Vu d’Allemagne

La situation en Inde

28 avril 2021 16 h 24

Dans ce nouvel épisode du Podcast NDR Info sur le Coronavirus, le virologue Christian Drosten parle, entre autres, de la diminution des anticorps, de la dynamique pandémique et de la stratégie de vaccination.

« Annulation des priorités de vaccination », « Assouplissement des exigences pour les personnes vaccinées et convalescentes », « Mise en œuvre de mesures fédérales uniforme s » - ce sont des questions importantes qui sont actuellement négociées politiquement en Allemagne autour de la pandémie. Un regard sur l'Inde, cependant, vous rend plus tempéré. Ce qui se passe actuellement en Inde, Korinna Henning, rédactrice scientifique de NDR Info, en parle dans l'épisode 86 avec Christian Drosten, responsable de la virologie à l’hôpital de la Charité de Berlin. La diminution des anticorps et le risque de vaccination pour les femmes enceintes sont également abordés.

Drosten 86

L'audio du podcast original

Le transcrit du podcast original en allemand

Le pdf du podcast en français

Les principaux sujets de l'épisode

Korinna Hennig: Nous devons parler de l'Inde, des raisons de cette violente deuxième ou troisième vague là-bas. Mais il faut aussi regarder combien de temps les anticorps restent après une infection, peut-être aussi après la vaccination. Et ce que cela signifie en vue de l'automne et de l'hiver. Et faut aussi aborder les dernières découvertes sur la vaccination des femmes enceintes. Et le débat sur les chiffres clés qui sont réellement encore aptes à enregistrer le taux d'infection dans cette phase de la pandémie.

Commençons par l'Inde : les chiffres sont dramatiques. Environ 350 000 nouvelles infections en une seule journée ont été signalées au cours du week-end. C'était plus d'un tiers de l'incidence mondiale. Il y a des rapports déchirants des hôpitaux qui manquent d'oxygène, et aussi des crématoires. Maintenant, les gros titres parlent du double mutant indien qui en serait le responsable. C'est un peu trompeur car ce ne sont pas deux variant dangereux qui se présentent, mais parce qu’il s’agit de mutations à deux endroits dans la protéine de pointe. Il est normal qu'il y ait toujours plusieurs mutations dans les variants. Néanmoins, jetons un coup d'œil rapide à B.1.617, comme on l'appelle. Ce variant est-il surestimé quant à son importance dans la situation actuelle en Inde ?

Christian Drosten: Pour le moment, je pense que c'est surestimé dans l’importance qu’en donnent les médias. C'est un peu une réponse toute faite, comme souvent. Aujourd'hui, j'ai réécouté la radio - et en principe, c'est toujours la même histoire :  l'incidence est rapportée, ce qui bien sûr est comme toujours dépendante des tests effectués. Vous ne savez pas vraiment quel est le nombre de cas, quel est le nombre réel d'infections. Mais bien sûr, c'est très élevé. Vous avez donc une bonne idée de ce qui se passe dans la vie publique, dans la rue, dans les hôpitaux. Ensuite, on associe cela à ce variant B.1.617. Et c’est effectivement ce terme « double mutant » qui résonne toujours. On dirait que c'est le grand changement qui cause cette situation en Inde. Je ne pense pas que ce soit le cas. Il faut regarder sobrement les données épidémiologiques, les données d'étude qui sont maintenant disponibles. Il faut être clair sur une chose au préalable : la situation, la structure en Inde est très différente de celle de nombreux autres pays. Nous avions déjà des mesures de contrôle en Inde lors de la première vague. Je pense qu'ils ont relâchés les mesures assez tôt.

Et en septembre, il y a eu une première vague claire de diffusion, mais cela n'a pas eu autant d'impact parce que les gens en Inde, la population, se sont déjà souvenus des mesures de contrôle, de ce qu'il faut faire. Et maintenant, nous avons naturellement cette vague, une seconde vague pourrait-on dire. C'est en fait une troisième vague. Mais la première vague a été strictement contrôlée par des mesures d'intervention. Ensuite, nous avons un système de santé complètement différent en Inde. Notamment, le nombre de lits d'hôpitaux par habitant est dans une proportion complètement différente. C'est pourquoi nous recevons des images par les médias qui sont très effrayantes. Mais il y a bien sûr une capacité d'approvisionnement différente là-bas, beaucoup plus faible. Ensuite, nous avons une population difficile à protéger et difficile à joindre. Ce sont donc des exigences de base complètement différentes. Ensuite, il vous suffit de regarder les données. Et la grande question qui se pose naturellement est la suivante : si un variant de virus devait être tenu pour responsable d'avoir soudainement changé la donne, alors on devrait s'attendre à ce qu'on ait été proche de l'immunité de la population au préalable, que l'immunité collective a été obtenue en Inde. Cela se lit dans certains articles des médias. Et cela ne semble vraiment pas être le cas.

L'Inde loin de l'immunité collective

Hennig: C'est ce dont nous avons discuté pour le Brésil auparavant. Vous venez de le dire, il y a déjà eu des chiffres élevés en Inde. Mais maintenant, vous avez examiné de plus près la séroprévalence là-bas. Il existe des enquêtes sérologiques qui ont déjà été réalisées lors de cette vague, pour rechercher des anticorps dans la population. Quel genre de connaissances en avons-nous ? Dans quelle mesure le pays était-il contaminé au début de cette deuxième voire troisième vague ?

Drosten: Oui, nous avons maintenant un article en pré-impression disponible qui résume une enquête sérologique. Des examens des ménages y ont été effectués. Un vaste réseau d'épidémiologistes s'est organisé de telle manière que les ménages ont été sélectionnés pour être structurés géographiquement et démographiquement. Ensuite, ils ont visité ces ménages et leur ont dit : Tous ceux qui vivent ici peuvent subir un test sérologique s'ils le souhaitent. Bien sûr, beaucoup étaient d'accord. Il y a eu trois cycles de recherche de ce type à travers l'Inde. C'est donc un effort organisationnel incroyable. Cela a été fait une fois avant l'été, vers mai et juin, puis après l'été, août, septembre. C'était lors de la première vague de contamination qui est vraiment clairement visible en Inde.

Pré-impression sur la séroprévalence en Inde

Puis il y a eu un autre contrôle : en décembre et janvier, donc en principe avant le début de cette nouvelle vague d'infection. Les chiffres sont les suivants : vous avez 0,7% de séroprévalence avant l'été, donc c'est très peu. Comme je l'ai dit, des mesures de contrôle étaient en place lorsque le virus a été introduit. Puis 7,1% après l'été. Et puis en décembre, janvier, nous sommes dans la fourchette de 24,1%. C'est loin de l'immunité de horde qui se situerait aux environs de 70 pour cent. Ensuite, bien sûr, la question qui se pose est : les anticorps qui ont été mesurés sont-ils synonymes d'immunité ? Il faut préciser que, bien sûr, ils ne le sont jamais tout à fait. Les anticorps ont également leurs faiblesses dans l'interprétation de la situation. Je voudrais mentionner deux considérations particulières, pour corriger quelque peu l’analyse.

Tout d’abord, les anticorps diminuent généralement un peu avec le temps. Cela signifie que la prévalence présumée doit être corrigée un peu à la hausse, mais pas beaucoup. Il existe des données qui suggèrent que 90% de toutes les personnes infectées devraient encore avoir des anticorps IgG, c'est-à-dire le principal type d’anticorps dans le sérum, après un an. Par conséquent, vous devez corriger cela légèrement. Mais certainement pas d’avantage que de passer de 24 à 30 pour cent, ce qui serait la limite supérieure absolue des corrections à apporter. Nous en avions discuté à l'époque, lors du seul test majeur de séroprévalence pour Manaus, et dans ce cas, cela a probablement été beaucoup trop corrigé à la hausse.

Hennig: Au Brésil.

Drosten: C’est cela. Cette vague de décembre, janvier à Manaus, qui n'était certes pas due à l'immunité collective, et pourtant là aussi l'idée d'immunité collective a été probablement exagérée et prématurée. Cela n'existait tout simplement pas encore. Et nous voici maintenant en décembre, janvier dans une fourchette de peut-être 25 ou 30 pour cent.

Hennig: Cela peut-il être dû aussi aux bidonvilles urbains qui existent au Brésil et en Inde et qui sont encore plus difficiles à protéger ?

Drosten: Exactement. Le fait d’avoir des effets sur la densité de population est naturellement inévitable. À la campagne, les gens ne se rencontrent pas aussi souvent que dans une zone très densément peuplée d'une grande ville avec une mauvaise hygiène. Les auteurs l'ont également divisé en zones rurales, puis en zones urbaines normales, puis en zones réellement pauvres, les bidonvilles. C'est ainsi qu'ils trouvent un gradient de séroprévalence. Cela signifie 21,4% dans les zones rurales et 29,4% dans les zones urbaines. Et dans les zones pauvres 34,6 pour cent. Il y a donc une augmentation. Mais même dans les zones pauvres, dans les zones très, très densément peuplées avec de mauvaises conditions d'hygiène, on ne peut même pas dire que l'on y serait déjà proche de l'immunité collective. Ce n'est tout simplement pas encore le cas.

Hennig: L'Inde a également envoyé des équipes dans les bidonvilles dans la première vague ou au tout début, quand il y avait aussi un confinement. Il a eu des mesures prises à l'époque. Mais celles-ci peuvent ne plus avoir lieu aujourd'hui.

Évasion immunitaire du variant indien B.1.617

Drosten: Lors de la première vague, les Indiens avaient très peur des effets de ce virus après avoir vu comment il se propageait à Wuhan. Et bien sûr, Ils ont alors pris des mesures relativement drastiques à l'époque, qui, cependant, ne pouvaient plus être maintenues économiquement et qui ne pouvaient même pas être soutenues dans certaines parties du pays. Mais nous nous souvenons des images dans les médias de travailleurs migrants qui ont ensuite dû rentrer dans leurs villages d'origine sans aucune protection ni aide, dont certains ont ensuite marché pendant des jours pour rentrer chez eux. Parce que là où ils travaillent, dans les grandes villes, ils ne pouvaient plus rester et n'étaient plus tolérés.

Il y avait de mauvaises conditions sociales. Qu’ils ne pouvaient plus endurer. Je voudrais toutefois répéter que ce n’est pas complètement faux, ces rapports entre effets et variants. Le variant 617, par exemple, a des caractéristiques d’immunescape. C'est évident. Que veut dire un double mutant ?  Il y a un échange en position 484, qui est l'un des principaux domaines de liaison aux récepteurs. Il y a une glutamine intégrée au lieu d'une lysine. Et Nous connaissons cet échange glutamate-lysine avec le mutant d'Afrique du Sud. Et aussi avec le variant P1 du Brésil.

Hennig: C’est la mutation E484K.

Drosten: C’est cela. Et ici, c'est E484Q. Nous ne savons pas vraiment ce que signifie cette différence. Mais c'est un site Immunescape de ce virus. Et puis nous en avons une autre. C'est la leucine en 452 échangée contre une arginine. Nous savons qu'elle existe dans un autre variant qui montre également un léger Immunescape. C'est un variant qui s'est produit en Californie. Maintenant c'est comme ça encore une fois, on ne peut pas nier qu'il existe probablement un immunescape. Mais encore, cette combinaison n'est certainement pas si unique. Nous avons donc d'autres variants qui présentent encore plus de caractéristiques Immunescape. On ne peut pas dire à propos de ce virus ici en Inde que c'est quelque chose de très spécial.

Et nous avons aussi une autre position, c'est-à-dire l'échange de P681R, à nouveau l'échange vers l'arginine, ici d’une proline vers une arginine. Il y a un autre échange au même point dans la variante B.1.1.7 décrite pour la première fois en Angleterre. Il s'agit d'un échange proline-histidine au même endroit, et a probablement le même effet fonctionnel. Il s'agit d'un acide aminé basique supplémentaire au niveau du site de clivage de la furine, dont nous avons déjà discuté dans les épisodes précédents, auquel des effets de tropisme ou d’aptitude peuvent également être attendus. Alors que peut-être une augmentation de la transférabilité même sans aucun effet immunitaire, sans Immunescape est envisageable ici. Les études de laboratoire sont en cours. Il y a des premières enquêtes superficielles qui suggèrent cela, comme je viens de le souligner. Il y a une légère fuite immunitaire contre les anticorps neutralisants. Ce n'est pas fort, c'est environ un facteur de deux. Cela vient d'apparaître sous forme d’article en pré-impression, tout récemment.

