Vu d’Allemagne

Le virus circule sur la bande d’arrêt d’urgence

26 mai 2021 17 h 40

Dans ce nouvel épisode de NDR Info Podcast Coronavirus Update, le virologue Christian Drosten parle de l’étude sur la charge virale faite à la Charité, et de la situation actuelle en Angleterre.

Les chiffres en Allemagne semblent toujours bons, l'incidence sur sept jours est actuellement inférieure à 60. Il faut rester prudent cependant quant à l’interprétation de ces données - en raison des vacances de l'Ascension et de la Pentecôte. Mais le nombre de vaccinations augmente continuellement. Huit personnes par seconde sont vaccinées en moyenne en Allemagne, comme l'a calculé le ministère fédéral de la Santé. Korinna Henning, rédactrice scientifique de NDR Info, parle au virologue Christian Drosten de la Grande-Bretagne et du variant indien. De plus, cet épisode traite des données de l'étude de la charge virale de la Charité.

Drosten 90

L'audio du podcast original

Le transcrit du podcast original en allemand

Le pdf du podcast en français

Les principaux sujets de l'épisode

Déconfinement en Allemagne

Korinna Hennig: Êtes-vous préoccupé par l'engouement général pour les repas en plein air ? En particulier, il y en a eu beaucoup pendant le week-end de Pentecôte. Ou considérez-vous toujours que c'est raisonnable en raison des progrès de la vaccination ?

Christian Drosten: Oui, encore une fois, nous pouvons nous tourner vers l’Angleterre en ce qui concerne les progrès de la vaccination. En Angleterre, ils en sont déjà plus loin. Ils comptent déjà plus de 40% de personnes entièrement vaccinées et plus de 60%ayant reçu une dose. La restauration en extérieur y a également été rouverte. C'était à un moment où les progrès de la vaccination étaient en fait un peu plus avancés qu'ils ne le sont maintenant chez nous. On voit maintenant en Angleterre dans certaines régions d'une légère augmentation de l'incidence. C'est peut-être dû à ces ouvertures. Nous pouvons rien en conclure pour le moment, car les chiffres sont relativement faibles. Il y a eu deux jours fériés d'affilée, alors je pense qu'il faut attendre un peu. Mais en général, la restauration en plein air n'est certainement pas un gros problème. Il existe déjà des règles pour cela. Dans de nombreux domaines, ils ont également une règle selon laquelle vous devez également présenter un test négatif. Ils accordent beaucoup d'attention à la sécurité.

Hennig: D'un autre côté, en Grande-Bretagne, les discussions à propos du variant indien jouent à nouveau un rôle plus important. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, l’état de la vaccination au Royaume-Uni était plus avancé. Quel rôle jouent encore les mesures ? Toutes ces mesures n’ont pas encore été prises en Allemagne.

Drosten: En fait, il faut dire que les mesures ont été un peu mieux alignées au niveau du pays. De nombreuses mesures de ce qu’on appelle le frein d'urgence fédéral existaient déjà auparavant. Seulement maintenant, elles ont été distribuées plus équitablement au niveau fédéral. Le tout a été rendu un peu officiel. Mais ce frein d'urgence fédéral n’a pas soudainement été appliqué à partir d'une date clé. Maintenant à nouveau, certaines de ces mesures peuvent être progressivement revues à la baisse. Même ici à Berlin, où il y a beaucoup d'activité, même chez les jeunes, je n’observe pas d’absence importante des mesures.

Je ne suis pas inquiet à ce sujet pour le moment. Je pense qu’il faut laisser un peu de temps et attendre de voir comment cela se développe. Je pense que, le cas échéant, un réajustement sera facile à mettre en œuvre. Au moins jusqu'à la fin juin, une base légale sera maintenue. Mais vous pouvez entendre tellement de bavardages publics en ce moment. Certains disent qu'il faut aller beaucoup plus lentement. En principe, bien sûr, c'est correct. Mais ça ne pourra pas durer éternellement.

Augmentation du taux de vaccination

En même temps, nous avons ce taux de vaccination qui augmente. D'ailleurs, il ne faut pas oublier, et peut-être juste dire, qu'après toutes les difficultés initiales, l'Allemagne est désormais à la pointe des progrès de la vaccination par rapport aux autres pays européens. Donc ça va déjà très vite pour nous. Cela signifiera bien sûr que la gravité de la maladie diminuera et qu'à un moment donné au cours de l'été, nous devrons revoir l'ensemble des situations de risque.

Effet de la température

Nous sommes maintenant dans un tel processus de transition. D'autres voix dans le public disent le contraire. Ils disent que tout cela n'était pas du tout nécessaire. Dans certains pays d'Europe où les chiffres baissent d'eux-mêmes, ils disent que ce n'est dû qu’à la température. Il faut dire que non, les choses ne sont pas si simples. Premièrement, nous avons dit à plusieurs reprises dans ces podcasts que l'effet de la température, ce n'est pas qu'il n'existe pas ou qu'il met fin à tout, mais qu'il est à peu près de l'ordre de 20 pour cent d'efficacité. La transmission des coronavirus de rhume diminue de 20% pendant les mois d'été. Il y a certaines raisons de penser que pour ce virus, cela pourrait l'être aussi. Personne n’a jamais dit qu'il n'y avait pas d'effet de température. Mais on ne peut pas non plus supposer que la température sera tout.

Autres pays d'Europe

Jetons un coup d'œil aux divers pays d'Europe. En ce moment, il y a un groupe de pays avec des nombres élevés. La Suède mais aussi la Belgique et la Hollande ont encore une incidence élevée. Ils sont de l'ordre de l'incidence à 400 par semaine (note personnelle : au moment de ce podcast, Drosten confond l’incidence sur une semaine et sur 14 jours, telle que l’UE recommande de la définir. Pour la Belgique, à ce moment, l’incidence sur une semaine était un peu inférieure à 200). La Grèce et le Danemark sont également environ 240 chacun, ce qui est un groupe avec des incidences élevées. La Grèce en est là. C'est définitivement un pays chaud. En Grèce, surtout dans la chaleur, l'incidence a de nouveau augmenté début mai. Maintenant, cela a un peu diminué. Au Danemark, ils disposaient en fait de mesures de contrôle relativement bonnes, puis ont relâché les mesures relativement tôt. Maintenant, vous pouvez tout ne va plus vraiment bien. Il y a même une tendance à la hausse au Danemark. Cela montre que ce sont les mesures. Ce n'est tout simplement pas la température, du moins pas à ce point. Ce n’est pas explicable ainsi.

Les mesures ont fonctionné

Surtout, il ne faut pas laisser entendre en public que ces mesures ont pu être prises en Allemagne sans raison. Tout le monde a travaillé extrêmement dur pour cela. Beaucoup ont renoncé à beaucoup de choses. Maintenant, certaines voix dans le public tentent de suggérer que cela aurait été en vain. C'est injuste pour les nombreux contributeurs en Allemagne. C'est peut-être aussi un peu injuste pour les pays qui servent de comparaison.

Pays d'Europe du Sud-Est

Des gens disent : regardons les courbes, par exemple, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Bulgarie, de la Pologne, de la Croatie, de la Roumanie. Étonnamment, les chiffres y ont également diminué. Tout s'est passé tout seul. Ils jouent, à mon avis, avec l'aidée que ce sont des pays d'Europe du Sud-Est. Et qu’ils peuvent ne pas être en mesure de contrôler l’épidémie. Ce n'est pas vrai. Les pays que je viens de mentionner où la troisième vague a été la pire, ont eu le nombre de morts le plus élevé, et en raison de ce nombre de morts élevé, ils ont pris des mesures de contrôle très strictes. C'est pourquoi vous pouvez maintenant voir un bon succès du au contrôle avec eux. Et pas parce qu'ils sont dans le sud-est plus chaud en Europe. Tous ne sont d’ailleurs pas en Europe du Sud-Est. Certains d'entre eux n'ont pas du tout un climat chaud.

