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Marie Gouze, dite đ‘¶đ’đ’šđ’Žđ’‘đ’† 𝒅𝒆 𝑼𝒐𝒖𝒈𝒆𝒔
𝐮𝑱𝑡𝑒𝑱𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 đ·đ‘’Ìđ‘đ‘™đ‘Žđ‘Ÿđ‘Žđ‘Ąđ‘–đ‘œđ‘› 𝑑𝑒𝑠 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑩𝑒𝑛𝑛𝑒, đ‘šđ‘–đ‘™đ‘–đ‘Ąđ‘Žđ‘›đ‘Ąđ‘’ 𝑝𝑜𝑱𝑟 𝑙'𝑎𝑏𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙'𝑒𝑠𝑐𝑙𝑎𝑣𝑎𝑔𝑒, đ‘ đ‘’đ‘đ‘œđ‘›đ‘‘đ‘’ 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 đ‘”đ‘ąđ‘–đ‘™đ‘™đ‘œđ‘Ąđ‘–đ‘›đ‘’Ìđ‘’ 𝑒𝑛 đč𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒, đ‘™đ‘’ 3 đ‘›đ‘œđ‘Łđ‘’đ‘šđ‘đ‘Ÿđ‘’ 1793, đ‘ŽÌ€ 45 đ‘Žđ‘›đ‘ , sous une PremiĂšre RĂ©publique qui n’a jamais vu le jour

(Jusqu’à quand fallut-il attendre ?)

NĂ©e dans une famille bourgeoise de Montauban, fille naturelle du poĂšte et auteur dramatique Lefranc de Pompignan, mariĂ©e Ă  17 ans et veuve un an plus tard, elle quitte Montauban et monte Ă  Paris, oĂč son Ă©ducation bourgeoise et sa filiation connue avec Lefranc, lui ouvre l'accĂšs aux milieux littĂ©raires et lui permit trĂšs tĂŽt d’embrasser l'esprit des LumiĂšres, et de s’ouvrir Ă  une carriĂšre littĂ©raire. Elle ne se remaria jamais, afin de garder sa libertĂ© littĂ©raire, et considĂ©rant de toute façon le mariage religieux comme le tombeau de la confiance et de l’amour.
DĂšs 1788, elle propose dans ses Ă©crits un vaste programme de mesures sociales, et notamment le projet d’impĂŽt patriotique. TrĂšs vite elle sera interpellĂ©e par le sort des esclaves noirs des colonies. Elle Ă©crira qu’elle est graduellement passĂ©e de l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale en vigueur que la nature mĂȘme du Noir le rendait infĂ©rieur Ă  la conviction que c’était la nature humaine avide de profit qui transformait le Noir en ĂȘtre infĂ©rieur. Bien que n’ayant pas voyagĂ© elle-mĂȘme dans les colonies françaises, ce sont principalement ses longues discussions avec des personnes qui seront les fondateurs de la sociĂ©tĂ© des Amis des Noirs qui forgeront ses convictions. Parmi ceux-ci La Fayette, PĂ©tion, Lavoisier, la Rochefoucauld, et plus tard l’AbbĂ© GrĂ©goire, et surtout Jacques Brissot, qui connaissait sans doute le mieux la question, de par ses voyages Ă  Londres, oĂč il a frĂ©quentĂ© la SociĂ©tĂ© de l’abolition de la traite des Noirs, et ses voyages aux jeunes Etats-Unis, oĂč il rencontrera notamment George Washington par l’entremise de La Fayette. Olympe de Gouges a Ă©crit plusieurs essais sur la condition des Noirs dans les colonies, et en particulier Ă  Saint-Domingue, ainsi que deux piĂšces : Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage, en 1784, et le MarchĂ© des Noirs, en 1790. 
Dans les premiers temps de la rĂ©volution, l’époque de la dĂ©mocratisation de la sociĂ©tĂ©, beaucoup de ces dĂ©mocrates Ă©taient amis et Ă©taient membre du Club des Jacobins, tels que Brissot prĂ©cisĂ©ment, PĂ©tion Ă©galement, et bien sĂ»r Maximilien de Robespierre, qui n’a jamais appartenu Ă  la sociĂ©tĂ© des Amis des Noirs, mais en partageait largement les idĂ©es.
En 1791, Antoine Barnave surtout fut sa cible favorite. Barnave avec Adrien Duport et Alexandre de Lameth formĂšrent ce qu’ils appelĂšrent le « triumvirat Â» et se placĂšrent Ă  l’extrĂȘme-gauche de l’AssemblĂ©e Constituante. Ses talents d’orateur eurent une influence funeste sur l’AssemblĂ©e. Il commencera par Ă©carter Mirabeau et La Fayette qui risquaient de lui disputer le pouvoir. Il dĂ©sirait en finir au plus vite avec la rĂ©volution, dĂ©fendant l’inviolabilitĂ© de la personne du Roi, et le maintien d’un droit de vĂ©to amĂ©nagĂ©. Surtout il Ă©tait un ardent dĂ©fenseur des colons et du maintien de l’esclavage, ce qui lui valut les foudres d’Olympe de Gouges, et de la gauche de l’AssemblĂ©e, en particulier Robespierre et Brissot. Dans cette AssemblĂ©e, siĂšgent principalement deux partis de gauche, les Montagnards, dont Robespierre, Danton et Marat (car ils occupent les bancs du haut de l’amphithĂ©Ăątre, et les Brissotins, partisans de Brissot, qui seront appelĂ©s bien aprĂšs la rĂ©volution, les Girondins, car la plupart des premiers dĂ©putĂ©s de ce parti, dont Vergniaud Ă©taient originaires de la Gironde. Barnave, lui, critiquĂ© par la gauche, quitta les Jacobins pour fonder le club, puis le parti des Feuillants, qui, aprĂšs les Ă©meutes du Champs-de-Mars des 16-17 juillet 1791, prendra de plus en plus d’ascendant sur l’AssemblĂ©e, faisant craindre la fin de l’évolution dĂ©mocratique, et favorisant l’adoption de la premiĂšre Constitution, votĂ©e le 3 septembre 1791 (donc aprĂšs la fuite Ă  Varennes en juin 1791), et approuvĂ©e par le roi. Elle dĂ©finit la notion de Nation, qui est l’AssemblĂ©e constituĂ©e de 745 membres et le roi. Elle refuse le bicamĂ©ralisme. Le droit de vĂ©to du roi est maintenu, mais il devient suspensif et il ne peut retarder de plus de six ans (!) l’application d’une loi votĂ©e. Les ministres restent nommĂ©s par le roi, et surtout, point le plus attaquĂ© par Olympe de Gouges, outre le fait que Barnave soutient les nĂ©griers, le scrutin reste purement censitaire. Ce qui signifie que seuls les « citoyens actifs Â», ceux qui ont les moyens financiers de payer le cens (l’impĂŽt) peuvent participer aux Ă©lections. Les pauvres, et bien Ă©videmment les femmes sont exclues du droit de vote. La France compte alors 28 millions d’habitants et seuls 4 millions d’hommes ont le droit de vote.

Cette premiĂšre constitution ne peut convenir aux plus dĂ©mocrates de l’AssemblĂ©e, et elle sera d’ailleurs trĂšs vite attaquĂ©e. Il n’empĂȘche, Ă  mon avis, que l’esprit de ce que sera cette RĂ©volution Française y est dĂ©jĂ  prĂ©sent. Cette rĂ©volution sera une rĂ©volution bourgeoise, de petits notables de province qui finiront par s’écharper entre eux dans le sang, et le peuple sera dupĂ© en en fera les frais, et pour longtemps. Mais continuons.Deux jours Ă  peine aprĂšs le vote de cette IĂšre Constitution infamante, Olympe de Gouges rĂ©digea le texte de la DĂ©claration des droits des femmes et des citoyennes, qu’elle adressa Ă  Marie-Antoinette. Ce texte, pastiche volontaire de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen ne deviendra bien Ă©videmment jamais un texte officiel, puisqu’il fut refusĂ© par le Convention. Il n’empĂȘche qu’il constitue la premiĂšre dĂ©claration jamais Ă©crite de l’universalitĂ© des droits humains.
Les seules victoires fĂ©ministes obtenues par Olympe de Bouges furent l’autorisation faite aux femmes Ă  participer Ă  des cĂ©rĂ©monies Ă  caractĂšre politique : la fĂȘte de la loi, et la commĂ©moration de la prise de la Bastille, Ă  partir de 1792.Dans le conflit qui opposait dĂšs 1792 les Montagnards aux Girondins, elle pris tout d’abord le parti des premiers, de Robespierre et de Marat, contre Brissot, Vergniaud, Condorcet. Les deux sujets principaux de ce conflit Ă©tait la guerre offensive, voulue par les Girondins, contre l’ennemi extĂ©rieur dans le but de prĂ©server la RĂ©publique, alors que les Montagnards voulaient prĂ©server la paix. Et d’autre part la volontĂ© ferme des Montagnards de conserver un pouvoir unique et centralisĂ©, alors que les Girondins privilĂ©giaient une forme de confĂ©dĂ©ration avec une grande partie des pouvoirs de dĂ©cision laissĂ©s aux dĂ©partements. C’est sur le point de la guerre qu’Olympe de Gouges se ralliait Ă  la cause des Montagnards, dĂ©clarant ne pas ĂȘtre fĂąchĂ©e contre les idĂ©es de Brissot, mais qu’il y avait un fossĂ© entre les idĂ©es sur papier et l’utopie de leur rĂ©alisation concrĂšte, sans que cela ne crĂ©e encore d’avantage le malheur du peuple français.Mais vinrent les massacres de septembre, du 2 au 7 septembre 1792, lors desquels quelques Montagnards de la Convention exhortĂšrent le peuple aux pires exactions, jusque dans les prisons Ă  Paris et en province, faisant environ 1500 morts, le tout dans un climat de crainte d’invasion austro-prussienne et de rĂ©voltes dans les provinces. Olympe de Gouges en fut particuliĂšrement choquĂ©e et en voua une haine sans borne Ă  Marat, qu’elle taxa « d’avorton de la RĂ©volution Â». A titre personnel, je ne lui donne pas tort. Marat Ă©tait un petit mĂ©decin mĂ©diocre et un physicien ratĂ©, dont les expĂ©riences faisaient sourire Benjamin Franklin, alors ambassadeur des Etats-Unis en France. Marat, originaire de la principautĂ© de NeuchĂątel (devenu aujourd’hui canton suisse de NeuchĂątel) est le prototype de ces petits notables de province assez mĂ©diocres, devenus Ă©pris de libertĂ© quand la RĂ©volution commence. C’est Ă  dire qu’ils y voient l’opportunitĂ© de plus de libertĂ©s, de plus de privilĂšges pour leur condition, eux les bourgeois, par rapport Ă  la noblesse. L’adoption de la premiĂšre constitution en est un tĂ©moignage. Marat figure parmi les plus acharnĂ©s d’entre eux. Il est de ceux-lĂ  qui feront Ă©chouer la RĂ©volution Française, avec toutes les consĂ©quences politiques et Ă©conomiques qui en dĂ©couleront pendant prĂšs d’un siĂšcle.

TrĂšs certainement influencĂ©e par ces massacres de septembre, Olympe de Bouges, dĂšs octobre 1792, se rapproche des Girondins, attirĂ©e par ses relations avec Sophie de Grouchy, Ă©pouse de Condorcet. 

Le 20 septembre 1792, les choses s’emballent encore d’avantage. La Convention dĂ©clare l’abolition de la royautĂ© et que l’An I de la RĂ©publique commence (le 22 septembre exactement, qui deviendra le 1ervendĂ©miaire du calendrier rĂ©publicain). Le 25 septembre, la RĂ©publique est dĂ©clarĂ©e Une et Indivisible.

Elle qui a Ă©tĂ© longtemps en faveur d’une monarchie constitutionnelle, Ă©pouse alors les idĂ©es rĂ©publicaines, tout en continuant Ă  vouloir prĂ©server la famille royale, jusqu’à se proposer d’assister Malesherbes (magistrat Ă  qui on doit notamment la protection de Diderot sous Louis XV et son aide pour que l’EncyclopĂ©die soit publiĂ©e), dans la dĂ©fense du roi Ă  la Convention. Ce qui lui fut refusĂ©.
Elle Ă©crivait qu’elle Ă©tait en faveur de la protection de la famille royale, tout en affirmant que si des puissances Ă©trangĂšres (l’Autriche en particulier) menaçaient la France pour rĂ©tablir le roi, on devrait alors placer toute la famille royale, avec femmes et enfants en premiĂšre ligne du front pour empĂȘcher les assaillants de tirer sur les patriotes.Fin 1792 est approuvĂ©e une nouvelle constitution beaucoup plus dĂ©mocratique que la premiĂšre, dite Constitution de l’An I, basĂ©e essentiellement sur un projet girondin. Le vote a lieu au suffrage universel des citoyens.  Ont qualitĂ©s de citoyens, les hommes, de plus de 21 ans, et habitant depuis plus d’un an en France. La RĂ©publique est Une et Indivisible et non fĂ©dĂ©rĂ©e ou confĂ©dĂ©rĂ©e. L’AssemblĂ©e demeure unicamĂ©rale. L’exĂ©cutif est composĂ© de huit membres Ă©lus pour deux ans, et est contrĂŽlĂ© et peut ĂȘtre rĂ©voquĂ© par l’AssemblĂ©e. Au niveau judiciaire, tout citoyen Ă  le droit d’ĂȘtre jugĂ© devant un tribunal composĂ© d’un jury, et la peine de mort pour dĂ©lits privĂ©s est abolie.
Il fut dĂ©cidĂ© d’attendre la paix avec l’extĂ©rieur et dans les provinces pour que cette constitution entre en vigueur. En attendant, un gouvernement rĂ©volutionnaire remplacera un gouvernement constitutionnel.

Entretemps, le 10 mars 1793, est crĂ©Ă©, sur proposition de Danton et Levasseur, le Tribunal rĂ©volutionnaire, « pour punir les ennemis du peuple Â». Il a, au dĂ©part pour vocation d’empĂȘcher de nouveaux massacres arbitraires comme le furent les massacres de septembre 1792.  Mais trĂšs vite cela deviendra la machine Ă  tuer le moindre adversaire politique, de façon de plus en plus arbitraire. Pendant les 16 mois sĂ©parant sa crĂ©ation de la chute de Robespierre, 4021 jugements y seront prononcĂ©s, dont 2585 condamnations Ă  mort, principalement par Fouquier-Tinville en tant qu’Accusateur public.

C’est d’ailleurs ce tribunal qui jugera et condamnera Ă  mort les Girondins, suite Ă  leur mise en accusation par Saint-Just, le 2 juin 1793. Fait qu’Olympe de Bouges qualifiera d’extrĂȘmement grave, dans la mesure oĂč l’arrestation d’élus du peuple par d’autres Ă©lus du peuple constitue une violation Ă©vidente de la dĂ©mocratie.Suite Ă  l’arrestation et la condamnation des Girondins, la Constitution de l’An I, toujours pas entrĂ©e en application, sera amendĂ©e par les Montagnards le 24 juin 1793, essentiellement par addition dans la Constitution de l’An I de la DĂ©claration des Droits de l’Homme et du Citoyen, complĂ©tĂ©e de certains articles, tels que les droits Ă©conomiques et sociaux, la souverainetĂ© populaire et non plus nationale (Ă©bauche du referendum), le droit Ă  l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple.Cette Constitution de l’An I ne sera toutefois jamais adoptĂ©e, car, face aux menaces d’insurrections « contre-rĂ©volutionnaires Â», principalement en VendĂ©e et Ă  Lyon, la Convention dĂ©cide de maintenir en place le gouvernement rĂ©volutionnaire et d’instaurer un rĂ©gime de Terreur destinĂ© Ă  punir les ennemis de la rĂ©volution. La Convention se verra trĂšs vite dominĂ©e par deux comitĂ©s, le ComitĂ© de Salut GĂ©nĂ©ral, et surtout le ComitĂ© de Salut Public qui se voit confier les affaires extĂ©rieures, la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l’État et la conduite des affaires les plus importantes. Il est dominĂ© par Robespierre, Saint-Just et Couthon, qui, alors que la loi prĂ©voit le remplacement annuel de ses membres, y garderont le pouvoir de façon permanente. Cette pĂ©riode, qui s’arrĂȘtera avec la chute de Robespierre provoquĂ©e par le ComitĂ© de Salut GĂ©nĂ©ral et les dĂ©putĂ©s de la Plaine, verra l’exĂ©cution de 17000 personnes, dont celles condamnĂ©es par le Tribunal rĂ©volutionnaire, et la mort de 150000 victimes dans la guerre de VendĂ©e. 
Toutes les atrocitĂ©s de cette pĂ©riode n’ont pas Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es ici, et notamment la terrible rĂ©pression religieuse, alors que Robespierre, paradoxalement, sans doute poussĂ© par le peuple mĂ©content, rĂ©instaurera un culte sous l’aspect de cette bouffonnerie que fut l’Être SuprĂȘme.
Robespierre, Saint-Just et Couthon seront exĂ©cutĂ©s sans jugement le 27 juillet 1794 (9 thermidor An II), et dans la suite un millier de leurs partisans le seront Ă©galement. Que devient Olympe de Gouges pendant ce temps ? Elle dĂ©nonce Robespierre dans ses Ă©crits, considĂ©rant qu’il a transformĂ© la rĂ©volution et ses principes en une dictature sanguinaire. Elle restera proche de Danton, chez qui elle admire l’Homme des Principes, celui de la suppression de l’emprisonnement pour dettes, celui du prix du pain qui doit rester abordable pour tout homme pauvre, celui de l’éducation, principe le plus important aprĂšs l’accĂšs au pain, celui de l’impĂŽt sur les riches, et adversaire de Robespierre lorsque celui-ci instaure la Grande Terreur. 


Olympe de Gouges, qui n’a jamais pris dĂ©finitivement position pour la RĂ©publique par rapport Ă  une monarchie constitutionnelle, publie le 20 juillet 1793 une affiche qu’elle intitule Les Trois Urneset qui appelle Ă  une Ă©lection Ă  trois choix : rĂ©publique une et indivisible, rĂ©publique fĂ©dĂ©raliste, retour Ă  la monarchie constitutionnelle. Le fait mĂȘme d’évoquer la monarchie constitutionnelle est considĂ©rĂ©e comme un crime de haute trahison par le ComitĂ© de Salut Public. Elle est arrĂȘtĂ©e le jour mĂȘme, et inculpĂ©e. Elle passe devant le Tribunal rĂ©volutionnaire le 2 novembre 1793, soit 2 jours aprĂšs l’exĂ©cution de ses amis de la Gironde. AprĂšs un procĂšs sommaire, sans assistance d’un avocat, elle est condamnĂ©e Ă  mort, et exĂ©cutĂ©e le lendemain 3 novembre 1793, Ă  45 ans, pour avoir tentĂ© de rĂ©tablir un gouvernement autre que ce gouvernement rĂ©volutionnaire Ă©voluant en dehors de toutes lois constitutionnelles.

Mon point de vue personnel par rapport Ă  cette RĂ©volution Française et Ă  cette PremiĂšre RĂ©publique, est qu’elle a dĂ©marrĂ© dans un esprit de libertĂ© et d’égalitĂ©, menĂ©e par des hommes intĂšgres,  sans doute comme Robespierre Ă  ses dĂ©buts. Le Serment du Jeu de Paume et la DĂ©claration des Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 en sont les actes qui Ă©taient marqueurs d’espoir. Mais trĂšs vite, elle a Ă©tĂ© dĂ©voyĂ©e par une classe bourgeoise constituĂ©e essentiellement de petits notables de province (dont faisait d’ailleurs partie Robespierre) qui y ont vu d’avantage une opportunitĂ© de s’octroyer des privilĂšges que de se prĂ©occuper du peuple. La fuite de Louis XVI, dite fuite Ă  Varennes fut sans doute le virage d’une rĂ©volution se voulant progressiste vers une dictature de plus en plus sanguinaire. Et j’éprouve beaucoup de difficultĂ©s Ă  comprendre que la France en ait fait l’évĂ©nement fondateur de la RĂ©publique et en soit fiĂšre au point d’en faire, au travers de l’acte symbolique de prise de la Bastille, sa fĂȘte nationale. Les seuls Ă©lĂ©ments positifs de cette pĂ©riode, Ă  mon avis, sont d’une part que la famine a pris fin en 1793, et qu’une convention dĂ©mocratique, prĂ©figurant les grands principes d’égalitĂ© et de libertĂ© et de sĂ©paration des pouvoirs a Ă©tĂ© approuvĂ©e en cette mĂȘme annĂ©e 1793, mais malheureusement n’a JAMAIS Ă©tĂ© appliquĂ©e.  

En ce qui me concerne, certes sur une pĂ©riode plus courte de seulement trois ans, ce bain de sang, et ce crime anti-dĂ©mocratique ignoble qui a fait qu’un comitĂ© dictatorial s’arrogeait le droit de condamner et d’exĂ©cuter des Ă©lus du peuple, n’a rien Ă  envier Ă  la pĂ©riode stalinienne, pourtant tellement dĂ©criĂ©e par les français qui se taxent de dĂ©mocrates.

Au dĂ©but de ce siĂšcle, la France Ă©tait la plus grande puissance politique et Ă©conomique d’Europe. Au travers du siĂšcle malgrĂ© un pouvoir monarchique absolu et rĂ©pressif, et la toute-puissance de la noblesse et du clergĂ©, c’est en France qu’est nĂ© l’Esprit des LumiĂšres, dont les plus illustres reprĂ©sentants furent Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Diderot. Diderot qui fut complĂštement ignorĂ© par la rĂ©volution. D’abord parce qu’il avait de lui-mĂȘme fait en sorte que ses Ɠuvres principales ne soient Ă©ditĂ©es qu’à titre posthume, de crainte de la censure, et parce que ses idĂ©es allaient bien au-delĂ  de ce que les rĂ©volutionnaires eux-mĂȘmes Ă©taient prĂȘts Ă  accepter en termes de libertĂ© et de rationalisme et d’athĂ©isme. Diderot demeurera ignorĂ© pendant pratiquement tout le XIXe siĂšcle, et il faudra attendre le XXe siĂšcle pour vraiment le dĂ©couvrir et connaĂźtre l’existence de certaines de ses Ɠuvres les plus importantes comme Le Neveu de Rameau.

