48828092843 2abc69a024 b

 

  • Charles et Désirée Hérin
  • Charles et Désirée Hérin
    Charles et Désirée Hérin

    Charles et Désirée Hérin

    Ça c'est la photo de mon grand-père paternel, Charles Hérin, quelques temps avant sa mort en 1939, en uniforme de major. La petite photo dans le coin droit est celle de ma grand-mère paternelle, Désirée Hérin-Bischops, également quelques temps avant sa mort en 1956. Lui, je ne l'ai donc pas connu, étant né en 1950. Elle, je l'ai connue "un peu". Je l'appelais "petite bobonne" pour la distinguer de mon autre grand-mère que j'appelais "grosse bobonne".
  • Charles Hérin - 62 ans
  • Charles Hérin - 62 ans
    Charles Hérin - 62 ans

    Charles Hérin - 62 ans

    La même photo de plus près. Il est mort à 62 ans. Il paraissait beaucoup plus vieux. Je pense qu'il est mort d'une intoxication à la céruse ou un truc ainsi.
  • Septème de Ligne à Bourg Léopold
  • Septème de Ligne à Bourg Léopold
    Septème de Ligne à Bourg Léopold

    Septème de Ligne à Bourg Léopold

    Mon grand-père est né en 1877 à Dampicourt, en Gaume. Il était fils de cultivateurs. Ses parents possédaient une assez grosse ferme à Couvreux près de Virton. Il était doué et je crois qu'il a fait toutes ses études secondaires, ou presque du moins, avant de rejoindre l'armée et d'y suivre une instruction qui sans doute le rendra sous-officier. Ici, on voit qu'il est en 1906 (le timbre au verso le montre), au champ de tir de Beverloo, près de Bourg Léopold. A ce moment, comme l'indique le verso de la carte, il habite à Berchem-Anvers car il est affecté au 7ème de ligne (infanterie) caserné à Anvers, et faisant partie de la 2ème division armée commandée par Émile Dossin de Saint-Geaorges.
  • Verso de la carte de Bourg Léopold
  • Verso de la carte de Bourg Léopold
    Verso de la carte de Bourg Léopold

    Verso de la carte de Bourg Léopold

    Le verso de la carte précédente. On est donc en 1906. Ils habitent, sa femme Désirée et lui à Berchem-Anvers, où mon père, leur premier enfant, naîtra un an plus tard, le 23 mai 1907.
  •  
  • Avec mon père vers 1911
  • Avec mon père vers 1911
    Avec mon père vers 1911

    Avec mon père vers 1911

    Les voici tous les trois. Manifestement, mon père doit avoir entre 3 et 4 ans. C'est donc toujours avant la guerre.
  • Avec mon père en 1912
  • Avec mon père en 1912
    Avec mon père en 1912

    Avec mon père en 1912

    1912. Mon père a 5 ans. On est donc encore deux ans avant le début de cette guerre. Sans doute toujours à Berchem-Anvers. Il m'est impossible de dire quel est le grade de mon grand-père. Je ne comprends pas les insignes de ces uniformes.
  • Désirée et mon père (9 ans) - Calais 1916
  • Désirée et mon père (9 ans) - Calais 1916
    Désirée et mon père (9 ans) - Calais 1916

    Désirée et mon père (9 ans) - Calais 1916

    Là, c'est 1916. On verra sur les cartes postales suivantes que mon grand-père, à l'époque sous-lieutenant au quartier général du 7ème de ligne, entretemps dédoublé en 7ème de ligne mixte du fait de la conscription, encore appelé 7ème brigade mixte, est basé à Calais, assez loin derrière la ligne de front qui s'est arrêtée à l'Yser. C'est le repli de la 2ème division de Dossin de Saint-Georges après la prise d'Anvers par les Allemands vers Gand, puis la décision de replier toute l'armée belge derrière l'Yser, qui les a amenés là. Il semble que ce soit à ce moment que le 7e de ligne passe sous les ordres du Lieutenant-Général Bernheim Les troupes de du 7e de ligne ont largement contribué à organiser le débordement des écluses de l'Yser et les inondations qui en ont résultées, pour stopper l'avance allemande définitivement sur ce front occidental, en 1914, malgré d'autres batailles sanglantes à Ypres en 1915. On ne trouve aucune trace de ces événements de 1914 dans ce qui me reste des archives de mon grand-père.La famille semble réunie à Calais, mais mon grand-père étant lieutenant payeur de son régiment, se rend fréquemment sur la ligne de front (en périodes d'accalmies !) pour payer la solde des troupes. Ce qui donnera lieu à un échange de cartes postales entre lui, son épouse et mon père, que nous verrons plus loin. Cette photo est manifestement une photo studio prise par un professionnel.
  • Mon père (10 ans) - Calais 1917
  • Mon père (10 ans) - Calais 1917
    Mon père (10 ans) - Calais 1917