C'est donc un débat public difficile en ce moment. Alors bien sûr, on ne sait pas non plus ce que l'on devrait réellement modéliser ou évaluer, par exemple si la question se pose : à quoi ressemblerait une quatrième vague ? Parce que la gravité de la maladie est très importante. Je ne veux donc pas analyser des chiffres hors de leur contexte. C'est comme dans de nombreux autres domaines médicaux, où nous ne traitons pas les valeurs de laboratoire, mais la maladie qui les sous-tend. La gravité de la maladie est ici très difficile à évaluer. Cela va changer.

Nous avons cette distribution asymétrique de la gravité de la maladie selon l'âge. D'autre part, il existe une priorisation vaccinale qui n'est pas strictement respectée. Cela joue aussi. A cela s'ajoute aussi l'annulation de la priorisation, qui ne peut être relevée qu'a posteriori et ne peut pas être modélisée à l'avance. Cela rend les choses incroyablement difficiles. Il y a un tel manque de clarté dans tous les arguments publics. Ceci est ensuite évidemment utilisé des deux côtés de l'opinion pour faire valoir leur propre récit. Tout le monde peut trouver des arguments pour ce qu'il veut dire.

Hennig: Maintenant, cependant, en ce qui concerne le contrôle, c'est-à-dire là où vous voulez intervenir un peu plus ou pensez que vous devez le faire, attendre et voir s'est toujours avéré ne pas être une bonne stratégie. C'est aussi quelque chose qui vient plus souvent de l'OMS. Il vaut mieux agir vite et en cas de doute on peut toujours relâcher des mesures. Vous venez de tourner votre regard vers la Grande-Bretagne.

B. 1.617.2 en Grande-Bretagne

J'aimerais qu’on jette un coup d'œil sur ce que les autorités sanitaires anglaises ont maintenant recueilli comme indications sur le fait que le variant indien B.1.617 s'y propage beaucoup plus rapidement que B.1.1.7. Plus précisément, le sous-type spécial B.1.617.2. Dans certaines interprétations de ces données, la propagation y est deux fois plus rapide. Cela inquiète aussi certaines personnes en Allemagne. Si vous regardez les données disponibles en Angleterre, cette vitesse double est-elle une conclusion prématurée pour vous ?

Drosten: Les scientifiques en Angleterre essaient actuellement de rester très proches des données et l'expriment certainement dans les documents qui sont actuellement publiés. Il existe un document d'opinion du comité SAGE, c'est-à-dire d'un groupe consultatif scientifique. Ensuite, il y en a un autre de Public Health England, c'est-à-dire de la structure centrale de santé publique pour l'Angleterre. Ils vont déjà très fortement dans le même sens.

Rapport de Public Health England sur les variants du virus

Conseil consultatif SAGE sur le variant indien

Jusqu'à il y a quelques jours, il y avait encore certaine déconnection entre les deux. Mais maintenant on a l’impression qu'ils s’orientent dans la même direction. Ils prennent le problème plus au sérieux. C'est vrai qu'on estime que le taux de transfert a augmenté de 50%. Quoi que cela signifie pour le moment. Je ne veux pas m’attacher aux chiffres. Pratiquement tous ceux qui sont intéressés par ces chiffres détaillés peuvent aller les lire par eux-mêmes. Ces documents sont accessibles au public.

J'aimerais parler aussi de ce qu’il faut lire entre les lignes dans ces documents. Mais ce n'est peut-être pas facile à comprendre car le tout est formulé prudemment un peu trop poliment. Alors il faut dire que oui, c'est vrai, ce virus B.1.617.2, est désormais dominant dans toute l'Angleterre. En ce sens que la fréquence de détection est légèrement supérieure à 50 pour cent, en particulier par rapport à B.1.1.7. B.1.1.7 descend, et est aussi maintenant aux alentours de 50 pour cent. Mais dans le même temps, il n'y a aucune indication d'une pathogénicité accrue.

Hennig: Donc pas plus de maladies.

Drosten: C’est cela. Il n’apparaît pas que ce virus rende plus malade de quelque façon que ce soit. Mais il est encore un peu tôt pour conclure. Il est trop tôt pour vraiment en parler. C'est pourquoi on ne peut que dire qu’on ne sait pas encore avec certitude. On note, selon la façon dont on l’observe et qu’on l’exprime, que le taux de croissance du virus 617 semble en effet être jusqu'à deux fois plus élevé que celui de B.1.1.7. Une variable également intéressante est le taux d'attaque secondaire, c'est-à-dire le nombre de personnes infectées qui ont été infectées par un cas index.

Hennig: Par exemple dans les ménages.

Drosten: Oui, par exemple. Cela peut être reconstitué en Angleterre à partir des très bonnes données de surveillance des maladies et des données de test. Par exemple, vous pouvez prendre une catégorie de personnes qui savent qu'elles ont un virus 617 ou un virus B.1.1.7, mais qui savent aussi qu'elles ne sont pas entrées elles-mêmes dans le pays. Car malheureusement, l'importation directe d'Inde est encore au premier plan de toutes les considérations, ici. Mais ce n'est apparemment plus au premier plan au niveau épidémiologique.

Mais c'est le mécanisme par lequel ce virus a principalement atteint l'Angleterre. Il faut faire la distinction entre l'introduction directe et la transmission ultérieure. On essaie de se concentrer sur la retransmission en Angleterre en ne voulant pas évaluer les cas index qui ont apporté directement le variant. Si vous omettez cela, vous obtenez un taux d'attaque secondaire de 12,5% pour le virus 617 et, dans les mêmes conditions, de 8,1% pour le virus B.1.1.7 existant précédemment. C'est donc plus. Et ici, cette façon de procéder devient lentement problématique.

Situation différente de Noël

Je pense que nous devons réaliser que la transmission que nous essayons de quantifier n'a plus lieu dans une situation comme le virus B.1.1.7 aux alentours de Noël. À ce moment, on a remarqué que ce virus B.1.1.7 a augmenté en novembre, décembre. Une situation de confinement partiel, c'est-à-dire une vie professionnelle ouverte avec réglementation du travail à domicile, des écoles ouvertes, une vie de loisirs fermée. À peu près comme si c'était chez nous. Dans cette situation, il y avait beaucoup de cas d'infection. La vague hivernale était en train de se construire.

Alors que toutes les voitures roulent déjà très vite sur l'autoroute, il y a une chose qui dépasse alors absolument tout le monde. C'est B.1.1.7. C'est une conclusion on ne peut plus claire. Ici, nous avons une situation différente. L'incidence en Angleterre a été extrêmement réduite par le confinement de la troisième vague qui était vraiment devenu nécessaire. La surveillance a été très régulière en Angleterre. Et ensuite la vaccination a été mise en œuvre, à très grande vitesse. En conséquence, il y a maintenant peu de cas d'infection en Angleterre. À l'heure actuelle, ils ont une incidence d'environ 35 à l'échelle nationale. C'est nettement moins que la nôtre. Dans une situation, où, au sens figuré, nous avons en fait un trafic lent sur l'autoroute, jusqu'à des embouteillages inclus.

Hennig: Dans un sens positif.