À la fin du siĂšcle, la France termine exsangue, au propre comme au figurĂ©. Elle a massacrĂ© son peuple et dĂ©pensĂ© des fortunes pour dĂ©fendre cette rĂ©volution bĂąclĂ©e contre les « ennemis de la rĂ©publique, intĂ©rieurs et extĂ©rieurs Â». Au mĂȘme moment, une autre rĂ©volution commence en Europe, grĂące d’ailleurs en partie aux LumiĂšres et aux progrĂšs scientifiques, grĂące aussi Ă  la Royal Society de Londres Ă  la crĂ©ation de laquelle Isaac Newton a largement contribuĂ©. La rĂ©volution industrielle. L’Angleterre s’y est engouffrĂ©e. La France, toute Ă  ses conflits n’a pas eu l’occasion de lui emboiter le pas. Elle va accuser un retard Ă©norme sur l’Angleterre, qui deviendra au XIXe siĂšcle la premiĂšre puissance Ă©conomique mondiale. La France ne comblera jamais son retard. C’est toujours le cas aujourd’hui. Et le dĂ©sastre ne s’arrĂȘte pas lĂ . AprĂšs l’exĂ©cution de Robespierre, les modĂ©rĂ©s de la Convention mettent au point une nouvelle constitution. Celle-ci est adoptĂ©e par la Convention thermidorienne le 22 aoĂ»t 1795 (5 fructidor An III) et a comme prĂ©ambule la DĂ©claration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen de 1795. C’est la premiĂšre constitution rĂ©publicaine Ă  avoir Ă©tĂ© appliquĂ©e en France. Elle met en place le rĂ©gime exĂ©cutif du Directoire, qui entrera en fonction le 26 octobre 1795 (4 brumaire An IV). Il s’agit d’un ensemble de cinq directeurs, chefs de l’exĂ©cutif, entre lesquels les diffĂ©rents ministres sont rĂ©partis, pour Ă©viter la tyrannie. Je ne peux m’empĂȘcher de comparer cela au triumvirat romain du Ier siĂšcle avant notre Ăšre, lui aussi instaurĂ© pour Ă©viter de mettre le pouvoir dans les mains d’une seule personne. Ce siĂšcle fut le pire siĂšcle de guerres civiles Ă  Rome. Trois au total. Dues aux conflits entre les Consuls. Entre Marius et Sylla, entre CĂ©sar et PompĂ©e, conduisant Ă  la dictature, entre Octave et Marc-Antoine enfin, qui ne s’apaisera que lorsque le Principat sera instaurĂ©.
Le Directoire fut une pĂ©riode qui dura Ă  peine 4 ans, mais qui, sans ne plus connaĂźtre les vagues sanguinaires qui caractĂ©risĂšrent les annĂ©es 1792-1794, n’en fut pas moins une pĂ©riode particuliĂšrement troublĂ©e, instable et totalement inĂ©galitaire, pendant laquelle les conflits et complots furent incessants, me rappelant cette pĂ©riode romaine qui distribua l’exĂ©cutif entre plusieurs mains. On assista Ă  de nombreux complots royalistes d’une part, jacobins d’autre part. La bourgeoisie enrichie par l’opportunisme des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes Ă©tant de plus en plus nombreuse, le suffrage redevient censitaire (Eh oui ! Le « pays des droits de l’homme Â» n’a respectĂ© aucune de ses deux constitutions de la pĂ©riode dont il a fait sa fĂȘte nationale). Les Ă©lections annuelles, dans une France devenue bicamĂ©rale (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens) sont autant de dĂ©saveux pour l’exĂ©cutif qui se maintient en place Ă  force de coups d’états, en particulier lorsque, chose qui devrait ĂȘtre impensable dans une RĂ©publique ayant rĂ©ussi, les monarchistes sont devenus majoritaires aux Conseils. C’est alors que l’AbbĂ© SieyĂšs pris plus d’emprise sur les destinĂ©es du directoire. Cet homme, peu connu aujourd’hui, fut de tous les coups. Il participa Ă  toutes les phases de la rĂ©volution depuis 1789 jusqu’au Consulat. Toujours en douce, sans prise de risque exagĂ©rĂ©e. Robespierre le surnommait « la taupe de la RĂ©volution Â». Il Ă©tait proche de la famille royale, puis Ă©pousa la rĂ©volution naissante en Ă©tant membre du Tiers-Etat, oĂč d’ailleurs il s’opposa Ă  Mirabeau. Il participa Ă  l’élaboration de la premiĂšre constitution. Il vota la mort du roi. Il s’effaça de la Convention durant la Terreur pour rĂ©apparaĂźtre en dĂ©cembre 1794 et joua un rĂŽle actif lors de l’élaboration de la Constitution de l’An III. Il fut dĂ©putĂ© de la Sarthe puis de l’Indre-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents. Il fut mandatĂ© en Hollande pour y nĂ©gocier un traitĂ© de paix. Il fut pendant un an (de juin 1798 Ă  mai 1799) ambassadeur Ă  Berlin, oĂč il obtint la neutralitĂ© de la Prusse. Lors de la montĂ©e en puissance des monarchistes qui rĂ©clamaient une rĂ©vision de la Constitution, il soutint le coup d’état du Directoire du 18 fructidor An V, alors qu’il Ă©tait prĂ©sident du Conseil des Cinq-Cents. En 1799, il entre au Directoire. Etant lui-mĂȘme en faveur d’une rĂ©vision de la constitution, il Ɠuvre en ce sens en Ă©cartant les Directeurs qui lui sont dĂ©favorables, et comme il faut attendre un dĂ©lai de 9 ans pour obtenir une rĂ©vision, il fomente lui-mĂȘme un nouveau coup d’état, en recherchant une « main armĂ©e Â» qu’il finit par trouver en Bonaparte de retour d’Egypte. Le coup d’état du 18 brumaire An VIII donne naissance au Consulat de trois membres, Bonaparte, SieyĂšs et Ducos. Bonaparte Ă©carta trĂšs vite et trĂšs facilement les deux autres pour prendre les pleins pouvoirs. La Constitution de l’An III est enterrĂ©e, et on connaĂźt la suite.

La rĂ©publique avait vĂ©cu. La RĂ©publique qui est issue des LumiĂšres, qui a Ă©crit un texte splendide sur les Droits de l’Homme, mais qui ne l’a jamais appliquĂ©, de mĂȘme qu’elle ne s’est jamais conformĂ©e Ă  aucune de ses deux Constitutions, qui a vĂ©cu pendant 8 ans dans la violence, les bains de sang, les guerres et les complots. La RĂ©publique qui a enfantĂ© d’un Hymne qui fut au dĂ©part un chant guerrier Ă©crit pour les troupes, parmi lesquelles des Marseillais, combattant sur le Rhin contre l’attaquant autrichien. Ce chant mĂȘme que des dĂ©putĂ©s entonnent encore Ă  voix haute, et que, pire encore, on fait chanter par des enfants de 6 ans dans les Ă©coles : « Contre nous de la tyrannie, l'Ă©tendard sanglant est levĂ©. Entendez-vous dans nos campagnes, mugir ces fĂ©roces soldats ? Ils viennent jusque dans vos bras, Ă©gorger vos fils, vos compagnes ! Aux armes, citoyens, formez vos bataillons, marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons Â». 

Franchement !!! Est-ce digne de chanter cela Ă  l’AssemblĂ©e nationale ? N’est-ce pas tout simplement Ă©pouvantable de faire chanter cela Ă  des enfants de 6 ans ? Qui en plus, n’y comprennent sans doute rien. Étendard sanglant ? FĂ©roces soldats ? Nos sillons ? Quels sillons, et quel sang impur ?
C’est un peu comme quand on me faisait radoter « JĂ©sus, le fruit de vos entrailles Â» Ă  un Ăąge oĂč on ne m’avait pas encore appris comment naissaient les enfants. JĂ©sus, un fruit ??? Bizarre. Mais au moins, c’était un fruit, pas un fĂ©roce soldat Ă©gorgeur.
À titre de comparaison, prenons l’Hymne national tchĂšque : «OĂč est ma patrie ? L'eau ruisselle dans les prĂ©s. Les pins murmurent sur les rochers. Le verger luit de la fleur du printemps. Un paradis terrestre en vue ! Et c'est ça, un si beau pays, cette terre tchĂšque, ma patrie. Â»

Tout cela au nom d’une rĂ©volution ratĂ©e, dont le seul succĂšs fut le prix du pain voulu par Danton, et la fin de la famine. Maigre bilan.

La suite donc, un tyran s’auto-couronnant empereur, mettant l’Europe Ă  feu et Ă  sang, la double restauration de deux monarchies oĂč trĂŽnaient les propres frĂšres du guillotinĂ©.
Viennent les Trois Glorieuses des 27, 28 et 29 juillet 1830, oĂč le peuple de Paris, lassĂ© du pouvoir autoritaire du rĂšgne des Bourbons, se rĂ©volte pour ne pas mettre fin Ă  la monarchie, mais mettre sur le trĂŽne, Louis-Philippe d’OrlĂ©ans, de la branche cadette des Bourbons, non plus comme roi de France, mais comme roi des Français, passant ainsi Ă  une monarchie parlementaire, oĂč le roi rĂšgne mais ne gouverne plus. Le rĂ©gime aura Ă  composer trĂšs difficilement avec les diffĂ©rentes factions en prĂ©sence, les OrlĂ©anistes, les LĂ©gitimistes (monarchistes fidĂšles aux Bourbons), les bonapartistes et les rĂ©publicains. Longtemps, Louis-Philippe tentera d’adopter une politique du juste-milieu (le fameux Aurea mediocritas d’Horace), et cette monarchie de Juillet, qui dura quand mĂȘme 18 ans, aurait pu ĂȘtre une des Ă©poques les plus stables du XIXe siĂšcles, si les dissensions politiques, n’intĂ©ressant finalement que la haute bourgeoisie n’avaient Ă©tĂ© omniprĂ©sentes. Le scrutin Ă©tait d’ailleurs purement censitaire, et le fossĂ© se creusait entre bourgeoisie de plus en plus riche et peuple ouvrier, main d’Ɠuvre opprimĂ©e de l’industrialisation grandissante, devenant de plus en plus pauvre, et vivant dans des conditions sanitaires dĂ©plorables. Durant toutes ces 18 annĂ©es de cette monarchie de Juillet, Adolphe Thiers, un orlĂ©aniste ayant au dĂ©part des idĂ©es de gauche, joua un rĂŽle dĂ©terminant. Il fit le jeu de la bourgeoisie, glissant ainsi de plus en plus Ă  droite, occupera une place centrale dans la colonisation de l’AlgĂ©rie, alors que disettes, faillites, chĂŽmage, paupĂ©risation, et par lĂ , manifestations de plus en plus virulentes du monde ouvrier qui va jusqu’à casser leurs outils de travail se multiplient. La demande pressante du passage au suffrage universel n’est jamais acceptĂ©e. Thiers qui choisit de dĂ©fendre la bourgeoisie Ă  tout prix, choisit la rĂ©pression. La monarchie en fera les frais et Louis-Philippe finit par abdiquer en 1848 au profit de son petit-fils Philippe d’OrlĂ©ans, futur comte de Paris, et la IIe RĂ©publique est proclamĂ©e le 24 fĂ©vrier 1848.
Cette IIe RĂ©publique se caractĂ©rise d’abord par son cĂŽtĂ© Ă©phĂ©mĂšre (Ă  peine 4 ans, et en rĂ©alitĂ© Ă  peine 3), et son pouvoir autoritaire. Au dĂ©but, le suffrage universel masculin est pour la premiĂšre fois rĂ©ellement instaurĂ© en France. Les socialistes portĂ©s par les ouvriers jouent un rĂŽle politique important. En fin d’annĂ©e, Louis-NapolĂ©on Bonaparte, neveu de NapolĂ©on Bonaparte est Ă©lu au suffrage universel masculin. A la tĂȘte du Parti de l’Ordre, il Ă©vince les socialistes, tandis qu’au contraire le clergĂ© voit son influence grandir dans le domaine de l’éducation. Il limite progressivement le suffrage universel pour freiner la progression de la gauche, tandis que son propre parti est de plus en plus en faveur d’un retour de la monarchie. La constitution l’empĂȘchant de se reprĂ©senter pour un second mandat, il organise avec les Bonapartistes encore nombreux un coup d’état, le 2 dĂ©cembre 1851, lui octroyant les pleins pouvoirs, puis un an aprĂšs, jour pour jour, le 2 dĂ©cembre 1852, il se proclame Empereur du second empire que connaitra la France en ce siĂšcle oĂč elle s’était imaginĂ©e rĂ©publicaine.

Ce second empire a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© par aprĂšs, surtout sous la IIIe rĂ©publique comme une pĂ©riode noire du XIXe siĂšcle. Ceci surtout Ă  cause du coup d’Etat qui lui a donnĂ© naissance, et Ă  la dĂ©faite de 1870 face Ă  la Prusse, qui a ĂŽtĂ© l’Alsace et une partie de la Lorraine Ă  la France. Traumatisme qui restera aussi vif dans les esprits que la dĂ©bĂącle de 1940, et qui conduira une grande majoritĂ© des Français Ă  haĂŻr les Allemands jusqu’à les transformer en va-t’en guerre extrĂȘmes, seulement calmĂ©s par la victoire de 1918 et les conditions triomphantes mais combien Ă©pouvantables du traitĂ© de Versailles.  A cela, il faut ajouter la vindicte de Victor Hugo contre Louis-NapolĂ©on. AprĂšs le coup d’Etat du 2 dĂ©cembre 1951, Victor Hugo s’exile Ă  Bruxelles, plus tard, Ă  Jersey et Ă  Guernesey. Pour 20 ans. C’est un homme extrĂȘmement populaire et aurĂ©olĂ© de gloire. Il a Ă©tĂ© Pair de France, il est membre de l’AcadĂ©mie Française. Auteur de poĂ©sies cĂ©lĂšbres et surtout de deux grands romans comme « Les Derniers Jours D’un CondamnĂ© Â», combat contre la peine de mort, « Notre Dame de Paris Â», et des piĂšces comme « Ruy Blas Â» ou « Hernani Â». Victor Hugo vouera une haine de 20 ans Ă  Louis-NapolĂ©on, dans ses ouvrages « NapolĂ©on Le Petit Â» et surtout dans « Les ChĂątiments Â». Ce n’est guĂšre trop que de dire qu’il s’y montre carrĂ©ment odieux. Pourtant, au dĂ©part, ils sont plutĂŽt amis. Tous deux sont de droite, et tous deux Ă©volueront progressivement vers des valeurs de gauche. Victor Hugo est un fervent bonapartiste sous le premier empire, aprĂšs avoir Ă©tĂ© monarchiste. Tous deux sont dĂ©putĂ©s Ă  l’AssemblĂ©e constituante de 1848, une Ă©poque marquĂ©e par un mutuel respect. Il qualifie Louis-NapolĂ©on de « distinguĂ© et intelligent Â». Il soutient sa candidature Ă  l’ÉlysĂ©e et sera mĂȘme un de ses conseillers, tandis que ses idĂ©es Ă©voluent de plus en plus vers la rĂ©publique et le socialisme. Mais Louis-NapolĂ©on suit un parcours de pensĂ©e similaire, malgrĂ© l’opposition de son Ă©pouse EugĂ©nie, catholique fervente et militante. Alors pourquoi subitement tant de haine. Certes le coup d’État, acte Ă©minemment anti-dĂ©mocratique. Coup d’état qui ne fera en final que peu de victimes (environ 300-400), alors qu’on avait comptĂ© 5000 morts sur les barricades ouvriĂšres des trois glorieuses de 1848. Coup d’État qu’il faut aussi replacer dans son contexte : la Chambre des DĂ©putĂ©s Ă©tait trĂšs majoritairement aux mains des monarchistes, hostiles au suffrage universel et aux idĂ©es rĂ©publicaines. MĂȘme si sous l’Empire, il dominera l’AssemblĂ©e, en ce sens que seul lui pourra proposer des lois, celles-ci seront mises au vote de l’AssemblĂ©e qui sera Ă©lue au suffrage universel masculin entiĂšrement rĂ©tabli. Et la plupart des gens de progrĂšs, du monde de la culture se montreront satisfaits de ce passage de la monarchie parlementaire Ă  l’Empire. Louis-NapolĂ©on sera plĂ©biscitĂ©. Les Ă©lections au suffrage universel verront le ralliement de la toute grande majoritĂ© des campagnes Ă  l’Empire, ainsi que le peuple ouvrier, au dĂ©but. Les attaques de Victor Hugo ne seront pas Ă©coutĂ©es. Il restera longtemps un auteur toujours cĂ©lĂšbre, mais ne comptera plus sur la scĂšne politique. D’ailleurs Louis-NapolĂ©on se montre plutĂŽt progressiste, surtout en matiĂšre d’éducation nationale, oĂč il fera en sorte que les filles aient libre accĂšs Ă  l’enseignement, malgrĂ© la rĂ©sistance catholique. Il se prĂ©occupera avec sincĂ©ritĂ© de la condition ouvriĂšre allant jusqu’à accepter de mettre en place l’ébauche d’un syndicat ouvrier, fit crĂ©er les caisses de retraite et les assurances contre les accidents de travail. Les transports ont progressĂ©, en particulier le chemin de fer. Paris a Ă©tĂ© transformĂ© sous le prĂ©fet Haussmann, rendant la ville plus saine et facilitant aussi les dĂ©placements des transports en commun (certes Haussmann lui-mĂȘme avoua qu’un des buts des grands boulevards Ă©taient aussi le dĂ©placement plus rapide des troupes). C’était tout compte fait une pĂ©riode de progrĂšs, mĂȘme d’un point de vue social. Hugo pourtant a persistĂ© dans sa haine tenace. Un Ă©lĂ©ment supplĂ©mentaire a pu jouer. Au temps oĂč il soutenait Louis-NapolĂ©on, alors prĂ©sident de la IIe RĂ©publique, il briguait le portefeuille ministĂ©riel de l’Éducation Nationale, et face Ă  la demande pressante de la majoritĂ©, composĂ©e presqu’exclusivement de catholiques, il a dĂ» le leur cĂ©der. Hugo le rĂ©publicain ne l’a pas acceptĂ©. De mĂȘme qu’au moment d’une loi d’amnistie gĂ©nĂ©rale des prisonniers et exilĂ©s politiques, Hugo l’a refusĂ©e et est restĂ© en exil. Les historiens du XXe et du XXIe siĂšcles se sont abondamment penchĂ©s sur cette pĂ©riode du Second Empire, et sur l’attitude de Victor Hugo. Beaucoup d’entre eux, sans vouloir rĂ©habiliter Louis-NapolĂ©on (ce n’est d’ailleurs pas le rĂŽle d’un historien) lui ont redonnĂ© une place plus logique et moins ternie dans l’histoire du XIXe siĂšcle, et beaucoup ont donnĂ© tort Ă  Victor Hugo.
Hugo Ă©tait illustre et trĂšs riche. Il se considĂ©rait comme supĂ©rieur Ă  Louis-NapolĂ©on. Son exil lui permettait de continuer l’écriture de ses Ɠuvres les plus cĂ©lĂšbres, comme les MisĂ©rables, et Ă  travailler avec acharnement Ă  la protection de ses droits d’auteur. Par ses manifestes contre Louis-NapolĂ©on et ses Ɠuvres en faveur de la cause du peuple, il entendait se positionner en chef de l’opposition rĂ©publicaine et socialiste, mais avec l’énorme avantage de ne devoir effectuer aucune action concrĂšte sur le terrain politique. En quelques sortes, le programme Ă©tait beau, mais la piĂšce n’était jamais jouĂ©e.

L’attentat manquĂ© d’Orsini contre Louis-NapolĂ©on et EugĂ©nie, le 14 janvier 1858, Ă  l’entrĂ©e de l’opĂ©ra de Paris (c’était encore l’opĂ©ra de la rue Le Pelletier, qui a prĂ©cĂ©dĂ© l’opĂ©ra Garnier) marquera un changement dans la politique europĂ©enne de Louis-NapolĂ©on. Il Ă©tait jusque-lĂ  plutĂŽt pacifique et n’était guĂšre intervenu en politique Ă©trangĂšre, bien qu’il ait une vision d’une Europe des Nations. Suite Ă  l’affaire d’Orsini, il se rapprocha de Cavour, et par lĂ , de Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, duc de Savoie, prince du PiĂ©mont et comte de Nice. Il leur offre les services de la France pour vaincre l’Autriche et contribuer Ă  l’unification italienne. Il n’ira cependant pas jusqu’au bout, puisque Venise restera aux mains des Autrichiens et que Rome et les Ă©tats pontificaux resteront la propriĂ©tĂ© du pape, Ă  nouveau par l’entremise de sa trĂšs catholique Ă©pouse EugĂ©nie. Toutefois, la premiĂšre unification italienne Ă©tait assurĂ©e, puisque tout le nord jusqu’à la Toscane ainsi que le royaume de Naples seront rĂ©unis en un seul pays ayant Victor-Emmanuel II comme roi, et Florence pour capitale (le premier palais royal fut le Palazzo Pitti de Florence). En compensation, le 24 mars 1860, la Savoie et le comtĂ© de Nice furent rattachĂ©s Ă  la France. La Savoie fut sĂ©parĂ©e en deux dĂ©partements, Savoie et Haute Savoie, qui sont donc les derniers territoires Ă  avoir complĂ©tĂ© la France gĂ©opolitique telle qu’elle est aujourd’hui. 

Du cĂŽtĂ© des Balkans, il s’allie Ă  l’Angleterre, l’ennemi de toujours, pour soutenir l’Empire ottoman dans sa guerre contre la Russie, qui voulait s’octroyer le contrĂŽle du Bosphore et l’accĂšs Ă  la MĂ©diterranĂ©e. La guerre de CrimĂ©e conduit Ă  la victoire de SĂ©bastopol, qui scellera l’appartenance du Bosphore aux Ottomans. Cette victoire a encore une rĂ©percussion actuellement, puisque c’est le contrĂŽle du Bosphore qui est une des raisons stratĂ©giques essentielles de l’appartenance de la Turquie Ă  l’Otan. En compensation, le Tsar obtiendra qu’on ne mette pas en cause l’appartenance de la Pologne Ă  la Russie.

Par ailleurs, toujours selon le principe des nationalitĂ©s, Louis-NapolĂ©on ne s’opposera pas Ă  la rĂ©unification allemande, et fera preuve de neutralitĂ© dans la guerre qui opposera la Prusse Ă  l’Autriche, se soldant par la dĂ©faite de l’Empire Autrichien, le rattachement de plusieurs territoires Ă  la Prusse, le Holstein, le Hanovre, la Hesse-Cassel, le duchĂ© de Nassau et Francfort-sur-le-Main pour former la confĂ©dĂ©ration d'Allemagne du Nord. Cette dĂ©faite de l’Autriche lui fera perdre Ă©galement la VĂ©nĂ©tie et les rĂ©gions correspondant actuellement au Trentin et au Haut-Adige, au profit de l’Italie, qui acquiĂšrent Ă©galement les Ă©tats-pontificaux, finalisant ainsi l’unification du pays.

