IDK Paginas van La demence oubliee Comprendre la maladie a corps de Lewy

La maladie à corps de Lewy (MCL) est encore mal connue et mal diagnostiquée. Elle n'est reconnue comme étant une démence distincte de la maladie de Parkinson et de la maladie d'Alzheimer que depuis les années 1990, et beaucoup de praticiens n'en discernent encore que tardivement les symptomes. Beaucoup de malades sont d'abord diagnostiqués comme ayant la maladie de Parkinson, à cause des syndromes que ces deux maladies partagent, surtout au début, tels que rigidité, posture courbée, difficulté à se mouvoir. Il se met pourtant vite en place des symptomes évocateurs, tels que les halucinations visuelles ou non-visuelles, des idées délirantes, des chutes répétées, des troubles du sommeil paradoxal (phases REM du sommeil) et assez rapidement aussi, des problèmes de mémoire, bien qu'en général, nettement moins prononcés que dans la maladie d'Alzheimer. D'ailleurs, les examens post-mortem ne montrent pas de perte importante de masse corticale, comme c'est le cas dans la maladie d'Alzheimer.

Tout comme dans la maladie de Parkinson, cette maladie se manifeste par l'accumulation de masses fibreuses dans les neurones, appelées corps de Lewy, du nom du médecin Friedrich Lewy qui les a identifié pour la première fois en 1912. Ces masses sont des protéines appelées alpha-synucléines, jouant un rôle fonctionnel au niveau de la synapse des neurones dopaminergiques en permettant la liberation de la dopamine, un des neurotransmetteurs principaux. Ces corps de Lewy se forment quand l'alpha-synucléine phosphorylée l'est de façon anormale et forme des agrégats, non seulement entre alpha-synucléines, mais aussi avec d'autres protéines telles que l'ubiquitine. L'alpha-synucléine ne peut plus dès lors remplir son rôle, et il y a un déficit de transfert de l'information de neurone à neurone dans le système dopaminergique. Dans la maladie d'Alzheimer, c'est principalement le système cholinergique qui est perturné. L'acétyl-choline ne remplit plus correctement sa fonction. Or l'acétyl-choline est impliquée dans les processus d'apprentissage et de mémorisation.

Dans les maladies de Parkinson et à corps de Lewy, ce sont les alpha-synucléines qui s'accumulent et se répandent dans les neurones, rendant ainsi dysfonctionnelle toute une zone du cerveau. La grande différence observée entre maladie de Parkinson et maladie à corps de Lewy, est que l'expansion des corps de Lewy se limite au tronc cérébral dans la maladie de Parkinson, en particulier à la substance noire, alors que dans la maladie à corps de Lewy, ceux-ci se répandent non seulement dans le tronc cérébral, mais aussi dans l'ensemble du cortex, rendant ainsi cette pathologie particulièrement invalidante et d'évolution rapide. S'il est souvent écrit que l'espérance de vie, après son diagnostic varie de 2 à 20 ans, les durées de vie longues sont exceptionneles, et l'espérance de vie médiane se situe vers 3-4 ans après le diagnostic.

Le Parkinson, la MCL et l'Alzheimer sont des maladies neurodégénératives dont l'évolution est inexorable, et aucun traitement n'existe à ce stade permettant le blocage de l'évolution ou la guérison. Pour la maladie de Parkinson, il existe des traitements permettant d'en ralentir l'évolution de manière substantielle. Ce n'est pas le cas pour la MCL ou l'Alzheimer. Tout au plus peut-on en atténuer les symptomes. Mais dans le cas de la MCL, il convient à la fois de traiter les symptomes extrapyramidaux (symptomes parkinsoniens) et cognitifs. Le traitement n'est pas aisé, car les médicaments traitant les symptomes parkinsoniens ont tendance à augmenter les hallucinations et les troubles cognitifs, tandis que les neuroleptiques augmentent les risques de confusion et de chutes.

Donc, non seulement, il n'existe pas, aujourd'hui, de traitement efficace, mais en outre, les causes et les mécanismes engendrant la maladie à corps de Lewy (idem pour le Parkinson et l'Alzheimer) ne sont pas clairement identifiés. Loin s'en faut. Il est très possible que les causes soient multifactorielles, avec des composantes à la fois génétiques et environnementales. Ce qui paraît certain, c'est que l'hérédité joue ici un rôle très minime voire inexistant. Il sera pourtant critique de comprendre les risques génétiques et environnementaux liés à la maladie, pour pouvoir comprendre comment cette pathologie s'installe, et, par voie de conséquence, pour comprendre quels sont les mécanismes qui doivent être bloqués pour freiner, bloquer ou faire régresser la maladie grâce à de nouveaux traitements.

Les articles développés ici traitent des génotypes qui apparaissent comme étant des facteurs de risque, pour la MCL mais aussi pour la maladie d'Alzheimer. Car certains allèles spécifiques de certains gènes pourraient constituer des facteurs de risque communs aux deux pathologies. Rien n'est moins sûr d'ailleurs, et les articles ci-dessous essayent d'y voir plus clair.

Tout d'abord, qu'est ce qu'un allèle d'un gène ? 

Au cours de l'évolution, les gènes constitutifs de l'ADN ont subit des mutations. Certaines étaient tellement léthales que les lignées d'individus les portant ont disparu spontanément. Certaines sont léthales mais sont rares. De plus, elles sont souvent récessives, c'est à dire qu'il faut que les deux gènes d'une paire de chromosomes soient atteints par la mutation pour que la maladie soit exprimée. Il faut donc qu'à la fois le père et la mère soient porteurs de la mutation et l'aient transmise à leurs enfants. Dans des cas très rares, la mutation léthale est autosomale dominante. C'est à dire qu'il suffit qu'un seul gène de la paire soit atteint pour que la maladie s'installe. Dans ce cas, si un des parents est porteur, il y a 50% de chance que leur enfant soit affecté. Ceci implique évidemment que le parent reste en vie jusqu'au moment d'être en mesure de procréer. C'est le cas de la terrible maladie d'Huntington ou chorée.