Drosten: Oui, absolument. Et maintenant, une voiture roule un peu dans la voie du milieu et est plus rapide que les autres. Mais la question est : qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce une voiture rapide ou est-ce une voiture qui triche, qui utilise des conditions spéciales pour elle-même ? Et quelles pourraient être ces conditions particulières ? Par rapport à l'embouteillage, s'il est vrai qu'une voie d'urgence est maintenue libre et que cette voiture la traverse, alors vous devez regarder la voiture différemment, c'est sans doute un tricheur et pas une voiture vraiment rapide.

Maintenant, revenons à la réalité. Ce qui se passe maintenant en Angleterre, c'est une situation où ce virus 617 a été introduit assez massivement depuis l'Inde ces derniers temps. Il est clair qu'en Inde, une grande partie des grosses vagues y ont été causées par ce virus. Maintenant, cela est importé en grand nombre. Ce n'est qu'au début du mois de mai qu'une interdiction d'entrée assortie d'une réglementation de quarantaine étendue a été effectivement imposée. Avant cela, il était importé relativement librement. Cet effet passe maintenant au second plan car les règles d'entrée sont en place depuis un certain temps. Mais alors vous devez également considérer où cela se produit-il.

Virus B.1.617 inégalement réparti géographiquement

Compte tenu de la faible incidence dans l'ensemble de l'Angleterre, l'occurrence et la survenue de ce virus B.617 sont encore assez inégalement réparties géographiquement, par exemple dans la région de Londres. Au sud-est de l'Angleterre et au nord-ouest, autour de Manchester. Vous pouvez également lire que ce virus est jusqu'à présent toujours resté là dans certains contextes socioculturels. Cela signifie que ce virus semble être principalement transmis pour le moment dans des endroits ayant une population d'origine asiatique, où il y a aussi beaucoup d'immigration en provenance d'Inde. Dans un contexte d'incidence globale très fortement réduite dans le pays.

Effets hétérogènes

On peut imaginer divers effets hétérogènes. Par exemple, il semble que dans ces contextes socioculturels, les progrès de la vaccination peuvent ne pas être aussi importants que dans le reste du pays. En conséquence, l'effet de la vaccination a un effet inégal sur B.1.1.7 par rapport à B.1.617. Tout simplement parce que peut-être plus de premières vaccinations et de deuxièmes vaccinations, incomplètes, ont été pratiquées dans ces parties de la société. C'est tout à fait envisageable. Parce que vous savez que, malheureusement, les progrès de la vaccination sont aussi socialement inégaux.

Tous ces impondérables font dire en ce moment aux scientifiques anglais : Premièrement, vous pouvez voir à partir de chiffres objectifs que ce virus se développe plus rapidement et qu'il semble se propager plus rapidement. Nous pourrons y revenir sous peu. Il y a deux aspects à cela. Ce n'est probablement pas seulement à cause d’une Immunescape. Mais indépendamment de cela, ce virus a également une bonne aptitude de réplication. D'un autre côté, il faut dire de manière restrictive : si cela progresse maintenant et que ce virus se propage dans la société en dehors de son contexte d'origine, alors il se pourrait que la vaccination et les mesures générales de contrôle là-bas aient un effet différent sur le virus.

On s'aperçoit alors soudain qu'elle n'a plus un avantage de croissance aussi fort dans cet autre contexte. Car cela dépend toujours du contexte. Ce n'est pas comme avant Noël quand il y avait une énorme activité contagieuse. Ces différences observées sont réelles. Car il s'agit ici maintenant d'une situation artificiellement ralentie, dans laquelle cette seule voiture se faufile dans un embouteillage sur la bande d'arrêt d'urgence ou sur la voie de secours.

Efficacité des vaccins contre B.1.617.2

Hennig: Les allées de secours sont, pour ainsi dire, les conditions créées artificiellement. Mais s'il y a une ou deux voitures de plus dans ce trafic au ralenti qui voulaient réellement se faufiler, la situation serait différente. Vous venez d'évoquer les vaccinations. Il existe également des conclusions de Public Health England, c'est-à-dire de l'autorité de santé, sur l le fait de savoir comment fonctionnent les vaccins contre le variant indien, notamment en ce qui concerne la première et de la deuxième vaccination. Cela comporte de bonnes et de mauvaises nouvelles. Est-ce correct ?

Drosten: Oui, exactement. Il a maintenant également été examiné comment la vaccination aide contre B.1.1.7. Le variant viral qui avait dominé jusque-là, puis sur 617. Il est vrai que l'effet protecteur de la première dose est diminué, notamment contre 617. Alors que la vaccination complète protège contre B.1.1.7 à 87 pour cent et contre 617 à 81 pour cent, donc très similaire, il y a une plus grande différence après la dose initiale. Cela offre une protection pour le virus 1.1.7 de 51 pour cent et pour le virus 617 de seulement 33 pour cent. Maintenant, bien sûr, la question est : que doit-on conclure de cela ? Ce qui est sûr, c’est que la deuxième vaccination, c'est-à-dire la vaccination complète, protège contre ce virus pratiquement aussi bien que contre l'autre.

Prépublication sur l'efficacité des vaccins contre B.1.617.2

Hennig: Cela s'applique aux vaccins BioNTech et AstraZeneca.

Drosten: Exactement, cela s'applique aux deux vaccins. C'est comme nous l'avons dit la dernière fois. Nous ne sommes pas autant sans défense contre ces variants viraux que nous l'étions à la même époque l'année dernière. La vaccination est donc une arme absolue contre ce virus. Mais en période de transition, alors que beaucoup sont encore incomplètement vaccinés, elle semble un peu bête contre ce virus par rapport au virus 1.1.7. Nous savons que le virus 1.1.7 n'a pas réellement d’effet d'échappement immunitaire, mais surtout il a un avantage en termes de réplication. Avec ce virus 617, après avoir examiné le virus, après avoir évalué les premières études sur l'immunité et le taux de propagation, on pourrait penser qu'il jouit probablement d’une combinaison des deux, donc ce n'est pas comme 351 ou P1, ces variantes typiques d'Immunescape.

Hennig: Les variants brésilien et sud-africain.

Drosten: En pratique, ces virus n'ont d'avantage que si la population a déjà une immunité de fond. Dans une population non immunisée, ils sont insignifiants et ne se multiplient pas. L'autre extrême du spectre est la variante d’adaptation pure, c'est-à-dire B.1.1.7. Il a un pur avantage de meilleure réplication, mais pas un Immunescape. Il va se multiplier dans chaque population. Cependant, la vaccination le supprimera fortement.

Meilleure réplication et immunescape

Et avec le 617, c'est un mélange des deux. Il a probablement un léger avantage pour la réplication, mais aussi un effet Immunescape. Surtout contre la première dose. Mais la force de cet effet Immunescape n'est pas aussi forte qu'avec le virus sud-africain. Mais le virus a aussi une certaine mutation. Il s'agit de la mutation proline-arginine en position 681. Ceci est très similaire à une mutation au même point dans le virus B.1.1.7. C'est une mutation en l'histidine là, un acide aminé basique supplémentaire au site de clivage de la furine.

Cela pourrait être responsable de l'amélioration de la réplication. Pourrait, car cela n'a pas encore été prouvé. Mais ici, en plus des mutations d’immunescape déjà évoquées dans le dernier épisode ou l'avant-dernier épisode, nous avons également une mutation pour le gain de réplication. Les deux composants sont dans ce virus. Cela pourrait signifier que la dose initiale est moins efficace en termes de vitesse ou d'efficacité sur la façon le vaccin empêche le virus de se propager. Malheureusement, on arrive à des conclusions relativement triviales. Il faut juste se faire vacciner le plus tôt possible. C'est le mieux que vous puissiez faire.