Au cours de la deuxiĂšme dĂ©cennie du Second Empire, alors que la politique de Louis-NapolĂ©on devient de plus en plus libĂ©rale, c’est sa politique extĂ©rieure qui allait marquer sa perte.
Il y eu d’abord l’expĂ©dition dĂ©sastreuse du Mexique. Au dĂ©but des annĂ©es ’60, le Mexique Ă©tait un Ă©tat fortement endettĂ© vis-Ă -vis de l’Angleterre, de l’Espagne et de la France. EugĂ©nie y voyait une opportunitĂ© d’y crĂ©er un grand Empire catholique, contrebalançant dans la rĂ©gion la puissance des Etats-Unis protestants. Le moment Ă©tant d’autant plus appropriĂ© que les Etats-Unis ne pourraient s’interposer, alors qu’ils Ă©taient en pleine guerre de sĂ©cession. Louis-NapolĂ©on imagine qu’en crĂ©ant une zone d'influence française dans cette rĂ©gion du monde, il y offrirait des dĂ©bouchĂ©s pour l'industrie mais aussi un accĂšs Ă  de nombreuses matiĂšres premiĂšres, et qu’il dĂ©tournerait beaucoup de nouveaux colons, notamment d’origine italienne ou grecque des Etats-Unis. Les nĂ©gociations avec les Anglais et les Espagnols n’aboutissent pas, et trĂšs tĂŽt, seule l’armĂ©e française se retrouve au Mexique pour soutenir le gouvernement libĂ©ral mexicain. Il offre la couronne du nouvel empire mexicain Ă  Maximilien, frĂšre de François-Joseph d’Autriche, en compensation de son soutien Ă  la nouvelle monarchie italienne. TrĂšs vite cependant, la rĂ©bellion du peuple mexicain dĂ©borde l’armĂ©e française et les conservateurs mexicains qu’ils soutiennent. L’armĂ©e française se retire du Mexique, y abandonnant Maximilien. L’épouse de Maximilien est Charlotte de Belgique, fille de LĂ©opold Ier. Elle est Ă  ce moment en Europe pour essayer de convaincre les Français et le Vatican de lever une armĂ©e pour secourir son mari. Sans succĂšs. Maximilien est exĂ©cutĂ© par la rĂ©volution mexicaine en 1867. Charlotte n’en sera avertie que six mois plus tard. Elle terminera sa vie en Belgique, dans un Ă©tat de demi-folie et vivant totalement isolĂ©e, jusqu’ Ă  sa mort en 1927 Ă  l’ñge de 87 ans.

Mais c’est surtout du cĂŽtĂ© de la Prusse que les choses tournent mal. Le chancelier Bismarck lui avait promis que s’il faisait preuve de neutralitĂ© dans le conflit prusso-autrichien, il ne s’opposerait pas Ă  l’occupation par la France de la Belgique et du Luxembourg. Louis-NapolĂ©on ignorait que dans le mĂȘme temps, Bismarck concluait un traitĂ© de protection mutuelle avec les États d’Allemagne mĂ©ridionale. Guillaume III des Pays-Bas, Ă  qui appartenait le Luxembourg Ă©tait par ailleurs intĂ©ressĂ© par le vendre Ă  la France. Mais il subordonne cette vente Ă  un accord de la Prusse. L’opinion allemande est scandalisĂ©e. Pour eux, le Luxembourg qui a appartenu au Saint-Empire, fait partie du pangermanisme. Les Ă©tats allemands du sud craignent Ă©galement un contrĂŽle accru de la France. Bismarck force Guillaume III d’Orange Ă  renoncer Ă  la vente.
Dans le mĂȘme temps, la succession d’Espagne est ouverte, et le prince LĂ©opold de Hohenzollern se porte candidat au trĂŽne. Louis-NapolĂ©on craint une politique d’encerclement comme au temps de Charles-Quint. Il demande Ă  Guillaume de Prusse de renoncer Ă  ce choix. Celui-ci accepte mais refuse de renoncer dĂ©finitivement par Ă©crit au trĂŽne d’Espagne. Sa rĂ©ponse polie est transformĂ©e en une version dĂ©daigneuse dans la dĂ©pĂȘche d’Elms de Bismarck. De part et d’autre, les tensions et les volontĂ©s guerriĂšres sont Ă  leur comble. Louis-NapolĂ©on est de nature pacifiste, et tente de se rallier aux conseils de paix de l’orlĂ©aniste Thiers et du rĂ©publicain Gambetta. En vain. L’opinion française, surtout la droite lĂ©gitimiste et bonapartiste, avec une fois de plus l’appui d’EugĂ©nie veut la confrontation armĂ©e. La guerre est dĂ©clarĂ©e le 19 juillet 1870. Ce n’est qu’une sĂ©rie de revers pour la France, la Prusse comptant le double d’hommes et Ă©tant nettement mieux armĂ©e. Le sort de l’Empire est scellĂ© lors de la capitulation de Sedan, le 1erseptembre 1870. L’Allemagne se rĂ©unifie. Louis-NapolĂ©on est exilĂ© en Angleterre oĂč il mourra trois ans plus tard. Les dĂ©putĂ©s rĂ©publicains, avec LĂ©on Gambetta Ă  leur tĂȘte, proclament la IIIe RĂ©publique le 4 septembre. Le lendemain, 5 septembre, Victor Hugo fait son entrĂ©e triomphale Ă  Paris. Il soutient les rĂ©publicains, encore trĂšs minoritaires, dont Gambetta et ClĂ©menceau. Il s’oppose au traitĂ© de paix avec l’Allemagne voulu par Thiers. Il soutient la Commune de Paris, mais il n’y participe pas, se trouvant alors Ă  Bruxelles, mais en condamne les excĂšs.

Concernant Victor Hugo, je me range Ă  l’avis de nombreux historiens modernes. Sa haine envers Louis-NapolĂ©on Ă©tait dĂ©mesurĂ©e, voire inutile et destructrice pour l’avenir de la France. Il a eu une attitude intransigeante vis-Ă -vis du coup d’état du 2 dĂ©cembre 1851, sans mĂȘme vouloir comprendre que l’alternative, comme l’a Ă©crit Georges Sand, Ă©tait plus terrible encore. Hugo avait clairement un agenda personnel et cultivait ainsi sa gloire. Les deux hommes Ă©taient plutĂŽt des libĂ©raux. Ensemble, ils auraient pu travailler Ă  l’élaboration d’une France plus progressiste. Son appui Ă  Louis-NapolĂ©on aurait sans doute limitĂ© les ardeurs de ses nombreux opposants, surtout monarchistes, appuyĂ©s par sa propre Ă©pouse EugĂ©nie, et qui ont fait que son pouvoir n’a jamais Ă©tĂ© bĂąti sur des bases solides. C’est EugĂ©nie aussi qui avait des rĂȘves de dynastie et voulait Ă  tout prix voir son fils sur le trĂŽne de France. De mon point de vue Hugo aurait pu travailler de concert avec Louis-NapolĂ©on pour que celui-ci dĂ©pose Ă  sa mort, l’Empire dans lequel l’élection du corps lĂ©gislatif au suffrage universel n’a jamais Ă©tĂ© abandonnĂ©, dans les mains de la RĂ©publique.

La volontĂ© de Louis-NapolĂ©on de voir se rĂ©aliser les nationalismes en Europe fut sans doute une erreur stratĂ©gique, surtout en ce qui concerne l’Allemagne, car cela a dĂ©bouchĂ© sur des fossĂ©s de haine creusĂ©s entre les Ă©tats. Ou alors, il fallait voir plus loin, et, comme Nietzsche le thĂ©orisa un peu plus tard (Nietzsche qui Ă©tait un fervent opposant au nationalisme, et en particulier Ă  la vision pangermanique de son pays), viser une plus grande solidaritĂ© entre les nations, en quelques sortes, une premiĂšre union europĂ©enne, que Nietzsche illustrait par le percement du Saint-Gothard Ă  l’aide de la dynamite de son ami Alfred Nobel.

La guerre avec l’Allemagne rĂ©unifiĂ©e n’en est pas finie pour autant. Gambetta veut continuer la lutte. L’Allemagne occupe 40 dĂ©partements français et assiĂšge Paris. Les premiĂšres Ă©lections lĂ©gislatives de la IIIe RĂ©publique donnent un immense avantage aux monarchistes orlĂ©anais et lĂ©gitimistes (400 dĂ©putĂ©s sur 638). Pas tellement parce que le peuple est monarchiste, mais parce que les monarchistes veulent la paix et que le peuple est fatiguĂ© de la guerre. Adolphe Thiers est nommĂ© chef de l’exĂ©cutif. Suite aux nĂ©gociations de Thiers avec Bismarck, un armistice est signĂ© le 10 mai 1871. La dette de guerre française est colossale, et elle perd l’Alsace et une trĂšs grande partie de la Lorraine, dont Metz et les Vosges.

Cet armistice dont les bases furent Ă©tablies dĂšs janvier 1871 vit l’opposition massive des Parisiens, qui Ă©taient assiĂ©gĂ©s et se battaient depuis 4 mois. La faim rĂ©gnait dans la ville. Celle-ci, contrĂŽlĂ©e principalement par la gauche, se rĂ©volta contre le pouvoir. La Commune de Paris, qui dura du 18 mars au 28 mai 1871, fut extrĂȘmement meurtriĂšre pour les communards comptant environ 10000 morts et des centaines de condamnation Ă  mort. Paradoxalement, le fait que le gouvernement ait pu mater une nouvelle rĂ©volution donna du crĂ©dit Ă  la RĂ©publique naissante. A son dĂ©pend, la rĂ©volution manquĂ©e de la Commune de Paris constitua vraiment l’acte fondateur de la RĂ©publique Française, et non pas cette autre rĂ©volution, elle aussi manquĂ©e, qui eut lieu quelques 90 ans plus tĂŽt.

VoilĂ  aussi pourquoi, malheureusement, Le Temps Des Cerises n’a pas eu l’occasion de devenir un nouvel Hymne National, et que cette guerriĂšre et dĂ©suĂšte Marseillaise est restĂ©e envers et contre tout.

La IIIe RĂ©publique connaĂźt toutefois des dĂ©buts balbutiants. Adolphe Thiers est Ă©lu premier prĂ©sident de la rĂ©publique par une chambre Ă  toute grande majoritĂ© monarchiste. Ceux-ci sont divisĂ©s entre lĂ©gitimistes, fidĂšles au comte de Chambord, petit-fils de Charles X, et orlĂ©anistes, fidĂšles au comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe. Une stupide histoire de drapeau jette heureusement la discorde entre eux, et les empĂȘche de faire rebasculer la rĂ©publique vers la monarchie, alors qu’à ce moment, personne ne donnait trĂšs cher de cette rĂ©publique naissante. Devant cette discorde entre monarchistes, Thiers, pourtant orlĂ©anais, se range du cĂŽtĂ© des rĂ©publicains, jusqu’à ce qu’une union des monarchistes finissent Ă  le contraindre Ă  la dĂ©mission. Il est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Patrice de Mac Mahon, qui a matĂ© la Commune de Paris, et qui est un lĂ©gitimiste convaincu, gouvernant peu et mettant toute son Ă©nergie Ă  tenter de faire revenir le pays Ă  la monarchie, en rĂ©tablissant l’ordre moral et en supprimant l’essentiel des symboles rĂ©publicains. La rĂ©action rĂ©publicaine ne se fait pas attendre, et ceux-ci graduellement deviennent majoritaires Ă  la Chambre, contraignant finalement Mac Mahon Ă  la dĂ©mission.

Nous sommes alors en 1879. La IIIe RĂ©publique est enfin stabilisĂ©e. Les RĂ©publicains sont nettement majoritaires Ă  la Chambre et au SĂ©nat, rĂ©partis entre la gauche rĂ©publicaine de Jules Ferry, l’union rĂ©publicaine de Gambetta et les radicaux de ClĂ©menceau. Le nouveau prĂ©sident est Jules GrĂ©vy, pour une durĂ©e de presque 9 ans. Le prĂ©sident de la rĂ©publique n’a cependant que peu de pouvoirs sous cette troisiĂšme rĂ©publique. L’essentiel du pouvoir Ă©tant entre les mains du chef du gouvernement, renommĂ© PrĂ©sident du Conseil. Sous la prĂ©sidence du Jules GrĂ©vy, il n’y aura pas moins de 9 gouvernements diffĂ©rents, avec notamment Jules Ferry et LĂ©on Gambetta comme prĂ©sidents du Conseil.

Cette IIIe RĂ©publique, si on considĂšre qu’elle dĂ©buta en 1870, dura 70 ans, jusqu’à juillet 1940. Elle a Ă©tĂ© principalement caractĂ©risĂ©e par son esprit revanchard par rapport Ă  l’Allemagne, et se terminera pourtant dans la dĂ©bĂącle et la collaboration de l’État français de PĂ©tain. Elle ne connut pas de moments trĂšs glorieux. Boulangisme, antisĂ©mitisme exacerbĂ©, avec l’affaire Dreyfus d’une part, et la montĂ©e inexorable de l’extrĂȘme-droite dans les annĂ©es trente. Une guerre mondiale, qui fut un massacre abominable pour la seule volontĂ© de puissance des souverains europĂ©ens envoyant leurs peuples au casse-pipe. Des gĂ©nĂ©raux exerçant sur leurs troupes un pouvoir exĂ©crable, envoyant Ă  l’abattoir une gĂ©nĂ©ration perdue, pour des motifs politiques inadmissibles, mais auxquels tous ces jeunes poilus obĂ©issaient Ă  la fois toujours par esprit de revanche et par peur des reprĂ©sailles. Cette guerre fut une boucherie injustifiable et les conditions odieuses du traitĂ© de Versailles ne conduisirent qu’à une chose : l’émergence du nazisme. Et tout le monde chantait la Marseillaise. « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » chantaient les mioches, en attendant de chanter « MarĂ©chal nous voilĂ  ».

Et finalement, tout au long de cette pĂ©riode de 150 ans qui sĂ©parent la fin de la monarchie absolue de droit divin Ă  la fin de la IIIe rĂ©publique, je ne vois que trĂšs peu de personnalitĂ©s politiques qui se sont rĂ©ellement prĂ©occupĂ©es du sort du peuple de France tout en restant des personnalitĂ©s intĂšgres. JaurĂšs a sauvĂ© l’honneur de cette troisiĂšme rĂ©publique en Ă©tant un homme de paix et d‘union des peuples au travers de l’Internationale socialiste. Sinon, au tout dĂ©but de la rĂ©publique ? Mirabeau, je ne sais pas. Il n’a pas vĂ©cu assez longtemps. Parmi les Ă©lus, je ne retiens que Danton. Et puis surtout cette femme, qui ne pouvait ĂȘtre Ă©lue, mais qui a tant fait entendre sa voix, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges.


 

 

opera garnier facade
Opéra Garnier

En lisant rĂ©cemment qu'une exposition sur Edgar Degas est organisĂ©e au musĂ©e d'Orsay, dans le cadre de l'anniversaire de l'OpĂ©ra de Paris, j'apprends ainsi que l'OpĂ©ra de Paris fĂȘte cette annĂ©e ses 350 ans. Je me doute bien qu'on ne parle pas ici de l'opĂ©ra Garnier1, dont la construction a commencĂ© sous NapolĂ©on III, au mĂȘme moment que les grands travaux haussmanniens qui modifieront en profondeur l'image de Paris. L'opĂ©ra Garnier sera terminĂ© et inaugurĂ© sous la TroisiĂšme RĂ©publique, en 1875.

J'ai donc eu envie d'en connaĂźtre d'avantage, et suis remontĂ© 350 ans en arriĂšre, soit en 1669, pendant le rĂšgne de Louis XIV. Le roi a alors 31 ans et contrĂŽle lui-mĂȘme les affaires du pays, depuis la mort de Mazarin en 1661. Mazarin dirigeait effectivement le pays, en tant que Ministre Principal. A sa mort, les prĂ©tendants au poste se bousculĂšrent au portillon. Parmi ceux-ci, un des personnages les plus puissants du Royaume, Nicolas Fouquet, Superintendant aux Finances. Mazarin, toutefois, se mĂ©fiait de Fouquet, et avant sa mort, il avait conseillĂ© au roi d'Ă©carter Fouquet et de lui prĂ©fĂ©rer Jean-Baptiste Colbert, pour s'occuper des finances du Royaume. Colbert avait de fait toute la confiance de Mazarin pour ce poste, car il avait gĂ©rĂ© avec brio l'immense fortune de Mazarin pendant les 10 derniĂšres annĂ©es de sa vie. 

Louis XIV, alors ùgé de 22 ans, décide de diriger seul le "Conseil des Ministres", dont les deux principaux "ministres" furent Colbert et Louvois. Le premier cumulait les charges de ContrÎleur des Finances, et de Secrétaire d'Etat de la Maison du Roi et de la Marine. Louvois, celle de Secrétaire d'Etat à la Guerre, puis ContrÎleur des Finances, à la mort de Colbert en 1683. Fouquet, on le sait, fut non seulement écarté, mais banni et emprisonné à vie.

C'est dans ce contexte politique, qu'est fondĂ©e  en 1669, sous l'instigation de Colbert, l'AcadĂ©mie royale de Musique, regroupant un groupe de chanteurs, le premier orchestre professionnel de France, et le corps de ballet de l'AcadĂ©mie royale de Danse. Cette acadĂ©mie est aussi appelĂ©e AcadĂ©mie d'opĂ©ra, ou tout simplement OpĂ©ra. Seul le vocable "OpĂ©ra" est encore utilisĂ© aujourd'hui. On ne fait donc plus la distinction en français entre l'oeuvre et l'Ă©difice,Ă  l'encontre des anglo-saxons qui distinguent opera (l'oeuvre) d'opera house.

Car, en 1669, c'est bien de l'Ă©tablissement d'un lieu oĂč seront donnĂ©s les opĂ©ras qu'il s'agit. La direction en sera donnĂ©e, par lettre de patente de Colbert, le 28 juin 1669, au poĂšte Pierre Perrin, un "parolier de musiques qui se chantent" et qui avait contribuĂ© Ă  faire connaĂźtre l'opĂ©ra italien Ă  la Cour.
De fait certains opéras avaient déjà été joués à Paris du vivant de Mazarin, tels que La finta pazza de Francesco Sacrati, dans la salle du Petit-Bourbon, face au Louvre, ou l'Ercole amante de Francesco Cavalli, lors de l'inauguration de la salle des Machines du Palais des Tuileries. Mais tout ceci restait encore trÚs confidentiel, et Colbert, à l'instar des Italiens, a voulu donner à l'opéra, ses lettres de noblesse, en créant cette académie.

Voici le texte de cette patente :

L'Académie d'opéra

Lettre patente du 28 juin 1669

Louis, par la grĂące de Dieu, Roy de France & de Navarre, Ă  tous ceux qui ces prĂ©sentes Lettres verront. Salut. 

Notre amĂ© & fĂ©al Pierre Perrin, Conseiller en nos Conseils, & Introducteur des Ambassadeurs prĂšs la Personne de feu notre trĂšs-cher & bien amĂ© Oncle le duc d'OrlĂ©ans, Nous a trĂšs-humblement fait remontrer, que depuis quelques annĂ©es les Italiens ont Ă©tabli diverses AcadĂ©mies, dans lesquelles il se fait des ReprĂ©sentations en Musique, qu'on nomme Opera : Que ces AcadĂ©mies Ă©tant composĂ©es des plus excellens Musiciens du Pape, & autres Princes, mĂȘme de personnes d'honnĂȘtes familles, nobles, & Gentilshommes de naissance, trĂšs-sçavans Ă© expĂ©rimentĂ©s en l'Art de la Musique qui y vont chanter, font Ă  prĂ©sent les plus beaux Spectacles & les plus agrĂ©ables divertissemens, non-seulement des Villes de Romes, Venise & autres Cours d'Italie, mais encore ceux des Villes & Cours d'Allemagne & d'Angleterre, oĂč lesdites AcadĂ©mies ont Ă©tĂ© pareillement Ă©tablies Ă  l'imitation des Italiens ; que ceux qui font les frais nĂ©cessaires pour lesdites ReprĂ©sentations, se remboursent de leurs avances sur ce qui se reprende du Public Ă  la porte des lieux oĂč elles se font ; & enfin que s'il nous plaisoit de lui accorder la permission d'Ă©tablir dans notre Royaume de pareilles AcadĂ©mies pour y faire chanter en public de pareils Opera, ou ReprĂ©sentations en Musique & langue Françoise, il espere que non-seulement ces choses contribueroient Ă  notre divertissement & Ă  celui du Public, mais encore que nos sujets s'accoutumant au goĂ»t de la Musique se porteroient insensiblement Ă  se perfectionner en cet Art, l'un des plus nobles des Arts libĂ©raux.

À ces causes, desirant contribuer Ă  l'avancement des Arts dans notre Royaume, & traiter favorablement ledit Exposant, tant en considĂ©ration des services qu'il a rendu Ă  feu notre trĂšs-cher & bien-amĂ© Oncle, que de ceux qu'il nous rend depuis quelques annĂ©es en la composition des paroles de Musique qui se chantent, tant en notre Chapelle qu'en notre Chambre ; Nous avons, audit Perrin, accordĂ© & octroyĂ©, accordons & octroyons par ces PrĂ©sentes, signĂ©es de notre main, la permission d'Ă©tablir en notre bonne ville de Paris & autres de notre Royaume, une AcadĂ©mie, composĂ©e de tel nombre & qualitĂ© de personnes qu'il avisera, pour y reprĂ©senter & chanter en Public des Opera & ReprĂ©sentations en Musique & en vers François, pareilles & semblables Ă  celles d'Italie : & pour dĂ©dommager l'Exposant des grands frais qu'il conviendra faire pour lesdistes ReprĂ©sentations, tant pour les ThĂ©Ăątres, Machines, DĂ©corations, Habits qu'autres choses nĂ©cessaires, Nous lui permettons de prendre du Public telles sommes qu'il avisera, & Ă  cette fin d'Ă©tablir des Gardes & autres gens nĂ©cessaires Ă  la porte des lieux oĂč se feront lesdistes ReprĂ©sentations : Faisant trĂšs-expresses inhibitions & dĂ©fenses Ă  toutes personnes, de quelque qualitĂ© & conditions qu'elles soient, mĂȘme aux Officiers de notre Maison, d'y entrer sans payer & de faire chanter de pareils Opera, ou ReprĂ©sentations en Musique & en vers François dans toute l'Ă©tendue de notre Royaume, pendant douze annĂ©es, sans le consentement & permission dudit Exposant, Ă  peine de dix mille livres d'amende, confiscation des ThĂ©Ăątres, Machines & Habits, applicable un tiers Ă  Nous, un tiers Ă  l'HĂŽpital GĂ©nĂ©ral, & l'autre tiers audit Exposant. Et attendu que lesdits Opera & ReprĂ©sentations sont des Ouvrages de Musique tous diffĂ©rens des ComĂ©dies recitĂ©es, & que nous les Ă©rigeons par cesdites PrĂ©sentes, sur le pied de celles des AcadĂ©mies d'Italie, oĂč les Gentilshommes chantent sans dĂ©roger : Voulons & Nous plaĂźt, que tous les Gentilshommes, Damoiselles, & autres personnes puissent chanter audit Opera, sans que pour ce ils dĂ©rogent au titre de Noblesse, ni Ă  leurs PrivilĂ©ges, Charges, Droits & ImmunitĂ©s, rĂ©voquant par ces PrĂ©sentes toutes Permissions & PrivilĂ©ges que Nous pourrions avoir ci-devant donnĂ©s & accordĂ©s, tant pour raison dudit Opera que pour rĂ©citer des ComĂ©dies en Musique, sous quelque nom, qualitĂ©, condition & prĂ©texte que ce puisse ĂȘtre. 