    Mon père (10 ans) - Calais 1917

    Là, c'est 1916. On verra sur les cartes postales suivantes que mon grand-père, à l'époque sous-lieutenant au quartier général du 7ème de Mon père grandit. 1917. Toujours à Calais. Nous verrons sur les cartes postales, que vers la seconde moitié de 1917, ma grand-mère et mon père ont émigré à Rouen. Mon père m'a toujours dit qu'il avait fait une partie de l'école primaire à Saint-Lô, dans le Cotentin. C'est bizarre, je n'en trouve pas de trace.
  •  

    Là, et sur les deux photos suivantes, c'est mon grand-père, sans doute vers 1915. Il devait être sous-lieutenant, comme les cartes postales l'indiquent. Mais la jugulaire de cuir fait penser à un sous-off.
  •  
  •  

    Le brassard noir, je ne sais pas pourquoi. Sans doute la mort d'un officier. Je doute qu'il ait pu porter le deuil d'un membre de la famille sur son uniforme. De toutes façons, je ne sais pas quand ses parents sont morts. Ça doit figurer dans les archives généalogiques collectées par mon oncle et mon frère. Mais je dois dire que moi, ça ne m'importe peu de le savoir. Je n'ai aucunement le culte de la famille.
  • Médaille de l'Yser
  • Médaille de l'Yser
    Médaille de l'Yser

    Médaille de l'Yser

    Les officiers comme mon grand-père, à l'état major du 7e de ligne comme sous-lieutenant payeur, n'allaient sur la ligne de front qu'en période calme. Toutefois, en tant qu'officiers, on les décorait à qui mieux mieux. En voici quelques exemples. La médaille de l'Yser sera quand même décernée à tous les combattants des différentes batailles de l'Yser, notamment à Dixmuide, à Ypres, à Nieuwskapelle ...
  • Médaille du courage civique
  • Médaille du courage civique
    Médaille du courage civique

    Médaille du courage civique

    Une médaille pour courage civique. Il aurait empêché un gamin de se faire renverser par un véhicule.
  • 15 ans
  • 15 ans
    15 ans

    15 ans

    La médaille pour 15 ans d'ancienneté. Celle de 10 ans, ne dispose pas du V.
  • Médaille de la victoire
  • Médaille de la victoire
    Médaille de la victoire

    Médaille de la victoire

    Médaille de la "victoire". Je mets "victoire" entre guillemets, car je pense fermement que le traité de Versailles de 1919 a rendu l'Allemagne exsangue, et conduira immanquablement à la montée du nazisme. Ce ne fut donc en aucune manière une victoire, mais un prélude à la seconde guerre mondiale. La couardise de Daladier et de Chamberlain, lors des accords de Munich de 1938 fera le reste.
  • Médaille du front
  • Médaille du front
    Médaille du front

    Médaille du front

    La médaille du front, avec Albert casqué à l'avers. Les quatre barrettes m'interpellent. La première barrette signifiait une année au front. Chaque barrette suivante, pour 6 mois. Cela fait donc ici deux ans et demi. Il y était à coup sûr de 1915 à 1917. Et le reste du temps ?
  • Ordre de la Couronne
  • Ordre de la Couronne
    Ordre de la Couronne

    Ordre de la Couronne

    Officier (rosette) de l'Ordre de la Couronne, ordre institué par le négrier Léopold II, ayant plus oeuvré à la gloire du pneumatique Michelin qu'au développement digne et harmonieux de la nation congolaise.
  • Ordre de Léopold Ier
  • Ordre de Léopold Ier
    Ordre de Léopold Ier

    Ordre de Léopold Ier

    Mon grand-père avait ceci de commun avec Charles Aznavour et Stéphane Bern, c'est qu'il était officier (rosette) de l'Ordre de Léopold Ier. Avec glaives sous le ruban, car militaire.
  • Croix militaire de seconde classe
  • Croix militaire de seconde classe
    Croix militaire de seconde classe

    Croix militaire de seconde classe

  • Croix de guerre
  • Croix de guerre
    Croix de guerre

    Croix de guerre

    Deux croix de guerre (pourquoi deux, je ne sais pas). Un lion pour une citation à l'ordre du régiment. Une palme pour une citation à l'ordre de l'armée.
  •  