Hennig: Mais cela signifie aussi vacciner avec les deux doses si possible. En Angleterre, la stratégie était initialement de faire vacciner le plus grand nombre. Donc avec une dose telle qu'il y ait une protection au moins partielle. C'était le cas au début du B.1.1.7. AstraZeneca a donc allongé l'intervalle de vaccination. Cela signifie-t-il qu’il faudra peut-être reconsidérer cela maintenant ?

Drosten: Oui, exactement. On peut souligner à nouveau qu'il s'agissait en fait d'une caractéristique de la stratégie de vaccination rapide en Angleterre. Malheureusement, il semble maintenant que la première vaccination contre ce virus n'aide pas tant que ça, alors il faut surtout vacciner entièrement rapidement. La dernière fois, nous avons discuté d'une étude d'Angleterre, où la protection de la transmission par la première vaccination était spécifiquement analysée dans les ménages. On pourrait dire que même la première vaccination prévient 50 pour cent de toutes les transmissions. Cela devrait probablement être considéré différemment pour le virus 617 et devrait probablement être réévalué et reformulé.

Combler les lacunes en matière de vaccination

C'est donc précisément cet enthousiasme, que j'ai exprimé pour la première vaccination, qu’il faut malheureusement mettre en perspective avec le virus 617 et on peut déjà dire qu’il est probable que les lacunes vaccinales puissent être rapidement comblées avec la deuxième vaccination. Les cartes sont susceptibles d'être rebattues pour le virus 617. Vous ne pouvez avancer que si vous vaccinez vraiment complètement. Mais cette évaluation n'est pas si importante pour nous en Allemagne. À l'heure actuelle, nous avons en fait un plus grand écart entre la première et la deuxième vaccination. En Angleterre, l'écart est d'un peu plus de 20 % si vous regardez les chiffres. En Allemagne, l'écart est de l'ordre de 25, 26, 27 %, selon la base de données.

Hennig: Nous sommes également autour de 40 % pour ceux qui ont été vaccinés pour la première fois. En Angleterre, on en est déjà là chez les complètement vaccinés.

Drosten: Exactement. D'après les chiffres que j'ai trouvés, nous en sommes à 13% pour ceux qui ont été complètement vaccinés. (chiffres du 25 mai)

Incidences élevées chez les enfants et les adolescents en Angleterre

Hennig: Vous avez déjà mentionné que le variant indien est distribué différemment à la fois géographiquement et parmi les groupes de population en Angleterre. Nous en avons parlé avec Sandra Ciesekdans le dernier épisode. Il y a un endroit où il est devenu particulièrement répandu, à Bolton dans le nord-ouest de l'Angleterre dans la région de Manchester. Il y a eu une épidémie majeure qui a eu une incidence de 450 pour 100 000 sur 7 jours. Cependant, des incidences particulièrement élevées ont de nouveau été observées chez les enfants et les adolescents. À votre avis, est-ce également un effet de voie d'urgence, car les personnes âgées sont mieux protégées par les vaccinations, mais les enfants ne le sont pas encore du tout ? Et ce variant trouve-t-il simplement plus d'hôtes chez les enfants ?

Drosten: Je pense que cela fait partie de l'explication. Les enfants n'ont pas encore été vaccinés. L'école a repris entièrement. Il faut bien sûr aussi dire qu'il y a des tests vraiment poussés dans les écoles. Deux fois par semaine et les parents peuvent, en principe, se faire envoyer gratuitement des tests d'antigène par la poste. Leur processus de test est peut-être même un peu plus généreux que le nôtre. Mais bien sûr, les enfants sont socialement actifs. Ils sont à peu près autant impliqués dans le processus d'infection que tout le monde tant qu'ils ne sont pas vaccinés. C'est pourquoi c'est assez évident.

Situation Coronavirus à Londres

En parlant de cette situation à Manchester, je voudrais aussi un instant parler d’une situation différente. C'est la situation à Londres. Nous voyons que l'augmentation du virus 617 s'est en fait stabilisée au cours des deux dernières semaines. Peut-être que Londres, une grande zone métropolitaine, où les importations ont commencé depuis longtemps, où les échanges sociaux sont plus larges, et donc où les infections ne sont pas restées dans les groupes d'origine, permet peut-être de prédire ce qui se passera plus tard, quand le variant se sera répandu dans tout le pays. Que lorsque ce virus se sera propagé, sa vitesse d’infection ne sera pas plus rapide que l'autre. On peut l'espérer, du moins pour le moment sur la base des données dont nous disposons. Que cela continue comme ça. Que ce ne soit donc pas tellement grave.

Hennig: Cela signifie-t-il que cela pourrait s'avérer très différent de ce qui s’est produit lorsque B.1.1.7 s'est répandu ? Vous ne savez pas encore.

Drosten: Exact. Je crois que ce virus a un avantage de capacité de réplication. Mais peut-être que ce n'est pas si important après tout. Pour le moment, c'est un peu ma vision globale. Cependant, cela peut changer à nouveau dans une semaine et s'afficher différemment. La situation n’est pas très claire en ce moment.

Hennig: Vient maintenant la question populaire des journalistes : cela peut-il nous arriver aussi ? Nous avons récemment entendu dire que B.1.617 en Allemagne avec les trois sous-types n'était que de deux pour cent. Ce sont les dernières données RKI. Comment évaluez-vous cette situation ? Par exemple, nous ne voyageons pas autant en Inde qu'au Royaume-Uni. Mais nous ne sommes pas non plus enfermés.

Drosten: Exactement, nous ne sommes pas enfermés. Je ne connais pas les chiffres récents.

Hennig: D'après ce que j'ai vu, il n'y a rien de nouveau de la part du RKI.

Drosten: En effet. Je pense qu’il y en aura dans les prochains jours. Pour le moment, cependant, je n'attacherais pas autant d'importance à ce qui se passe chez nous. Même une légère augmentation ne devrait pas nous amener à changer quelque chose. Nous avons maintenant déclaré l'Angleterre comme zone de variant en Allemagne, ce qui n'est certainement qu'une considération de simple précaution.

La Grande-Bretagne comme zone de variant

Compte tenu de l'incidence de base beaucoup plus faible en Angleterre par rapport à nous, c'est en fait un peu injuste. Donc, en Angleterre, il y a beaucoup moins de cas d'infection qu'ici. Néanmoins, nous déclarons maintenant cette zone comme étant  dangereuse. Cela a juste causé de l'incertitude entourant ce variant 617.

Henning: D'un autre côté, nous avons souvent discuté dans nos podcasts que le simple fait d'attendre n'est souvent pas une bonne stratégie. Et peut-être qu’encore plus de prudence, même si elle est injuste, pourrait finalement être payante.

Drosten: C’est exact. Il y a cette belle phrase en anglais : Out of abundance of caution. C'est certainement le cas ici.

Article sur la charge virale publié dans "Science" : répartition par âge

Hennig: M. Drosten, nous avons beaucoup parlé des dernières nouveautés. Aussi sur les questions qui se posent aux gens de la situation actuelle, sur le fait d'observer la situation en Angleterre. Mais maintenant, nous avons également une énorme quantité de données provenant de votre équipe. Sur un sujet qui sera familier à beaucoup, car il y a eu beaucoup d'enthousiasme dans les médias au cours de l’année dernière à propos d'un document que vous avez initialement présenté assez rapidement. Parce qu'à cette époque, il y avait un grand besoin de savoir si et comment les charges virales diffèrent chez les enfants et les adultes. Cela a été publié en tant que prépublication à l'époque, puis s’est passé par un processus d'évaluation.