Si Donnons en Mandement Ă  nos amĂ©s & fĂ©aux Conseillers les Gens tenans notre Cour de Parlement Ă  Paris, & autres nos Justiciers & Officiers qu'il appartiendra, que ces PrĂ©sentes ils ayent Ă  faire lire, publier & enregistrer ; & du contenu en icelles, faire jouir & user ledit Exposant pleinement & paisiblement, cessant & faisant cesser tous troubles & empĂȘchemens au contraire : Car tel est notre plaisir. 

DonnĂ© Ă  Saint Germain-en-Laye, le vingt-huitiĂšme jour de Juin, l'an de grĂące mil six cens soixante-neuf, & de notre Regne le vingt-septiĂšme. 

Signé, LOUIS, & sur le repli, par le Roy, COLBERT

 

Plaque Jeu de paume de la Bouteille Rue Jacques Callot Paris 6

Plaque commémorative
au coin de la rue Caillot
et de la rue Mazarine

 

 

 

Il s'agit donc d'un privilĂšge (un monopole) octroyĂ© Ă  Perrin, aucun autre thĂ©Ăątre de France n'ayant le droit d'organiser des reprĂ©sentations d'opĂ©ras. Mais Ă  l'encontre d'autres thĂ©Ăątres, tels que la ComĂ©die Française, l'AcadĂ©mie d'opĂ©ra doit vivre de ses propres recettes, aucune subvention royale ne lui Ă©tant accordĂ©e. Perrin s'associe avec le marquis de SourdĂ©ac et le financier Laurens de Bersac qui louent pour cinq ans la salle du Jeu de Paume de la Bouteille, dans la rue FossĂ© de Nesle (actuelle rue Mazarine) et qui y font construire la machinerie nĂ©cessaire aux spectacles d'opĂ©ras. Cette salle, louĂ©e en 1670, sera le premier OpĂ©ra de Paris. La premiĂšre reprĂ©sentation eut lieu en 1671, avec Pomone, composĂ© par Robert Cambert sur un livret de Pierre Perrin. Cet opĂ©ra est le premier opĂ©ra d'un compositeur français. Mais Perrin, escroquĂ© par ses associĂ©s, est un temps emprisonnĂ© pour dettes, et se voit dans l'obligation de cĂ©der sa patente.

Jeu de Paume de BĂ©quet Bel Air View VJohnson 2008 p101

Salle du Bel-Air, vue des remparts

 

 

Lully la reprendra, avec grand succĂšs, Ă  la fois quant Ă  la crĂ©ation et quant Ă  la gestion. Il y crĂ©era une vingtaine d'oeuvres, et lui et ses successeurs nĂ©gocieront Ăąprement la cession pour tout ou partie du privilĂšge Ă  des entrepreneurs d'autres villes. Ainsi, en 1684, une seconde acadĂ©mie de musique voit le jour Ă  Marseille. Puis suivront Lyon, Rouen, Lille et Bordeaux. Toutefois Lully se voit contraint de changer de salle, car les ex-associĂ©s de Perrin sont toujours sous contrat de location avec la salle de la Bouteille. Il dĂ©mĂ©nage donc l'AcadĂ©mie dans une autre salle de jeu de paume : la Salle du Bel-Air ou salle du Jeu de Paume de BĂ©cquet, rue Vaugirard, prĂšs du fossĂ© entourant la ville. En aoĂ»t 1672, il la fait transformer en salle de thĂ©Ăątre avec sa machinerie de scĂšne, et y donne ses premiĂšres reprĂ©sentations en Novembre 1972. Pendant ce temps, les associĂ©s de Perrin restent liĂ©s par bail avec la Bouteille, mais n'ont plus le droit d'y produire aucune oeuvre d'art lyrique. Toutefois, dĂšs le dĂ©but, Lully considĂšre ce nouvel endroit comme temporaire, car peu appropriĂ©e pour ses projets de dĂ©veloppement de l'opĂ©ra en France. A la mort de MoliĂšre, le 1er fĂ©vrier 1673, soit Ă  peine 3 mois aprĂšs l'ouverture de la Salle du Bel-Air, Lully insiste auprĂšs de Louis XIV et obtient d'occuper gratuitement la salle du ThĂ©Ăątre du Palais Royal oĂč la troupe de MoliĂšre se produisait. Le ThĂ©Ăątre du Palais Royal existe toujours aujourd'hui. il est situĂ© sur le cĂŽtĂ© nord des jardins, Ă  l'angle de la rue Montpensier, et de la rue de Beaujolais et ne doit pas ĂȘtre confondu avec la ComĂ©die Française, qui est attenante au Palais Royal, cĂŽtĂ© sud. Celle-ci, situĂ©e depuis 1799 dans la salle Richelieu, abrite la Troupe des ComĂ©diens-Français, fondĂ©e par l'ancienne troupe de MoliĂšre, 7 ans aprĂšs sa mort, en 1680.

theatre palais royal hier et aujourdhui
Théùtre du Palais Royal, au XVIIe siÚcle et aujourd'hui

 

L'AcadĂ©mie de musique restera au ThĂ©Ăątre du Palais Royal pendant 90 ans, jusqu'Ă  ce que celui-ci soit dĂ©truit par un incendie. A la mort de Lully, en 1687, des suites d'un gangrĂšne due Ă  une blessure mal soignĂ©e au pied, il cĂšde sa patente Ă  son gendre Jean Nicolas de Francine. Celui-ci n'est pas compositeur lui-mĂȘme, si bien qu'il fait appel Ă  plusieurs compositeurs de cette Ă©poque baroque pour perpĂ©tuer la crĂ©ation de l'AcadĂ©mie. Notamment Marc-Antoine Charpentier. Il Ă©tait aussi mauvais gestionnaire et finit par vendre sa patente Ă  Pierre Guyenet en 1704. Celui-ci ne parvient pas Ă  redresser les finances et de Francine revient en 1715, pour enfin la cĂ©der au compositeur AndrĂ© Cardinal Destouches, en 1728. La pĂ©riode de Jean Nicolas de Francine marque un net recul de la notoriĂ©tĂ© de l'AcadĂ©mie royale de Musique. Destouches ne restera Ă  la direction de l'AcadĂ©mie que deux ans. Ensuite, jusqu'Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, les administrateurs qui lui succĂ©deront, ne resteront en poste que pour un ou deux ans. Certains seront des financiers, d'autres des compositeurs.

Le ThĂ©Ăątre du Palais Royal a donc Ă©tĂ© dĂ©truit par un incendie en 1763. L'AcadĂ©mie royale de Musique Ă©migre alors dans la Salle des Machines du Palais des Tuileries, en attendant la construction d'une nouvelle salle au Palais Royal. Pour l'occasion, la Salle des Machines verra ses dimensions fortement rĂ©duites pour ĂȘtre adaptĂ©e aux spectacles d'opĂ©ras. Elle pourra occuper 2000 personnes. Pour la petite histoire, c'est de cette salle que naĂźtront les expressions "cĂŽtĂ© cour" (cour du Louvre, Ă  droite pour les spectateurs) et "cĂŽtĂ© jardin" (jardin des Tuileries, Ă  gauche pour les spectateurs).

PalaisTuileries1757 copie
Le Palais des Tuileries, en 1757, vu du quai d'Orsay, fermant la cour du Louvre.
A l'avant plan, le Pavillon de Marsan, formant le coin, suivi immédiatement de la salle des Machines (encadrée de rouge)

 

En 1770, la nouvelle salle du Palais Royal est achevĂ©e par l'architecte Pierre-Louis Moreau (qui pour l'occasion, rhabille toutes les façades du Palais Royal) et l'AcadĂ©mie royale de Musique y rĂ©tablit ses quartiers. Celle-ci est situĂ©e plus Ă  l'Est que l'ancien thĂ©Ăątre, au coin de la rue de Valois. C'est le premier Ă©difice parisien qui a Ă©tĂ© dĂšs le dĂ©part conçu pour ĂȘtre un OpĂ©ra.
C'est une pĂ©riode faste de l'AcadĂ©mie royale de Musique. La nouvelle salle sera inaugurĂ©e le 20 janvier 1770 avec Zoroastre de Jean-Philippe Rameau, puis elle verra de nombreuses crĂ©ation, en particulier tous les opĂ©ras français du compositeur autrichien Christoph Willibald Gluck.

1280px Opéra de Paris salle du Palais Royal incendié le 8 juin 1781
La deuxiÚme salle du Palais Royal, oeuvre de l'architecte Pierre-Louis Moreau, inaugurée en 1770

 

incendie 1781 opera palais royal

Incendie de la seconde salle du Palais-Royal, vu de l'intérieur des jardins



Malheureusement, seulement 11 ans plus tard, en 1781, cette seconde salle du Palais Royal sera dĂ©truite Ă  son tour par un incendie. 

Le dĂ©sastre intervient Ă  20h30, aprĂšs une reprĂ©sentation d’OrphĂ©e et Eurydice, opĂ©ra de Gluck jouĂ© dans cette mĂȘme salle depuis 1774, probablement suite Ă  l’embrasement du dĂ©cor. L'incendie dura pratiquement une journĂ©e entiĂšre. Il sera immortalisĂ© par plusieurs tableaux de Hubert Robert, peints de jour comme de nuit, comme celui-ci, vu de l'intĂ©rieur des jardins du Palais Royal.

Ce thĂ©Ăątre ne sera jamais reconstruit. Le ThĂ©Ăątre de la Porte Saint-Martin, beaucoup plus au nord sur le Boulevard Saint-Martin, a Ă©tĂ© construit Ă  la hĂąte en deux mois pour le remplacer. Dans l'intervalle, la compagnie d'opĂ©ra se produit Ă  l'Hotel des Menus-Plaisirs de Paris, rue BergĂšre.

Les Menus-Plaisirs Ă©taient une organisation intĂ©grĂ©e Ă  la Maison du Roi. Elle Ă©tait une des organistations les plus importantes de la Maison du Roi et s'occupait de tout ce qui concernait les "plaisirs du Roi", c'est Ă  dire, principalement les cĂ©rĂ©monies, les fĂȘtes et les spectacles, dont, bien entendu, les opĂ©ras faisaient partie. Les bĂątiments qui constituaient cet Hotel des Menus-Plaisirs occupaient un vaste terrain dans un quadrilatĂšre entourĂ© par ce qu'on appelle aujourd'hui la rue BergĂšre, la rue du Faubourg Montmartre, la rue Richer et la rue du Faubourg PoissoniĂšre. C'est dans ces bĂątiments qu'Ă©taient rangĂ©s le mobilier, les dĂ©cors, les parures ... servant aux fĂȘtes et spectacles organisĂ©s pour les "plaisirs du Roi" (Ă  ne pas confondre avec l'autre Hotel des Menus-Plaisirs, fondĂ© par Louis XV en 1745, Ă  Versailles, destinĂ© aux mĂȘmes fonctions, et dans lequel se rĂ©unirent les Etats gĂ©nĂ©raux, en 1789). Ces bĂątiments comportaient une salle de thĂ©Ăątre assez vaste dans laquelle on rĂ©pĂ©tait les spectacles qui seraient donnĂ©s Ă  Versailles, et qui donc pendant les mois nĂ©cessaires Ă  construire le ThĂ©Ăątre de la rue Saint-Martin, abrita l'AcadĂ©mie royale de Musique. A partir de 1784, une partie de ces bĂątiments, circonscrits aux rues BergĂšre, du Conservatoire et Sainte-CĂ©cile, deviendont le Conservatoire de Musique de Paris. La salle de spectacle fut transformĂ©e en salle de concert, Ă  l'acoustique exceptionnelle, dans laquelle fut donnĂ© en 1828 le premier concert de la SociĂ©tĂ© des concerts du Conservatoire. Depuis 1946, cet Ă©tablissement est devenu le Conservatoire national supĂ©rieur d'art dramatique

Theatre du Conservatoire Paris CNSAD
Ancien Hotel des Menus-Plaisirs de Paris, devenu Conservatoire national supérieur d'art dramatique,
Ă  l'angle des rues Sainte-CĂ©cile et du Conservatoire, dans le 9e arrondissement.

 

La salle des Menus-Plaisirs de Paris n'abritera l'AcadĂ©mie royale de Musique que durant deux mois, car dĂšs l'incendie du Palais-Royal, Marie-Antoinette exigea la crĂ©ation urgente d'une toute nouvelle salle d'OpĂ©ra. Le nouveau lieu est choisit Ă  la Porte Saint-Martin, Ă  l'emplacement d'un cimĂ©tiĂšre protestant. Sa construction par l’architecte Lenoir fut rĂ©alisĂ©e en deux mois seulement. Pour respecter l'exigence de la Reine, Lenoir a mobilisĂ© des centaines de compagnons et de corps de mĂ©tiers, travaillant jour et nuit. Ce chantier pharaonique conduisit Ă  un vĂ©ritable exploit : la nouvelle AcadĂ©mie royale de Musique fut construite en deux mois Ă  peine : premiĂšre pierre le 26 aoĂ»t 1781 , inauguration officielle le 26 octobre, en prĂ©sence de la Reine. Cette salle comportait 1800 places dĂšs sa crĂ©ation. Pour la premiĂšre fois, des siĂšges Ă©taient placĂ©s au parterre. Elle reste encore aujourd'hui une des plus grandes salles de thĂ©Ăątre des boulevards parisiens.
Le ThĂ©Ăątre de la Porte Saint-Martin, Ă  son tour, eut une existence Ă©phĂ©mĂšre en tant qu'opĂ©ra. Cela dura 13 ans. Il restera donc un opĂ©ra durant toute la RĂ©volution Française, jusqu'au jour de la chute de Robespierre, le 9 thermidor An II (27 juillet 1794), marquant la fin de la Terreur. Il portera Ă  son tour, le nom d'AcadĂ©mie royale de Musique, juqu'Ă  la fin de la Monarchie, aprĂšs la fuite Ă  Varennes de Louis XVI, en 1791. Ensuite, il s'appelera ThĂ©Ăątre de l'OpĂ©ra en 1791 et 1792, puis ThĂ©Ăątre des Arts en 1793 et 1794. AprĂšs la chute de Robespierre et durant tout le Directoire, le thĂ©Ăątre n'est plus utilisĂ© que comme salle de rĂ©union, puis, tout en restant un bien d'Etat, il est abandonnĂ©, avant d'ĂȘtre rouvert, sous le nom de ThĂ©Ăątre de la Porte Saint-Martin (nom qu'il n'avait jamais portĂ© jusque lĂ ). On y joue des piĂšces Ă  grand spectacle, des comĂ©dies et des ballets. A l'exclusion d'une fermeture entre 1807 et 1810, suite Ă  un dĂ©cret impĂ©rial, et l'arrĂȘt forcĂ© entre 1871 et 1873, suite Ă  un incendie liĂ© aux Ă©vĂ©nements de la Commune de Paris, le thĂ©Ăątre a continuĂ© Ă  exister jusqu'Ă  nos jours et constitue toujours l'un des thĂ©Ăątres les plus populaires de Paris. AprĂšs l'inauguration du thĂ©Ăątre reconstruit, en 1873, on y jouera les plus grandes piĂšces du rĂ©pertoire, comme Cyrano de Bergerac qui y sera crĂ©Ă©e, ou plusieurs oeuvres de Victor Hugo, par exemple. Sarah Bernhardt s’y produit pendant plusieurs mois d’affilĂ©e et y reste fidĂšle jusqu’à la fin du siĂšcle.

theatre porte saint martin 1828
Théùtre de la Porte Saint-Martin en 1828

 

C'est sur un ordre du ComitĂ© de Salut Public, que l'AcadĂ©mie de Musique, devenue AcadĂ©mie des Arts, doit quitter la Porte Saint-Martin, destinĂ©e Ă  devenir une salle de rĂ©union, pour intĂ©grer la nouvelle salle fondĂ©e Ă  ses frais par Mlle Montansier (de son vrai nom Marguerite Brunet, une directrice de thĂ©Ăątre dĂ©jĂ  connue Ă  Paris), situĂ©e sur la rue Richelieu, devenue rue de la Loi pendant le RĂ©volution. Ce thĂ©Ăątre, appelĂ© alors ThĂ©Ăątre National ou salle Montansier, devient le ThĂ©Ăątre des Arts, en continuation du nom donnĂ© jusqu'en 1794 au ThĂ©Ăątre de la Porte Saint-Martin. C'est lĂ  que furent notamment reprĂ©sentĂ©es les premiĂšres en France de La FlĂ»te EnchantĂ©e de Mozart, ou enore celle de La CrĂ©ation de Joseph Haydn. C'est en se rendant Ă  cette derniĂšre que Bonaparte, encore Consul, Ă©chappe de justesse Ă  une machine infernale. Cette salle s'appellera successivement ThĂ©Ăątre des Arts (1794), ThĂ©Ăątre de la RĂ©publique et des Arts (1797), ThĂ©Ăątre de l'OpĂ©ra (1802), AcadĂ©mie impĂ©riale de musique (1804, Ă  l'instauration de l'Empire), AcadĂ©mie royale de musique (1814 sous la Restauration), AcadĂ©mie impĂ©riale de musique (1815, pendant les cent jours), puis Ă  nouveau AcadĂ©mie royale de musique (1815, sous la seconde Restauration). En 1820, le Duc de Berry, fils de Charles-Philippe de France (frĂ©re de Louis XVI et de Louis XVIII et futur Charles X) y est poignardĂ© par Pierre Louis Louvel, un bonapartiste qui espĂšre ainsi Ă©teindre le dynastie des Bourbons. Le Duc mourut le lendemain de l'attentat2. Par reprĂ©sailles contre le thĂ©Ăątre, qui pourtant n'Ă©tait en rien responsable de cet attentat, Louis XVIII le fit dĂ©molir, et Ă  la place y construisit une chapelle expiatoire. Cette chapelle ne fut jamais terminĂ©e, car aprĂšs la RĂ©volution de Juillet (1830), elle fut Ă  son tour dĂ©molie en 1839, et un square pris sa place, nommĂ© tout d'abord place Richelieu, puisque le rue devenue rue de la Loi sous la RĂ©volution Française avait repris son nom de rue Richelieu. En 1844, Ă  la demande de Louis-Philippe, la Fontaine Louvois y fut construite par Louis Visconti. Cette fontaine monumentale est composĂ©e de sculptures allĂ©goriques qui reprĂ©sentent quatre grands fleuves et riviĂšres français : la Seine, la Garonne, la Loire, et la SaĂŽne (Ă  l'instar de la Fontaine des Quatre Fleuves, bĂątie par Gian Lorenzo Bernini sur la Piazza Navona de Rome, qui reprĂ©sente les plus grands fleuves des quatre continents connus). Cette place Richelieu fut par aprĂšs rebaptisĂ©e Square Louvois. Il est situĂ© dans le deuxiĂšme arrondissement, Ă  courte distance du Palais-Royal.

Opéra de la rue Richelieu
AcadĂ©mie de Musique de la rue Richelieu ou Salle Montansier, Ă  l'endroit oĂč se trouve aujourd'hui le Square Louvois
P1050085 Paris II fontaine Louvois rwk
Square et Fontaine Louvois, aujourd'hui.

 

Théùtre Louvois interior view Donnet 1821 plate12 GB Princeton

 

Il faut donc, Ă  la fermeture et la destruction de la Salle Montansier, Ă  nouveau retrouver un nouveau lieu pour l'AcadĂ©mie de musique de Paris. L'emplacement choisi est celui d'une partie des jardins de l'hĂŽtel de Choiseul, l'hĂŽtel lui-mĂȘme Ă©tant affectĂ© Ă  l'administration de l'opĂ©ra. L'endroit se trouve plus au Nord, dans le 9e arrondissement, sur la rue Le Peletier. On dĂ©cide que se sera une salle provisoire, et elle sera construite en Ă  peine un an. L'OpĂ©ra Le Peletier (ou OpĂ©ra de la rue Le Peletier) restera cependant en activitĂ© pendant 52 ans. Mais pendant sa construction, il faut trouver des salles pour continuer Ă  y donner des reprĂ©sentations lyriques. Ce sera d'abord le ThĂ©Ăątre Louvois, situĂ© sur la rue Louvois, face Ă  la rue Lulli, situĂ©e juste Ă  l'arriĂšre de la salle Montansier. Deux reprĂ©sentations seulement y seront donnĂ©es et le thĂ©Ăątre lui-mĂȘme disparaĂźtra en 1825.


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La salle Favart, de nos jours.

 

 

Ensuite ce sera l'OpĂ©ra-Comique, appelĂ© aussi " salle Favart ", situĂ© place Boieldieu, un peu plus au Nord, toujours dans le 2e arrondissement. LĂ  aussi, quelques reprĂ©sentations seulement seront donnĂ©es, avant l'inauguration de la salle de la rue Le Peletier, le 16 aoĂ»t 1921. La salle Favart, elle, construite en 1783, Ă  la demande de Marie-Antoinette, ne cessera d'ĂȘtre active jusqu'Ă  aujourd'hui, malgrĂ© deux incendies, en 1838 et 1887, qui exigent des fermetures temporaires pour refaire une nouvelle salle. La salle actuelle est donc la troisiĂšme salle Favart. La salle Favart accueille l'OpĂ©ra-Comique jusqu'en 1972, date Ă  laquelle cette mission est abandonnĂ©e, pour devenir une Ă©cole de formation de jeune chanteurs. Lorsque la sociĂ©tĂ© du ThĂ©Ăątre national de l'OpĂ©ra est fondĂ©e en 1978, la salle Favart devient un temps, la seconde salle d'opĂ©ra de Paris, jusqu'Ă  la construction de l'opĂ©ra Bastille, inaugurĂ© en 1989. En 1990, la salle Favart retrouve son autonomie. En 2005, elle obtient le statut d'entreprise publique sous le nom ThĂ©Ăątre national de l'OpĂ©ra-Comique, et se voit confier une mission trĂšs large, comprenant aussi bien des piĂšces sans musiques que des oeuvres lyriques, et un rĂ©pertoire allant de la musique baroque Ă  la musique contemporaine.