    Les "charmantes" cartes postales patriotiques de l'époque. Recto de l'une d'elles. Voyons maintenant quelques-unes provenant des échanges de mon grand-père avec son épouse et son fils.
  • Cartes postales
  • Cartes postales
    Cartes postales

    Cartes postales

    J'ai retrouvé toute une série de cartes postales de correspondance entre mon grand-père, son épouse Désirée et mon père. Ils habitent Calais, bien qu'ils semblent déménager plusieurs fois. Lui, il est sous-lieutenant payeur au 7e de ligne, IIIe bataillon. Régiment faisant partie de la 1ère division dirigée par le général Bernheim. Après la chute d'Anvers, le régiment de mon grand-père a sans doute rallié cette division une fois derrière l'Yser.. Mon père m'a souvent parlé de Bernheim. Il semble qu'il soit venu manger chez eux de temps en temps. Le rôle de mon grand-père est d'aller payer la solde des troupes au front pendant les périodes d'accalmies. On verra donc des ruines sur son trajet depuis Calais quand il se rend sur la ligne de front entre Ypres et Dixmude, et des militaires dans les tranchées, qui semblent particulièrement calmes, car cela se passe toujours en dehors des combats. Il faut dire que je trouve des traces de ces correspondances entre octobre 1915 et fin 1917, c'est à dire après les batailles d'Ypres et le début de l'offensive générale commandée par Foch. Je ne trouve pas de correspondance ni de 1914, ni de 1918. En 1914, étant initialement basé à Anvers, il a assurément suivi l'armée jusque derrière l'Yser, mais peut-être avec sa famille sans participer au front. A-t-il participé à l'offensive de 1918 ? Je n'en sais rien. Cette période 1915-1917 expliquerait le nombre de barrettes sur sa médaille du front. Sur cette carte et sur les suivantes, on peut lire les banalités des échanges, qui se limiteront toujours à prendre des nouvelles de la famille, des résultats scolaires ... comme si le front n'existait pas. A aucun moment ni mon grand-père, ni ma grand-mère ne semblent affectés par ce qui se passe sur le front. Et pourtant même si à cette date du 1er octobre 1915, les principales batailles de l'Yser et d'Ypres sont terminées, le front continue a être actif pour contenir des tentatives allemandes. Tentatives devenues difficiles à cause de la région complètement inondée par le débordement intentionnel de l'Yser. Ici toutefois, et ce sera le seul cas, on fait allusion à un fait de guerre. Ma grand-mère se dit contente que la convalescence du Général Bernheim se passe bien. Bernheim, en effet, deux mois après le fin de la seconde bataille d'Ypres en 1915, sera assez grièvement blessé par un shrapnel. Il retournera au front après une convalescence de deux mois. Nous sommes donc à ce moment là. Le SM semble remplacer le timbre non-obligatoire pour les militaires en campagne.
  •  

    Nous sommes quelques jours plus tard. Courrier toujours aussi banal. Comme si rien de grave ne se passait. Mon grand-père appartient au IIIe bataillon du 7e de ligne. Le A86, je ne sait pas ce que c'est. Il semble que ce soit l'adresse postale codifiée des casernements des troupes J'ai vu ailleurs des A26 ou des A302.
  • Voeux pour l'année 1916
  • Voeux pour l'année 1916
    Voeux pour l'année 1916

    Voeux pour l'année 1916

    Voeux à la fin 1915. "J'espère que tu seras bien rentré". Je suppose que cela signifie "bien rentré au quartier général" pour y fêter le réveillon ...
  • Réveillon de Noël 1915 des officiers
  • Réveillon de Noël 1915 des officiers
    Réveillon de Noël 1915 des officiers

    Réveillon de Noël 1915 des officiers

    ... car entre officiers, on ne s'emmerdait pas, malgré la guerre. Réveillon 6 services, avec huîtres, raie, dinde ... Quant à Pollinkhove (et non Pollinckhove), il ne s'agit pas d'un plat mais, suivant immédiatement la date 1915, il s'agit assurément du lieu où est organisé le réveillon. Pollinkhove fait aujourd'hui partie de l'entité de Lo-Reninge, un peu au nord de Vleteren, dans le Westhoek. Il y a en effet de nombreux témoignages anciens sur internet décrivant Pollinkhove comme lieu de casernement. Dont celui-ci: horizon14-18.eu/wa_files/Carnet_de_Campagne_20JM.pdf. On sait donc maintenant où se trouvait ce fameux quartier général d'où mon grand-père partait payer la solde des soldats au front. Le dos du menu est nominatif "Guerre 1914-15, Sous-Lieutenant Hérin".
  • Carte de voeux d'un autre militaire adressée à mon grand-père pour le 1er janvier 1916.
  • Carte de voeux d'un autre militaire adressée à mon grand-père pour le 1er janvier 1916.
    Carte de voeux d'un autre militaire adressée à mon grand-père pour le 1er janvier 1916.