Ce n'est donc pas quelque chose qui inquiète vraiment. En effet, c'est moins que le mutant sud-africain. Je pense qu'il faut être clair sur ce qui se passe lorsqu'un tel mutant immunescape apparaît dans une population naturellement infectée. Comme nous l'avons vu maintenant en Afrique du Sud, comme nous l'avons vu au Brésil, comme nous le voyons maintenant en Inde. Ce sont des populations dans lesquelles le virus a déjà plus immunisé la population. Une protection partielle a déjà été mise en place dans chaque cas. En Inde, il se situait peut-être dans la fourchette de 30 pour cent de la population avant la vague de maladies qui a maintenant émergé. Vient maintenant un variant immunescape qui rend à nouveau une partie de ces 30% réceptifs. Mais ce n'est qu'une très petite partie. Ce sont les bords de la distribution.

Le rôle des anticorps IgA dans la propagation du virus

Ce sont toutes des distributions mathématiques que vous devez imaginer. Et pas seulement des valeurs numériques individuelles. Ces bords seront coupés. Autrement dit, juste à partir d'une idée qu'avec ce virus, il n'y a soudainement plus 30% qui sont complètement immunisés contre lui, mais peut-être seulement 26% ou quelque chose du genre, donc de petites coupures. Puis, au fil du temps, les effets de la perte immunitaire apparaissent également. Dans l'ensemble, les anticorps diminuent lentement. Mais vous pouvez imaginer, selon les données qui sont maintenant disponibles dans l'ensemble, peut-être dix pour cent de perte par an en IgG. Mais il existe d'autres anticorps, les IgA par exemple. C'est ce qu’il faut garder à l'esprit ici. Il s'agit d'anticorps qui sont également produit dans l'organisme, mais qui ont pour tâche de protéger spécifiquement les muqueuses. Nous en avons déjà discuté en détail dans un épisode de podcast précédent de ce que sont les IgA. On peut les mesurer dans le sérum et ils sont transportés du sérum vers les muqueuses. Nous les trouvons donc dans les fluides des muqueuses, dans la salive, dans les sécrétions, dans le nez et ainsi de suite.

Hennig : Là où vous ne trouvez pas d'IgG.

Drosten: Exactement, ou seulement dans une très petite mesure. Les IgA sont également produits localement par les plasmocytes sur la membrane muqueuse, de façon accrue. On a donc une production directe de la membrane muqueuse et un filtrage au travers, une sécrétion du sérum, du sérum sanguin. Et ces anticorps IgA sont spécialement conçus pour étouffer les incidents d'infection dans l'œuf sur les muqueuses. Parce que ces anticorps IgA sont également des anticorps neutralisants. Une partie de l'activité de neutralisation totale que nous mesurons dans le sérum est donc constituée d'IgA. Il y a eu récemment des données d'étude à ce sujet. Il y a un travail fait en Chine, de Wuhan, qui est intéressant. Mais vous pouvez également le voir lorsque vous dirigez votre propre laboratoire et que vous surveillez des études, des études de vaccination, des études d'immunité. Vous pouvez voir que ces IgA disparaissent plus rapidement que les IgG. Nous voyons cela dans certains des groupes que nous suivons, en particulier chez des patients légèrement infectés, naturellement infectés - qui auront été la majorité des patients en Inde - la majorité avait une évolution bénigne et étaient naturellement infectés. Ils perdent leurs IgA après deux ou trois mois. Ils n'ont donc plus d'IgA mesurables. Surtout pas si vous mesurez la salive. Et chez les personnes qui ont eu une évolution plus sévère, les IgA restent pendant un temps significativement plus long, pendant plusieurs mois. Nous ne savons pas encore exactement quand cela prendra fin, mais cela durera certainement quelques mois.

Et l'ensemble d'une population d’un un pays comme l'Inde, a juste après la première vague d'infection, qui dans ce cas a commencé en août, septembre en grand nombre puis à l'automne cela a progressé lentement en engendrant de nombreux cas, jusqu’à obtenir à l'hiver 30% d'immunité. Mais les premiers étaient déjà si éloignés que les IgA étaient perdus. Et ce sont des personnes qui contribuent alors à la propagation de l'infection dans le sens où elles n'ont plus de protection sur la membrane muqueuse ou n'ont qu'une protection réduite. Il n'y a pas d'effets noir et blanc, ils sont toujours de divers gris. Et ici, nous avons simplement une protection réduite sur la membrane muqueuse. Cela signifie que ce sont des patients qui contractent une deuxième infection. Beaucoup d'entre eux n'obtiendront pas une seconde infection grave car ils ont également développé une immunité aux lymphocytes T en arrière-plan. Et les cellules T sont très robustes contre l’immunescape. Ils l'empêchent de se propager aux poumons ou du moins de développer une pneumonie, qui est sévère.

Hennig: Ils protègent donc l'individu.

Drosten: Oui. Exactement. C'est la protection individuelle. Ce sont des personnes qui, du point de vue du virus - qui ne s'intéressent qu'à infecter quelqu'un, qu'elle soit gravement malade ou non - font à nouveau partie de la population disponible pour l'infection. Cela signifie que vous devez soustraire cela aux 30% d’immunité de la population, de sorte qu'à la fin, il n’y a plus que peut-être seulement dix pour cent environ qui ne sont plus infectables. Dès lors, il y a si peu de protection immunitaire dans la population que la combinaison de la perte d'IgA et de cette émergence d'une légère mutation immunescape, que pour le virus cette population apparaît comme complètement sensible.

Maintenant, il y a une vague d'infection qui fait rage actuellement en Inde. Et les données sur la proportion de la population virale en circulation constituée réellement le mutant 617 ne suggère pas nécessairement qu'il s'agit d'une vague de virus 617 pure. Il s'agit plutôt d'une population virale variée et mixte. Par exemple, B.1.1.7 est également fortement représenté, qui infecte maintenant simplement une population qui commence à perdre l'immunité initiale des deux premières ou une vague et demie en Inde. Et en même temps, le virus est un peu plus transmissible, un peu plus robuste contre l'immunité. Et ces effets se conjuguent.

Hennig: Pouvez-vous en quelque sorte estimer à partir des données, bien qu'il n'y ait pas autant de séquençage en Inde qu'en Angleterre, par exemple, quelles sont à peu près les proportions des différents variants circulant ? Quel rôle joue B.1.1.7, par exemple ? Le variant qui domine chez nous.

Drosten: Je ne veux pas donner cela en chiffres ici parce que la base de données est si petite. Nous parlons de quelques centaines de tests PCR qui ont été réalisés dans une région. Mais nous avons un nombre fou de cas dans cette région. Donc c'est presque choisir au hasard. Il y a donc des chiffres qui suggèrent que peut-être 60% dans les zones gravement touchées sont des mutants 617. Mais, comme je l'ai dit, ces chiffres sont si petits qu'on ne peut rien en conclure de la population qui a été examinée là.

Hennig: Mais vu dans l'autre sens, vous savez que B.1.1.7 joue également un rôle majeur ?

Drosten: Oui, B.1.1.7 s’est répandu dans une large mesure en Inde, et ce depuis quelques mois.

Les populations virales en circulation sont normales

Hennig: Juste pour expliquer à nouveau, parce que vous avez déjà expliqué l'échange d'acides aminés en détail auparavant : la mutation N501Y est celle qui est tenue responsable d'une plus grande transférabilité de B.1.1.7, le variant anglais, mais qui ne se retrouve pas que dans le variant anglaise, mais aussi dans le sud-africain et le brésilien, mais qu’on ne retrouve pas dans le variant indien à notre connaissance.

Drosten: Non, cela n'apparaît pas ici. Mais elle apparaît dans d'autres mutants de ce type. Le phénomène que nous voyons ici et en général dans la population de virus du SRAS-CoV-2 circulant dans le monde entier est la convergence. Nous voyons donc que dans cet arbre généalogique de plus en plus grand de ce virus sur des branches très différentes qui ne sont plus directement liées les unes aux autres, les mêmes mutations surviennent à plusieurs reprises indépendamment les unes des autres. Elles ne surviennent pas isolément, mais parfois plusieurs surgissent en même temps. Et par conséquent, il est relativement évident que les mêmes combinaisons seront encore vues et que de nouvelles combinaisons de mutations précédemment connues seront également vues. Le fait que tout cela soit si hautement convergent est en fait pour moi un encouragement. Cela me dit en fait que la réactivité du système immunitaire humain est très uniforme dans le monde.

Il existe également des caractéristiques immunologiques qui le confirment, qui soulignent qu'il est probable que les gens du monde entier réagissent à peu près de la même manière à ce virus et que, par conséquent, le virus façonne également son paysage immunitaire à peu près de la même manière. Cela donne l'espoir qu'après deux ou trois ans de capacité de propagation de ce virus, nous nous retrouverons avec une population de virus qui est d'une part très, très différente et ressemblant à une mosaïque dans le monde - c'est-à-dire que les génomes sont alors probablement également recombinés les uns avec les autres. C'est un arrière-plan très diversifié, mais les principales propriétés de liaison et de neutralisation des récepteurs se résumeront probablement à un dénominateur commun et se stabiliseront probablement dans cet état.

Nous pouvons espérer ne pas entrer dans une situation comme celle de la grippe, où nous constatons de grands sauts d'antigénicité tous les deux, trois, quatre ans, et où nous perdons à nouveau une partie de l'efficacité du vaccin. Avec la vaccination contre le SARS‑CoV-2, nous voulons entrer dans un état où nous n'avons qu'à faire une vaccination ciblée, c'est-à-dire une revaccination relativement faible, uniquement dans la population où le risque est le plus grand d'évolution sévère. Et que d'autres grandes parties de la population n'aient pas besoin de se faire vacciner car il existe une immunité de base qui chez une personne n’étant pas à risque, une nouvelle contamination ne donne lieu qu’à quelque chose comme un rhume sévère ou même peut-être un rhume léger, alors qu'en réalité il s'agit du virus SARS‑CoV-2.

L'importance de la structure d’âge en Inde

Hennig: Nous avions déjà parlé de cette découverte prometteuse dans un épisode précédent de podcast. Néanmoins, je voudrais évoquer à nouveau un aspect de l’Inde. Par rapport à l'Allemagne, l'Inde est une population vraiment très jeune. Et maintenant, nous voyons ces images dramatiques montrant qu'il y a beaucoup de jeunes dans les hôpitaux. Associée à cela, il y a bien sûr la peur, si vous regardez ces images, que le variant et tous les variants qui circulent puissent les rendre plus malades qu’on ne le pensait jusqu'à présent, quel que soit l'immunescape. Quelle est la raison des jeunes ? Pouvez-vous expliquer cela ?

Drosten: Pour le moment, nous n'avons aucune preuve que ce virus augmente la gravité de la maladie. Et sur la base des autres découvertes sur les autres mutants qui ont des propriétés similaires, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il y ait de grandes augmentations. Nous devons vraiment comprendre quelle est la situation de base. Nous avons dans la population indienne, je peux l’affirmer, parce que dans cette étude pour le Sero‑Survey dont nous venons de parler brièvement, il y a les proportions de population. L'étude n'a porté que sur les personnes à partir de 10 ans, donc les jeunes enfants n'y ont pas été examinés.  De 10 à 17 ans, on compte seulement 8% de la population. Et puis de 18 à 44 ans, nous sommes à 57,1% de la population. Donc, si nous additionnons cela, 65% de la population a jusqu'à 44 ans. C'est une image complètement différente de la nôtre. Que se passerait-il si c'était le cas avec nous ? Alors imaginons que nous infectons beaucoup de jeunes. En principe, nous ignorerions la partie la plus âgée de la population, car ici en Inde, ce sont des proportions plus faibles. Ignorons-le donc ainsi et imaginons à quoi cela ressemblerait si nous en Allemagne avions un équipement très pauvre en lits de soins intensifs et de lits d'hôpitaux en général. Un tel virus fonctionnerait alors largement librement. Si nous devions faire quelques calculs approximatifs, nous arriverions à la conclusion que nous serions dans une situation similaire. Si de nombreuses personnes sont infectées en même temps, alors en termes absolus, même dans les groupes d'âge les plus jeunes, vous avez soudainement beaucoup de personnes malades en peu de temps. C'est ce qui se passe ici.