25 000 cas évalués par des pairs

Entre-temps, la quantité de données a considérablement augmenté. Il s'agit d'environ 25000 cas de Covid-19 dans lesquels vous et votre équipe avez déterminé la quantité de matériel génétique viral et essayé d'estimer à quel point une personne peut être contagieuse. Il faut dire qu'il ne s'agit pas seulement d’une comparaison entre enfants et adultes, mais aussi de nombreux aspects différents. Par exemple, sur le variant B.1.1.7, la question des charges virales chez les patients asymptomatiques et aussi la question qui a toujours été discutée sous le nom de super-contaminateur, c'est-à-dire sur la sur-dispersion, la répartition inégale des scénarios de contagion. Avant de discuter davantage cette étude, quelle est la conclusion la plus importante pour vous de cette énorme quantité de données que vous avez examinées ?

Drosten: Une conclusion très importante pour moi est que l'interprétation originale de la distribution de la charge virale dans les groupes d'âge n'a pas du tout changé. Et que le point de vue de virologie clinique a pu s'avérer fiable. C'était comme ça à l'époque, on voyait la répartition des charges virales dans les différentes tranches d'âge. En tant que virologue clinicien, nous avions observé qu’ils avaient tous à peu près la même quantité de virus. Cette impression s'est maintenue.

Etude de charge virale de la Charité dans "Science"

Tout d'abord, en ce qui concerne la répartition par âge. J'ai répété cela maintes et maintes fois et j'ai également donné des mises à jour intermédiaires. On voit en gros que chez les tout-petits, disons à l'âge de la maternelle, on observe la limite inférieure de la charge virale, mais c’est une toute petite diminution. Chez les autres, les plus grands, les élèves, il y a beaucoup de fluctuations. En tant que virologue clinicien, je dirais qu’on ne peut rien en tirer.

Nous avons également la règle empirique, que s’il n’y a pas plus qu’une demi-unité de logarithme, c'est-à-dire environ un facteur de trois, cela ne signifie rien en termes de différence, ni vers le haut, ni vers le bas. Il y a tout simplement trop d'autres fluctuations. Les charges virales sont en soi également soumises à certains processus de distribution. Ceux-ci conduisent au fait qu'un simple doublement ou quelque chose comme ça ne peut pas être évalué comme pertinent, ce sont simplement des valeurs empiriques.

Nourrissons et charge virale

Ensuite, donc vient le fait que nous parlons spécifiquement de ces plus petits enfants et de leurs charges virales, qui sont trois fois moins élevées. On l’a vu au tout début. Mais il faut savoir ce qu'il y a derrière cela en laboratoire. Si vous avez vu la taille d'un écouvillon chez un adulte par rapport à un écouvillon pédiatrique, par exemple, il est alors très clair que les échantillons à eux seuls contiennent moins de virus chez les enfants.

Cela s’ajoute au reste, il faut en tenir compte dans son évaluation. Il faut donc s'attendre dès le départ dans un test de laboratoire à ce qu’on détecte toujours un peu moins de charge virale chez un enfant. Parce que dès le début, nous n'obtenons que la moitié du virus d'un tel enfant avec ce petit écouvillon. Et puis c'est comme ça, surtout tous ceux qui ont des enfants savent que vous ne pouvez faire ce frottis optimal et profond du nasopharynx sur un enfant qu'avec la plus grande protestation de sa part car ça fait mal.

Hennig: La plupart du temps, vous le faites au moins par la gorge.

Drosten: En effet. On le fait juste par la bouche, au fond de la gorge. Ou certains le font juste à l'avance. Et nous savons que ces échantillons contiennent moins de virus qu'un écouvillonnage profond du nasopharynx vraiment professionnel. Plus les enfants sont petits, plus le taux de frottis non optimal est élevé. Tout cela s'ajoute à l'image globale à laquelle on pourrait s'attendre dans une situation biologique où tout le monde a la même quantité de virus.

Donc l’aspect préanalytique, comme on dit en laboratoire, présente de telles insuffisances que l'on s'attend à une légère diminution de la charge virale au plus jeune âge. On l'a vu au tout début, quand notre preprint a parfois généré des propos scandalisés dans la presse qui en faisait des interprétations que l'on ne donnait même pas nous-mêmes. Je me souviens qu'à l'époque, nous avions écrit qu'il se pourrait que les enfants soient tout aussi contagieux que les adultes. De là, c'était alors : Drosten prétend que les enfants sont tout aussi contagieux que les adultes, et c'est pourquoi les écoles sont maintenant fermées. Donc selon l’habitude, il s'agit bien sûr d’un raccourci des informations tel que nous ne l’avions pas évoqué n'ont pas été données de cette manière nous-mêmes.

À l'époque, dans la version originale de notre toute première prépublication, nous avions écrit que dans ces circonstances, il fallait faire attention à ne pas ouvrir les écoles de façon inconsidérée. Je pense que c’est ce que nous avons dit. C'était au moment où ils envisageaient d'ouvrir des écoles, après le confinement de la première vague. Nous n'avons rien dit de plus qu’étant donné cette impression, il fallait réfléchir à deux fois avant de la faire de façon inconsidérée.

Hennig: Néanmoins, vous avez dit qu'en moyenne, la charge virale chez les enfants est trois fois plus faible. Si vous exprime cela en chiffres, alors on voit que dans le cas des prélèvements de gorge ou du nasopharynx, les adultes ont en moyenne 2,5 millions de copies de matériel génétique et les enfants 800 000. Pourtant, pouvez-vous expliquer à nouveau pourquoi vous dites que ce n'est pas une si grande différence ?

Drosten: Vous pouvez être habitué aux échelles numériques linéaires dans votre expérience quotidienne. Disons 2,5 millions d'euros contre 800 000 euros. Ça, c'est toute une différence.

Échelles logarithmiques pour la charge virale

Mais ce n'est pas ainsi sur une échelle logarithmique. Nous examinons en fin de compte des valeurs allant de dix à la puissance zéro à dix à la puissance dix, et notre numérateur ici est l'exposant de dix. En ce sens, une valeur de 2 500 000 et une valeur de 800 000 sont absolument du même ordre de grandeur. L'un est un peu plus de dix exposant six, l'autre est un peu moins de dix exposant six. La différence est d'environ une demi-unité de logarithme.

C'est l’ordre de grandeur pour lequel nous nous demandons même si ces charges virales on vraiment un sens. Dans le cas des charges virales, en dessous de telles valeurs, nous estimons que les différences ne sont tout simplement pas telles qu'elles déclenchent des effets biologiques. Ce n'est pas seulement le cas des charges virales, c'est le cas dans de nombreux domaines de la technologie, de la physique et de la chimie. Ce n'est que dans notre compréhension quotidienne que nous pensons souvent de manière très linéaire.

Hennig : En ce qui concerne la question des écouvillons, il m'est venu à l'esprit que nous le savons déjà grâce aux autotests et aux tests rapides : qu'il existe un tel principe unique, c'est-à-dire que les écouvillons de taille unique sont utilisés pour tout le monde. Mais est-ce généralement différent avec le test PCR ?

Drosten: Oui, c'est différent. Les écouvillons que vous voyez dans le test antigénique rapide sont des écouvillons qui ont à peu près la taille de la médecine pédiatrique. Les écouvillons réels pour adultes, qui sont utilisés pour les écouvillonnages nasopharyngés professionnels, sont nettement plus gros. Ça l'est vraiment. Nous l'avons même normalisé. Nous l'avons inclus dans la publication d'une étude antérieure.