    Carte de voeux d'un autre militaire adressée à mon grand-père pour le 1er janvier 1916.

  • 7 août 1916
  • 7 août 1916
    7 août 1916

    7 août 1916

    7 août 1916 - Nouvelle lettre banale de mon grand-père à mon père (tous deux s'appelaient Charles). On parle d'une petite maladie de mon père et de la distribution des prix. Il a alors 9 ans. Il faut dire que le courrier devait être ouvert, que tout était lu et censuré. Il était donc difficile de ne pas être banal. Mais quand même. Pas un mot de ce qui se passe ni au casernement, ni au front. Même pas une petite anecdote. Le recto de la carte présente les nouveaux uniformes de l'armée belge.
  • 23 mars 1917
  • 23 mars 1917
    23 mars 1917

    23 mars 1917

    23 mars 1917 - Mon grand-père annonce qu'il va venir les voir à Calais. Remarquons que l'adresse n'est plus la même depuis août 1916, et que mon père appelle ses parents Père et Mère, malgré qu'ils se tutoient et que ceci ne traduit aucunement un manque d'affection.
  • 21 avril 1917
  • 21 avril 1917
    21 avril 1917

    21 avril 1917

  • Fin 1917 à Rouen
  • Fin 1917 à Rouen
    Fin 1917 à Rouen

    Fin 1917 à Rouen

    Toute fin 1917. Manifestement mon grand-père a été promu lieutenant. Et ma grand-mère et mon père ont été "reculés" à Rouen. De A86, on est passé à D96. Le recto montre une vue des villas de Sainte-Adresse. Sainte-Adresse, station balnéaire juste à côté du Havre, était la capitale de la Belgique de 1914 à 1918, cédée à bail à la Belgique par la France pour que le gouvernement belge ne soit pas considéré comme en exil. Le gouvernement Charles de Broqueville occupait l'« immeuble Dufayel », construit par Georges Dufayel en 1911. Il y avait environ 1000 fonctionnaires répartis en différents lieux de la ville. de Broqueville n'y était pas souvent car il allait voir régulièrement le Roi Albert, qui ne logera jamais à Sainte-Adresse mais gardera son quartier général en Belgique non occupée, à La Panne. Donc manifestement, vers fin 1917, mon grand-père, devenu lieutenant a rejoint la "capitale" belge, et sa famille habite Rouen, toute proche.
  • Sainte-Adresse,
  • Sainte-Adresse,
    Sainte-Adresse, "capitale belge"

    Sainte-Adresse, "capitale belge"

    Le recto de la carte de l'image précédente montrant les villas de la "capitale belge" de Sainte-Adresse.
    La petite ville de Sainte-Adresse, sur la côte normande, est d'ailleurs assez bien connue des amoureux de la peinture, puisque c'est là qu'iront vivre les parents de Claude Monet avec leur famille. Claude Monet, né à Paris passera donc son enfance et son adolescence à cet endroit.
  • Autre carte - même jour
  • Autre carte - même jour
    Autre carte - même jour

    Autre carte - même jour

    Autre carte envoyée à Rouen depuis Sainte-Adresse. Le recto montre cette fois la rue de Paris au Havre. Le texte est tout aussi court. N'étant plus au front, mon grand-père voyait sans doute beaucoup plus régulièrement sa famille, et leur envoyait des cartes postales pour le plaisir de leur montrer des vues du Havre et de Sainte-Adresse. Cette carte est d'ailleurs datée du même jour que la précédente, ce qui semble confirmer ce que je pense.
  • Photos des tranchées de l'Yser et du Westhoek
  • Photos des tranchées de l'Yser et du Westhoek
    Photos des tranchées de l'Yser et du Westhoek

    Photos des tranchées de l'Yser et du Westhoek

    On entame ici une sélection des nombreuses photos prises par mon grand-père lorsqu'il se rendait aux tranchées pour payer la solde des militaires, ou quand on les voit dans leurs quartiers entre officiers, à l'arrière du front. Ici, une légende à l'arrière stipule juste "Vue vers l'ennemi".
  •  