Plus de jeunes infectés en Inde

Nous pouvons bien sûr également ajouter d'autres effets. Par exemple, l'état de santé de base de la population indienne n'est pas le même que le nôtre. Par exemple, de nombreuses personnes en Inde ont encore l'hépatite B. Il s'agit d'une maladie grave qui a des effets à long terme sur leur santé de base. Également sur la capacité à lutter contre les maladies infectieuses, qui ont également des séquelles graves de nature interne qui prédisposent à des évolutions plus graves de Covid-19. Ce n'est qu'un exemple. Nous n'avons pas une population très bien soignée et en très bonne santé dans ce pays. Et cela compense alors légèrement cet effet sur la population jeune. Nous voyons également quelque chose de très intéressant ici, qui confirme à nouveau toutes les hypothèses de base que nous avons toujours formulées dans les épisodes de podcast précédents : la séroprévalence, c'est-à-dire la fréquence d’infection au virus, est la même dans toutes les tranches d’âge.

Nous mettons même l'accent sur les enfants examinés ici. Ils ont la séroprévalence la plus élevée. Mais ce ne sont pas des différences significatives. Dans l'ensemble, nous sommes dans la même fourchette dans tous les groupes d'âge. Ces groupes d'âge présentent différents risques de maladie grave. Plus le risque est jeune, plus le risque est faible. Mais alors le nombre élevé de personnes infectées compense cela. Donc, si nous avons dix fois moins de risques avec les plus jeunes, mais que nous avons dix fois plus de personnes infectées, alors nous avons le même problème qu'avant.

Hennig: Cela signifie qu'il s'agit de nombres absolus. Ce n'est pas que la proportion de gravement malades parmi les plus jeunes soit ici plus grande, mais simplement que la proportion est généralement si grande en raison de la force de la vague.

Drosten: Oui. Je veux donc juste dire que je ne peux pas exclure cette explication. Il se peut que dans deux mois, il se révèle que quelque chose d’imprévu se passe avec ce virus. À l'heure actuelle, il n'y a aucune preuve scientifique à l'appui, aucune raison de le croire, basée sur des informations scientifiques antérieures sur d'autres variants du virus. C'est pourquoi je n’adhère pas en ce moment à cette perception que vous entendez parfois, que ce nouveau virus est méchant, et que les jeunes tombent malades dans une large mesure.

Hennig: Une dernière fois à propos de ce nouveau virus, à propos de ce mutant. Vous avez brièvement évoqué l'effet de neutralisation. Alors, quel genre d'immunescape existe-t-il, s'il y en a un petit ? L'Inde est un important lieu de production de vaccins et a depuis cessé d'exporter pour pouvoir désormais approvisionner son propre pays. Les progrès de la vaccination en Inde sont extrêmement lents. J'ai regardé à nouveau : avec la première dose, l'Inde n’a vacciné que 8,5% de la population. Cela ne représente qu’un peu plus d’un tiers de ce que nous avons réalisé en Allemagne. Et pour les personnes entièrement vaccinées, cela semble très sombre, le taux n'est que de 1,6%. Une version du vaccin AstraZeneca et un vaccin à virus mort sont utilisés en Inde. C'est très important pour l'Inde, un virus inactivé, Covaxin, qui est produit en Inde. Quels indices y a-t-il sur l'efficacité de la vaccination qui est maintenant mise au point contre ce variant ?

Vaccin mort également efficace contre le variant ?

Drosten: Il y a un petit article en pré-impression qui a été écrit avec la forte participation de la société qui produit ce vaccin mort. Donc, un vaccin mort signifie que le virus est cultivé en culture cellulaire, puis est généralement tué par une substance chimique de sorte qu'il ne peut plus se répliquer. Ensuite, un adjuvant est ajouté, un irritant, pour augmenter l’efficacité du vaccin, et celui-ci est ensuite injecté dans le muscle. Ensuite, une sorte d'inflammation se produit dans le muscle et cette inflammation stimule alors simultanément les cellules immunitaires.

Préimpression sur la neutralisation du variant B.1.617

Cela conduit à une immunité, c'est là que les anticorps se produisent. On peut mesurer la réponse des anticorps neutralisants sous la forme d'une activité de neutralisation du sérum. Cela a été fait dans cette étude. En comparant un virus du clade B qui circulait auparavant, je dirai donc le virus britannique B.1.1.7 - nous ne saurons probablement jamais si cela vient vraiment du Royaume-Uni. Et puis le virus 617, ce virus indien qui est au centre des préoccupations. Ce que vous voyez en premier, c’est que le virus normal, le virus de type sauvage et le variant B.1.1.7 se neutralisent également bien. Donc pas de perte de neutralisation pour B.1.1.7, comme l'ont déjà montré des études antérieures sur BioNTech et AstraZeneca. Donc c'est la même chose avec ce vaccin mort. La protection est également bonne. Donc c’est une autre confirmation que B.1.1.7 n'est pas un variant immunescape, mais toujours un variant d’adaptation.

Hennig: transmissible.

Drosten: C'est vrai, facilement transmissible, mais pas à cause d'un effet immunescape. Avec ce nouveau virus, l'activité de neutralisation est un peu moins de deux fois plus mauvaise. Ce n'est pas grand-chose. Pour quelqu'un qui a de l’expérience en laboratoire, il ne faut pas s'inquiéter en ce qui concerne la protection immunitaire. Ainsi, cela ne me perturbe pas du tout.

Les anticorps IgA sur la membrane muqueuse disparaissent

Hennig: Terminons maintenant le sujet de l’Inde. Monsieur Drosten, vous avez déjà évoqué ce gros problème de la persistance des anticorps, c'est-à-dire combien de temps les anticorps restent-ils ils et qu’en est-il de l'immunité de la population et de la protection contre la transmission du virus ? Vous venez de dire qu'il y a un article de Wuhan où on peut bien observer, vu que tout a commencé là-bas, comment les anticorps se comportent au fil du temps. Que savons-nous de cela, de cet effet spécial des anticorps IgA, pour pouvoir aussi ce qui pourrait se passer chez nous, avec ceux qui ont eu le Covid et sont rétablis, par exemple ?

Étude d'anticorps à Wuhan

Drosten: Oui, cette étude, qui d'ailleurs est publiée dans le "Lancet", a déjà été formellement évaluée, et elle a réexaminé la population de Wuhan. Il s'agit d'une enquête à grande échelle auprès des ménages. Il y a près de 3 600 ménages ici – on dit « famille » dans le document, ce qui est peut-être plus conforme au concept de ménage en Chine - et un total de plus de 9 500 personnes ont été examinées. Ici vraiment tous les âges, du nouveau-né au senior, en fonction de qui vivait dans le ménage. Cela a été testé pour les anticorps à trois reprises, comme dans l'étude indienne. Cela a été fait une fois en avril, après la grande vague d'infections à Wuhan, après le grand confinement, lorsque l'impression est venue que le pire des pires pour la ville était passé à Wuhan. Puis un contrôle de suivi en juin, puis en octobre et décembre.

The Lancet: Séroprévalence et durée de la réponse anticorps chez les personnes infectées de Wuhan

Ce qui a été initialement trouvé était très intéressant : en avril, après la grande vague d'infections, une séroprévalence de 5,6%. C'est le point de départ, c'est un nombre important si vous y réfléchissez. On a donc découvert, dans une ville si moderne, qu'une maladie complètement nouvelle était en cours. Les épidémiologistes prennent cette décision d'imposer le confinement et cela devient sous contrôle. Maintenant, vous regardez rétrospectivement combien ont été réellement infectés à Wuhan. Cela représente en fait 5,6% de la population. C'est beaucoup pour une telle première vague. Vous pouvez le vérifier à nouveau, par exemple en fonction de certains quartiers qui sont représentés de différentes manières dans cet échantillonnage.

Vous pouvez utiliser de petits facteurs de correction représentatifs, puis en avril, après cette première vague de contamination, vous obtenez un taux corrigé d'infection de près de sept pour cent. Tout d'abord, c'était très intéressant pour moi, pour mon idée de l'ampleur de cette infection. Maintenant, ces patients peuvent être réexaminés. Nous avons maintenant défini notre échantillon à examiner. Des prises de sang ont à nouveau été faites en juin et à nouveau dans la période d'octobre à décembre. Vous pouvez maintenant voir quelque chose d'intéressant, décomposé en anticorps IgG, IgM et IgA. Pour les IgG, sur une base de 100% en avril, il en reste 97,5% en juin. Il reste donc encore 97,5% des anticorps IgG qui restent détectables.

Et 91% dans les mois d'octobre à décembre. Cela fait donc presque un an. Neuf mois se sont écoulés et seulement neuf pour cent n'ont plus d'anticorps IgG. Il s'agit d'une maladie respiratoire avec laquelle les personnes respectives sont en contact pour la première fois de leur vie et dont la plupart rapportent seulement rétrospectivement - c'est-à-dire que 80% déclarent ne pas avoir vraiment remarqué grand-chose à ce sujet, étaient donc asymptomatiques, ou on ne se souvient pas des symptômes. Cela pourrait signifier que vous avez eu mal à la gorge il y a trois mois, par exemple.

Hennig: Quand c’est si faiblement symptomatique c’est également inclus ?

Drosten: Je pense que tout est inclus, et ce n'était pas un développement notable. Seulement neuf pour cent ont perdu leurs anticorps IgG au cours des neuf premiers mois. Avec les IgM, il est normal qu'ils disparaissent. Et avec les IgM, il est également normal que le test ne soit pas aussi sensible. Dans ce test, qui a été utilisé ici, seuls 13% avaient des anticorps IgM détectables au début. En juin et jusqu'en novembre, il était de 3,9 et 1,5%. En effet, l'IgM est l'anticorps instantané, qui disparaît ensuite au bout de six semaines en moyenne pour toutes sortes de maladies infectieuses. Mais ce qui est intéressant maintenant, c'est l'IgA, l'anticorps des muqueuses, l'anticorps protecteur de la contamination, là aussi ces premières générations de tests de laboratoire sont peu sensibles. C'est pourquoi il en est ainsi ici, alors que nous détectons des anticorps IgG à cent pour cent, nous n'avons détecté des anticorps IgA que dans 15,8%. Cependant, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'anticorps IgA à cent pour cent. Nous ne pouvons pas les voir dans ce test de laboratoire car le test de laboratoire n'est pas assez sensible. Il existe maintenant de meilleurs tests de laboratoire. Si vous vouliez tester cela en laboratoire sur le long terme, c'est-à-dire que cela serait pertinent pour les soins médicaux de routine, alors les entreprises développeraient des tests encore meilleurs. Mais pour le moment, ces tests ne sont pas très sensibles.

Hennig: Cela signifie que les tests d'anticorps que nous utilisons maintenant ici ne sont souvent pas assez sensibles pour détecter de manière fiable les IgA ?

Drosten: Les tests d'anticorps IgA ont deux problèmes. Premièrement, ils ne sont pas très sensibles, de sorte que le taux de détection est inférieur à celui testé pour les IgG chez le même patient. Ensuite, vous avez un autre problème : environ cinq à dix pour cent de tous les patients ont des anticorps IgA même s'ils n'ont jamais eu de contact avec le SARS‑CoV‑2. Ce n'est donc pas très précis non plus. En d'autres termes, ce test d'anticorps se fait en complément. Il s'agit d'un test d'anticorps qui ne dit rien pour le diagnostic individuel chez un patient dont nous ne savons rien. Mais si nous savons que le patient a déjà eu une infection PCR-positive ou qu'il a des anticorps IgG-positifs, alors nous pouvons obtenir des informations supplémentaires précieuses. Dans ce cas, les informations supplémentaires : sont que, oui, la protection immunitaire est là, mais à quoi ressemble la protection des muqueuses à ce moment ? Si nous le mesurons dans la première analyse en avril, nous voyons près de 16 pour cent. Dans l'enquête de juin, un peu moins de dix pour cent. Lors de l'examen de suivi en novembre, seulement 3,5 pour cent. Donc, grosso modo, il ne reste que 20% des anticorps.

Hennig: Les IgG restent stables et les IgA, qui fournissent une protection contre les infections, disparaissent avec le temps.

La protection des anticorps diminue avec le temps

Drosten: Exactement. Ainsi, après neuf mois, seul chez un quart des patients positifs pour les IgA on peut encore détecter les IgA. Dans le même temps, le niveau d'IgA diminue chez tous. Nous ne voyons pas cela avec les IgG. Nous avons dit que nous étions toujours à 91%. C'est pour que le niveau, la concentration de ces anticorps a à peine baissé. C'est en fait l'affinité que nous testons. Et ce n'est pas le cas avec les IgA. Dans le cas des IgA, le titre, l'affinité, diminue également. Les anticorps ne sont plus aussi réactifs. Tout cela ensemble est une très forte indication que la protection de la muqueuse est perdue au niveau de la population. Une proportion considérable est perdue en un an.