Ces mutations sont pathologiques, soit parce qu'elles rendent l'expression du gène en sa protéine correspondante inopérante, soit au contraire parce qu'elles surexpriment une protéine. Mais dans la très grande majorité des cas, les mutations de gènes n'engendrent aucune modification de fonctionnalité. Dès lors, ces mutations sont persistantes, et donc, dans l'évolution de la population humaine, presque tous les gènes sont présents sous des formes variables selon les individus, sans que cela ne les affecte. Ces variantes fonctionnelles de gènes sont appelées « allèles » d'un même gène.

Certains allèles toutefois, même si codant pour une protéine parfaitement opérationnelle, peuvent y engendrer certaines modifications qui peuvent perturber leur fonctionnement, en particulier si l'environnement cellulaire change. Le vieillissement est par nature un phénomène multifactoriel qui modifie l'environnement cellulaire. Et certaines protéines produites par des allèles particuliers, peuvent alors souffrir des modifications de l'environnement cellulaire et se mettre à dysfonctionner. Ceci n'a aucune incidence sur l'évolution de l'espèce, puisque ces modifications ont lieu bien après la période de la vie où l'individu est en âge de procréer.

Risques génétiques

Dans les articles qui vont suivre, les risques génétiques connus qui favorisent la maladie d'Alzheimer et la maladie à corps de Lewy sont étudiés. On y parle essentiellement de deux gènes et de leurs allèles. Ainsi, l'apolipoprotéine E est un transporteur de lipoprotéines présent dans les membranes cellulaires et a pour but de moduler la quantité de ces lipoproteines dans les membranes (à participer à leur «homeostase») en perticipant à leur catabolisme, c'est à dire le métabolisme donnant lieu à leur dégradation, ce qui est un phénomène tout à fait naturel dans un processus de modulation. Ceci est notamment le cas au niveau de la synapse des neurones, entre axone d'un neurone et dendrite d'un neurone en aval. Le gène codant pour l'apolipoprotéine E est appelé ApoE. Il en existe trois allèles. Les allèles E2, E3 et E4 (le E tient ici lieu de 𝜺= epsilon, qui est la nomenclature exacte, mais que de nombreux auteurs remplcent par E par facilité d'écriture). L'allèle E2 est le moins fréquent et représente de l'ordre de 7 à 8% dans la population européenne. L'allèle E3 est le plus fréquent et représente entre 75 et 80%. L'allèle E4 est intermédiaire, il représente de l'ordre de 15%. C'est cet allèle E4 qui constitue un risque accru de développer la maladie d'Alzheimer. Il augmenterait le risque de 3x sous sa forme hétérozygote (un seul des chromosomes porte E4, l'autre porte E3 ou E2) et de 12x dans sa forme homozygote (les deux chromosomes portent le gène ApoE4). On observe un plus grand risque de formations de plaques amyloïdes extraneuronales chez les porteurs de l'allèle E4, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore compris, et il est très probable que la maladie d'Alzheimer soit multifactorielle, mêlant des facteurs génétiques et environnementaux.

Il a aussi été proposé que l'allèle ApoE4 augmenterait le risque de développer la MCL, mais ceci reste encore fortement débattu dans la mesure où, dans bien des cas, on observe une MCL et un Alzheimer concomitant chez les sujets très agés. Les articles suivants essaient d'y voir plus clair en ce domaine. Par contre le facteur de risque génétique le plus important connu à ce jour dans la maladie de Parkinson est une mutation du gène GBA qui codent pour l'enzyme glucocerebrosidase (GCase) présent dans les lysosomes, ces organelles dont la fonction est de dégrader des produits cellulaires avant leur expulsion de la cellule. Cette enzyme participe à l'homéostase des glycosphingolipides. Cette mutation est présente chez environ 10% des patients souffrant de la maladie de Parkinson. Ce dysfonctionnement des GCases entraine un dysfonctionnement des lysosomes, et par voie de conséquence, l'alpha-synucléine, une protéine présynaptique interagissant avec la protéine tau, voit sa dégradation altérée au niveau des lysosomes, elle est expulsée intacte du neurone et va s'accumuler de proche en proche dans les neurones voisins, y formant des dépôts qui sont ces fameux corps de Lewy. Cette mutation de GBA est bien sûr aussi un facteur de risque dans la MCL.

Tout comme il n'est pas encore clair que les plaques amyloides sont une cause de la maladie d'Alzheimer, et pas une conséquence, il n'est pas clair non plus que les corps de Lewy sont la cause des maladies de Parkinson et de la MCL, et pas une conséquence. En particulier, dans la mutation de GBA, on observe que des GCases restent bloquées au niveau du reticulum endoplasmique et ne migrent pas vers les lysosomes. Ceci pourrait aussi être une explication à la pathologie, qui n'est pas à exclure.

Description des symptomes et conseils aux accompagnants,
par Philippe de Linares, fondateur de l'Association des Aidants et Malades à Corps de Lewy (A2MCL)

 

Article :L’évaluation génétique de la démence à corps de Lewy implique des sous-groupes distincts de maladies

Article :Variantes de GBA et maladie de Parkinson : mécanismes et traitements