Différences entre les écouvillons pour enfants et pour adultes

Pour vraiment voir à quel point la différence est grande entre des écouvillons pour enfants et des écouvillons pour adultes et voir combien de matériau échantillon est attaché, nous avons préparé une solution de glycérol légèrement visqueuse. Nous y avons plongé deux écouvillons, un pour adultes et un pour enfants. Nous avons ensuite pesé le matériau qui s'y était collé. Ce qui est attaché à l'écouvillon adulte est environ le double de l’écouvillon enfant. Il y a certaines fluctuations car les écouvillons sont bien sûr un peu différents selon les fabricants.

Infectivité en culture cellulaire

Hennig: Mais vous avez fait deux choses dans l'étude. Vous n'avez pas seulement regardé la charge virale, c'est-à-dire le nombre de copies de matériel génétique. Vous avez également essayé de cultiver le virus en culture cellulaire en laboratoire. Pourquoi ?  Dans quel but ?

Drosten: En fait, vous voulez savoir à partir de tels chiffres, à partir de telles données : où est l'infectiosité ? Alors où, à quel âge ? À quelle heure ? Il ne s'agit pas seulement de comparer des tranches d'âge dans une telle étude. Il s'agit avant tout de pouvoir estimer l'évolution des charges virales dans le temps. Donc, à partir de quand le patient est-il réellement contagieux et jusqu'à quand ? Jusqu'à quel jour au cours de la maladie ? Et les groupes sont-ils tous les mêmes ?

Quelle est la charge virale ?

Donc, si quelqu'un a des symptômes graves par rapport à quelqu'un qui a des symptômes légers ou aucun symptôme, porte-il la même charge virale ? Nous avons déjà utilisé le terme de charge virale. Quelle est la charge virale en fait ? La charge virale est la quantité d’ARN viral qui se trouve dans les voies respiratoires ou dans n'importe quel échantillon. Et si oui, quelle part, quantitativement. Mais nous ne pouvons toujours pas dire que si nous détectons une certaine quantité d'ARN, alors c'est la même quantité d'infectiosité.

Il y a des choses au cours de la maladie qui jouent un rôle. Par exemple, des anticorps sont trouvés dans les fluides corporels entiers plus tard dans l'infection. Non seulement ils nagent sans être impliqués, mais ils collent également la surface du virus. Il y a exactement les protéines contre lesquelles les anticorps ont été produits. De cette façon, ils inactivent le virus. Cela signifie que nous avons alors des virus dans les échantillons dont nous pouvons également mesurer l'ARN sous forme de charge virale. La charge virale signifie des copies d'ARN. Seulement, ce virus n'est plus infectieux car il y a des anticorps dessus.

Infectiosité

Nous sommes vraiment intéressés par une interprétation plus poussée. Donc pas pour les copies d'ARN, mais pour l'infectiosité. C'est une différence. Y a-t-il donc un virus vivant et réplicable dans l'échantillon ? Ou est-ce juste ce qui restait de ce virus vivant et réplicable après l'entrée des anticorps ? C'est donc à la fin de l'infection. Au début de l'évolution de l'infection, l'effet est différent. Nous l'avons déjà décrit ici dans ces podcasts. À savoir les cellules du corps qui sont infectées dans la gorge, par exemple, qui canalisent le virus infectieux, mais aussi le virus éclaté. Une infection virale crée non seulement des virus parfaitement réplicables, mais aussi de nombreux accidents.

Ce n'est pas comme nous, les humains, où la plupart des processus de reproduction se déroulent en quelque sorte facilement. Quand il s'agit de virus, la plupart d'entre eux, je dirais cent fois plus, sont bloqués. Ainsi, le taux de particules virales brisées qui surviennent par rapport aux particules virales capables de se répliquer dans une telle infection peut facilement être de cent à un. Cependant, nous mesurons toutes les particules virales dans la PCR. Ensuite, c'est comme ça - selon la vitesse de réplication, selon le stade, selon le stade d'action du système immunitaire inné : Au début de l'infection, il y a de nombreux composants, ce rapport est différent entre les copies d'ARN et le virus infectieux. C'est pourquoi, en principe, avant même d'en venir à un bilan épidémiologique, il nous faut une étape virologique intermédiaire. Et c'est quelque chose comme un corrélat d'infectiosité, c'est la culture cellulaire.

Examen de culture cellulaire

Nous ne pouvons pas faire cet examen de culture cellulaire tout le temps. C'est un test de laboratoire très laborieux. Nous ne pouvons pas le faire systématiquement avec chaque patient. Dans cette étude, nous avons pris nos propres données et aussi les données d'autres groupes. Autrement dit, d'autres groupes de travail, qui ont chacun comparé comment cette relation entre le nombre de copies d'ARN et l'infectiosité, c'est-à-dire le virus infectieux, cultivé en laboratoire. Nous l'avons maintenant fait en nous basant uniquement sur la charge virale. Parce que ce n'est pas non plus une relation linéaire. Ce n'est pas que dix fois plus de copies d'ARN signifient dix fois plus d'infectiosité ; il y a simplement des limites. C'est parce que vous avez besoin de certaines concentrations minimales de particules pour infecter une culture cellulaire. Mais à un moment donné, ce sera plus que suffisant.

Effet de seuil

En d'autres termes, il existe des effets de seuil et de plafond. Nous obtenons donc davantage une relation en forme de S entre la charge virale et l'infectiosité réelle qui peut être détectée en laboratoire. Nous avons porté l'étude à ce niveau. Nous avons donc généré un modèle de conversion grâce à la validation et aux analyses de la littérature, pour évaluer comment nous pouvons passer de la charge virale à une infectivité liée aux données de laboratoire. Attention, dans l'échantillon, pas chez le patient. Disons-le ainsi : entre le résultat de laboratoire et le patient, il y a encore le pré-analytique.

Donc ce que nous venons d'évoquer, les écouvillons, les différentes techniques de prélèvement, selon l'âge, selon l'état du patient, nous avons une autre incertitude. Mais la meilleure approximation que nous puissions obtenir pour le moment, dans tout ce dilemme du flou et des insuffisances et en partie aussi de l'humanité, est que nous nous référions à une infectiosité liée au laboratoire. Et avec cela, nous exprimons également des choses qui pourraient autrement être plus difficiles à imaginer, et nous appliquons cela à un très grand nombre d'échantillons.

Super-contaminateurs dans tous les groupes infectés

Hennig: Si nous examinons les autres connaissances que vous avez acquises, dans le contexte de ce que vous venez de nous expliquer, c'est-à-dire comment on peut même essayer d'aborder cette question : Quand est-ce que quelqu'un est contagieux ? Et combien de virus faut-il pour être contagieux ? Il y a aussi un nombre qui se démarque énormément, que nous ne sommes pas autorisés à relier linéairement au nombre normal, mais qui est toujours incroyablement grand.

Il s'agit du petit nombre de personnes qui sont responsables d'un grand nombre d'infections. Nous en avons déjà parlé. Dix à 20 pour cent des personnes infectées, selon une estimation, pourraient être responsables de 80 pour cent des infections. Nous avons déjà discuté de la surdispersion dans nos podcasts. Vous avez trouvé un nombre dans votre étude. Une charge virale d'un milliard de copies du matériel génétique dans neuf pour cent des cas examinés. Une valeur de 2,5 millions était la moyenne pour l'adulte moyen infecté. Qu'est-ce que cela nous dit ?