Je pourrais aussi traduire cela en terme épidémiologique et penser à l'avenir de saison en saison. Prenons un rhume saisonnier, qui a une saisonnalité hivernale typique, on pourrait penser que d’hiver à hiver 75% de la population ont déjà leur protection de la membrane muqueuse et peuvent être à nouveau infectés l'hiver prochain. Maintenant, vous devez savoir que ce sont à Wuhan toutes des personnes qui n'ont été infectées qu'une seule fois. Mais si j'ai eu trois, quatre ou cinq de ces infections dans ma vie, alors la protection IgA durera plus longtemps, plusieurs années et pas seulement quelques mois. Avec l'augmentation de la post-infection et de la post-infection par l'infection naturelle, tout va encore mieux. Donc, on n’en est pas à devoir lancer des scénarios apocalyptiques, en considérant que le virus sera toujours pandémique, ne s'arrêtera jamais et ainsi de suite. Ça n'a pas de sens. Tout ce que nous voyons ici sont des observations parfaitement normales auxquelles nous nous attendrions alors qu'un tel virus s'est installé et qu’il est sur la voie d'une situation endémique.

Anticorps IgA chez les sujets vaccinés

Hennig: Cela nous donne une vision positive à long terme. Mais à court et moyen terme, ce n'est pas encore totalement dénué de sens, car jusqu'à présent, nous avons fondé notre vision de l'été sur l'idée que de plus en plus de personnes bénéficieront d'une protection qui, avant tout, protège également les autres. Mais nous ne pouvons rien dire de ces découvertes de Wuhan sur ce qui se passera après une vaccination, concernant les IgA, n’est-ce pas ?

Drosten: Eh bien, nous venons de parler de la protection des muqueuses, de la protection par les IgA, qui disparaissent avec le temps. Nous en avons maintenant discuté pour l'infection naturelle. Et malheureusement, je dois dire quelque chose qui en inquiètera à nouveau beaucoup. Mais c'est comme ça. Même après une vaccination, il est bien entendu que les anticorps IgA qui apparaissent initialement sont également perdus après un certain temps. Malheureusement, nous ne savons pas combien de temps cela prendra avec les vaccinations que nous étudions actuellement. Nous ne savons pas pour AstraZeneca. Nous ne le savons pas chez BioNTech. Nous ne le savons pas chez Moderna. Et nous ne savons pas non plus pour aucun autre vaccin. Nous ne le savons que pour les infections virales naturelles, par exemple sur la base de cette étude à Wuhan. Mais je peux confirmer sur la base de nos propres observations de laboratoire, dont la plupart n'ont pas encore été publiées car elles accompagnent des examens liés aux études que nous menons, et cette étude est toujours en cours, que c'est la même chose avec les vaccinations. Nous regardons des groupes de personnes vaccinées, et on observe aussi que les IgA sont également perdues.

Hennig: Eh bien, c'est plus qu'une analogie. C'est une observation.

Drosten: C'est une expérience de mon institut. Je ne veux délibérément pas donner de chiffres car il s’agit d’examens en cours et parfois de très petite envergure. Je veux juste dire, de façon purement qualitative, que ce serait également une surprise si la protection des muqueuses via les IgA restait à vie après une double vaccination. Il ne faut pas s’y attendre. Ça disparaît à nouveau. Cela disparaîtra probablement dans des mois, pas des années. Il est peut-être possible de dire que ceux qui seront complètement vaccinés au printemps, pourrait avoir réduit considérablement les niveaux d'anticorps IgA au cours de l'hiver prochain. À tel point que la protection des muqueuses se retrouve déjà réduite à nouveau. Je ne veux pas dire que tout est parti. Cela n'a jamais complètement disparu. Comme je l'ai dit, ce ne sont pas des effets en noir et blanc que nous décrivons ici. Mais la protection de la membrane muqueuse est alors probablement déjà réduite à nouveau. Bien entendu, cela ne veut pas dire que c’est devenu totalement absent.

Mais dans certaines limites, bien que vaccinées, ces personnes appartiendront à nouveau à la population qui peut également transmettre à nouveau le virus. Mais ce que nous ne savons pas, c'est si ce transfert est complètement efficace ou s'il n'est que très partiellement efficace. Il se peut donc que le reste de l'immunité IgA, et accessoirement aussi l'immunité des lymphocytes T, qui fait également son travail sur la membrane muqueuse en raccourcissant la réplication du virus - ces deux effets combinés pourraient en fait maintenir la capacité de transmission à un faible niveau pendant une période prolongée. Cependant, il se peut aussi que ces personnes soient à nouveau clairement contagieuses plusieurs mois, même moins d'un an après la vaccination. Ici aussi, c'est la même chose, ce n'est pas quelque chose qui le restera pour toujours. Les personnes auront alors leur première infection naturelle après la première vaccination. Ce sera un très fort coup de pouce à la protection immunitaire. Et après une saison ou deux d'infections à Covid-19 dans la population, cette immunité restera beaucoup plus robuste et stable, de sorte que la protection IgA durera certainement un an ou deux. C'est exactement ce que nous avons avec les coronavirus du rhume courants, avec les coronavirus humains classiques.

Les vaccins s'adaptent rapidement

De plus, il faut le dire, bien sûr, il y aura aussi des revaccinations. On peut prévoir qu'à partir de l'automne et de l'hiver, comme pour la vaccination contre la grippe, les groupes à risque seront de toute façon revaccinés avec une vaccination de rappel unique qui sera une vaccination d'adaptation. Ce sont alors probablement des vaccins qui auront déjà une mise à jour en ce qui concerne les variants d'échappement. Il est relativement facile de faire une mise à jour des mutations au niveau d'un vaccin approuvé. Ce sont des processus bien pratiqués. Nous savons cela grâce à la vaccination contre la grippe. Nous devons toujours mettre à jour l'antigène du vaccin. Ce sont tous des processus très bien établis en termes de réglementation, et cela se fait rapidement. Nous avons alors la possibilité de faire une mise à jour de la protection immunitaire en même temps. Et puis la question qui se pose est de savoir quelle doit être la proportion de la population dans la saison à venir que nous devrons revacciner ? Donc, tout au plus, cela voudrait dire que nous tous qui sommes vaccinés, devrons maintenant être revaccinés à nouveau en hiver.

Hennig: Pour maintenir la protection de la population.

Drosten: S'il s'avère que ces anticorps IgA ainsi que les lymphocytes T pertinents pour la membrane muqueuse sont perdus relativement rapidement chez les personnes qui ont maintenant été vaccinées. Nous ne savons pas encore cela. Nous n'avons aucune donnée à ce sujet.

Hennig: Quelle devrait être la proportion de personnes dans la population qui ont encore des IgA, c'est-à-dire des anticorps muqueux, afin de protéger les autres ?

Drosten: Comme je l'ai dit, ce ne sont pas des effets en noir et blanc. Il ne s'agit pas d'avoir ou de ne pas avoir d'IgA. Il s'agit également de la hauteur du titre. Il m'est donc impossible de quantifier cela maintenant. Sauf avec des déclarations relativement simples comme : 70% basé sur la valeur R. Ou maintenant avec le nouveau mutant 1.1.7 peut-être 80%. En utilisant un facteur de conversion naïf que vous pouvez facilement faire. Mais c'est en fait une sorte de pensée en noir et blanc. Et c'est pourquoi je ne veux pas du tout faire cela quantitativement. Je voudrais cependant dire quelque chose de qualitatif qui n'est peut-être même pas connu du public et qui est complètement perdu dans tout le débat médiatique et politique, à savoir que nous savons que les vaccinations sont efficaces et efficientes contre la maladie. Les études de phase 3 nous l'ont montré. Les études d'efficacité qui suivent nous l'ont également confirmé. Nous atteignons des valeurs de 90% et plus. Et puis nous avons aussi cette perception que la vaccination protège également 70, 80, 90 pour cent contre la positivité de la PCR, c'est-à-dire contre l'infection en général, même contre l'infection inaperçue. En d'autres termes, qu’elle protège contre la propagation du virus. Voilà donc l'effet de la vaccination sur la population.

Mais nous devons préciser que ces valeurs sont des valeurs collectées dans les études. Les gens ont été testés avec la PCR après avoir été vaccinés. Ils n'ont pas été testés après une longue attente, mais l'étude doit être terminée à un moment donné et elle doit être publiée. Cela signifie qu'après une courte période d'attente, les personnes vaccinées ont été testées. Et après cette courte période de temps, la protection immunitaire est mieux renforcée par la vaccination. Dans les quelques semaines qui suivent la deuxième dose de vaccination, ça ne s'améliore pas en termes d'immunité. Pendant ce temps, on mesure qui est toujours positif à la PCR et, d'ailleurs, à quel point on est positif dans la PCR. Parce qu'il ne s'agit pas de PCR positive ou négative, mais aussi on voit dans les études que si elle est positive, alors elle est seulement faiblement positive.

Hennig: Donc, avec une charge virale plus faible.

Des vaccinations de suivi seront nécessaires

Drosten: Exactement, nous pouvons mesurer la charge virale. Tout cela a l'air génial. Ces vaccins semblent vraiment conférer une immunité stérile. Remarquez, en pratique, presque, car Il y a toujours des lacunes. Je veux juste préciser une chose. A savoir que cette image va changer au bout de quelques mois. Par la suite, ces vaccins n'auront probablement plus l'air aussi résistants lorsqu'il s'agira de transmettre le virus. C'est quelque chose dont il faut simplement tenir compte en public. Cela ne devrait pas non plus être un sujet d’inquiétude. C'est tout à fait normal, c'est une maladie infectieuse. Et pas la première que nous connaissons en tant que professionnels de la santé. Tout ce que nous voyons ici ressemble à la plupart des maladies infectieuses similaires. Rien de tout cela n'est donc une surprise.

Attention, ce n’est pas non plus une raison d’écrire dans les journaux à sensation : « Drosten dit que la vaccination ne dure pas longtemps », ou des choses comme ça. C'est trivial. Nous le savons et nous nous y attendons. Nous ne recevons que les premiers paquets de données ces jours-ci, qui confirme également que ce sera le cas. Et vous devez planifier en conséquence. Parce que sinon, pourquoi ouvririons-nous des usines de vaccins maintenant et passerions-nous des commandes de vaccins pour la saison prochaine, alors que d'un autre côté, nous pourrons nous rendre compte que nous avons probablement vacciné la majeure partie de la population adulte en juillet et août ? Si cette protection vaccinale restait ainsi pour toujours, vous n'auriez jamais à vous revacciner. Et vous n'êtes pas obligé de le faire parce que certains mutants sont au coin de la rue, mais principalement parce que l'immunité contre de tels virus muqueux n'est pas une chose stérile à vie. Nous ne parlons donc pas ici d'une vaccination contre la rougeole.

Hennig: Vous avez déjà décrit la perspective à long terme. Donc, si le virus devient alors endémique, si vous êtes en contact avec lui de temps en temps et que vous reconstruisez ainsi une protection à long terme, également avec les IgA. On pourrait aussi dire que si tous les parcours difficiles sont évités, on ne peut pas simplement dire qu'en automne, en hiver, quand il devrait y avoir une quatrième vague, alors nous n'avons tous que des parcours plus faciles. Alors pourquoi avez-vous besoin d'une vaccination de rappel ?

Drosten: Oui, c'est correct dans certaines limites. La question est simple : où sont les limites d'évaluation ? Comment devons-nous en sortir ? La grande difficulté avec cette maladie est que les groupes à risque - mis à part l'âge - sont assez largement répartis dans la population, y compris la population plus jeune. Ainsi, les prédispositions de base qui véhiculent un risque sont également présentes chez les 35 et 45 ans. Il y a encore des dispositions de risque peu claires où l'on voit par exemple qu'il y a quelqu'un qui est un bon athlète, a été intubé en pleine santé en quelques jours. Il existe également de tels cas. Nous ne connaissons tout simplement pas encore vraiment les corrélations. C'est pourquoi il doit y avoir une certaine considération de sécurité pour le moment. Je pense en particulier que les pays comme l'Allemagne avec un profil d'âge de la population âgée doivent être prudents. Et il faut présumer qu’en hiver, il y aura plus que de simples groupes à risque très clairement définis qui devront être revaccinés.