L'OpĂ©ra1 de la rue Le Peletier est donc construit pendant ce temps, en un an, du  au 

Foyer de danse opera le peletier
Foyer de la danse à l'Opéra de la rue Le Peletier (1872) - Musée d'Orsay - Paris

 

Construit en structure lĂ©gĂšre, l'opĂ©ra Le Peletier Ă©tait destinĂ© Ă  n'ĂȘtre qu'une salle temporaire. Il resta cependant actif pendant 52 ans, et connu les plus grandes heures de l'opĂ©ra parisien, Ă  une Ă©poque oĂč les crĂ©ations Ă©taient nombreuses et qui voyait l'Ă©mergence d'un grand nombre de compositeurs de gĂ©nie, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en France et ailleurs en Europe, et oĂč il y avait un engouement d'une grande partie de la population pour l'art lyrique. Malheureusement, ce qu'on craignait depuis le dĂ©but pour cette trĂšs grande salle aux structures lĂ©gĂšres et entiĂšrement Ă©clairĂ©e au gaz, finit par arriver : dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, pour une cause inconnue, l'opĂ©ra Le Peletier fut la proie d'un violent incendie qui dura prĂšs de 24 heures. Tout l'Ă©difice fut dĂ©truit. Seule une grande partie des archives purent ĂȘtre sauvĂ©es, grĂące Ă  la rĂ©action prompte de l'archiviste et du souffleur. Tous les papiers historiques de la maison, les livrets, les partitions, la collection des affiches depuis 1804, le recueil des Ă©tats d'Ă©margement depuis 1749 contenant les autographes des artistes furent ainsi Ă©pargnĂ©s.

opera de la rue le peletier
Haut: Opéra de la rue Le Peletier vers 1873, peu avant sa destruction
Bas:
Gauche: Scéne de l'Opéra lors de son inauguration, le 16 août 1821, avec "Les BayardÚres" de Charles Simon Castel; les loges du rez-de-chaussée devant la scÚne sont murées, en souvenir du Duc de Berry qui occupait la loge de droite à la rue Richelieu
Milieu: La salle vers 1873
Droite: L'incendie du 28-29 octobre 1873

 

La construction de l'opĂ©ra Garnier avait dĂ©jĂ  dĂ©butĂ© sous le Second Empire, mais avait Ă©tĂ© interrompue du fait de la guerre Franco-Prussienne de 1870 et de la Commune de Paris de 1871. Suite Ă  l'incendie de l'opĂ©ra Le Peletier, on dĂ©cida donc d'en hĂąter le chantier, en mĂȘme temps qu'on modifiait en profondeur le tracĂ© des boulevards situĂ©s autour de cette future place de l'OpĂ©ra, et qu'un rĂ©seau de bouches d'incendies Ă©tait construit sous tous les boulevards et artĂšres de la ville (la mĂ©taphore comparant les rues principales aux artĂšres du corps humain, Ă©tait dĂ©jĂ  connue, car inventĂ©e par Victor Hugo en 1830, lorsqu'il rĂ©digeait Notre Dame de Paris - Livre TroisiĂšme, Chapitre II : "Paris Ă  Vol d'Oiseau", paragraphe 10).


Salle Ventadour c1830 HBwebsite

Salle Ventadour vers 1830

 

En attendant la finition de l'opĂ©ra Garnier, l'AcadĂ©mie de Musique occupe temporairement la Salle Ventadour. Cette salle du 2e arrondissement, aujourd'hui devenue le foyer social de la Banque de France, accueillit un temps l'OpĂ©ra-Comique. On y vit aussi la crĂ©ation de Ruy Blas de Victor Hugo en 1838, puis en 1941, les compositeurs italiens Ă©tant de retour Ă  Paris, ils occupent pendant 30 ans cette salle et de nombreux opĂ©ras italiens y sont reprĂ©sentĂ©s en France pour la premiĂšre fois. Et non des moindres, puisque parmi ceux-ci, on trouve Don Pasquale de Donizetti, Nabucco, Il Trovatore et Rigoletto de Verdi, mais aussi Fidelio de Beethoven

 

 

DĂšs 1858, NapolĂ©on III prend la dĂ©cision de faire construire un nouvel opĂ©ra, suite Ă  l'attentat de l'anarchiste italien Orsini devant l'OpĂ©ra de la rue Le Peletier. Cette rue est Ă©troite, et l'Empereur considĂšre que l'endroit ne peut pas ĂȘtre correctement sĂ©curisĂ©. Il dĂ©cide donc que ce nouvel opĂ©ra doit ĂȘtre construit dans un endroit beaucoup plus ouvert. C'est le Baron Haussmann qui lui suggĂšre l'endroit, sur une place en forme de losange d'oĂč partent plusieurs grands boulevards, et qui sera entourĂ©e de bĂątiments de prestige. Un concours est organisĂ©, et c'est le jeune architecte Charles Garnier qui l'emporte. Les travaux commencent dĂšs 1861, tandis qu'au mĂȘme moment, une nouvelle large avenue est percĂ©e allant de ce qui deviendra la place de l'OpĂ©ra Ă  l'aĂźle Richelieu du Palais du Louvre, dans laquelle NapolĂ©on III rĂ©side. Voulant en effet se protĂ©ger au mieux de nouveaux attentats, il fait non seulement Ă©riger l'OpĂ©ra dans un espace trĂšs ouvert, mais cette large avenue lui permettra Ă©galement de rejoindre rapidement l'OpĂ©ra dans sa berline, par cette avenue de l'OpĂ©ra moins propice aux attentats. Une fois arrivĂ©, une rampe d'accĂšs et une entrĂ©e sĂ©parĂ©es lui permettront d'entrer dans le thĂ©Ăątre.

Les travaux colossaux avancent assez lentement et requiĂšrent une Ă©quipe nombreuse d'ouvriers et artistes. Ils seront inachevĂ©s lorsque le chantier sera arrĂȘtĂ© pour cause de guerre franco-prussienne, en 1870. Les troubles qui suivront, la Commune de Paris et les dĂ©buts hĂ©sitants de la TroisiĂšme RĂ©publique2, seront peu propices Ă  rassembler les fonds nĂ©cessaires Ă  la finition du chantier. NapolĂ©on III ne connaĂźtra jamais la fin du chantier de son OpĂ©ra. Il meurt en exil en Angleterre le 9 janvier 1873, des suites de complications d'une lithiase vĂ©sicale. Et ce n'est qu'en octobre de cette mĂȘme annĂ©e, suite Ă  l'incendie de l'OpĂ©ra de la rue Le Peletier, qu'on dĂ©cide de relancer et d'activer les travaux de l'opĂ©ra Garnier. On rappelle donc Charles Garnier qui s'y active pendant toute l'annĂ©e 1874. Ce ne sera pas tĂąche facile pour lui, car le chantier a Ă©tĂ© abandonnĂ© pendant 5 ans, et il lui faut retrouver le maximum d'ouvriers, artisans et artistes qui avaient oeuvrĂ© Ă  la construction, et qui sont maintenant dispersĂ©s. De mĂȘme, certains matĂ©riaux, nĂ©cessaires en grande quantitĂ©, sont difficiles Ă  rassembler, et pour certains, les prix ont Ă©normĂ©ment augmentĂ© en 5 ans. De nombreuses oeuvres, sculptures ou peintures resteront inachevĂ©es, et les plans ne pourront pas toujours ĂȘtre respectĂ©s. Il s'en suivra un manque d'harmonie en plusieurs endroits.

Charles Garnier rĂ©ussira cependant Ă  parachever son oeuvre en un an, et l'OpĂ©ra sera inaugurĂ© le 5 janvier 1875. Vu de l'extĂ©rieur il a des allures monolithiques, de styles Ă©clectiques, plus ou moins d'inspiration baroque. A ses dĂ©tracteurs, parmi lesquels l'ImpĂ©ratrice EugĂ©nie, qui lui reprochaient que cet Ă©difice Ă©tait d'aucun style connu, Charles Garnier rĂ©pondait " C'est du NapolĂ©on III ! " Tout Ă©tait dit, l'orgueil de l'empereur Ă©tait comblĂ©, et il n'hĂ©sitait pas Ă  rĂ©pondre que son Ă©pouse n'y connaissait rien en matiĂšre d'art. NĂ©anmoins, je trouve l'ouvrage trĂšs harmonieux, trĂšs certainement grĂące au fait qu'il se dĂ©tache largement des Ă©difices haussmaniens qui l'entourent, du fait du large espace sur lequel il est bĂąti, et aussi parce qu'il peut ĂȘtre observĂ© de trĂšs loin, en prenant du recul dans la large avenue de l'OpĂ©ra. Quant Ă  l'intĂ©rieur, je le trouve splendide et majestueux. En entrant, le regard est tout de suite happĂ© par le grand escalier tout en larges courbes, aux marches Ă©voluant du convexe au concave, en marbre blanc de Seravezza, Ă  la balustrade en onyx, et aux balustres en marbre rouge, s'appuyant sur un socle en marbre vert de SuĂšde, le tout dĂ©corĂ© de dorures et de mosaĂŻques, et des deux statues-torchĂšres gĂ©antes en cuivre au bas de l'escalier. Les autres espaces que je trouve grandioses : le grand foyer, le foyer de la danse, et la superbe salle, son lustre et son plafond, dont on reparlera plus bas. Et bien sĂ»r tout l'espace de scĂšne, ses cintres et ses machines; scĂšne la plus vaste jamais construite Ă  cette Ă©poque.

En cette fin de 19e siĂšcle, l'OpĂ©ra n'est pas uniquement un lieu de spectacle. C'est aussi un endroit de rencontre, entre gens de pouvoir, industriels, ou tout simplement les membres de la bourgeoisie parisienne. On y discute politique ou affaires. Garnier y construit donc de vastes espaces dĂ©volus aux rencontres avant le spectacle ou pendant les entr'actes, qui dĂ©passent largement la superficie de la salle de spectacle : le grand hall d'entrĂ©e, la salle des abonnĂ©s et ses couloirs, le grand foyer et ses salons attenants, l'avant-foyer et ses petites rotondes attenantes (rotonde de la lune, aux tons froids argentĂ©s, cĂŽtĂ© jardin, et rotonde du soleil, aux tons chauds, cĂŽtĂ© cour), et puis les larges couloirs donnant vers les loges, et les deux grandes rotondes qui flanquent la salle, juste dans l'axe central du losange de la place. La rotonde Zambelli, cĂŽtĂ© jardin, qui servait de bibliothĂšque et qui est maintenant le musĂ©e du palais Garnier. Et la rotonde ChauvirĂ©, cĂŽtĂ© cour, au rez-de-chaussĂ©e de laquelle on achĂšte actuellement les tickets ou les abonnements, et oĂč au premier Ă©tage, Ă  hauteur des premiĂšres loges, on trouve, comme se fut le cas depuis le dĂ©but, la rotonde du Glacier.

Mais rien ne vaut quelques photos plutÎt que de longues explications pour rappeler la richesse de l'intérieur de l'Opéra.

photos opera garnier

Opéra Garnier (aussi appelé palais Garnier), inauguré le 15 janvier 1875

1. Grand escalier. La premiÚre volée permet d'accéder aux fauteuils d'orchestre (autrefois "parterre"), au balcon (autrefois "amphitéùtre") et aux baignoires (les loges du rez-de-chaussée de part et d'autre des fauteuils d'orchestre). Les volées latérales permettent d'accéder aux 4 autres étages de loges et aux espaces ouverts au public, comme le Grand Foyer.
2 .Le Grand Foyer, pour les rencontres et les consommations durant les entr'actes. Donnant d'un cÎté sur la loggia et de l'autre sur l'avant-foyer. Largement équipé de glaces, il s'inspire des grandes galeries de chùteaux tels que Versailles. Les lustres comme presque tous les lustres de l'Opéra sont dessinés par Charles Garnier.
3. Le foyer de la Danse, salle de rĂ©pĂ©tition et d'Ă©chauffement pour le corps de ballet, il est situĂ© immĂ©diatement derriĂšre la scĂšne. Le mur mĂ©tallique le sĂ©parant de la scĂšne peut ĂȘtre soulevĂ©, permettent ainsi au corps de ballet d'ĂȘtre vu depuis la salle et augmentant ainsi la profondeur et la perspective.
4. La salle vue de la scĂšne, avec 3 Ă©tages de loges, et tout en haut, le paradis.
5. Vue latérale du balcon de la salle, et les 3 étages de loges. On distingue sur la gauche, les baignoires au niveau des fauteils d'orchestre.
6. Salle vue de l'arriÚre. Le balcon à l'avant-plan, les fauteulis d'orchestre plus bas, séparés par un couloir central, les loges d'avant-scÚne, et le rideau de scÚne, peint en trompe-l'oeil.
7. Le grand lustre central, lui aussi dessiné par Garnier. Il mesure 8 mÚtres de haut et pÚse 8 tonnes.
8. Le plafond actuel peint d'aprĂšs une maquette de Marc Chagall, et placĂ© en 1964. Il est marouflĂ© sur un disque circulaire en polyester apposĂ© contre l'ancien plafond, peint par Jules EugĂšne Lenepveu. Il Ă©voque, en cinq parties aux vives couleurs, les grands jalons et ouvrages reprĂ©sentatifs de l'histoire des arts de l'OpĂ©ra et de la danse ainsi que quatorze compositeurs marquants des arts lyriques et chorĂ©graphiques du rĂ©pertoire. La partie centrale recouvre la grille de l'ancien plafond, qui servait Ă  remonter le lustre, et qui n'Ă©tait plus nĂ©cessaire. Le plafond de Chagall, juste apposĂ© contre le plafond d'origine, peut donc ĂȘtre retirĂ© Ă  tout moment.
9. Maquette du plafond original de Jules EugÚne Lenepveu, visible dans le musée du palais Garnier. Ce plafond représente les muses et les heures du jour et de la nuit. Il mesure 54 mÚtres de diamÚtre, et la grille centrale de 18 mÚtres de diamÚtre servait à remonter le lustre pour son entretien.
10. Maquette du palais Garnier, se trouvant au MusĂ©e d'Orsay. ale vestibule d'entrĂ©e voĂ»tĂ© en berceau, avec les statues de Rameau, Lully, Gluck et Haendel, reprĂ©sentant respectivement les oeuvres lyriques françaises, italiennes, allemandes et anglaises. b. salle de contrĂŽle des billets. c. Grand Foyer. d. Avant-Foyer, avec Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s, deux petites rotondes : celle de la lune, cĂŽtĂ© jardin (ouest), aux couloirs froides argentĂ©es, et celle du soleil, cĂŽtĂ© cour (est) aux couleurs chaudes dorĂ©es. e. Grand escalier. f. salle de spectacle. g. la grande rotonde sous la coupole mĂ©tallique. La cheminĂ©e du lustre a maintenant Ă©tĂ© supprimĂ©e, et la rotonde a Ă©tĂ© divisĂ©e en deux dans le sens de la hauteur, pour en faire trois trĂšs grandes salles de rĂ©pĂ©tition : la salle Marius Petipa au-dessus, immĂ©diatement sous la coupole, d'une superficie de 400 m2, et au-dessous, deux salles de 220 m2, les salles Lifar et Noureev. h. le bassin de la Pythie d'Apollon, cachĂ©e sous le grand escalier. i. l'ancienne salle des abonnĂ©s. j. la cage de scĂšne, incluant le plateau de scĂšne lui-mĂȘme, au plancher en chĂȘne, de 53 mĂštres de large et de 26 mĂštres de profondeur, inclinĂ© de 5 degrĂ©s vers le public. Il constituait Ă  l'Ă©poque le plus vaste plateau de scĂšne au monde. Les coulisses cĂŽtĂ© jardin et cĂŽtĂ© cour (appelĂ©es ainsi, car Ă  l'origine, elles contenaient les dĂ©cors coulissants sur des rails), les cintres au–dessus de la scĂšne, contenant 83 tubes, les porteuses, longues de 28 mĂštres et pouvant porter des dĂ©cors ou des rideaux sur une hauteur de 17 mĂštres et jusqu'Ă  un poids d'une tonne. Les machineries sous la scĂšne qui par un jeu de trappes dans le plateau de scĂšne, peuvent faire apparaĂźtre dĂ©cors ou objets, mĂȘme en cours de spectacle. Et bien sĂ»r, toute une sĂ©rie de tambours et contrepoids pour actionner l'ensemble. k. Le Foyer de la Danse, entourĂ© de nombreuses autres salles de rĂ©pĂ©tition, dont juste au-dessous, la salle de rĂ©pĂ©tition du choeur, et plusieurs Ă©tages de loges d'artistes.

 

Charles Garnier équipe l'Opéra d'une entrée latérale du cÎté ouest qui communique avec une rotonde entourée de colonnes, et située juste sous la salle de spectacle. Cette entrée et cette rotonde est réservée aux abonnés. Il faut de fait se rendre compte qu'à cete époque, les personnes abonnées se rendaient jusqu'à 3 fois par semaine à l'Opéra, et jouissaient de conditions d'accÚs et de places privilégiées dans la salle. C'est dans cette rotonde ouverte, située au niveau le plus bas de l'Opéra, que Charles Garnier, dont le nom complet est Jean Louis Charles Garnier, dissimulera, par modestie, la seule signature de l'exécution de son chef d'oeuvre (une salle de 2000 personnes, la plus grande scÚne à cette date, et le plus grand édifice avec une surface au sol de 15 000 m2). Son nom, et les dates de début et de fin de la construction, figurent de façon quasi cryptée sur le plafond de cette ancienne salle des abonnés : JEAN LOUIS CHARLES GARNIER ARCHITECTE 1861-1875.

 

Les entrées au spectacle sont, à cette époque, organisées de façon trÚs méthodique : les spectateurs du dernier étage, le paradis, entrent 3 heures avant le début du spectacle, et ainsi de suite. Les abonnés, eux, sont appelés 30 minutes avant le début. Ils passent alors devant des miroirs pour vérifier leurs tenues, passent devant le bassin de la pythie d'Apollon, partiellement masquée par un brouillard d'eau, puis montent les escaliers menant vers le grand hall, pour enfin gravir le grand escalier vers les loges. Ils sont ainsi vus de tous ceux qui se trouvent déjà dans la salle.

L'opéra Garnier s'appelait alors, et ce, jusqu'en 1988, tout simplement et tout normalement Opéra de Paris, et sur la façade de l'Opéra figure l'appelation qui a toujours été l'appellation officielle de l'Opéra depuis sa création en 1669 : " Académie Nationale de Musique ". Seul le qualificatif changea selon les époques : royale, nationale ou impériale.

académie nationale de musique

 

Aussi, sur le lambrequin mĂ©tallique surmontant le rideau de scĂšne, Charles Garnier fait marquer la date "ANNO 1669" qui commĂ©more la date de crĂ©ation de l'OpĂ©ra parisien, comme nous l'avons vu, par la lettre de patente de Colbert, sur ordre de Louis XIV. Sur le bord du cercle situĂ© au centre de cette date, on trouve d'ailleurs " MUSICAE ACADEMIAM INSTITUIT LUDOVICUS XIV" (Louis XIV fonda l'AcadĂ©mie de Musique), et au centre, un soleil portant la devise de Louis XIV " NEC PLURIBUS IMPAR", Ă  la traduction incertaine, "À nul autre pareil" ou "Au-dessus de tous". Au-dessus de la mĂȘlĂ©e, donc, comme le soleil. Devise elle-mĂȘme empruntĂ©e Ă  Philippe II d'Espagne, qui lui rĂ©gnait sur deux continents.

lambrequin opera garnier

 

On raconte que lors de l'inauguration de l'Opéra, le 15 janvier 1875, Charles Garnier dut payer sa place et n'eut droit qu'à une loge du second étage. Le trÚs royaliste second président de la IIIe République, Patrice de Mac Mahon, l'humiliant ainsi pour avoir accepté ce chantier commandé par Napoléon III.

Une lĂ©gende raconte aussi que le lourd lustre de 8 tonnes est tombĂ© sur les spectateurs pendant une reprĂ©sentation du Faust de Gounod, le 20 mai 1896. Il n'en est rien. Il s'agit en fait de la chute de l'un des 8 contrepoids du lustre, chacun de 750 kg, qui tomba lors d'une reprĂ©sentation, non de Faust, mais d'HellĂ© d'Etienne-EugĂšne Floquet. Le lustre ne bougea pas, mais le contrepoids traversa les cinquiĂšmes loges, vides et termina sa course au niveau des quatriĂšmes loges, oĂč il tua une vieille dame trĂšs modeste. Cette affaire, et la panique qui s'en suivit, inspira Gaston Leroux pour un des Ă©pisodes principaux du FantĂŽme de l'OpĂ©ra, publiĂ© en 1910, et repris par Andrew Lloyd Weber, pour sa comĂ©die musicale The Phantom of the Opera, jouĂ©e sans interruption Ă  Londres depuis 1986, et la plus longtemps jouĂ©e Ă  Broadway Ă©galement.

Les créations lyriques de l'opéra Garnier furent essentiellement françaises, parmi lesquelles 4 opéras de Camille de Saint-Saëns et Thaïs de Jules Massenet. Parmi les oeuvres chorégraphiques, l'une des plus célÚbres au monde y fut créée en 1928: le Boléro de Maurice Ravel.

Pour une information complĂšte sur l'architecture et les divers travaux entrepris Ă  l'opĂ©ra Garnier entre 1861 et 1987, lire son carnet d'identitĂ© de juin 1987.

 

En 1982, le ministre de la culture, Jack Lang, considĂšre que l'opĂ©ra Garnier a une salle trop petite, et qu'il est dĂ©passĂ© en matiĂšre technique. Il propose au prĂ©sident François MittĂ©rand la construction d'un nouvel opĂ©ra, moderne et populaire. L'idĂ©e naĂźt immĂ©diatement de faire coĂŻncider l'inauguration de ce nouvel opĂ©ra avec les fĂȘtes de commĂ©moration du bicentenaire de la prise de la Bastille. D'ailleurs, sur la place de la Bastille se trouve une gare dĂ©safectĂ©e depuis 1969. Il est donc trĂšs vite dĂ©cidĂ© que cette gare sera dĂ©molie et que ce sera la place du nouvel opĂ©ra. DĂšs 1983, un concours est organisĂ©, et l'uruguyo-canadien Carlos Ott emporte le chantier.

opera bastille 3photos

L'opĂ©ra Bastille voit le jour comme prĂ©vu, en 1989. C'est un opĂ©ra rĂ©solument contemporain. Sa façade avant, semi-circulaire est tournĂ©e vers la colonne de juillet de la place de la Bastille. Evidemment, l'espace rĂ©servĂ© aux dĂ©ambulations du public pendant les entr'actes y est beaucoup plus limitĂ© qu'Ă  l'opĂ©ra Garnier. Les temps ont changĂ©. Par contre, la salle est d'une part plus grande (2745 places) et constituĂ©e de grands balcons modernes d'oĂč la vue du spectacle est bonne de partout. Mais personnellement, je n'aime pas cette architecture, surtout parce qu'elle est construite en un endroit oĂč ce modernisme choque mon regard. Ce fut d'ailleurs une constante dans les architectures voulues par Lang et MittĂ©rand. Si mon regard a fini par accepter la pyramide du Louvre, parce qu'elle est placĂ©e au milieu de la trĂšs large cour Richelieu, et qu'elle est en verre, je trouve par contre totalement absurdes, ces colonnes de Buren, en avant-scĂšne des jardins du Palais-Royal. L'intĂ©rieur de l'opĂ©ra Bastille aussi, je le juge beaucoup trop froid et contemporain, par rapport au classicisme des oeuvres lyriques.

L'opĂ©ra Bastille, construit dans la hĂąte, pour ĂȘtre prĂȘt pour les cĂ©rĂ©monies du bicentenaire, a connu des dĂ©buts difficiles. Les machineries, pilotĂ©es maintenant Ă©lectroniquement, ont connu de nombreuses pannes qu'il fallait parfois rĂ©parer en pleine reprĂ©sentation. Et sa façade s'est trĂšs vite dĂ©gradĂ©e. En 1990 dĂ©jĂ , une des dalles de façade s'Ă©croulait, et il faudra Ă©quiper cette façade de filets de protection pendant des annĂ©es. Un interminable procĂšs s'en suivra entre l'Etat et les constructeurs. ProcĂšs finalement gagnĂ© par l'Etat en 2007.

En plus de la salle principale, l'opéra Bastille comporte deux autres salles plus petites : l'une de 500 places située sous la salle principale, et l'autre de 237 places dans un batiment annexe. Une troisiÚme, de 800 places, est prévue pour 2022-2023.