Drosten: Oui, c'est peut-être quelque chose comme une base virologique pour cette observation de sur-dispersion selon laquelle seule une très petite proportion de toutes les personnes ont cette charge virale très élevée. Ce qui est intéressant, c'est que cette proportion est très largement répartie au travers des tranches d'âge. Nous avons donc un petit pourcentage de l'ordre de huit ou neuf pour cent dans tous les groupes d'âge qui ont cette charge virale très élevée. Une charge virale pour laquelle on peut être à peu près certain que ce sont vraiment des patients infectieux. Nous avons également un niveau élevé d'infectiosité dans les échantillons de laboratoire, nous devons donc supposer qu'il y a aussi beaucoup de virus infectieux directement dans la gorge et que ces patients sont vraiment très fortement capables de transmission.

Malheureusement, on ne peut pas vraiment prédire cela simplement si quelqu'un a des symptômes, ou si les symptômes sont graves, mais c’est un groupe de patients qui existe tout simplement. Nous pouvons maintenant tirer quelques conclusions de la gravité des symptômes. Ce n'est pas vraiment nouveau non plus, mais cela devient plus clair qu’avant. Nous avons examiné un très, très grand nombre de patients nouvellement diagnostiqués dans cette étude, plus de 25 000. C'est la plus grande étude jamais réalisée sur le sujet. C'est peut-être pour cela qu'elle est maintenant publiée très visiblement dans "Science". Avec ce grand nombre, nous avons également un bon nombre de patients dont nous avons eu plus de trois échantillons.

De nombreux sujets pour l'observation de l'évolution de l'infection

Plus de 4 000 patients nous permettent de comprendre l'ensemble des processus infectieux. C'est important car avec ce type de maladie, avec cette maladie Covid-19, on a en fait toujours vu dans les tout premiers prélèvements que le virus diminuait lorsque les patients se rendaient au laboratoire ou au centre d'examen en fonction des symptômes. Lorsque les symptômes commencent, je ne veux pas dire que c'est trop tard, mais la courbe virale est déjà sur le déclin. Cette phase précoce ne peut pas réellement être enregistrée dans les études normales, car comment savez-vous que vous avez quelque chose ?

Mais si vous avez beaucoup de patients, ce nombre énorme de plus de 25 000, alors il y en a toujours qui ont été enregistrés simplement pour un dépistage par exemple, et qui sont vraiment considérés comme présymptomatiques. Dans ces cas, il y a alors une augmentation de la charge virale. Ils ne deviennent symptomatiques qu'après le premier test. Ensuite, bien sûr, vous continuez à les observer. Ils ont alors des symptômes, ils ont leurs symptômes confirmés. Ils pourraient même devoir aller à l'hôpital plus tard. En d'autres termes, avec un nombre considérable de patients, il est effectivement possible de dire sans aucune information sur les symptômes comment les charges virales évoluent réellement. Donc à quelle vitesse la charge virale augmente en moyenne au début et à quelle vitesse elle redescend ensuite.

Modèle mathématique

Vous pouvez également incorporer cela dans un modèle mathématique. Ce modèle permet ensuite de classer correctement les nombreux parcours incomplets dont on ne voit que le flanc descendant en fonction du temps. Vous pouvez alors les déplacer parallèlement dans le temps de sorte qu'ils s'adaptent alors sur la ligne descendante moyenne de ces quelques patients modèles. Ensuite, vous pouvez faire autre chose. Vous pouvez également ajouter des patients dans la même étude pour lesquels vous disposez de données d'observation très précises sur l'apparition des symptômes.

Parce que l'apparition des symptômes est quelque chose de facile à déterminer. Si nous disons simplement que le jour où les symptômes commencent est le pic de la charge virale, nous ne pouvons en réalité pas reconstruire le modèle de cette façon. Pensez-y lorsque vous êtes détecté, si quelqu'un vous demande quand les symptômes ont commencé. Réfléchissez bien. Attendez une minute, aujourd'hui c'est mardi. N’ai-je pas eu de petites démangeaisons au nez samedi ? Ou était-ce vendredi soir ?

Hennig: Le fameux mal de gorge qu’on a déjà le matin.

Drosten: Je ne me suis pas senti vraiment malade jusqu'à dimanche soir. C'est alors que j'ai remarqué que mes jambes me faisaient mal. Et courir le dimanche matin était aussi épuisant. J'ai dû m'arrêter au bout d'une demi-heure car je n'en pouvais plus. Alors, à quand remonte l'apparition des symptômes ? C'est quelque chose que vous pouvez mieux découvrir dans des situations d'étude, où vous avez des groupes de patients plus uniformes qui peuvent reconstruire cela plus précisément.

Un exemple classique de telles études d'observation serait les employés, c'est-à-dire le personnel médical, de la Charité. Ce sont des médecins ou des infirmières, des infirmières qui ressentent simplement mieux quelque chose comme ça, qui peuvent aussi décrire les symptômes différemment de quelqu'un qui ne s'occupe pas du tout de médecine. Et nous avons pu inclure un tel groupe de patients dans l'étude et leur donner également une description très précise de la charge virale. Et puis nous savions exactement où se situait objectivement, aussi objectivement que possible, l'apparition des symptômes.

Pic de charge virale chez les patients hospitalisés

De toutes ces choses, nous pouvons maintenant tirer de nouvelles conclusions intéressantes. Par exemple, une nouvelle conclusion est que l'on peut dire que les patients qui doivent être hospitalisés à un moment donné de leur parcours ont toujours beaucoup de virus au moment du pic de charge virale. C'est quelque chose qui a longtemps été remis en question. Alors que chez des patients qui ont un parcours qui n’a pas nécessité de se rendre à l'hôpital, qui sont peut-être même asymptomatiques ou qui sont des cas bénins, la hauteur du pic de charge virale fluctue très fortement. C'est donc ainsi, les gens qui tombent gravement malades plus tard ont beaucoup de virus au début.

Donc ce pic de charge virale a déjà une certaine valeur informative, seulement on peut difficilement l'utiliser en médecine car on ne le détecte toujours que par hasard. C'est d’ailleurs une autre conclusion de l'étude : on peut évaluer de façon très précise qu’entre le début des symptômes et le pic de la charge virale, il y a environ 4,3 jours d'intervalle. Cependant, si nous appliquons cela à un très, très grand nombre de courbes de charge virale et optimisons ainsi le modèle, alors cette plage d'estimation se réduit à trois jours.

Il faut en fait dire d’un à trois jours, et ce serait aussi la valeur que je préférerais donner. Notre étude montre que le pic de charge virale, l'excrétion virale maximale, se situe un à trois jours avant l'apparition des symptômes. Il s'agit d'un nouveau nombre très important, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois dans nos podcasts, qui peut également être confirmé par des études épidémiologiques observationnelles : le pic de charge virale est le pic d'infectiosité. Ici on revient au début, donc évidemment la charge virale est aussi contagieuse en termes de temps. C'est un à trois jours avant l'apparition des symptômes. Et c'est pourquoi cette maladie est si difficile à contrôler.

Charge virale plus élevée détectée dans B 1.1.7

Hennig: Je voudrais revenir brièvement sur ces neuf pour cent des cas examinés avec des charges virales particulièrement élevées. Vous avez dit que cela se passe en fait dans tous les groupes d'âge et qu'il est malheureusement difficile de faire des prédictions. Cela signifie qu'il y a encore des gens parmi eux qui n'ont pas ces données prédisant qu'ils devront aller plus tard à l'hôpital, comme vous l'avez dit, mais aussi certains sans symptômes ou seulement avec des symptômes légers. Pas seulement les personnes présymptomatiques.

Drosten: Exactement, ils ne sont pas seulement présymptomatiques, il y a aussi des gens, et dans une large mesure, qui présentent au plus des symptômes bénins pendant toute l'évolution de la maladie. Et il y a aussi des asymptomatiques.

Hennig: Quand vous dites tous les groupes d'âge, cela s'étend-il également aux très vieux et aussi aux enfants ?