"Non-répondeurs" : rares absences d'anticorps après l'infection

Hennig: Je voudrais revenir tout de suite sur le sujet de la vaccination des groupes spéciaux. Mais une dernière petite question sur les anticorps, car nous avons souvent des questions à ce sujet. Il y a aussi des personnes qui ne développent pas du tout d'anticorps après une infection ou une vaccination. Quelle est la fréquence d'un tel phénomène ?

Drosten: C'est relativement rare. Mais cela existe. Vous voyez des non-répondeurs, c'est-à-dire des personnes qui sont vaccinées et qui n'ont pas d'anticorps. Mais la question est : combien de temps cela prend-il ? Souvent, les non-répondants sont simplement des répondants tardifs. Chez les personnes âgées en particulier, les anticorps IgG ne se développent parfois qu'après un mois ou même plus tard. C'est normal. J'ai l'impression - même si cela n'a pas encore été confirmé, qu'il n'y a pas de littérature complète à ce sujet - que cela se situe dans la fourchette de pourcentage à un chiffre pour les personnes très âgées vaccinées. Ce phénomène n'est pas courant chez les jeunes. Cela se passe pour d'autres vaccinations, par exemple la vaccination contre l'hépatite B est connue pour cela. Il existe également un certain taux de non-répondants chez les jeunes. Ils n'obtiennent pas une réponse immunitaire appropriée. Ce n'est apparemment pas le cas de cette maladie. Ces vaccins sont très, très actifs. Et on voit effectivement cette absence ou ce retard sévère de la réaction immunitaire, surtout chez les personnes très âgées.

Hennig: Et après l'infection, il y a aussi une tendance à ce que ce soit très faible, qu’il ne se passe pas grand-chose.

Drosten: C'est vrai. C'est une situation complètement différente. Bien sûr, il y a aussi des jeunes qui ont une infection PCR positive sans aucun symptôme, parfois avec une durée de réplication virale très courte, si vous la mesurez vraiment. Parfois, il n'y a en fait aucune réaction immunitaire sous forme d'anticorps IgG. Il y a des indications qu'ils ont encore des lymphocytes T. Nous avons expliqué cela il y a longtemps dans un épisode de podcast.

Hennig: Cela veut dire que ce sont aussi des cas pour lesquels une seule vaccination pourrait suffire.

Drosten: Ce sont les candidats classiques pour une très bonne réaction à la première vaccination, exactement.

La tolérance de la vaccination chez la femme enceinte

Hennig: Nous parlons maintenant des vaccinations. J'ai aussi dit qu'aujourd'hui je voudrais que nous examinions ce qui se passe réellement avec les vaccinations pour les groupes qui ne sont pas prévus pour le moment parce qu'on ne dispose pas encore de suffisamment de données. En Allemagne, par exemple, la vaccination n'a pas encore été recommandée pour les femmes enceintes. Mais c'est différent dans d'autres pays. Naturellement, nous recevons à plusieurs reprises des questions à ce sujet, car tous les futurs parents sont très préoccupés par cette phase de la pandémie. Au Royaume-Uni, par exemple, le Comité mixte sur la vaccination et l'immunisation - à peu près ce que le Comité permanent de la vaccination fait ici - recommande de vacciner les femmes enceintes. En France également, la vaccination a lieu dans le tiers moyen de la grossesse, et aux États-Unis également, par exemple. Il existe maintenant des données des États-Unis sur la compatibilité de la vaccination. Ils ont examiné plus de 35 000 femmes enceintes, si je l'ai bien lu, et l'ont publié dans le "New England Journal of Medicine". En résumé, pouvons-nous dire que cela a l'air plutôt bien ?

Drosten: Oui, en effet. Il s'agit en fait d'une étude de laquelle on peut conclure que la vaccination ne présente en principe aucun risque. Vous pouvez bien sûr approfondir un peu tout cela. Il est donc vrai qu'aux États-Unis, bien sûr, sur une base volontaire, les femmes enceintes pouvaient être vaccinées à tout moment, même à tout âge gestationnel, c'est-à-dire également au premier trimestre, au premier tiers de la grossesse, qui est le plus préoccupant en termes de complications éventuelles.

New England Journal of Medicine: données des États-Unis sur la vaccination des femmes enceintes

Hennig: Parce que le taux de fausses couches est déjà élevé. Indépendamment de la vaccination.

Drosten: Oui, disons-le de cette façon, les risques pour l’embryon et le taux global de fausses couches dans cette phase de grossesse sont plus élevés car le développement des organes n'est pas complet à ce moment-là. C'est la vraie raison du premier trimestre de la grossesse. L'embryon est alors beaucoup plus sensible. Mais il y a des cas où la vaccination a eu lieu pendant cette période. Et puis des sondages ont été effectués. Il existe essentiellement trois sources de données différentes. Deux d'entre elles fonctionnent via une enquête par téléphone portable auprès des femmes qui se sont identifiées comme enceintes au moment de la vaccination. On leur a conseillé de s'enregistrer. Les résultats ont été ré-analysés dans deux bases de données différentes, mais finalement basés sur le même système, le même principe.

Il s'agit d'un dialogue par SMS, où vous êtes lié à des pages Internet, où vous donnez vos informations, un interrogatoire continu et un examen de suivi. L'autre est un système de notification passif, en particulier pour les médecins, des effets secondaires des vaccins. En principe, il s'agit d'un point de notification des effets secondaires de la vaccination. Toutes les informations y ont été collectées. Les femmes enceintes ont été comparées à des femmes non enceintes qui ont également été vaccinées en tant que groupe témoin. Le tout s'est déroulé de mi-décembre à fin février. Ensuite, cela a été évalué. Les femmes enceintes qui sont en phase de perception et qui sont enceintes ont été vaccinées. La phase de perception signifie : 30 jours avant la dernière règle jusqu'à 14 jours après, c'est-à-dire au moment où, en théorie, l'implantation pourrait avoir lieu et dans lequel la protection vaccinale se construit déjà. Cela pourrait également influencer une fausse couche précoce, par exemple, qui aurait également été enregistrée ici dans cette enquête.

Aucun risque de vaccination pour les femmes enceintes

Maintenant que cela a été décrit, il est bon de le redire - pour faire court - toutes les complications qui sont désormais associées à la grossesse sont tout aussi fréquentes en termes de fréquence que chez les femmes enceintes non vaccinées de la même population. Dans ce cas, c'est ce que vous tirez des bases de données. Bien entendu, une comparaison a été faite entre les femmes enceintes et non enceintes qui ont été vaccinées. Encore une fois, les effets secondaires du vaccin sont à peu près les mêmes que vous soyez enceinte ou non, avec une légère tendance. Et cette tendance peut être décrite comme suit : les femmes enceintes ont tendance à avoir des réactions vaccinales locales plus souvent, donc le bras fait mal par exemple, et d’autres choses aiguës. Mais ils ont un peu moins de réactions de vaccination systémiques, par exemple de la fièvre. C'est donc un peu plus fréquent chez les femmes non enceintes du même groupe d'âge.

Hennig: C'est quelque chose qui semble même un peu réconfortant. Est-il aussi possible de parler de ce qui se pratique en France, c'est-à-dire vacciner au deuxième trimestre de grossesse, est peut-être un peu plus fiable à évaluer ?

Drosten: Exactement. C'est bien que vous posiez cette question, car cette étude comporte déjà une faille. En fait, le facteur décisif ici est que la grossesse s'est achevée par une naissance vivante, avec laquelle on peut vraiment dire que tout s'est bien passé, malgré la vaccination, au final sans incertitudes, dont 98,3 pour cent ont été vaccinés au troisième trimestre. Il ne pouvait en être autrement, car l'étude s'est déroulée de la mi-décembre à la fin février. Elle est maintenant publiée. Autrement dit, les femmes enceintes qui étaient alors dans le premier trimestre sont toujours enceintes maintenant. L'étude est en cours, il s'agit d'un rapport intermédiaire de l'étude. On peut difficilement déduire quoi que ce soit de cette étude pour la phase la plus vulnérable de la grossesse, pour le premier trimestre, donc le peu que l'on puisse dire, c'est-à-dire le taux d'avortement spontané, est inchangé. C'est exactement comme la population enceinte non vaccinée aux États-Unis. Mais nous n'avons pas une seule grossesse dans l'étude, qui a été entièrement suivie d'une vaccination initiale. C'est donc encore à venir.

Hennig: D'un point de vue pratique, c'est probablement quelque chose qui convient mieux pour les futurs parents. Parce que si vous faites une fausse couche et que vous dites que c'était peut-être la vaccination après tout, c'est une situation difficile à gérer. Et ce n'est qu'environ après trois mois que vous pouvez vous protéger et dire : Maintenant, peut-être qu'une vaccination serait possible.

Drosten: C'est vrai. Cette approche en France est certainement un bon compromis prudent qui est en train d'être fait. C'est exact.

Hennig: Pouvons-nous, sans entrer dans le détail, mettre cela en relation avec ce que nous savons sur les risques généraux de la maladie Covid 19 pour les femmes enceintes et les futurs enfants ? Il y a aussi des études à ce sujet, mais elles sont transnationales. Et puis il faut toujours regarder attentivement quel rôle joue le système de santé. Mais en termes généraux ?

Risques pour les femmes enceintes atteintes de Covid-19

Drosten: Oui, il y a une grosse étude qui a maintenant été publiée dans "JAMA Pediatrics". Il s'agit d'une telle étude sur les résultats de la grossesse. Depuis mars dernier, les femmes enceintes ont été incluses dans l'étude pendant huit mois dans 18 pays. Ils se sont principalement focalisés sur les naissances. Les femmes enceintes elles-mêmes sont moins concernées ici, bien qu'il existe maintenant des données sur les risques à ce sujet. Mais la période qui est vraiment regardée ici est plus la dernière période de grossesse et ensuite aussi la naissance et la question de savoir qu'en est-il du nouveau-né. Comme je l'ai dit, 18 pays - dont beaucoup du sud du monde sont représentés.

JAMA Pediatrics: étude multinationale sur le Covid-19 chez les femmes enceintes

Nous n'avons donc pas d'étude axée sur les pays industrialisés, même si des pays industrialisés existent. Il s'agit donc davantage d'une étude probablement représentative dans le monde entier. Ce qui a été regardé ici, ce sont 706 femmes enceintes infectées et environ le double du nombre de femmes enceintes non infectées. Ici aussi, bien sûr, nous allons simplement donner les principaux résultats de l'étude, sinon tout cela prend trop de temps et devient trop compliqué. Vous connaissez le terme d'éclampsie et de prééclampsie, qui est aussi populairement appelé empoisonnement de grossesse - mot étrange – qu’on entend parfois. Beaucoup sont familiers avec cela. Ce problème survient plus tard dans la grossesse, là où l'hypertension artérielle est présente et ainsi de suite.

Ces symptômes, également comme un diabète aigu de type 2, sont des symptômes similaires qui s'y produisent. Ce syndrome se présente avec un risque relatif de 1,76. Donc, les personnes infectées ont un risque accru de 76%, essentiellement en ce qui concerne l'éclampsie et la prééclampsie. Ensuite, vous pouvez aller plus loin dans une liste. Les infections graves au moment de la naissance et en fin de grossesse qui nécessitent un traitement antibiotique ont un risque relatif de 3,38. C'est donc vraiment important. Puis le risque relatif d'admission en unité de soins intensifs est supérieur à cinq. Et pour une durée de trois jours de plus. Risque relatif de mortalité maternelle de 22,3, donc énorme.

Hennig: Mais cela doit être différent en divers endroits du monde ?

Drosten: C'est vrai. Nous allons en parler dans un instant. Mais je vais juste lire la liste ici pendant un moment. Naissance prématurée 1,59, donc on dirait une augmentation de près de 60%. Puis interruption de grossesse médicalement indiquée. Donc, pour des raisons médicales, c’est 1,97. Puis maladie néonatale sévère, c'est-à-dire autour de la naissance du nouveau-né direct, risque relatif de 2,14, soit un doublement. Mais ce ne sont pas des pays industrialisés, il y a de nombreux pays des zones tropicales avec des soins de santé de base très pauvres, où le terme « santé maternelle » est utilisé différemment de chez nous. Là où nous avons vraiment des taux de complications autour de l'accouchement qui sont significatifs. Là où nous avons alors une sélection sociale très forte, il faut y penser aussi. Si vous êtes alors, par exemple, dans une maternité d'un pays du sud, vous verrez presque inévitablement de très fortes différences sociales si vous comparez le groupe de coronavirus infecté au groupe non infecté. Bien sûr, ceux-ci sont à nouveau très fortement corrélés aux complications au moment de la naissance.

