de doute, le deuxième trimestre va bien sûr aussi jusqu’au dernier mois du deuxième trimestre. Nous avons un obstacle logistique majeur à surmonter, un obstacle organisationnel. Il se peut également qu'il y ait des difficultés techniques. Personne ne peut prédire cela pour le moment. Au moins une chose est claire, ce n'est certainement pas que les politiciens aient commis des échecs majeurs, mais que ce ne sont vraiment pas les bons chiffres qui ont été discutés. Et pourtant, il faut d'abord expliquer le scénario très simplement. Je peux faire ça maintenant. Mais je pense que les scientifiques doivent également modéliser ce que sera réellement la situation après Pâques, si nous allons plus loin dans les mesures de distanciation. Et ce qui peut également arriver si vous vous relâchez trop rapidement.

Grand groupe de population de 40 à 60 ans

De toute évidence, on désirera que la situation se détende après Pâques. Mais où et à quelle vitesse faut-il le considérer ? Je voudrais simplement mentionner un autre scénario afin que vous puissiez mieux comprendre pourquoi il y a une grande source de préoccupation. Revenons à notre comparaison sur la grippe. Ce que vous entendez parfois presque un peu avec désinvolture dans les discussions publiques, c’est le cliché que vous ne pouvez pas l'arrêter de toute façon, vous devez le laisser aller, à un moment donné bien sûr. Toutes ces considérations d'atténuation, je ne peux qu'être d'accord avec tout cela que d’une manière très limitée. Parce que nous ne sommes pas confrontés à la grippe ici et parce que nous avons maintenant des connaissances sur la mortalité des cas. Enfin, je voudrais mentionner un petit scénario sur un groupe de la population qui n'aurait peut-être pas encore été vacciné. Si quelque chose ne va pas aussi vite que prévu avec la vaccination, le groupe qui sera pratiquement sans protection après Pâques, ce sont les 40 à 60 ans. Nous en avons 23,6 millions d’habitants en Allemagne dans cette tranche d'âge.Maintenant, nous sommes très optimistes sur le fait que nous aurons un effet dès le début des activités de vaccination, mais aussi encore certaines mesures non pharmaceutiques, des limitations de contact, etc., que nous n'avons pas à avoir à infecter toutes ces personnes pour l’immunité de horde, jusqu'à ce que cela baisse par soi-même. Calculons que seulement la moitié, soit environ 12 millions des 40 à 60 ans, devraient être infecté. Mais vous pouvez également continuer avec des nombres approximatifs. Donc, par exemple, calculons dix pour cent de cas sévères, soit 1,2 million de personnes entre 40 et 60 ans qui seront des cas sévères dans quelques semaines ou deux ou trois mois. Cela signifie que chacun de nous a une ou deux personnes avec un cas sévère dans notre cercle d'amis. C'est un chiffre qui ne peut être pris en charge par les hôpitaux. Cela mettrait un stress absolu sur les médicaments qui ne pourraient pas être gérés. Nous aurions alors beaucoup de personnes gravement malades à la maison - dans notre cohorte d'âge, parmi les adultes qui sont au milieu de la vie. Et l'effet qui en résulterait serait la peur. Nous aurions alors les exemples devant nos yeux dans notre cercle d'amis. Les gens restreindraient alors à nouveau leur vie sociale à eux seuls, cette fois par le sentiment que nous avons peut-être un peu perdu, notamment par peur de l'infection. Et c'est peut-être quelque chose auquel, par exemple, un Clemens Fuest a fait allusion dans sa déclaration d'interview lorsqu'il dit que le virus et non les mesures nuisent à l'économie.

Hennig: 80% a-t-il dit, 80% des dégâts sont dus au virus et non aux mesures.

Drosten: Cela ne sert à aucune organisation culturelle ou restaurant si les gens ont peur, alors ils resteront à l'écart et cela pour une durée indéterminée. Et il n'est d'aucune utilité pour une entreprise industrielle si les arrêts maladie sont si drastiques qu'il n'est plus possible de planifier sérieusement les processus de production. Et même si les employés disent à un moment donné, par peur et par crainte du virus, j'ai le sentiment qu'il n'est pas correct de tout laisser ouvert ici. Et je pense que nous devons absolument éviter cette situation. Et de réaliser cela assez tôt pour dire, soyez prudent, ne relâchez pas si vite les mesures, c'est bien sûr le plus grand défi auquel sont confrontés les politiciens dans les prochaines semaines. Vous entendez déjà de certains politiciens ces déclarations très sensées : méfiez-vous du relâchement trop rapide en février. Dans certains cas, vous avez déjà entendu : méfiez-vous de l'idée que la pandémie prendra fin après Pâques. Et tout cela ne peut être répété assez souvent dans le débat public avec neutralité et sobriété et, si possible, sans émotion. C'est le grand défi en ce moment, où vous devez juste faire attention à la façon dont vous vous exprimez.

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