Depuis 1994, les deux opĂ©ras parisiens forment officiellement l'OpĂ©ra national de Paris, sous une direction commune, et sous tutelle du ministĂšre de la Culture. C'est dĂ©sormais le nom officiel de ce qui depuis 1669 s'appelait toujours officiellement l'AcadĂ©mie de musique, regroupant l'art lyrique et le ballet. L'opĂ©ra de la place de l'OpĂ©ra, mĂȘme s'il est, par tradition, toujours appelĂ© OpĂ©ra de Paris, a donc vu son nom officiellement changĂ© en opĂ©ra Garnier ou palais Garnier.

Si on regarde la programmation annuelle de l'Opéra de Paris, on constate que le palais Garnier est désormais principalement dévolu à la danse, tandis que la majorité des opéras se jouent à l'opéra Bastille. Les concerts eux, sont principalement organisés dans les salles annexes de l'opéra Bastille.

 

Voici donc bouclée l'histoire des 14 salles occupées par l'Académie royale de Musique, devenue aujourd'hui l'Opéra national de Paris. Je terminerai ce texte en les situant sur une carte de Paris, et en les numérotant selon leur ordre chronologique, de 1669 à aujourd'hui.

 


1. le mot "opéra" prend une majuscule quand on parle du lieu dans l'absolu ("je vais ce soir à l'Opéra" ou quand il est suivi du nom d'un lieu (l'Opéra de Paris, ou l'Opéra de la rue Le Peletier), mais une minuscule s'il porte un nom particulier (L'opéra Le Peletier, l'opéra Garnier, l'opéra Bastille. Et bien sûr, une minuscule lorsqu'il s'agit d'une oeuvre (l'opéra Thaïs de Massenet). (retour)

2. Le Duc de Berry Ă©tait le second fils du dernier Bourbon rĂ©gnant, Charles X (son premier fils, le Duc d'AngoulĂšme, qui avait Ă©pousĂ© Marie-ThĂ©rĂšse, fille de Louis XVI, n'avait pas d'enfant). Au moment de son assassinat, il avait une fille, et son Ă©pouse Ă©tait enceinte. L'enfant naissant aprĂšs la mort de son pĂšre, Ă©tait un fils, Henri d'Artois. Lorsque Charles X doit abdiquer aprĂšs les "Trois Glorieuses" de juillet 1830, suite Ă  un pouvoir conservateur et autoritaire, il force le Duc d'AngoulĂšme Ă  renoncer au trĂŽne et dĂ©signe son petit fils comme successeur sous le nom d'Henri V. Celui-ci ne rĂšgnera cependant pas, puisque les Français choisirons le cousin de Charles X, le Duc d'OrlĂ©ans, qui deviendra "Roi des Français" sous le nom de Louis-Philippe Ier, tandis qu'Henri d'Artois, alors agĂ© de 9 ans Ă  peine, est exilĂ© en Angleterre. Plus tard, en 1870, aprĂšs la dĂ©faite de Sedan face Ă  la Prusse, et la chute de NapolĂ©on III, la nouvelle AssemblĂ©e est Ă  grande majoritĂ© composĂ©e de monarchistes, divisĂ©s en lĂ©gitimistes, fidĂšles aux Bourbons, et orlĂ©anistes. Adolphe Thiers est nommĂ© chef de l'exĂ©cutif et deviendra le premier prĂ©sident de la TroisiĂšme RĂ©publique. Henri d'Artois, portant alors le titre de courtoisie de Comte de Chambord, fait son grand retour en France. Des nĂ©gociations vont trĂšs loin pour restaurer la monarchie et ont Ă©tĂ© sur le point d'aboutir. Une opposition intransigeante du Comte de Chambord au drapeau tricolore, qui durera de longues annĂ©es, et son refus de recontrer les orlĂ©anistes, dont le Comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe, le mettra en constante opposition avec l'exĂ©cutif. Thiers finira, en 1873, par dĂ©crĂ©ter que la rĂ©publique est incontournable, et les monarchistes majoritaires le forceront Ă  dĂ©missionner, au profit de l'orlĂ©aniste Patrice de Mac Mahon, devenant donc second prĂ©sident de la TroisiĂšme RĂ©publique. Bien que les pourparlers avec le Duc de Chambord se poursuivent, celui-ci demeure intraitable par rapport au drapeau tricolore. La TroisiĂšme Restauration semble alors compromise, et la majoritĂ© et Mac Mahon, qui considĂšrent toujours que cette RĂ©publique est transitoire avant la restauration de la monarchie, s'Ă©loignent du Duc de Chambord pour se rapprocher des OrlĂ©anais. Mac Mahon fait voter le mandat prĂ©sidentiel Ă  sept ans en novembre 1873, en espĂ©rant que le Duc de Chambord mourra avant la fin de son mandat prĂ©sidentiel. La RĂ©publique est rĂ©ellement instituĂ©e en 1875 par les nouvelles lois constitutionnelles de fĂ©vrier et de juillet. Les Ă©lections de 1877 et de 1879 donnent la majoritĂ© Ă  la gauche Ă  la Chambre, puis au SĂ©nat, et Mac Mahon, ne disposant plus d'aucun soutien des conservateurs, se voit dans l'obligation de dĂ©missionner. La TroisiĂšme RĂ©publique est enfin stabilisĂ©e, ... jusqu'au funeste 10 juillet 1940. (retour)


 

 

 

rome forum

Rome est pour moi une des plus belles et culturellement, une des plus riches capitales européennes avec Paris et Prague.

Rome, ville ouverte

En 1943, suite Ă  la chute de Mussolini, les Allemands occupent Rome et la dĂ©clare « Ville ouverte Â». Roberto Rossellini en fera dĂšs 1945 le premier film italien nĂ©orĂ©aliste de l’époque postfasciste. Une ville ouverte signifie, en temps de guerre, qu’elle ne peut servir d’objectif militaire, et donc n’ĂȘtre ni attaquĂ©e, ni bombardĂ©e, tant cette ville reprĂ©sente un patrimoine culturel qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ©.
Et de fait, Rome est riche d’au moins trois Ă©poques culturelles majeures :l’AntiquitĂ© romaine, la Haute Renaissance italienne, et l’Époque Baroque.

Mais ce terme de « Ville ouverte Â» Ă©voque, pour moi, bien d’avantage l’atmosphĂšre que je respire quand je me ballade dans Rome. MalgrĂ© l’afflux de touristes, je n’y Ă©prouve jamais l’impression d’oppression, comme je peux par exemple la ressentir Ă  Florence. Car Rome est constituĂ©e partout de grands boulevards arborĂ©s, de longues et larges artĂšres, et surtout d’un trĂšs grand nombre de grandes places magnifiques, avec partout des ruines ou des Ă©difices historiques grandioses, et de trĂšs nombreux endroits oĂč se restaurer Ă  tous les prix, oĂč s’arrĂȘter pour un petit apĂ©ro ou pour une glace Ă  l’italienne.

Un peu de géographie

sept collines de rome

 Depuis l’AntiquitĂ©, le centre de Rome en ses remparts est construit sur sept collines situĂ©es sur la rive gauche du Tibre ( le Vatican, par contre, est sur la rive droite). Au centre, deux collines oĂč se dĂ©roulait l’essentiel de la vie politique et publique de la Rome antique : Le Capitole(la plus petite de ces 7 collines), oĂč se trouvait le SĂ©nat romain, et le Palatin, lieu de rĂ©sidence de la plupart des empereurs. Entre les deux, les forums romains, lieux de manifestations publiques, de commĂ©morations et de culte. 

Entourant ces collines centrales, le Quirinal, oĂč se trouve le palais du prĂ©sident de la rĂ©publique italienne, le Viminal, l’Esquilin, le Caelius et l’Aventin. Ces collines ne sont pas des montagnes. Elles ne font guĂšre plus que 40 Ă  50 mĂštres de hauteur, et il est souvent difficile de les distinguer au milieu de l’habitat dense de la ville. Toutefois, en flĂąnant dans Rome (ce que je recommande), on s’apercevra vite qu’on ne cesse de monter et descendre.

 

Les « incontournables Â»

J’appelle « incontournables Â», les lieux les plus connus de Rome et que la plupart des visiteurs ne restant que quelques jours aiment voir. Ce ne sont pas nĂ©cessairement mesprĂ©fĂ©rences.

La Rome Antique

L’essentiel est concentrĂ© en plein centre, autour des collines du Palatin et du Capitole.

Le ColisĂ©e : c’est la plus grande des arĂšnes romaines (suivie de celles de VĂ©rone). C’est un Ă©difice colossal qui comptait 50.000 places. C’est d’ailleurs ce qu’il signifie. On l’appelle Colosseo en italien. À sa construction, au premier siĂšcle, entre 70 et 96, il s’appelait amphitĂ©Ăątre Flavien, du nom de la famille impĂ©riale rĂ©gnante lors de sa construction : les Flaviens. Il a Ă©tĂ© commencĂ© sous Vespasien et terminĂ© sous les principats de ses deux fils Titus et Domitien.  A sa mort en 68, NĂ©ron Ă©tait tombĂ© en disgrĂące, et son somptueux palais, la Domus aurea, ses jardins et son lac artificiel furent entiĂšrement dĂ©truits. Seule la statue colossale de NĂ©ron a survĂ©cu pendant quelques siĂšcles, juste Ă  cĂŽtĂ© du ColisĂ©e. C’est d’ailleurs en rĂ©alitĂ© Ă  elle qu’on doit ce nom de Colosseo.

colisée

 Vespasien a voulu rendre la grandeur de l’endroit en y construisant cet Ă©difice dĂ©diĂ© aux spectacles pour le peuple, Ă  l’endroit du lac de NĂ©ron. On pouvait y donner de somptueux spectacles, y compris nautiques (en emplissant l’arĂȘne de plusieurs mĂštres d’eau). Il fut aussi trĂšs vite utilisĂ© pour les combats de gladiateurs, et plus tard, comme on le sait, pour des spectacles de supplices, notamment des premiers chrĂ©tiens. Il se trouve juste Ă  cĂŽtĂ© des forums romains, au pied du Mont Palatin. La voie par laquelle les gĂ©nĂ©raux vainqueurs entraient sur le Forum pour y ĂȘtre accueilli en triomphe (la Via Sacra) passe devant. C’est ainsi qu’on y trouve, juste Ă  cĂŽtĂ©, l’Arc de Triomphe de Constantin, et plus loin, Ă  l’entrĂ©e des Forums, celui de Titus. Le ColisĂ©e doit absolument ĂȘtre visitĂ© avec un trĂšs bon guide, pour comprendre l’architecture, le fonctionnement et l’histoire du ColisĂ©e

 

Le Mont Palatin : en sortant du ColisĂ©e, et en passant Ă  cĂŽtĂ© de l’Arc de Constantin, on monte sur le Mont Palatin. De nombreux empereurs y Ă©rigĂšrent leurs palais, dont Auguste, TibĂšre, Domitien ou encore Hadrien, car on y jouissait d’une vue sur toute la Rome impĂ©riale : le ColisĂ©e bien sĂ»r, mais aussi les Forums, le Capitole, et, du cĂŽtĂ© opposĂ© aux forums, le gigantesque Cirque Maximus, oĂč avaient lieu les courses de chars. Ils assistaient ainsi aux courses depuis les terrasses de leurs palais. Le mot « Palais Â» vient d’ailleurs directement du mot « Palatin Â». Aujourd’hui, il ne reste quasiment rien du cirque Maximus, si ce n’est une immense pelouse qui en Ă©pouse les contours et qui permet encore de se figurer ses Ă©normes dimensions. Sur le Palatin, seules les ruines des palais d’Auguste et de TibĂšre se visitent encore. En quittant le Mont Palatin par le nord, on passe par les jardins Farnese, anciens jardins botaniques de Rome, des terrasses desquels, on a une magnifique vue sue les forums, et d’oĂč on a Ă©galement directement accĂšs Ă  ces forums.

circus maximus et mont palatin copie
Circus Maximus et ruines des palais du Mont Palatin au fond

 

Les Forums romains : on parle trĂšs gĂ©nĂ©ralement « du forum Â». C’est la place publique de la Rome rĂ©publicaine (jusqu’à Jules CĂ©sar) puis impĂ©riale (depuis le premier empereur, Octave-Auguste, jusqu’à la chute de l’Empire Romain d’Occident, en 476). C’est un lieu politique et religieux. Politique et religion sont d’ailleurs intimement liĂ©s chez les Romains, trĂšs pieux. Il est entourĂ© de nombreux temples. La Via Sacra y aboutit, voie par laquelle les gĂ©nĂ©raux vainqueurs entraient triomphalement sur le Forum, et devenaient des personnages des plus importants de la citĂ©, et souvent de futurs empereurs. C’est prĂšs du forum que fut assassinĂ© Jules CĂ©sar en 44 av. JC. On n’en connaĂźt pas exactement l’endroit. Par contre, le lieu supposĂ© de sa crĂ©mation est toujours visible.


Si on parle DES forums romains, c’est parce que plusieurs places ont par la suite Ă©tĂ© ajoutĂ©es au forum principal, tel le forum de Jules CĂ©sar, construit par Auguste, ou celui d’Auguste lui-mĂȘme, ou encore celui de Trajan. La zone du Forum et de ses extensions se ferme sur l’Arc de Triomphe de Septime SĂ©vĂšre, au pied du Capitole.

N.B. Une visite combinĂ©e du ColisĂ©e, du Mont Palatin et des Forums est possible. Il vaut mieux rĂ©server bien Ă  l’avance ses billets sur l’un des nombreux sites internet de billetterie, car les files sur place sont trĂšs longues. RĂ©servez aussi de prĂ©fĂ©rence une visite guidĂ©e. Et surtout, ne pas se faire arnaquer par les nombreuses personnes qui guettent les touristes, et qui vous vendent des tickets Ă  des prix prohibitifs ou se font passer pour des guides. 

forums
Forums romains. Sur la droite, le Mont Palatin avec la terrasse des jardins Farnese, et au fond, le Colisée

 

Le Capitole : C’est sur la petite colline du Capitole (Campidoglio, en italien), au nord des forums, que se trouvait le SĂ©nat romain, aujourd’hui disparu. Aujourd’hui, on y trouve en son centre la trĂšs belle Piazza del Campidoglio, l’une des plus belles places de Rome, conçue par Michel-Ange, et au milieu de laquelle se trouve la statue Ă©questre de l’Empereur Marc-AurĂšle. On y accĂšde par un escalier monumental situĂ© Ă  l’ouest de la colline. La place est entourĂ©e des MusĂ©es du Capitole, oĂč sont collectionnĂ©es les plus belles Ɠuvres de l’époque antique, ainsi qu’une pinacothĂšque ( = musĂ©e dĂ©diĂ© Ă  la peinture ) oĂč on trouve des Ɠuvres d’artistes majeurs des XVIe et XVIIe siĂšcle.
A l’arriĂšre des musĂ©es, vers le sud, on a Ă©galement une trĂšs belle vue sur les forums, et on accĂšde Ă  la Roche TarpĂ©ienne (Rupes Tarpea, en italien), non loin de lĂ , d’oĂč on prĂ©cipitait les condamnĂ©s, principalement ceux accusĂ©s de haute trahison. De lĂ  vient l’expression « Il n’y a pas loin du Capitole Ă  la Roche TarpĂ©ienne Â», signifiant, qu’aprĂšs les honneurs, la dĂ©chĂ©ance peut venir trĂšs vite. 

capitole
Place du Capitole avec la statue Ă©questre de Marc AurĂšle, entourĂ©e des musĂ©es du Capitole. Au fond, l’escalier d’accĂšs. 
 Ă€ droite, l’arriĂšre du monument Ă  Victor Emmanuel 

Places, Fontaines et Boulevards

Piazza Venezia et Monument Ă  Victor-Emmanuel II :

victor Emmanuel IIJuste au pied du Capitole, cĂŽtĂ© Nord, se trouve la Place de Venise (Piazza Venezia). Le Palais de Venise (Palazzo Venezia) la borde Ă  l’ouest. Aujourd’hui MusĂ©e National, il fut le quartier gĂ©nĂ©ral de Mussolini, d’oĂč il haranguait les foules. Au sud de la place, juste au pied du Capitole, se trouve le gigantesque monument blanc Ă  la gloire de Victor-Emmanuel II, premier roi de l’Italie rĂ©unifiĂ©e en 1861. Cet Ă©norme monument fut Ă©rigĂ© pour commĂ©morer les 50 ans de la rĂ©unification italienne en 1911. Il abrite le musĂ©e de la rĂ©unification, et en son centre, la tombe du soldat inconnu. Des colonnes situĂ©es tout en haut, on jouit d’une large vue sur toute la partie antique de Rome. De par sa forme et ses dimensions dĂ©mesurĂ©es, de nombreux romains donnent Ă  ce monument le sobriquet de « machine Ă  Ă©crire Â».

vers le coliseeDe la Place de Venise partent la Via del Plebiscito et surtout la longue Via del Corso, deux des artÚres commerçantes importantes de Rome.
Le monument Ă  Victor-Emmanuel II est reliĂ© au ColisĂ©e par la trĂšs large Via dei Fori Imperiali, Ă©difiĂ©e sous Mussolini, en 1932, pour commĂ©morer les 10 ans du fascisme. Elle sĂ©pare le forum rĂ©publicain Ă  droite, des forums impĂ©riaux Ă  gauche, est bordĂ©e de statues des personnages les plus importants de l’Empire romain, et relie symboliquement le siĂšge de l’Italie fasciste au ColisĂ©e, symbole monumental de la Rome impĂ©riale.

Piazza Navona et la statue des Quatre Fleuves : c’est une des plus grandes places de Rome et des plus visitĂ©es. Elle est trĂšs allongĂ©e avec les deux extrĂ©mitĂ©s en demi-cercles. Car elle a Ă©tĂ© construite sur l’emplacement du stade de courses de chars de l’Empereur Domitien, dont elle a conservĂ© les dimensions exactes. 

On y trouve trois fontaines : la fontaine de Neptune et la fontaine du Maure Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s, et surtout, en son centre, face Ă  l’église Sainte-AgnĂšs-en-Agone, la majestueuse fontaine des Quatre Fleuves, surmontĂ©e d’un des nombreux obĂ©lisques dĂ©corant les places de Rome, et toutes, bien Ă©videmment, pillĂ©es en Egypte.

Cette fontaine a Ă©tĂ© conçue par le sculpteur majeur de l’époque baroque romaine, Gian Lorenzo Bernini(dit, en français, Le Bernin). Elle reprĂ©sente quatre personnages assis au-dessus des jets d’eau alimentant la grande vasque du bas. Chaque personnage a Ă©tĂ© sculptĂ© par un artiste diffĂ©rent sous les ordres du Bernin, et reprĂ©sente 4 fleuves des 4 continents connus au XVIIe siĂšcle : le Danube, reprĂ©sentant l’Europe, le Gange pour l’Asie, le Nil pour l’Afrique (le visage voilĂ©, car on ne savait pas encore oĂč Ă©tait sa source), et le Rio de la Plata, pour l’AmĂ©rique, avec un sac d’oĂč s’échappent des piĂšces d’or pour exprimer la richesse du nouveau continent.

piazza navonafontaine de 4 fleuves
Piazza Navona et la statue des Quatres Fleuves


apero piazza navona

 

MalgrĂ© l’affluence de groupes de touristes qui y passent, mais ne restent qu’un moment autour de la statue des Quatre Fleuves, la place est tellement larges et bordĂ©es de beaux Ă©tablissements avec terrasses ensoleillĂ©es, que je la trouve particuliĂšrement agrĂ©able pour y faire une halte quotidienne et s’y rafraichir Ă  une terrasse, pour peu qu’on s’éloigne un peu de la fontaine centrale. C’est un de mes endroits prĂ©fĂ©rĂ©s de Rome.

 

 

 

La Fontaine de Trevi : (Fontana di Trevi, en italien) s’appelle ainsi parce qu’elle est bordĂ©e par trois rues (tre vie). C’est une fontaine Ă©norme de l’époque baroque tardive (1730) reprĂ©sentant Neptune dans un char de coquillages tirĂ©s par des chevaux ailĂ©s et des tritons. Elle surplombe une trĂšs grande piĂšce d’eau. La fontaine et la piĂšce d’eau occupent la majeure partie de cette place assez petite. Le reste est littĂ©ralement bourrĂ© de touristes, hiver comme Ă©tĂ©, Ă  tel point qu’il est trĂšs difficile de s’y frayer un passage. Que font ils ? Ils s’assaillent sur le bord de la piĂšce d’eau (quand ils y arrivent) dos Ă  la fontaine, et jettent une piĂšce dans l’eau par-dessus leur Ă©paule, la tradition voulant qu’ils s’assurent ainsi de revenir un jour Ă  Rome. Pour la petite histoire, avant le passage Ă  l’Euro, les touristes y jetaient des piĂšces de quelques centimes de lires, ce qui ne reprĂ©sentait vraiment pas grand-chose. Mais chaque nuit, les sdf et les gamins venaient ramasser ces piĂšces pour se faire un peu d’argent. AprĂšs le passage Ă  l’Euro, en 2002, la tradition a continuĂ©, mais avec des centimes d’Euros, ce qui reprĂ©sentait environ 500 fois plus. Les autoritĂ©s romaines ont alors mis halte Ă  cette pratique nocturne, et ont eux-mĂȘmes collectĂ© les piĂšces, qui reprĂ©sentent de l’ordre d’un million d’Euros par an, reversĂ©s Ă  Caritas.
La popularitĂ© de la fontaine de Trevi vient bien sĂ»r du film de Fellini, La Dolce Vita, dans lequel Marcello Mastroianni s’apprĂȘte Ă  embrasser Anita Ekberg dans la fontaine, lorsque 
 A la mort de Mastroianni, en 1995, la ville de Rome voile les statues de noir.
Passez-y pour le folklore, si vous ne l’avez jamais vue, mais ne vous y attardez pas. L’endroit n’est vraiment pas intĂ©ressant.

 fontaine de trevi copie

 

Place d’Espagne : La Piazza di Spagna est une place relativement petite, au carrefour de plusieurs rues, dans le quartier des boutiques de luxe. C’est aussi une place assaillie par les touristes pour y voir la trĂšs belle fontaine construite par le pĂšre du Bernin, Pietro Bernini, qui reprĂ©sente une barque (Fontana Barcaccia). Un escalier monumental monte de la place vers l’église gothique TrinitĂ©-des-Monts, d’oĂč on a une trĂšs belle vue sur la place et sur la Villa Medicis toute proche. La TrinitĂ©-des-Monts, la Villa Medicis et l’Eglise Saint-Louis-des-Français (proche de la piazza Navona) sont les trois lieux de Rome administrĂ©s par la France.

La Barcaccia  TrinitĂ© des Monts

La Barcaccia (Ă  gauche) et l’église de la TrinitĂ©-des-Monts (Ă  droite)


ParenthĂšse historique la papautĂ©, la renaissance italienne, la haute renaissance, le maniĂ©risme, la rĂ©forme et l’époque baroque.