Hennig: Pourtant, des choses comme l'éclampsie, la prééclampsie, c'est-à-dire l'empoisonnement pendant la grossesse, sont des phénomènes qui existent également dans les pays industrialisés. Qui existent également ici et qui donnent une indication claire dans un sens. Néanmoins, pour résumer, il existe ici de bonnes données en faveur de la vaccination des femmes enceintes. Mais la vaccination des femmes enceintes n'est pas encore recommandée en Allemagne, mais bien sûr elle n'est pas non plus interdite. Ainsi, individuellement, en fonction du risque, le médecin peut décider avec une femme enceinte de la vacciner ou pas.

Drosten: Oui. Je pense qu'il y aura ultérieurement des recommandations ; d'ailleurs, c'est déjà possible en Allemagne. Ce n'est pas du tout comme si, par exemple, le STIKO s'y opposait strictement. Mais nous continuerons à développer la pratique, ici, en Allemagne. Et je pense que la démarche en France, par exemple, devrait être soutenue sur la base des données désormais disponibles.

Avantages et inconvénients de la vaccination des enfants

Hennig: Nous allons continuer à nous développer en termes de vaccination. Ceci s'applique bien entendu également au vaste domaine de la vaccination des enfants. Bien que ce ne soit pas si facile à considérer. Nous l'avons déjà abordé brièvement à quelques reprises ici dans ces podcasts. Des études sont déjà en cours. Dans l'épisode 83, nous avons examiné ces études avec Sandra Ciesek. BioNTech / Pfizer, par exemple, a déjà publié un rapport intérimaire de phase clinique III sur l'utilisation de leur vaccin chez les enfants à partir de douze ans, qui n'est pas encore le dernier. Mais ce sont des données partielles qui brossent un très bon tableau.

Néanmoins, la vaccination des enfants est une question de balance. Aussi vu d'un point de vue éthique, car on voit toujours que les enfants sont moins souvent touchés par la maladie, qui est plus sévère. Ceci est également rapporté par les unités de soins intensifs. Apparemment - pour le moment - les variants n'ont rien changé. On pourrait aussi se demander si nous avons réellement besoin d'enfants pour la protection de la population, pour l'immunité collective. J'ai vérifié qu'en Allemagne, il y a douze millions d'enfants de moins de 16 ans, soit environ 14%. Cela ne serait-il pas possible sans les enfants ?

Drosten: Eh bien, tout d'abord, vous devez dire que le vaccin Pfizer / BioNTech pourrait désormais également être utilisé pour vacciner les 16 et 17 ans. Et ils contribuent certainement à la propagation, ils sont très mobiles et actifs après la puberté. Nous connaissons tous le sujet. C'est donc certainement la bonne approche pour élargir cela avec la vaccination. Le sujet est très complexe. Je pense qu'il est très clair que vous ne pouvez pas calculer cela sans ambages. C'est donc un compartiment dans la société où vous ne pouvez pas dire que si vous y vaccinez tout le monde et à la fin vous obtenez un taux de vaccination de 80% et donc une immunité collective. Cela ne fonctionnera pas de cette façon.

Ce compartiment de la société est critique, du moins à certains moments. À l'école, par exemple, où tous les enfants sont ensemble. Ensuite, vous aurez peut-être une infection à l'école. Nous ne savons pas encore à quoi cela ressemblera, c'est une observation intéressante et en partie un peu alarmante que nous pouvons faire maintenant dans un avenir proche, par exemple en Angleterre. Nous avons une situation où maintenant, après la vaccination très active, 60, 65 pour cent de la population totale est vaccinée. C'est-à-dire un peu plus avec les adultes. Les enfants ne sont pas non plus vaccinés en Angleterre. Et l'école a recommencé. On peut désormais observer en Angleterre au cours des prochaines semaines si l'incidence augmente à nouveau dans les tranches d'âge scolaire ou si elle reste en baisse. C'est un pronostic très intéressant, aussi pour nous, bien sûr, en première approximation.

Une couverture vaccinale élevée protège probablement les enfants et les adolescents

Pour le moment, il semble que les chiffres du Bureau des statistiques nationales, où des enquêtes sur les infections sont toujours en cours, indiquent que le nombre d’infections n’a pas encore augmenté. Il faut donc espérer que le taux élevé de vaccination des adultes protège les enfants. Ce serait très bien. Et bien sûr, après tout ce que nous venons de dire, vous devez vous demander comment ça se passera six mois plus tard ? Vers l'automne, quand il fait à nouveau froid, vous êtes à nouveau plus à l'intérieur. Et les adultes sont vaccinés depuis plus de six mois et la protection vaccinale des muqueuses diminue lentement, les enfants sont-ils toujours aussi bien protégés ? Ou il y a alors une augmentation de l'activité infectieuse dans les écoles, en dehors des écoles. Puis communiquée aux adultes avant qu'ils ne soient à nouveau vaccinés ?

Et l'équilibre est le défi de l'automne. Il en sera de même pour nous, car nous vaccinerons les adultes en été. Ensuite, nous aurons des taux de vaccination relativement élevés pour ceux qui veulent se faire vacciner. Et beaucoup changeront probablement d'avis en faveur de la vaccination, car elle passera probablement d'une manière ou d'une autre. Ensuite, à l'automne, nous aurons certainement encore un bon effet protecteur des adultes pour les enfants. Mais à un moment donné, il disparaît simplement. Chez nous, il s'atténuera probablement un peu plus tard car nous avons atteint le taux de vaccination des adultes plus tard. Et puis nous arrivons dans le même domaine problématique. Au plus tard en hiver, il faudra regarder de très près les écoles. Et bien sûr, nous voulons absolument éviter que les écoles ne soient à nouveau fermées. J'ai du mal à projeter ça maintenant. Je pense qu'un regard sur l'Angleterre avant les vacances d'été nous aidera à évaluer cela.

Hennig: Et peut-être en Israël aussi.

Drosten: Pour Israël aussi, exactement. Je pense que vous devez simplement faire des examens et des observations très précis dans les semaines ou les mois à venir. Les autorités sanitaires internationales sont bien entendu en contact et se montrent des données préliminaires qui n'ont pas encore été publiées, afin qu'une meilleure évaluation puisse être faite. Vous pouvez déjà lire dans les médias qu'ils essaient d'obtenir de grandes quantités de vaccins pour la saison à venir en Angleterre, et qu'ils sont déjà en train de négocier avec les producteurs de vaccins pour la saison automne-hiver. Je pense qu'en Angleterre, ils ont déjà une bonne connaissance des données sur la résilience de la protection immunitaire et qu'ils y prennent de bonnes décisions stratégiques.

C’est la raison pour laquelle j’ai le sentiment pour le moment que nous devons vacciner au plus vite et revacciner les groupes à haut risque d’ici l’automne. Bien sûr, le sujet de la vaccination chez les enfants est si complexe. À mon avis pour le moment, nous ne pouvons probablement pas empêcher les enfants d’être vaccinés et que nous devons le faire. Je pense que les enfants sont également affectés par le Long-Covid. À un degré que nous ne pouvons pas vraiment quantifier. Ensuite, les arguments souvent utilisés par les pédiatres selon lesquels les enfants ne tombent pas gravement malades ne sont, bien entendu, qu'un côté de l'équation. Un enfant est bien sûr gravement affecté par un père gravement malade et dans certains cas bien sûr à vie. Il ne faut donc pas oublier cela non plus. Ensuite, il y a d'autres considérations qui sont maintenant dans le domaine du développement et des questions sociales que je ne veux pas commenter ici. Elles ne sont tout simplement pas mon travail. C'est un argument très complexe.

Protéger les enfants d'éventuels longs Covid ?

Hennig: Vous avez déjà indiqué le deuxième aspect. L'un d'eux est donc la protection de la population. Les enfants à leur tour protègent les adultes et eux-mêmes en tant que famille. Mais même en dépit des nombreux cas qui sont faibles ou asymptomatiques dans la majorité, la question est toujours : faut-il encore protéger les enfants ? Les connaissances ne font que débuter sur le Long Covid. Il y a maintenant une ambulance Long Covid à Iéna, ainsi qu'en Suède. Et dans le podcast, nous avons également parlé de ce syndrome inflammatoire multi-systémique, PIMS, qui n'apparaît que des semaines après l'infection et ce qui doit être observé davantage. Donc, si le nombre d'infections augmente, est-ce que cela augmentera ?

Drosten: Oui, c'est exact. Donc, même maintenant, il y a un commentaire assez récent dans Lancet Infectious Diseases, l'une des revues du Lancet. C'est une opinion de pédiatres, ou je crois juste l'un d'entre eux.

Hennig: Oui, c'est un seul.

Lancet Infectious Diseases : commentaire sur la vaccination des enfants

Drosten: Il soutient qu’on ne devrait pas vacciner les enfants. Un argument avancé est que cette maladie inflammatoire multisystémique est médiée immunologiquement après l'infection. Ce n'est donc pas le virus lui-même, mais la réponse immunitaire au virus. Et une telle réaction immunitaire similaire pourrait également être déclenchée par la vaccination si vous commencez maintenant à vacciner les enfants à grande échelle. Cela ne peut pas être écarté d'emblée.

Hennig: Mais c'est encore de la spéculation. Ça pourrait être correct ?

Drosten: Eh bien, disons les choses de cette façon, c'est de la spéculation en ce sens qu'elle ne peut pas être observée dans en situation réelle pour le moment, mais seulement dans une étude d'efficacité. En d'autres termes, vous devriez voir cela dans les études cliniques. Et pour le dire un peu plus nettement : les études cliniques auraient dû être interrompues depuis longtemps si tel était le cas. Bien sûr, vous mettriez dès lors en pause une étude clinique pour l'examiner.

Si cela se produit réellement avec une fréquence de 1 sur 1 000 ou 1 sur 10 000, il faudrait alors s'approcher lentement des fourchettes statistiques où l'on verrait de tels phénomènes dans les études de vaccination déjà en cours chez les enfants. Malheureusement, pour le moment, cela n’est que de l’argumentation. Donc, pour le moment, il y a en fait un peu les mêmes groupes et les mêmes personnes qui plaident pour l'ouverture et le fonctionnement des écoles, l'éducation et la fonction sociale des écoles en même temps, c'est-à-dire qui s'opposent à la fermeture des écoles, et qui s'opposent désormais également à la vaccination des enfants.

Hennig: Mais pas tous.

Drosten: Il faut se demander comment les choses vont se passer l'hiver prochain. Donc pas de vaccinations pour les enfants et d'écoles ouvertes. Ainsi, vous pouvez également vous protéger contre les fermetures d'écoles par la vaccination. Et nous avons des vaccins, comme les vaccins à ARN et aussi les vaccins protéiques qui seront bientôt de plus en plus disponibles.

Hennig: Novavax, par exemple.

Drosten: Oui, exactement. Même les arguments qui expriment des préoccupations fondamentales contre les vaccins à virus porteur ne sont plus fondés parce qu'il n'y a plus là de vaccin à virus porteur. Il y a donc parfois cet argument : Eh bien, vacciner un enfant avec votre vaccin à le virus porteur, qui sait quels effets secondaires théoriquement concevables peuvent avoir 20 ou 30 ans plus tard.

Hennig: AstraZeneca, par exemple.

Drosten: Oui, car un virus est finalement administré, même s'il s'agit d'un virus qui ne se réplique pas. Mais d'une manière ou d'une autre, cet argument ne s'applique plus non plus. Cela ne s'applique donc pas aux vaccins à ARNm dès le départ. Par conséquent, mon évaluation est qu'il faut travailler dans ce sens, et que les enfants soeint vaccinés.

Hennig: Si nous regardons maintenant l'automne et l'hiver, alors peut-être que nous devons aussi faire un petit calcul qui s'applique aux enfants, s'ils ne sont toujours pas vaccinés, mais aussi à toutes les autres personnes non encore vaccinées. Si examinons à ce moment l’incidence, qui est calculée sur la population totale, et qui serait, par exemple, une incidence de 150, mais avec la moitié de la population immunisée, alors ce 150 est distribué à l'autre moitié. Cela signifie que parmi les personnes touchées, il serait alors deux fois plus élevé, à savoir à 300 mathématiquement. Est-ce une correct ?