Drosten: Oui, bien sûr. Ceci est présent dans toutes les tranches d'âge. Lors du tout premier traitement de ces données préliminaires de laboratoire au printemps, nous avons vu que les groupes d'enfants les plus jeunes ont également des charges virales extrêmement élevées, tout comme les adultes. Ceci est bien sûr confirmé à nouveau statistiquement. Cela est évident.

Hennig: Et vous avez également examiné à nouveau le variant B.1.1.7 dans l'étude, au cours des derniers mois de l'évaluation.

Drosten: En effet. C'est offre un peu une vision de l'ensemble. Et c'est encore une autre raison pour laquelle on fait des descriptions si précises, parce qu’on ne peut établir de paramètres plus précis que les charges virales. Nous nous demandons tous pourquoi B.1.1.7 est si répandu. Nous avons maintenant été en mesure de fournir une réponse qui est très claire. On voit que les patients contaminés par le B.1.1.7 ont dix fois plus de charge virale que les patients non B.1.1.7.

Correspondance de cas

Nous pouvons dire cela parce que dans le cadre du grand nombre de données que nous avons pu évaluer, nous avons également pu faire un appariement de certains cas. La sélection ne se fait pas au niveau du patient X versus le patient Y car ils sont très proches, mais nous le faisons simplement après coup à partir de données environnementales. Ce ne sont que des chiffres anonymisés. Nous ne connaissons même pas les noms. Nous ne savons rien sur les patients, mais nous connaissons juste les données les concernant. Mais nous connaissons la tranche d'âge.

Nous pouvons dire à quelle date tel cas a été diagnostiqué. Et nous pouvons également dire de quel site de test ou service hospitalier provient cet échantillon. Et on peut faire une sorte d'appariement par la suite. Nous apparions au sein d'une tranche d'âge, sur une période de deux ou trois jours et ensuite toujours entre les mêmes points. De sorte que nous pouvons dire ici que nous avons un cas de B.1.1.7 et ici nous avons un cas de non-B.1.1.7, et les deux sont venus du même hôpital, dans un même laps de temps court.

Et les patients ont à peu près le même âge. Si nous mettons tout cela ensemble, alors nous avons supprimé tous les facteurs perturbateurs dont nous avons déjà discuté dans des épisodes de podcasts précédents, qui existent toujours dans de tels tests de charge virale. Par exemple, lorsqu'il y a une prise de conscience accrue de la maladie parce qu'un nouveau virus circule. Ensuite, vous faites le diagnostic en moyenne un jour ou deux plus tôt, car lorsque les symptômes apparaissent, les gens ont simplement peur d'être infectés. Mais ce diagnostic plus précoce entraîne une augmentation de la charge virale apparente.

Variations de la charge virale

Parce que plus on teste tôt, plus on se rapproche du pic de charge virale. Et bien sûr, nous pouvons largement exclure ce facteur perturbateur. Et si nous faisons cette exclusion, nous voyons toujours que la différence de charge virale s'accentue jusqu'à une différence de dix fois. C'est donc significatif. Comme je l’ai dit, je commence à évaluer quelque chose comme pertinent si j’observe une différence d'un facteur trois, c’est à dire une variation d’une demi-unité de logarithme. En dessous, je considère que cela ne veut probablement rien dire.

Il y aura probablement d'autres explications non biologiques à cela. Alors que si une charge virale, en particulier une charge virale moyenne, dévie d'un facteur dix, nous la prenons au sérieux et considérons que c'est probablement pertinent. Pour le confirmer à nouveau, nous avons effectué des études d'isolement de virus distincts. Cela ne fait pas seulement partie de notre modèle de conversion, mais nous avons à nouveau isolé empiriquement le virus pour confirmer que l'infectivité sous-jacente ne diffère pas pour un même virus. Et nous ne pouvions pas voir une différence.

Donc, malheureusement, il arrive parfois avec de telles enquêtes statistiques qu’on ne puisse prouver la différence. Nous avons pu atteindre une résolution aussi précise, de sorte qu'à l'heure actuelle nous n'avons aucune raison de penser que l'infectivité de base dans les échantillons est différente pour chaque copie d'ARN. Et c'est pourquoi il faut supposer, jusqu'à preuve du contraire, que la charge virale en ARN explique bien une différence d'infectiosité. En d'autres termes, les patients B.1.1.7 sont évidemment plus contagieux.

Hennig: De cette vue d'ensemble, avec l'infectivité des cultures cellulaires et la charge virale, pouvez-vous également aborder la réponse à la question : quelle charge faut-il pour être contagieux ?

Drosten: Nous ne pouvons pas déterminer une dose d'infection minimale avec ces approches. Cette étude ne s'y prête pas. Pour ce faire, il faudrait connaître la charge virale exacte des cas index au moment de la transmission. Peut-être que vous pouvez faire des choses comme ça sur la base de nos données. Si vous avez de telles études de transmission épidémiologique, où vous savez exactement quand et par qui quelqu'un a été infecté et vous auriez également la charge virale de ce patient index à ce moment-là. Donc de celui qui a provoqué l'infection.

Base de données

Ensuite, nous pourrions utiliser nos modèles d'historique de charges virales pour aider les épidémiologistes en pouvant déterminer la charge virale le jour de la transmission. Et ce jour de transmission est connu d'après les données épidémiologiques. Eh bien, de telles études peuvent maintenant être rendues possibles par nos données, mais bien sûr, il y a toujours une certaine incertitude. Ce n'est pas une clé absolue. C'est une composante supplémentaire qui peut être incorporée dans de telles reconstructions épidémiologiques.

Hennig: Votre étude vient tout juste sortie de presse, publiée dans "Science". Mais ce n'est pas encore fini. Vous mettez toujours ces données à jour, n'est-ce pas ?

Drosten: Nous avons développé un nombre relativement important d'algorithmes d'évaluation des données de charge virale. Fondamentalement, l’étude continue toujours pendant que nous continuons à tester les patients. Nous avons maintenant parlé de B.1.1.7. Apparemment, l'excrétion du virus est en fait augmentée avec cette variante du virus. Ce que nous ne savons pas encore de manière concluante, nous évaluons encore, c'est si le délai d’incubation peut également être prolongé ou s'il démarre plus tôt avec un seuil critique de virus qu'il faudrait alors évaluer comme infectieux. On pourrait enquêter sur quelque chose comme ça.

D'autres questions

Au début de ce podcast, nous avons discuté de la situation par rapport au variant 617 du virus. Correspond-il à une charge virale plus élevée ? Ou l'élimination est-elle plus durable ? Toutes ces choses peuvent être reconstruites à partir des données de charge virale. Pour moi, il existe également un autre exemple important de la manière dont l'apparition des symptômes est en fait liée au pic d'élimination. Mais il faut aussi considérer que ces relations ne doivent pas toujours rester les mêmes. Imaginons donc qu'avec un variant viral, le pic d'excrétion soit un peu plus tardif et plus en phase avec l'apparition des symptômes. Cela faciliterait bien entendu le contrôle d'un tel variant. Ce sont bien sûr des paramètres de base du phénomène naturel de l'infection qui fascinent vraiment lorsque qu’on observe des changements.

Changements de situation

Cela aurait des conséquences directes sur les options de confinement. En même temps, bien sûr, il faut toujours ajouter qu’heureusement, nous ne resterons pas éternellement dans cette situation, où nous devons comprendre ces petits détails pour le confinement, car heureusement la vaccination prendra le relais à un moment donné. Nous ne pourrons et ne devrons pas contenir ce virus complètement pour toujours, compte tenu de la décroissance de la gravité de la maladie.

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