Les papes doivent quitter Rome en 1309, sous la pression du Roi de France Philippe IV Le Bel. Celui-ci, ayant besoin de lever des impĂŽts pour financer ses guerres contre les villes flamandes, taxe fortement le clergĂ© français. Les papes de Rome s’y opposent, et en rĂ©torsion, Philippe Le Bel force la papautĂ© Ă  quitter Rome et Ă  s’installer en Avignon.
À leur retour Ă  Rome en 1378, Rome est trĂšs dĂ©vastĂ©e et la pauvretĂ© y est omniprĂ©sente. La vieille basilique papale, datant de l’Empereur Constantin est particuliĂšrement dĂ©labrĂ©e. DĂšs leur retour, naissent des projets pour construire une nouvelle basilique. Mais les diffĂ©rents projets ne voient pas le jour, car d’autres prioritĂ©s surgissent rĂ©guliĂšrement, notamment la lutte contre les Ottomans, qui se rapprochent et prennent Constantinople en 1453.
L’Italie, Ă  cette Ă©poque est divisĂ©e en citĂ©s-Ă©tats indĂ©pendants. Rome fait partie des Etats du Pape. Le Sud (le Royaume de Naples et des deux Siciles) appartient Ă  l’Espagne. Au Nord, les citĂ©s puissantes sont Milan, Venise, Ravenne et surtout Florence.
C’est Ă  Florence que naĂźt la Renaissance au dĂ©but du XVe siĂšcle (le Quattrocento), grĂące au mĂ©cĂ©nat de riches marchands et de riches banquiers, dont les MĂ©dicis. La Renaissance italienne est une rupture avec l’art gothique, pour se rapprocher des valeurs artistiques et humanistes de l’AntiquitĂ© grecque. La Renaissance voit aussi l’apparition de façons plus naturelles de reprĂ©senter le monde. La dĂ©couverte de la perspective y jouera un grand rĂŽle. Cette Ă©volution artistique et humaniste se manifeste en architecture, en peinture et en sculpture. Les prĂ©curseurs sont les florentins Brunelleschi, en architecture, Masaccio, en peinture, et Donatello en sculpture. La perspective en tant que nouvelle façon de reprĂ©senter l’espace, plus conforme avec notre vision binoculaire, est inventĂ©e par Filippo Brunelleschi. Elle sera ensuite thĂ©orisĂ©e par Ă©crit par un autre architecte contemporain, Alberti. Brunelleschi est devenu cĂ©lĂšbre pour sa premiĂšre Ɠuvre majeure, la coupole de la cathĂ©drale Santa Maria dei Fiori de Florence. Cette Ă©glise et sa coupole sont encore de type gothique, mais les rĂšgles de perspectives de Brunelleschi y sont dĂ©jĂ  appliquĂ©es. Cependant, se sont dans des Ă©difices comme l’église San Lorenzo de Florence, ou encore la chapelle des Pazzi dans la basilique Santa Croce, que ses rĂšgles de perspective et le retour vers la simplicitĂ© de l’architecture grecque crĂ©ent la rupture avec le passĂ© et donnent naissance Ă  une toute nouvelle architecture Ă©purĂ©e.

Masaccio, encore trĂšs jeune, adopte immĂ©diatement la perspective de Brunelleschi dans ses peintures et rompt complĂštement avec le gothique. Il meurt malheureusement trĂšs jeune, Ă  27 ans, dans des conditions mystĂ©rieuses Ă  Rome, et peu de ses Ɠuvres nous sont parvenues. Il nous reste heureusement la somptueuse vie de Saint-Pierre dĂ©corant la chapelle Brancacci de l’église carmĂ©lite Santa-Maria del carmine dans l’Oltrarno, Ă  Florence.
Et puis, le formidable sculpteur que fut Donatello, et que personnellement je prĂ©fĂšre de loin Ă  Michel-Ange. Il met aussi immĂ©diatement en Ɠuvre les rĂšgles de perspectives, sculpte les premiers nus en ronde-bosse depuis l’antiquitĂ©, et les façonnent pour y faire rebondir la lumiĂšre, et ainsi augmenter la perception du relief et des trois dimensions, en rupture complĂšte avec la sculpture gothique. Son David en bronze, visible au musĂ©e du Bargello Ă  Florence, est somptueux.
Les travaux de ces prĂ©curseurs engendrent un Ă©norme enthousiasme chez de trĂšs nombreux artistes qui leur succĂšde, et l’art de la Renaissance dĂ©passe trĂšs vite les frontiĂšres de Florence. Ainsi Il Perugino (Le Perugin) Ă  PĂ©rouse ou Piero della Francesca sur les hauteurs d’Arezzo. De nouveaux mĂ©cĂšnes aussi les soutiennent en dehors de Florence. Federico III da Montefeltro, Duc d’Urbino, devient un des mĂ©cĂšnes les plus importants de cet art naissant. Montefeltro fera d’Urbino un autre pĂŽle artistique majeur du centre de l’Italie, et surtout un carrefour de rencontre entre les artistes florentins, les artistes vĂ©nitiens et les artistes flamands comme Juste le Grand ou Hugo Van der Goes.
Parmi les artistes travaillant dans l’atelier de Federico de Montefeltro, un certain Giovanni Sanzio. Il donne naissance Ă  un fils en 1483, qui ne connaitra pas Federico da Montefeltro, mort l’annĂ©e prĂ©cedente. Ce fils, Raffaello Sanzio(RaphaĂ«l) sera trĂšs vite orientĂ© par son pĂšre vers la peinture. Il se retrouve trĂšs vite orphelin, de mĂšre Ă  8 ans et de pĂšre Ă  11 ans. À 17 ans, il rejoint Le PĂ©rugin Ă  PĂ©rouse en Ombrie. Il travaillera 4 ans avec Le PĂ©rugin, sera Ă©videmment fortement inspirĂ© par son style, mais trĂšs vite l’élĂšve dĂ©passera le maĂźtre. En 1504, Ă  21 ans, il quitte PĂ©rouse pour Florence, oĂč il frĂ©quentera assidument Michel-Ange et surtout LĂ©onard de Vinci, tous deux ses ainĂ©s. 
LĂ©onard de Vinci, Ă  cette Ă©poque, rĂ©volutionne l’art de peindre. Il s’écarte de la perspective classique par lignes de fuites pour disposer personnages et objets sur diffĂ©rents plans, en adaptant leur grandeur Ă  la distance. Mais surtout, il prend conscience que l’air ambiant fait partie intrinsĂšque de la perception que notre Ɠil a des choses. L’air crĂ©e de lĂ©gĂšres diffractions qui estompent quelque peu le contour des personnages et des objets, et cet air aussi altĂšre les couleurs au fur et Ă  mesure que l’on s’éloigne de l’avant-plan. Au plus on s’éloigne, au plus l’air estompe les contours et au plus les couleurs froides, les bleus et les verts dominent. LĂ©onard a rĂ©volutionnĂ© l’art de reprĂ©senter un espace Ă  trois dimensions sur une toile en crĂ©ant le sfumato(l’estompĂ©). RaphaĂ«l appliquera le sfumato de LĂ©onard, mais de façon plus modĂ©rĂ©e que lui. Car RaphaĂ«l a le souci du dĂ©tail. Il attache, plus que quiconque, une importance prĂ©pondĂ©rante au dessin. Un sfumato trop affirmĂ© l’empĂȘche de capter ces dĂ©tails.

Nous l’avons vu, Michel-Ange est appelĂ© Ă  Rome par Jules II pour peindre le plafond de la chapelle Sixtine. AprĂšs un siĂšcle de tergiversations, Jules II dĂ©cide aussi d’entamer les travaux d’une nouvelle basilique pour remplacer celle de Constantin devenue vĂ©tuste. Jules II est un della Rovere, la famille ducale rĂ©gnant Ă  ce moment sur Urbino. Tout naturellement, il fait appel Ă  un architecte de renom aussi originaire d’Urbino. Il s’agit de Bramante. Bramante Ă©tabli les plans et entame les travaux de la nouvelle basilique Saint-Pierre. Jules II voulant aussi refaire toutes les fresques des salles de rĂ©ception des appartements, Bramante lui conseille de faire venir un jeune peintre de 25 ans, originaire comme eux d’Urbino. RaphaĂ«l se retrouve donc aussi Ă  Rome. La façon de reprĂ©senter l’espace a fortement Ă©voluĂ© vers plus de rĂ©alisme. Au dĂ©but de ce nouveau siĂšcle, le Cinquecento, le pĂŽle de l’art s’est dĂ©placĂ© de Florence vers Rome, bien que LĂ©onard n’y dĂ©mĂ©nagera pas, mais au contraire suivra François Ier en France et que Sandro Botticelli restera Ă  Florence. C’est cette pĂ©riode qu’on a nommĂ© Haute Renaissance. On considĂšre qu’elle se termine avec la mort de RaphaĂ«l en 1520, (mort jeune du paludisme attrapĂ© en recensant les antiquitĂ©s romaines dans les souterrains de Rome. Ensuite, le sac de Rome par les troupes de Charles Quint crĂ©era une Ă©motion telle que la peinture et la sculpture en sera une nouvelle fois affectĂ©e. On s’éloignera du naturalisme de la Renaissance pour reprĂ©senter les corps dans des positions plus torturĂ©es, s’éloignant des attitudes naturelles, et exprimer ainsi d’avantage les Ă©motions. C’est la pĂ©riode maniĂ©riste qui commence et qui durera jusqu’en 1580 environ.

Pendant ce temps, la basilique Saint-Pierre se construit. Bramante meurt en 1514. De nombreux architectes lui succéderont, dont Raphaël, et dont Michel-Ange. La basilique est terminée en 1590.

Les travaux ont coutĂ© extrĂȘmement cher.  Pour financer les travaux, la papautĂ© invente le systĂšme des indulgences. Il s’agit de billets valant des annĂ©es de remise de purgatoire aprĂšs la mort. Le clergĂ© en fait le commerce auprĂšs de riches croyants crĂ©dules. Il s’agissait Ă©videmment d’une escroquerie Ă  grande Ă©chelle, mais la volontĂ© de puissance de la papautĂ© Ă©tait Ă  ce prix.

Des chrĂ©tiens ont commencĂ© Ă  protester contre ces pratiques et voulaient que l’Eglise se rĂ©forme pour revenir Ă  plus de moralitĂ©. L’un de ces groupes Ă©tait dirigĂ© par Martin Luther dans le Saint Empire Romain Germanique, et aussi de Calvin Ă  GenĂšve. A aucun moment, du moins au dĂ©but, il ne s’agissait de crĂ©er une nouvelle religion, mais d’apurer les pratiques de la religion chrĂ©tienne et de la papautĂ©.
NĂ©anmoins, les papes voyaient leur puissance menacĂ©e, et les protestants ont Ă©tĂ© jugĂ©s hĂ©rĂ©tiques. S’en sont suivies les guerres de religion du XVIe siĂšcle, conduisant notamment en France au massacre de la Saint BarthĂ©lĂ©my. Un schisme s’est donc produit, et le protestantisme est nĂ© de ces excĂšs.

La papautĂ©, toutefois, a elle-mĂȘme remis en cause les pratiques telles que le commerce des indulgences, et a estimĂ© qu’il fallait revoir en profondeur les pratiques du culte pour freiner les fuites de fidĂšles vers le protestantisme et dĂ©velopper des rĂšgles et mĂ©thodes renforçant la foi. Un concile fut organisĂ© dans la ville de Trente, pour Ă©tablir ces nouvelles rĂšgles de la pratique religieuse. Ce concile de Trente dĂ©buta en 1542, et se termina en 1563. Le concile de Trente aboutit Ă  un ensemble de mesures, appelĂ©es Contre-RĂ©forme, destinĂ©es Ă  renforcer la foi. Un ordre religieux est crĂ©Ă© sous l’impulsion de l’Espagnol Ignace de Loyola pour contrĂŽler la mise en place et le respect de la contre-rĂ©forme. Cet ordre est la Compagnie de JĂ©sus, autrement dit les jĂ©suites. La contre-rĂ©forme vise principalement Ă  rendre omniprĂ©sente la reprĂ©sentation de JĂ©sus, de la Vierge et des Saints lorsque les fidĂšles assistent aux offices. Des retables sont crĂ©Ă©s derriĂšres tous les autels, constituĂ©s d’un ensemble de peintures pieuses, souvent peintes par des artistes de grand renom. La musique participe aussi grandement Ă  la spiritualitĂ©. La premiĂšre Ă©glise des jĂ©suites, l’église de GesĂč, est construite tout prĂšs de la Piazza Venezia. Son autel et son retable sont surĂ©levĂ©s pour ĂȘtre mieux vus par les fidĂšles, la chaire est placĂ©e Ă  mi-distance dans la nef pour que le prĂȘche ait lieu Ă  proximitĂ© des fidĂšles. L’église est surmontĂ©e d’une coupole, et la façade est plane e dĂ©pouillĂ©e, surmontĂ©e d’un fronton. La plupart des Ă©glises du XVIIe siĂšcle s’inspireront du plan de cette Ă©glise de GesĂč. L’art, qu’on appellera par la suite Art baroque, peinture baroque, musique baroque est nĂ©. Cette pĂ©riode baroque qui imprĂ©gnera non seulement la pratique religieuse mais aussi tous les arts majeurs, durera environ de 1580 Ă  1730, et verra l’émergence de nombreux artistes, peintres, sculpteurs et musiciens de grand renom, dans toute l’Europe. Le Caravage (Caravaggio), dont nous reparlerons, se situe Ă  la charniĂšre entre la Renaissance et le Baroque. Il se rĂ©clame des artistes de la Renaissance, mais ses procĂ©dĂ©s picturaux rĂ©volutionnaires influenceront beaucoup de peintres baroques qui viendrons aprĂšs lui.


 

Le Vatican

N.B. Il y a deux parties Ă  visiter au Vatican. La Basilique Saint-Pierre et les MusĂ©es du Vatican. Il est aussi hautement recommandĂ© de rĂ©server Ă  l’avance sur Internet. Il est possible de se procurer un pass de deux jours, en achetant un billet coupe-file pour la basilique, tant la file peut ĂȘtre trĂšs longue.

Les MusĂ©es du Vatican : ces musĂ©es sont immenses et regorgent de richesses. Le lieu de loin le plus connu est bien Ă©videmment la chapelle Sixtine, au plafond peint par Michel-Ange entre 1508 et 1512. Elle fut inaugurĂ©e en 1512 par le pape Jules II, celui-lĂ  mĂȘme qui avait appelĂ© Michel-Ange, le Florentin Ă  Rome. 

plafond chapelle sixtine

jugement dernierMichel-Ange sera rappelĂ© prĂšs de 30 ans plus tard, Ă  l’ñge de 60 ans, par le pape ClĂ©ment VII, pour peindre cette fois la fresque du jugement dernier sur le mur derriĂšre l’autel. En 30 ans le style pictural de Michel-Ange a bien Ă©voluĂ© et est influencĂ© par le courant majeur de l’époque. Nous ne sommes plus Ă  l’époque de la Haute Renaissance, mais Ă  celle du maniĂ©risme, et le Jugement Dernier est clairement une Ɠuvre maniĂ©riste. Depuis sa derniĂšre restauration au cours des annĂ©es 80, on peut en observer les couleurs Ă©tonnantes de cette fresque, couleurs typiques du maniĂ©risme, et pour beaucoup, dues au dĂ©veloppement de nouveaux pigments, amenĂ©s en grande partie par les grands maĂźtres de la couleur que furent les peintres vĂ©nitiens : des roses pastel, des jaunes citron, beaucoup de lapis-lazuli, des violets saturĂ©s, Ă  la maniĂšre du Tintoret.
N’oublions pas quand mĂȘme d’admirer les fresques des murs latĂ©raux, dues Ă  ces autres grands maĂźtres de la Renaissance que furent Le PĂ©rugin, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio et Cosimo Rosselli

 

 

 N.B. Si vous ne comptez visiter que la chapelle Sixtine et la basilique, il est bien sĂ»r possible de le faire en un jour. Toutefois, pour profiter pleinement de la chapelle en Ă©vitant la foule, il est prĂ©fĂ©rable de s’y rendre immĂ©diatement dĂšs l’ouverture des musĂ©es, et d’acheter un billet coupe-file pour la basilique, car la file risquera d’y ĂȘtre trĂšs longue, aprĂšs la visite de la chapelle.

L’autre Ɠuvre magistrale des musĂ©es du Vatican, ce sont les Chambres de RaphaĂ«l (Stanze di Raffaello, en italien). Ces quatre chambres faisaient Ă  l’époque partie des suites de rĂ©ception des appartement pontificaux. Ces quatre chambres ont Ă©tĂ© recouvertes de fresques par RaphaĂ«l et ses Ă©lĂšves. Les travaux ont durĂ© de 1508 Ă  1524, soit 4 ans aprĂšs la mort de RaphaĂ«l en 1520. D’ouest en est, il s’agit des chambres de l’Incendie du Borgo, de la Signature, d’HĂ©liodore, et de Constantin. Les fresques qui recouvrent les murs de ces quatre chambres comptent parmi les Ɠuvres les plus prestigieuses de la Haute Renaissance, et ont crĂ©Ă© la notoriĂ©tĂ© de RaphaĂ«l, de son vivant. Mort a seulement 37 ans, il est inhumĂ© au PanthĂ©on de Rome, et a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© jusqu’au XIXe siĂšcle comme le peintre le plus essentiel de l’histoire de la peinture. Les jeunes gĂ©nĂ©rations d’aujourd’hui le connaissent peu, au contraire de Michel-Ange et de LĂ©onard de Vinci, mais il faut dire que ces derniers ont vĂ©cus respectivement 89 et 67 ans, alors que RaphaĂ«l est dĂ©cĂ©dĂ© jeune Ă  37 ans, avec dĂ©jĂ  une grande Ɠuvre picturale derriĂšre lui. Nul doute que s’il avait atteint la vieillesse comme ses deux illustres contemporains, son art n’aurait fait qu’évoluer, et qu’il serait encore aujourd’hui dans toutes les mĂ©moires.
Nous allons dĂ©crire ici deux des fresques principales des Chambres de RaphaĂ«l, 

Chambres de RaphaĂ«l : L’École d’AthĂšnes

The School of Athens by Raffaello Sanzio da Urbino

L’École d’AthĂšnes est une des Ɠuvres maĂźtresses de RaphaĂ«l. Elle se trouve dans la salle des Signatures, la premiĂšre chambre dĂ©corĂ©e par RaphaĂ«l. Cette illustration de la Philosophie permet Ă  RaphaĂ«l de rassembler les figures majeures de la pensĂ©e antique Ă  l'intĂ©rieur d'un temple idĂ©al, inspirĂ© du projet de Bramante pour la rĂ©alisation de la basilique de Saint-Pierre Ă  Rome. Il les incarne par les illustres artistes de son temps (et de lui-mĂȘme) faisant ainsi de la Rome moderne l'Ă©quivalent de la GrĂšce antique.
Au centre, on trouve Platon Ă  gauche, la main tournĂ©e vers le ciel, expliquant l’origine du monde, et Ă  droite, Aristote, la main vers la terre, exprimant l’empirisme de sa pensĂ©e.
Au premier plan, on retrouve, Ă  gauche, du cĂŽtĂ© de Platon, les thĂ©oriciens, dont Pythagore, Ă©crivant dans son livre, et Ă  droite, sous Aristote, les empiriques, dont Euclide, penchĂ© sur son ardoise, sous les traits de Bramante.  IsolĂ© au centre appuyĂ© sur un bloc de marbre, HĂ©raclite, le philosophe pessimiste, sous les traits de Michel-Ange, qui Ă©tait Ă  ce moment Ă  Rome, peignant le plafond de la chapelle Sixtine, et qui Ă©tait lui aussi connu pour son caractĂšre bourru. L’autre personnage isolĂ©, allongĂ© sur les marches est DiogĂšne de Sinople.

De nombreux ouvrages dĂ©crivent en dĂ©tail cette Ɠuvre majeure de RaphaĂ«l. On en trouvera dĂ©jĂ  une bonne description sur WikipĂ©dia.

Chambres de RaphaĂ«l : L’Incendie du Borgo

Chambre de Raphael - Incendie du Borgo

L’incendie du Borgo est une autre fresque monumentale de RaphaĂ«l, peinte dans la seconde chambre qu’il a dĂ©corĂ©e, avec l’aide de ses Ă©lĂšves, et qui, depuis, porte le nom de Chambre de l’Incendie. 

La fresque relate un Ă©vĂ©nement s’étant produit en 847. Le Borgo, le quartier de Rome situĂ© entre l’ancienne basilique de Constantin et le Tibre Ă©tait totalement en flamme, et le peuple rĂ©clamait la bĂ©nĂ©diction du pape LĂ©on IV (son nom est inscrit sous le balcon d’oĂč il bĂ©nit le Borgo en flamme, d’un signe de croix). 

On reconnaĂźt tout au fond, l’ancienne basilique de Constantin, tandis que le pape, de façon anachronique, se trouve sur une terrasse trilobĂ©e de style renaissance.

L’innovation recherchĂ©e par RaphaĂ«l, est de ne pas placer le personnage important le pape, Ă  l’avant de la fresque, mais au contraire, Ă  peine visible dans le lointain, tandis que l’accent est mis sur la dramaturgie de l’incendie.

Les rĂ©fĂ©rences Ă  l’AntiquitĂ© sont Ă  nouveau omniprĂ©sentes, non seulement de par les Ă©lĂ©ments architecturaux, les colonnes corinthiennes au centre, et les colonnes ioniques Ă  droite, mais aussi par la prĂ©sence du trio de gauche, qui reprĂ©sente ÉnĂ©e portant son pĂšre Anchise, accompagnĂ© de son fils Ascagne. Cet Ă©lĂ©ment relie Rome Ă  la ville de Troie en flamme, de laquelle, selon l’ÉnĂ©ide d’Ovide, ÉnĂ©e s’échappe ainsi portant son pĂšre en compagnie de son fils. ÉnĂ©e selon le rĂ©cit d’Ovide est Ă  l’origine de la crĂ©ation de Rome, reliant ainsi les Romains aux Troyens, ennemis des Grecs.

Avec cette fresque, RaphaĂ«l fait clairement Ă©voluer son style, et ouvre la voie au maniĂ©risme. C’est particuliĂšrement Ă©vident en observant le personnage nu accrochĂ© au mur, dans une position mettant sa musculture en Ă©vidence, et dans l’attitude des femmes au centre de la toile, au premier plan.Autres salles des MusĂ©es du Vatican
S’il vous reste du temps, n’hĂ©sitez pas Ă  dĂ©ambuler dans les nombreuses autres salles des MusĂ©es. La salle des cartes, par laquelle on passe obligatoirement pour se rendre Ă  la chapelle Sixtine, est trĂšs intĂ©ressante, car elle nous montre comment on se reprĂ©sentait le monde connu Ă  l’époque. 

IL existe de nombreuses richesses que personnellement je n’ai pas vues car elles n’éveillaient pas mon intĂ©rĂȘt, telles que bien sĂ»r, de nombreux vĂȘtements ou objets liturgiques ornĂ©s de nombreuses pierres prĂ©cieuses, mais aussi des salles de collections comme des cĂ©ramiques chinoises 
 ou mĂȘme des expositions temporaires de peintres contemporains ou du XIXe siĂšcle.