Déconnexion entre incidence et disponibilité de lits en USI

Drosten: Oh oui. Je pense que parce que toutes ces choses sont des distributions, en principe, bien sûr, vous pouvez le voir de cette façon. C'est ici un exemple de ces phénomènes de transition que nous aurons dans de nombreux domaines dans un proche avenir. Nous assistons donc à un virus qui devient endémique. Nous ne pourrons pas continuer comme nous le faisons maintenant pour toujours. C'est en quelque sorte le gros problème, durant l'atténuation. La question est donc de savoir comment gérez une telle pandémie à long terme. Comment peut-on continuer d'exercer une influence significative du point de vue de la santé publique au cours du processus ultérieur, lorsque des segments de plus en plus importants de la population deviennent immunisés ? Il est très clair que nous voulons relancer la vie sociale et économique. Certains espaces, comme les zones de loisirs par exemple.

Hennig: La culture est très importante.

Drosten: Absolument. Et nous voulons aussi rouvrir toute l'activité économique qui y est rattachée. Le point est régulièrement soulevé dans le débat public : il ne faudrait plus prendre en compte la valeur d'incidence, elle n’est pas vraie de toute façon. La fréquence de test change. Il faut maintenant plutôt regarder l'occupation des lits en soins intensifs ou les entrées en soins intensifs. C'est un peu un argument public, ce qui, à mon avis, est en partie correct du point de vue de son effet préparatoire. Certains d'entre eux sont des scientifiques sérieux qui réfléchissent déjà à cela et l'expriment dans des interviews. Et c'est tout à fait correct ce qu'ils disent. Mais cela est destiné à la préparation. Ils disent que dans un proche avenir, le rapport entre les tests PCR et les admissions et les décès en unité de soins intensifs ne sera plus le même. Que ce ne sera plus comme ça. Que beaucoup de choses évoluent.

Hennig: Cela change déjà.

Drosten: Tout à fait. On voit déjà que les populations très âgées sont déjà largement vaccinées. Au moins nous y sommes maintenant. Et nous pouvons déjà voir que cela réduira la mortalité parmi les groupes les plus vieux. Les admissions à l'hôpital diminuent. Mais il y a une chose dont nous devons vraiment être conscients dès maintenant. Si vous parlez à de bons modélisateurs, qui ont vraiment une vue d'ensemble de la situation et qui recalculent également leurs modèles encore et encore, la déclaration que j'entends est que pour le moment l'incidence est toujours parfaitement adaptée à la gravité de la maladie dans la population, jusqu'aux admissions en soins intensifs et aux décès.

L'effet protecteur qui survient actuellement chez les personnes âgées est donc réel, c'est bien et nous devrions en être heureux. Mais pour la population générale, il est tout à fait juste pour le moment d'examiner la valeur d'incidence et d'agir politiquement en conséquence. C'est vraiment le point de vue des gens que je connais en tant que scientifique, en tant que modélisateur, dont le point de vue s’est toujours avéré bon.

Hennig: C'est toujours une valeur d'alerte précoce, un indicateur également de la situation dans les unités de soins intensifs. Néanmoins, la pandémie a un peu changé, précisément avec cette structure par âge, et sous divers aspects. Les personnes qui sont dans les unités de soins intensifs sont décrites par des gens comme Christian Karagiannidis, le directeur scientifique du registre DIVI, avec qui j'en ai parlé, comme plus jeunes. Ils meurent donc moins souvent. Mais précisément parce qu'ils sont plus jeunes, ils y restent souvent plus longtemps parce qu'eux, ils ont un organisme qui peut se battre plus longtemps. Cela change un peu la question : que peut prédire un tel indicateur d'incidence quant à la situation hospitalière ?

Drosten: Oui, c'est exact. Par exemple, pour le moment, il y a une distinction entre les nouvelles admissions aux USI et le taux d'occupation aux USI. Ensuite, on dit que les nouveaux enregistrements sont en fait ce qui est en cours. Il ne faut pas se tromper sur l'occupation. Parce que les gens qui y sont y restent longtemps. Mais cela ne change rien au fait que nous avons également une capacité que nous ne pouvons pas dépasser. Il faudrait donc tenir compte des valeurs limites, des zones de réserve. Si vous faisiez cela, vous reviendriez à une situation dans laquelle les opérations ne peuvent pas du tout être maintenues. Vous pouvez voir à partir de là que l'argumentation, qui est sérieusement faite ici par des employés, des statisticiens, des épidémiologistes et d'autres scientifiques, se veut préparatoire.

C'est donc parfois déjà exprimé dans les entretiens. Mais il est parfois présenté dans certains médias comme s'il s'agissait d'une recommandation pour l'instant, avec comme leitmotiv que les politiciens doivent revoir leurs plans. Mais ce n'est pas ce que cela veut dire. Cela se veut préparatoire. Et le point de vue correct, qui est également véhiculé par les scientifiques, est le suivant : nous savons que le temps passé en soins intensifs augmente. Nous savons également que si nous disons qu'il existe un nombre inconnu mais existant d'infections réelles dans la population, alors le nombre d'hospitalisations par cas réel diminuera parce que nous vaccinerons d'abord les groupes les plus à risque de se rendre à l'hôpital. Si à un moment donné, de plus en plus de personnes sont vaccinées, alors de moins en moins de personnes viennent à l'hôpital pour chaque cas réel.

La situation en soins intensifs peut devenir un guide dans l’avenir

Une autre chose qui changera est le nombre de tests PCR par cas réel, qui peut peut-être être décrit comme l'adhérence aux tests. Ainsi, alors qu'en hiver, tous ceux qui avaient des symptômes passaient au test PCR, maintenant de plus en plus de personnes, en particulier lorsqu'elles ont une évolution légère, iront à la pharmacie, subiront un test rapide d'antigène, se feront s’ils sont positifs, tester dans un centre de test, mais, ils ne se signaleront plus de manière aussi stricte. Il y a une tendance à ce que le message ne fonctionne plus aussi bien et qu'il ne soit plus aussi bien respecté. Mais nous ne savons pas vraiment ce que cela va faire avec les chiffres des admissions à l'hôpital dans l'ensemble. Par exemple, si vous continuez et établissez un quotient d'hospitalisation par diagnostic positif à la PCR, est-ce que cela s'équilibre parce que nous recevons moins de diagnostics positifs à la PCR ? Ou est-ce que le quotient augmente à nouveau à la fin parce que la PCR est moins utilisée ?

Toutes ces choses ne peuvent être estimées que pour le moment présent et toute projection est basée sur l'état actuel. Cela est également testé. Il est scientifiquement très sérieux de faire cela. Dans le sens de vouloir penser à l'avenir dès maintenant, comment nous allons développer davantage nos modèles d’analyse au cours de l'été, lorsque cette déconnexion entre la charge hospitalière de l'activité infectieuse dans la population deviendra encore plus apparente. Parce que cela va se séparer. À long terme, nous ne pourrons pas faire face à cette maladie comme nous le faisons actuellement. Ce que nous faisons encore actuellement, c'est essentiellement un plan d'endiguement, une stratégie d'endiguement. Nous voulons contenir toute autre transmission dans la mesure du possible. Mais nous pouvons déjà voir que nous entrons déjà par la petite porte dans une stratégie d'atténuation. Cela signifie que nous ne voulons plus empêcher toute nouvelle transmission, car nous devons admettre que nous ne pouvons pas. Nous voulons plutôt empêcher les retransmissions là où il est important de les empêcher.

Contenir en outre la transmission

Nous voulons également empêcher dans une grande partie la retransmission dans la population de manière à ce que cela soit efficace. En d'autres termes, que les coûts soient aussi bas que possible, en termes d'argent et de temps, de qualité de vie et de toutes les autres choses qui peuvent être quantifiées en termes de coûts de lutte contre la pandémie. Un signe de ceci est l'utilisation intensive d'un test imparfait, le test d'antigène. C'est un pas dans la direction d'une stratégie d'atténuation tacite. Nous avons d'autres choses qui vont sûrement se produire. Par exemple, à un moment donné, il faudra assouplir l'obligation de confirmer les tests antigéniques positifs avec la PCR. À un moment donné, ce ne sera tout simplement plus possible.

Ensuite, les autorités doivent admettre que cela ne peut plus être maintenu. Ici aussi, le nombre d'admissions deviendra à un moment donné un critère qui sera certainement utilisé à la place des chiffres d'incidence nus, des nombres de tests nus, des taux de test positifs. Je trouve cette discussion un peu houleuse pour le moment. Depuis l'automne dernier, les opposants aux mesures font valoir cet argument selon lequel il ne faut pas toujours regarder les incidences. Comme je l'ai dit, il était juste de regarder les incidences à l'époque. Et c'est encore le cas jusqu'à présent. Ce n'est qu'à l'avenir qu'elles se sépareront un peu les unes des autres.

Hennig: Si certains chercheurs, en vue de l'automne, développent des théories sur la manière dont un nouveau facteur ou plusieurs autres facteurs pourraient être pris en compte dans l'évaluation de la pandémie, alors dans la préparation de ce qui se passera en automne et en hiver, quel rôle les tests rapides pourront-ils alors jouer dans la situation ?

Drosten: Les tests rapides joueront un rôle pratique dans la vie quotidienne à long terme. Nous voulons tous savoir si nous avons été vaccinés ou non, si nous avons attrapé ce virus. Il restera des personnes qui n’ont pas encore été vaccinées, pour des des raisons médicales, ou qui peuvent également être opposées à la vaccination. Beaucoup voudront simplement savoir dans leur gestion quotidienne si ces symptômes de la maladie qu'ils éprouvent actuellement sont liés au virus. C'est alors aussi une manière un peu plus naturelle de faire face au virus qui va surgir. Surtout alors, je ne peux que le dire une fois de plus, lorsque cette question de la protection des enfants sera également résolue.

Quel que soit le résultat, que vous finissiez par vacciner tous les enfants ou s’il devrait s’avérer que les enfants sont infectés et ce n’est en fait pas aussi grave que certains le prévoient en ce moment, ce que je ne peux honnêtement pas accepter. Mais je pense qu'au plus tard, quand cela deviendra ainsi, nous pourrons y faire face plus naturellement. Bien sûr, à un moment donné, nous abandonnerons également les tests. Je pense que ces tests très intensifs avec le PCR vont s’abaisser bien avant cela, car en fin de compte, il y a des coûts à payer. Rien de tout cela n'est bon marché. Dans une période aiguë, c'était la seule mesure dont nous disposions. Nous ne pouvions pratiquement rien faire d'autre, donc cela pouvait coûter. Mais à un moment donné, les considérations économiques reviennent également.

Hennig: Je voudrais rester brièvement sur les tests car il y a deux semaines vous avez commenté l'incertitude de la détection de l'infection avec des tests rapides, principalement avant l'apparition des symptômes. Comme prévu, cela a fait un peu de bruit car les profanes se disaient : Oh mon Dieu, surtout avant l'apparition des symptômes, si vous n'avez pas encore remarqué une infection, mais que vous pouvez être extrêmement contagieux, ces tests rapides sont particulièrement importants. Lorsque vous parlez aux diagnosticiens maintenant, d'une part, ils disent : Eh bien, nous savons depuis longtemps que la sensibilité n'est pas toujours la même. Mais nous avons aussi suffisamment d'exemples dans lesquels des personnes ont été détectées par des tests rapides dans cette phase présymptomatique. Souvent, cela fonctionne. Parce que nous avons reçu beaucoup de questions à ce sujet, encore une fois pour clarifier : votre expérience, que vous avez décrite ici et également vos conversations avec d'autres médecins de laboratoire, était pas que les tests rapides ne peuvent généralement pas fonctionner dans cette phase précoce avant l'apparition des symptômes. Ou alors ?

Drosten: Non, non. Nous n’évoluons pas ici dans un monde de bandes dessinées, mais nous nous déplaçons dans la vraie vie. Cela signifie qu'il n'y a presque pas de noir et blanc, il y a toujours des nuances de gris. C'est la même chose lorsque vous travaillez avec ces tests d'antigène maintenant. L'impression est déjà - cela sera également confirmé à l'avenir par les données - que la sensibilité de ces tests antigéniques rapides est encore très faible le jour où les symptômes commencent. Donc, mon idée est de l'ordre de peut-être 30, 40 pour cent environ. Donc dans 60 à 70 pour cent des cas, le test sera négatif même s'il s’agit de personnes actuellement contagieuses. Et à partir de demain et après-demain, c'est-à-dire si les symptômes ont duré un certain temps, alors soudainement ces tests deviennent très sensibles. Alors, le virus est détecté par PCR dans plus de 90% des cas, si ces symptômes sont causés par ce virus. Donc si ce n'est pas une autre maladie.