La pinacothĂšque des musĂ©es du Vatican, qui compte 18 salles, vaut presque une visite Ă  elle seule, tant elle compte de chefs d’Ɠuvres depuis le XIVe siĂšcle, jusqu’à l’époque baroque : de mĂ©moire, Giotto, Fra Angelico, Le PĂ©rugin, Filippo Lippi, RaphaĂ«l, LĂ©onard de Vinci, Le Titien, VĂ©ronĂšse, Le Caravage, Nicolas Poussin et plusieurs autres.

 

La Basilique Saint-Pierre :

basilique saint pierre

Je dois bien avouer que ce que j’aime surtout Ă  la basilique Saint-Pierre, c’est son immense place elliptique construite par le Bernin, au milieu du XVIIe siĂšcle, en pleine Ă©poque baroque, bien aprĂšs la fin de la construction de la basilique elle-mĂȘme. Cette ellipse mesurant 340m sur 240m est entourĂ©e d’une Ă©lĂ©gante galerie de 4 rangĂ©es de colonnes doriques en travertin, surmontĂ©e d’une balustrade dĂ©corĂ©e de 140 statues. L’obĂ©lisque centrale, ancien obĂ©lisque du Circus Vaticanus en est le point d’orgue, dont la prĂ©sence majestueuse est mise en valeur par les cercles concentriques blancs et les lignes radiales blanches. La beautĂ© du lieu est encore accentuĂ©e par les deux fontaines jumelles situĂ©es Ă  droite et Ă  gauche de l’obĂ©lisque.  Le Bernin a prolongĂ© cette place par un plan inclinĂ© montant vers les marches de la basilique, accentuant ainsi l’effet de perspective attirant le regard vers l’édifice.

Inside Of St. Peter’s BasilicaQuand on entre dans la basilique, on passe d’abord par un narthex, galerie couverte prĂ©cĂ©dant l’entrĂ©e proprement dite. Puis il est vrai qu’on est frappĂ© par l’immensitĂ© de l’endroit, la plus grande Ă©glise au monde. J’y venais surtout pour y voir l’architecture dessinĂ©e par Bramante au dĂ©but du XVIe siĂšcle, architecture inspirĂ©e du PanthĂ©on romain, mais oĂč, contrairement au PanthĂ©on, la coupole n’est pas supportĂ©e par des murs porteurs mais par quatre piliers gigantesques. La coupole est splendide, et tout comme celle de Brunelleschi Ă  Florence, elle est constituĂ©e de deux coupoles superposĂ©es sĂ©parĂ©es par un vide, mais s’appuyant conjointement sur les piliers. MalgrĂ© les nombreux architectes successifs tout au long de sa construction qui dura pratiquement tout le siĂšcle, le plan initial de Bramante n’a Ă©tĂ© que trĂšs lĂ©gĂšrement modifiĂ©. On y retrouve les bras en forme de croix grecque voulue par Bramante (4 bras de longueur identique) et terminĂ©s par des extrĂ©mitĂ©s arrondies. Seule la nef, par laquelle on pĂ©nĂštre a Ă©tĂ© lĂ©gĂšrement prolongĂ©e. Les dĂ©ambulatoires latĂ©raux sont Ă©galement Ă©clairĂ©s par des oculi aux centres de jolies petites coupoles. 
Pour le reste, malheureusement, je n’aime pas du tout l’ambiance intĂ©rieure due Ă  la dĂ©coration par des statues immenses et franchement trĂšs loin d’ĂȘtre des chefs-d’Ɠuvre. MĂȘme les immenses statues du Bernin n’apportent rien Ă  l’austĂ©ritĂ© de l’endroit. Il en est de mĂȘme pour cet affreux baldaquin, du aussi au Bernin, surmontant l’autel situĂ© au croisement des quatre bras.

La seule splendeur artistique de ce lieu, la PietĂ  de Michel-Ange, dont il faut pouvoir admirer les dĂ©tails morphologiques du corps du Christ mort, muscles, tendons, veines 
 se trouve malheureusement dans une cage vitrĂ©e dans la premiĂšre chapelle Ă  droite de l’entrĂ©e, et dont on ne peut s’approcher Ă  moins de 10 mĂštres. Autant dire, qu’on ne voit RIEN. L’autre Ɠuvre importante, la statue Ă©questre de Constantin, par Le Bernin, se trouve derriĂšre une porte fermĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© droite du narthex, et il faut ĂȘtre invitĂ© pour la voir. 

En rĂ©sumĂ©, Ă  l’exclusion de la place, et de l’architecture d’ensemble, la basilique Saint-Pierre ne m’a absolument pas plu, et j’ai considĂ©rĂ© cette visite comme une perte de temps, Ă  l’inverse des musĂ©es du Vatican.

La Villa Borghese

La Villa Borghese est un parc de 80 hectares au nord de Rome. Outre le fait qu’on y trouve des endroits d’animation pour les enfants, des Ă©tablissements pour se dĂ©saltĂ©rer, de nombreux trĂšs beaux arbres et de grandes allĂ©es, la Villa Borghese contient Ă©galement plusieurs musĂ©es prestigieux. Notamment la Villa MĂ©dicis, qui hĂ©berge l’AcadĂ©mie de France Ă  Rome, la Villa Giulia, le musĂ©e national Ă©trusque, et la Galerie Borghese oĂč sont rassemblĂ©s une plĂ©thore de superbes Ɠuvres d’art de l’époque hellĂ©nistique, de l’époque romaine, et des XVIe et XVIIe siĂšcles.  

On y arrive en continuant vers le nord depuis l’église de la TrinitĂ©-des-Monts. On passe devant la Villa MĂ©dicis, et on entre dans le parc par l’entrĂ©e principale situĂ©e au coin suivant. Prendre du temps pour se ballader dans le parc avant ou aprĂšs avoir visitĂ© la Villa Giulia (que je n’ai pas eu le temps de voir, mais oĂč se trouvent des piĂšces Ă©trusques magnifiques, que j’ai Ă©tudiĂ©es Ă  mes cours d’histoire de l’art) et/ou la Galerie Borghese.

La Galerie Borghese

Il faut impĂ©rativement rĂ©server ses billets d’entrĂ©e, sur le site de la Galerie ou sur d’autres sites de billetterie, pour Ă©viter les files. Les heures d’entrĂ©e sont fixĂ©es et ont lieu toutes les deux heures. Ce qui signifie qu’on est censĂ© visiter le Galerie Borghese en deux heures. Ce qui est d’ailleurs suffisants.

Les points forts sont une salle complĂšte dĂ©diĂ©e au Caravage, des Ɠuvres de RaphaĂ«l ( la Descente de Croix, et la Dame Ă  la Licorne, entre autres), et surtout ce qui constitue probablement les plus belles sculptures du Bernin, l’EnlĂšvement de Proserpine, le David du Bernin, et Apollon et DaphnĂ©. Ajoutons des Ɠuvres du PĂ©rugin, de Rubens, du CorrĂšge, de magnifiques piĂšces antiques, et ce superbe tableau flamand de Gerrit Van Honthorst, le Concerto, datant de 1653, reprĂ©sentant un groupe de musiciens en train de rĂ©pĂ©ter.
Le clou de la visite est pour moi, l’EnlĂšvement de Proserpine du Bernin. Cette Ɠuvre maniĂ©riste en marbre de Carrare occupe le centre d’une des piĂšces. On y voit Pluton soulevant Proserpine, qui se dĂ©bat et le repousse d’un bras, tandis que CerbĂšre, le chien Ă  trois tĂȘtes gardant les enfers, monte la garde. Deux traits de gĂ©nie dans cette Ɠuvre : la petite larme Ă  l’Ɠil de Proserpine, et surtout le rĂ©alisme des doigts de Pluton s’enfonçant dans la chair de la cuisse de Proserpine.

villa borghesesalle du caravage

raphael depositionconcerto

proserpine 1proserpine 2proserpine 3

PremiĂšre rangĂ©e : Ă  gauche, Villa Borghese ; Ă  droite, salle du Caravage
Seconde rangĂ©e : Ă  gauche, RaphaĂ«l, dĂ©position du Christ ; Ă  droite, Gerrit Van Honthorst, le Concerto
TroisiĂšme rangĂ©e : Le Bernin, l’EnlĂšvement de Proserpine, vue avant, vue arriĂšre et dĂ©tail

 

Le Caravage : 

artiste romain par excellence du dĂ©but de l’époque baroque Ă  Rome, il y a laissĂ© de nombreuses Ɠuvres.

Nous avons dĂ©jĂ  vu qu’on pouvait trouver de nombreuses Ɠuvres du Caravage Ă  la Galerie Borghese ainsi qu’aux pinacothĂšques du Vatican et du Capitole, mais on peut aussi entrer gratuitement dans certaines Ă©glises et y trouver des Ɠuvres du Caravage parmi ses plus cĂ©lĂšbres.


Le Caravage (Michelangelo Merisi)
NĂ© en 1571 Ă  Caravaggio - Mort en 11610 Ă  Porto Ercole

Le Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi, naĂźt Ă  Caravaggio en Lombardie en 1571. TrĂšs tĂŽt orphelin de pĂšre il grandit au sein d’une famille aisĂ©e.

Il entre en 1584 en apprentissage dans l’atelier du peintre Simone Peterzano Ă  Milan qu’il quitte au bout de quelques annĂ©es. C’est sans doute lĂ  qu’il acquiĂšre sa sensibilitĂ© pour le traitement rĂ©aliste, caractĂ©ristique de l’école lombarde de l’époque.

En 1592 il part pour Rome et rejoint l’atelier du peintre maniĂ©riste Cavalier d’Arpino oĂč il est chargĂ© de peindre des natures mortes de fleurs et de fruits, motifs qu’il utilisera toute sa vie et qui deviendront quasiment une marque de sa production artistique. Son style se rĂ©vĂšle et son talent se fait vite remarquer. N’ayant pas les moyens de payer des personnes pour poser, il peint en se servant de lui-mĂȘme comme modĂšle. (Le Jeune Bacchus malade, par exemple est un autoportrait. Ses tableaux rompent dĂ©jĂ  avec la tradition maniĂ©riste en proposant une lecture immĂ©diate de l’image oĂč le sujet, prit sur le vif, est figĂ© dans l’instant comme s’il avait Ă©tĂ© “photographiĂ©â€œ, concept visuel nouveau et inventĂ© par le jeune artiste.

Dans ses scĂšnes prĂ©sentant des personnages mythologiques, religieux ou traditionnels il s’écarte Ă©galement de la maniĂšre de la renaissance en les reprĂ©sentants sous l’apparence de personnes “rĂ©elles“, telles qu’il les rencontre dans son quotidien : sans aucune idĂ©alisation, souvent vĂȘtues de façon contemporaine et suggĂ©rant des traits de caractĂšre appartenant plus au modĂšle qu’au personnage reprĂ©sentĂ©.
Caravage aborde ensuite la peinture de genre qui deviendra grĂące Ă  lui un des thĂšmes majeurs du XVIIe siĂšcle. Son style arrive Ă  maturitĂ©, portant l’hĂ©ritage du maniĂ©riste pour la composition, de l’école lombarde pour le rĂ©alisme liĂ© Ă  l’utilisation de la couleur et de la lumiĂšre et de l’influence de peintres vĂ©nitiens tels que le Titien, Giorgione ou Lorenzo Lotto pour les ambiances intimes et nocturnes.

Si l’anticonformisme en peinture au dĂ©but du XVIIe siĂšcle consiste, sous l’influence des Carrache, Ă  s’éloigner du maniĂ©risme en se rapprochant du modĂšle classique de RaphaĂ«l et Michel-Ange, Caravage en propose un nouveau basĂ© sur l’étude de la rĂ©alitĂ©, tant au niveau du fond que de la forme, qu’il oppose Ă  l’étude traditionnelle du savoir. Ses personnages sont humains, dans leur apparence autant que dans leurs Ă©motions : la joie, le courage, la volontĂ©, la peur, la surprise, la violence, sont autant d’attributs dont le Caravage pare ses personnages et offre Ă  la lecture du spectateur.

Tant de nouveautĂ©s ne lui confĂšrent pas un accueil favorable de la part de la majoritĂ© des adeptes de l’art mais il est nĂ©anmoins soutenu par un certain nombre, conscient du gĂ©nie de l’artiste. Il reçoit alors de nombreuses commandes de la part de dignitaires religieux pour la dĂ©coration de leur chapelle.

A partir de 1600 environ il peint ses plus grands chefs-d’Ɠuvre et commence Ă  connaĂźtre la cĂ©lĂ©britĂ©.NĂ©anmoins son caractĂšre agressif et colĂ©reux finit par jouer en sa dĂ©faveur. Caravage est un homme violent, il se bat rĂ©guliĂšrement, sĂ©journe quelquefois en prison, et va mĂȘme jusqu’à tuer. Il aime s’habiller Ă  la maniĂšre des riches, et mĂȘme si ses vĂȘtements sont dĂ©chirĂ©s cela ne fait qu’ajouter Ă  son goĂ»t de l’exubĂ©rance et de la provocation.Contraint de partir de Rome pour fuir des reprĂ©sailles Ă  la suite d’un meurtre en 1606, il mĂšne alors une vie d’errance. Il se rĂ©fugie Ă  Naples oĂč il continue Ă  peindre pour des commanditaires privĂ©s.
Il part ensuite Ă  Malte en 1608 oĂč le Grand MaĂźtre de l’Ordre de Malte le fait Chevalier en hommage Ă  son talent. Il en est vite renvoyĂ©, en raison d’une altercation grave avec l’un des membres de l’Ordre. Il s’évade de prison et part pour la Sicile jusqu’en 1609. Il dĂ©cide ensuite de revenir en Italie oĂč le pape aurait abandonnĂ© les poursuites Ă  son Ă©gard et lui aurait pardonnĂ©.

C’est sur le chemin du retour, en Toscane, Ă  Porto Ercole, sur la presqu’üle de Monte Argentario, qu’il trouve la mort Ă  l’ñge de 39 ans. L’on ne sait pas s'il a succombĂ© Ă  une fiĂšvre alors qu’il traversait des marais sur la route de Rome ou si d’anciennes connaissances ont su profiter de son retour pour se venger d’affronts passĂ©s.Le Caravage aura laissĂ© aux gĂ©nĂ©rations suivantes un hĂ©ritage artistique des plus importants. Il a non seulement rompu avec la maniĂšre de son Ă©poque mais il a surtout permis Ă  l’art de prendre une direction nouvelle. Si Giotto et Masaccio qui ont permis l’évolution de l’image gothique Ă  la renaissance, Caravage a inventĂ© une grammaire et un vocabulaire pictural entiĂšrement nouveaux qui serviront de base Ă  la peinture baroque dans un premier temps mais Ă©galement Ă  tous les mouvements des siĂšcles Ă  venir dont l’objectif sera de rendre en image la vĂ©ritĂ© telle qu’on la voit et de l’interprĂ©ter avec toute la force de la passion mais sans aucun compromis.


Église Saint-Louis des Français :

SituĂ©e entre le PanthĂ©on et la Piazza Navona, c’est l’église nationale des Français Ă  Rome. La place qui l’entoure est d’ailleurs trĂšs imprĂ©gnĂ© de culture française, et on y trouve notamment la meilleure librairie française de Rome

L'Ɠuvre la plus cĂ©lĂšbre de l'Ă©glise est sans conteste le cycle de peinture ornant la cinquiĂšme chapelle de gauche, la chapelle Contarelli. Cet ensemble, rĂ©alisĂ© par Le Caravage de 1599 Ă  1602 sur une commande du cardinal Matthieu Contarelli, est consacrĂ© Ă  la vie de saint Matthieu. Trois tableaux illustrent ce cycle : Ă  gauche La Vocation de saint Matthieu, en face Saint Matthieu et l'Ange qui constitue le retable, et Ă  droite le Martyre de saint Matthieu.

vocation de saint mathieu
La vocation de Saint Mathieu
saint mathieu et l'ange
Saint Mathieu et l’ange
le marthyr de saint mathieu
Le martyre de Saint Mathieu

La basilique paroissiale Santa Maria del Popolo

Cette basilique se trouve sur la trĂšs belle Piazza del Popolo, au pied des jardins de la Villa Borghese. De cette place, on peut en passant entre les Ă©glises jumelles de Santa Maria in Montesanto et Santa Maria dei Miracoli, rejoindre le long Via del Corso pour rejoindre la Piazza Venezzia.

Dans cette basilique Santa Maria del Popolo, la chapelle Cesari comporte deux Caravage cĂ©lĂšbres datant de 1601 : sur le mur gauche, la Crucifixion de Saint Pierre, et sur le mur droit, la Conversion de Saint Paul.

Du cÎté opposé, on trouve aussi une chapelle réalisée par Raphaël, avec une trÚs belle coupole dont les mosaïques sont de Luigi de Pace (1516)

crucifixion de saint pierreConversion de saint paul
A gauche : Crucifixion de Saint Pierre. A droite : Conversion de Saint Paul.

piazza del popolo
Piazza del Popolo

 

Le Panthéon

Le PanthĂ©on romain se trouve dans le quartier situĂ© entre la Via del Corso et la Piazza Navona. Il fut construit au premier siĂšcle sur l’ordre de l’Empereur Agrippa. EndommagĂ© par plusieurs incendies, il fut reconstruit sous Hadrienau dĂ©but su second siĂšcle. Il Ă©tait un temple dĂ©diĂ© Ă  toutes les divinitĂ©s antiques.

Au VIIe siĂšcle, il fut converti en Ă©glise, et abrite aujourd’hui les tombeaux de personnages cĂ©lĂšbres, tels que le peintre RaphaĂ«l, dĂ©cĂ©dĂ© Ă  Rome en 1520, le premier roi d’Italie Victor Emmanuel II et le roi Umberto I.

La place située devant le Panthéon est trÚs animée et constitue un endroit agréable pour y manger en soirée.

le pantheoncoupole du pantheon

tombeau de raphael
Tombeau de Raphaël
tombeau de victor emmanuel IItombeau d'umberto I

 

 

CALYPSO đŸŽ¶ Cette fille lui a fait le coup du sang chaud đŸŽ¶

ulysse et calypso dans la caverne
Jan Brueghel l’Ancien – caverne fantastique avec Ulysse et Calypso, vers 1616

 

Quand, dans l’OdyssĂ©e, Ulysse quitte Troie pour rentrer dans son Ăźle grecque d’Ithaque, il part pour 10 ans d’errance sur la mer, Ă  cause du courroux de Poseidon, aprĂšs qu’Ulysse ait aveuglĂ© son fils, le cyclope PolyphĂšme. Parmi ses mĂ©saventures, Ulysse fera naufrage dans le dĂ©troit de Messine. Il dĂ©rivera durant neuf jours sur l’épave de son bateau jusqu’à l’üle d’Ogygie oĂč il rencontre la reine de l’üle, la nymphe Calypso. Celle-ci, autre piĂšge de Poseidon, tombera Ă©perdument amoureuse d’Ulysse et le gardera prisonnier pendant 7 ans dans sa grotte. HermĂšs, l’envoyĂ© de Zeus viendra finalement le dĂ©livrer et Ulysse naviguera encore 19 jours avant d’atteindre Ithaque. Sur ses 10 annĂ©es d’errance, Ulysse en aura donc passĂ© 7 avec Calypso. 
Au dĂ©but de l’époque hellĂ©nistique dĂ©jĂ , soit au IIIe siĂšcle avant notre Ăšre, les Ă©rudits de la bibliothĂšque d’Alexandrie, localisaient Ogygie comme Ă©tant l’üle actuelle de Gozo, la seconde Ăźle de l’archipel de Malte, et sur laquelle nous nous trouvons pour une semaine. La tradition touristique faisant le reste, la grotte de Calypso se trouverait sur la cĂŽte nord de l’üle. C’est une petite grotte pas trĂšs spectaculaire situĂ©e Ă  l’ouest de la plage de sable dorĂ© de la baie de Ramla.

mixta cave gozo
La baie de Ramla vue de la grotte de Mixta

 

C’est cette plage qu’on aperçoit sur cette photo, prise depuis une autre grotte beaucoup plus grande et belle, la grotte de Mixta, situĂ©e Ă  l’est de la plage, et des hauteurs de laquelle on jouit d’une vue Ă  couper le souffle sur la cĂŽte, tant vers l’est que vers l’ouest. 
Bien Ă©videmment l’attribution de Gozo Ă  Ogygie est sujette Ă  caution. En 1924, l’hellĂ©niste et diplomate français, Victor BĂ©rard, le premier traducteur francophone de l’OdyssĂ©e, a tentĂ© de situer tous les lieux citĂ©s par HomĂšre, au VIIIe siĂšcle avant notre Ăšre, et localisait plutĂŽt Ogygie prĂšs des cĂŽtes marocaines. Les progrĂšs faits depuis en archĂ©ologie, indiquent que la localisation de BĂ©rard n’est pas plus crĂ©dible, car il a utilisĂ© des techniques maritimes modernes pour situer des endroits oĂč Ulysse aurait naviguĂ© au moment de la guerre de Troie. Il est d’ailleurs beaucoup plus probable, que malgrĂ© les nombreux dĂ©tails de navigation mentionnĂ©s dans l’OdyssĂ©e, tous ces endroits ne furent que purement mythiques. 
Quoiqu’il en soit, la tradition ayant fait son chemin, Ogygie est maintenant communĂ©ment associĂ©e Ă  Gozo. 
Et donc, quand un dragueur de mine de la Royal Navy, entiĂšrement en bois, construit dans les chantiers navals de Seattle, et prenant du service en 1943 Ă  Malte, est converti aprĂšs guerre en transbordeur entre l’üle de Malte et sa petite sƓur Gozo, on dĂ©cide de le renommer Calypso.
La Calypso est rachetĂ©e en 1950 par le milliardaire irlandais Thomas Guinness, qui trĂšs vite accepte de la louer au Commandant Jacques-Yves Cousteau pour la somme symbolique d’un franc par an. La suite est bien connue. La Calypso est transformĂ©e en navire ocĂ©anographique. Elle fera naufrage en 1996, un an avant la mort de Cousteau. RenflouĂ©e, tout comme Ulysse, elle errera de port en port pour ĂȘtre restaurĂ©e. Elle se trouve actuellement Ă  Izmir en Turquie, oĂč on a conservĂ© le savoir faire pour restaurer des bateaux en bois de cette Ă©poque. Elle est encore en cours de restauration, aprĂšs avoir subit des pillages en France et un incendie en Turquie, alors que sa nouvelle coque en bois Ă©tait presque terminĂ©e. Poseidon, dĂ©cidĂ©ment, s’acharne encore et toujours.

(Infos sur la restauration de la Calypso sur le site cousteau.org)

calypso cave
Grotte de Calypso (actuellement effondrée) à l'ouest de la baie de Ramla
bateau calypso
La Calypso de Jacques-Yves Cousteau

 

calypso dragueur de mines
Dragueur de mine identique Ă  la Calypso pendant la seconde guerre mondiale
calypso a concarneau
La Calypso dans le port de Concarneau avant son transfert Ă  Izmir