Bien sûr, tous les médecins de laboratoire, y compris moi-même d'ailleurs, pourront dire qu'il y a aussi des cas où cela a fonctionné. Il y a donc aussi des cas qui ont été trouvés avec le test d'antigène. Le lendemain, ils sont devenus symptomatiques. Bien sûr, mais ils sont minoritaires. C'est le problème. L'idée qui existe parfois en public, par exemple lorsque des mesures politiquement pratiques sont proposées, par exemple dans le sens du contrôle au comptoir d'entrée d’un spectacle ou quelque chose du genre, est une idée de sensibilité à 100%. En pensant que si je tombe malade demain et que j'ai déjà le virus aujourd'hui, le test me le dira. Et si le test ne me dit pas cela, alors je peux être assuré, car alors je n'aurai pas le virus. Ce raisonnement est tout simplement faux. C'est donc vrai dans la minorité des cas, donc c'est faux dans la majorité des cas.

Les tests rapides sont utilisés pour le dépistage, pas pour le soulagement individuel

Hennig: Maintenant, nous avons dit la dernière fois que l'effet de dépistage, c'est-à-dire de tester régulièrement dans les écoles, pour détecter s'il y a une infection dans les écoles, même si cela n’a pas été mis en évidence, car vous testez plus souvent et dès lors tôt ou tard, on trouve des personnes infectées et infectieuses. Mais pouvons-nous encore déduire quelque chose à titre individuel dans cet effet de dépistage, sans vouloir changer mon comportement et déchirer le masque de mon visage. Prenons l'exemple d'une famille de quatre ou cinq, où les écoliers sont testés à l'école au moins deux ou même trois fois par semaine et les parents disent alors : je vais aussi au centre de test rapide. Ou si je ne peux pas rester en travail à domicile, je vais être testé deux fois par semaine au travail. Peut-on également en déduire que l'on peut aussi réaliser un si petit effet de screening pour cette famille ? Peut-on dire que si quelqu'un dans la famille est infecté, tôt ou tard, nous le remarquerons d'une manière ou d'une autre.

Drosten: Oui, bien sûr. Dans tout groupe social stable, c'est comme faire des tests d'antigène tous les quelques jours. Ensuite, il a un effet indicateur fort pour le groupe social, et également pour l'individu. Vous devez simplement garder à l'esprit qu'environ 80% des adultes infectés présentent des symptômes de cette maladie. Si nous avons une famille avec au moins deux parents, l'un des deux développera des symptômes si cette infection se propage dans la famille. Avec les enfants, ce sera moins. Vous pouvez y adapter un peu votre comportement quotidien. En tant qu'adulte, lorsque j'ai des symptômes, je suppose que je pourrais aussi être infecté, par souci de sécurité. Et je sais que si je me teste immédiatement, ça ne fonctionnera pas. Mais si je fais le test le matin après le début des symptômes, c'est très sûr.

Ensuite, si je suis négatif malgré les symptômes, je peux supposer que mes symptômes sont dus à autre chose. Mais même là, je ne peux jamais l’affirmer avec une certitude absolue, car la sensibilité n'est pas à cent pour cent. Comme dans toute autre vie, la sécurité absolue n’existe pas. Les choses ne sont pas absolues. Ce n'est pas non plus le cas que lorsque je suis infecté ou si j’ai infecté un membre de ma famille sans que je le remarque, qu'il développera avec une certitude absolue une évolution grave ou devra être hospitalisé ou quelque chose de pire. Ce sont tous des états de transition et des nuances de gris et non des effets noirs et blancs.

Rôle des tests rapides et B.1.1.7

Hennig: Et c'est toujours le cas avec le variant B.1.1.7 que nous avons maintenant, de sorte que bien qu'il soit plus transférable, de façon empirique, tout le monde dans la famille n'en est pas toujours infecté, contrairement à avant.

Drosten: Exactement. C'est incroyable que le taux d'attaque ait vraiment augmenté. Il est en partie doublé. Cela signifie de l'idée que nous avons souvent un taux d'attaque dans les familles qui est de l'ordre de 15 à 20 pour cent. Comme je l'ai dit, le virus se propage en grappes et c'est une moyenne dans toutes les familles. Cela signifie donc que de nombreuses familles n'ont pas de personnes infectées. Certaines familles comptent de nombreuses personnes infectées. C'est en fait comme ainsi avec ce variant 1.1.7: On peut presque supposer un doublement des taux d'attaque, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de famille dans laquelle il n'y a pas de transmission. Il y en a.

C'est simplement parce que l'infection est terminée au moment où quelqu'un rentre à la maison. Il n'est alors plus fortement infecté, mais peut toujours être détecté. Mais il ne peut plus infecter personne. Il existe de telles situations. En revanche, il existe d'autres situations. Quelqu'un rentre à la maison et une semaine plus tard, toute la famille est infectée, sans exception. Cela est également très souvent rapporté. Ici, la représentation statistique des données est parfois difficile à concilier avec une compréhension quotidienne. C'est pourquoi il y a parfois de telles tromperies, qui sont ensuite exacerbées et dramatisées ici et là par les médias.

Hennig: Une dernière question sur les tests. La dernière fois, vous avez évoqué brièvement le fait que le variant pouvait également avoir un impact sur la sensibilité des tests. Par exemple, la charge virale augmente tellement plus vite au début que si je fais un test rapide le matin, elle peut être toujours clairement négative mais très bientôt elle devient positive. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet effet ? Ou est-ce encore du domaine spéculatif ?

Drosten: C'est très spéculatif. Du moins qu'il monte aussi rapidement. Ce que l'on peut déjà dire, c'est que les personnes infectées par B.1.1.7 émettent beaucoup plus de virus que les personnes infectées par un autre virus. Cela affecte également la sensibilité de détection de ces tests. Dans le sens où ils seront plus sûrement positifs. C'est en fait mieux pour les tests. Ce qui n'est pas encore très clair, c'est si, dans cette variante, le moment de la charge virale maximale est décalé par rapport au moment de l'apparition des symptômes. Il y a des opinions et des paquets de données que vous pouvez consulter. Mais nous ne pouvons pas entrer dans les détails de cela ici parce que c'est trop peu sûr.

Mesures d'urgence fédérales et l'exemple de Hambourg

Hennig: Monsieur Drosten, je voudrais terminer en examinant le sujet des mesures. Nous avons maintenant le nouveau paquet de mesures à l'échelle nationale avec le beau nom allemand "Bundesnotbremse". Ce n'est le cas que depuis quelques jours, vous ne pouvez donc voir aucun effet ici. Mais nous pouvons prendre l'exemple de Hambourg, car ils ont en fait anticipé ces mesures d'urgence fédérales pour leur propre État fédéral à Hambourg. Le Vendredi saint, le 2 avril, des règles de contact plus strictes ont été édictées et le commerce de détail a de nouveau été fermé, avec les exceptions habituelles. Les écoles sont fermées sauf pour les classes alternatives dans les écoles élémentaires et les classes de terminale. Il y a aussi un couvre-feu. Et toujours de 21h à 5h. Et environ dix jours, 14 jours plus tard, l'incidence à Hambourg a commencé à baisser continuellement. La valeur sur 7 jours aujourd'hui (au 27 avril 21) est légèrement inférieure à 105, selon l'Institut Robert Koch. Pensez-vous qu’il est plausible que ces mesures d'urgence fédérales puissent avoir un effet ?

Comme avant : réduire les contacts

Drosten: Oui, je pense que c'est plausible. Il reste que le but est simplement de réduire le nombre total de contacts. Pour le moment, nous avons une situation quelque peu mal répartie concernant toutes les négociations avec divers groupes d'intérêt vis-à-vis de la politique en Allemagne. Nous savons tous que la vie professionnelle est relativement libre. La vie de loisirs est sévèrement limitée. C'est la pondération que nous avons choisie ou obtenue dans l'ensemble de l'Allemagne. Bien entendu, ce qu'on appelle maintenant les mesures d'urgence fédérales sont à nouveau un resserrement plus fort dans les domaines qui sont surtout en dehors de la vie économique, en ce qui concerne les couvre-feux. Il s'agit principalement de la vie de loisirs des adultes. Puis aussi sur les effets des fermetures d'écoles ou de la réduction des opérations scolaires.

Ce sont des domaines dans lesquels des réductions ont déjà été effectuées et où les réductions sont à nouveau augmentées. On aurait bien sûr pu le choisir différemment. On aurait pu également procéder à des réductions plus importantes dans d'autres domaines de la vie professionnelle, de l'économie. D'autres pays l'ont fait. D'autres pays ont vraiment des obligations de travail à domicile de grande ampleur. Pas seulement des possibilités, des bases de discussion et des recommandations, mais une justification doit être donnée si vous ne travaillez pas à domicile. Bien sûr, cela a également eu des effets. Si vous répartissez ces mesures uniformément dans tous les domaines, vous obtenez un effet global plus fort que si vous ne pressez que très fort à une extrémité et laissez tout comme avant à l'autre extrémité. D'un point de vue scientifique, cela n'a pas d'importance, cela dépend uniquement du nombre total de contacts. Si vous réduisez cela, l'incidence diminue. Si vous réduisez un peu plus tôt à Hambourg, l'incidence à Hambourg diminue un peu plus tôt. Tout cela relève de ce qui est attendu.

Inégalités socio-économiques

Hennig: C'est quelque chose qui peut nous donner de l'espoir pour les prochaines semaines. Cependant, parce que vous avez parlé de la répartition uniforme et inégale, vous pouvez voir dans des villes comme Hambourg, mais aussi à Berlin et à Cologne, une répartition inégale très flagrante des incidences, notamment en ce qui concerne le côté socio-économique de la pandémie. Il y a donc des quartiers de la ville qui sont connus pour avoir des revenus nettement inférieurs. Il y a aussi des immeubles de grande hauteur, les gens y vivent plus à l'étroit et ne peuvent travailler à domicile parce qu'ils ne travaillent pas dans un bureau, mais dans des conditions de travail où il faut être présent et ensuite peut-être aussi travailler de manière proche ou du moins avec des moins bons moyens de protection. Si vous vous regardez les chiffres, il y a des incidences de 400, 500. Et dans les quartiers de ville de taille moyenne, dans les quartiers classiques, à deux chiffres seulement.

Drosten: Eh bien, vous pouvez y regarder de plus près. Des mesures de réduction des contacts peuvent également être imposées en ces points. Mais cela aurait bien sûr un impact sur certaines branches de l'économie. Il s'agit de chaînes d'approvisionnement et de production, etc. Ce sont des domaines de l'économie qui ne peuvent pas être réalisés par travail à domicile. Bien sûr, cela montre également que les personnes qui travaillent dans ces branches de l'économie ne se débrouillent pas si bien socialement et vivent bien sûr également dans des parties de la ville où l'espace de vie peut être moins cher, etc. Toutes ces choses conditionnent bien sûr les chiffres. C’est évident.

Mais vous ne devriez pas le faire en tant que scientifique, mais plutôt à partir d'autres compartiments de la société. Vous pouvez également critiquer et dénoncer. Et vous pouvez demander des changements. Mais je pense que le plus important pour le moment est de comprendre à quoi cela ressemble. Du moins si vous me demandez en tant que scientifique. Je peux vous dire comment c'est. Il existe des liens directs très clairs. Il y a une certaine différence dans les mesures en Allemagne par rapport aux autres pays. Même les pays voisins, où les coupes économiques sont plus fortes, où l'économie est structurée différemment, sont moins productifs, il y a des différences. Mais nous devons regarder la situation en Allemagne. Je pense qu'avec tout ce que nous observons, nous devons nous dire clairement qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui restera ainsi pour toujours. Il s'agit plutôt de briser cette dernière force, qui est clairement toujours là, cette troisième vague. Et puis de tenir quelques semaines ou quelques mois jusqu'à la fin de l'été.

Il faut bien sûr s'attendre à ce que l'effet des vaccinations - ce sera celui qui nous y aidera - conduira exactement à ce dont nous parlions. Que la vaccination soit vraiment disponible dans les zones et groupes socialement défavorisés. Je crois que ce qui est maintenant aussi considéré, c'est-à-dire plus de vaccinations via les cabinets de médecin de famille, qui sont également bien connus et connectés dans les diverses structures sociales, mais aussi les vaccinations par les médecins du travail, je pense que c'est en fait la voie à suivre pour obtenir un meilleur effet. Et cette voie est maintenant également mise en route. Dans ce domaine, je pense qu’on progresse pour l’instant.

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