    Ferme détruite par les bombardements. Endroit inconnu.
  • Blessé
  • Blessé
    Blessé

    Blessé

    Mon grand-père a été blessé. La date est incertaine (1915 ou 1916). Cela n'a pas été très grave à première vue. Je dispose de plusieurs photos à l'hôpital. Cela semble avoir été une blessure à la jambe. Ici, on le voit en convalescence en compagnie d'un de ses camarades d'hôpital, sans doute. Il ne quittera plus jamais cette canne.
  • Bombardements
  • Bombardements
    Bombardements

    Bombardements

  •  
  • Église Sint Vedastus à Reninghelst
  • Église Sint Vedastus à Reninghelst
    Église Sint Vedastus à Reninghelst

    Église Sint Vedastus à Reninghelst

    Un seul mot au verso. "Reninghelst". Pas de date. Ce village se trouve aujourd'hui dans l'entité de Poperingue. Il n'a jamais été occupé par l'armée allemande mais a été abondamment bombardé. L'église Sint Vedastus a été quasi entièrement détruite. Il s'agissait d'un lieu de passage des troupes se rendant ou revenant du front des batailles d'Ypres.
  • Piqué du nez
  • Piqué du nez
    Piqué du nez

    Piqué du nez

    Légende au crayon au verso "Nieuport - Piqué du nez durant un combat - l'aviateur est sauf et se trouve à droite"
  • Piqué du nez (2)

  • Tombe d'un soldat sénégalais
  • Tombe d'un soldat sénégalais
    Tombe d'un soldat sénégalais

    Tombe d'un soldat sénégalais

    Celle-ci et les deux suivantes : "cimetière africain - la croix du fusil avec la faulx indique la tombe d'un sénégalais". Tombes on ne peut plus primitives, au milieu des trous d'obus, alors que des cimetières entiers allaient être construits derrière l'Yser pour les combattants belges, anglais et français.
  • Nouvelles tombes
  • Nouvelles tombes
    Nouvelles tombes

    Nouvelles tombes

    On creuse les tranchées, ou des tombes. Les officiers observent.
  • Inspection
  • Inspection
    Inspection

    Inspection

    Inspection d'officiers - tout le monde en grande tenue de fantassin. Le gars à cheval, ce pourrait être Albert, mais je n'en suis pas sûr. Remarquons la présence du gendarme, dont le rôle est de veiller à ce que personne ne se défile quand il s'agit de monter à l'attaque.
  •  
  • Carte postale idéalisant les tranchées pendant la remise du courrier
  • Carte postale idéalisant les tranchées pendant la remise du courrier
    Carte postale idéalisant les tranchées pendant la remise du courrier

    Carte postale idéalisant les tranchées pendant la remise du courrier

  •  

    Insouciance de jeunes officiers à la caserne de Pollinkhove. Mon grand-père est assis à droite.
  • 25 mai 1915
  • 25 mai 1915
    25 mai 1915

    25 mai 1915

    " 25 mai 1915 - Visite d'adieu au brave capitaine-commandant Barniat, blessé et partant se faire opérer à Paris". Mon grand-père est vraisemblablement le barbu debout à droite du prêtre. Il a porté la barbe pendant un temps.
  • Mai 1915
  • Mai 1915
    Mai 1915

    Mai 1915

    " Mai 1915. On fêtait à la ferme Claeys la nomination du (nouveau) commandant".
  • Elisabeth visite les tranchées
  • Elisabeth visite les tranchées
    Elisabeth visite les tranchées

    Elisabeth visite les tranchées

    Cette photo et la suivante : "Visite de la Reine Elisabeth dans les tranchées du front de l'Yser".
  • Elisabeth visite les tranchées (2)

  • À propos de la façon dont les officiers traitent les troupes
  • À propos de la façon dont les officiers traitent les troupes
    À propos de la façon dont les officiers traitent les troupes

    À propos de la façon dont les officiers traitent les troupes

    Je ne sais pas d'où sort cette découpe de presse ni de quand elle date. Elle accompagnait une des décorations de mon grand-père. Vraisemblablement découpée par mon père. Elle parle spécifiquement du Roi Albert, et est assez révélatrice de ce que nous savons maintenant s'être passé au niveau des officiers supérieurs français, mais, semble-t-il également belges : "Jamais il ne déléguera ses pouvoirs militaires. Pourquoi ? Parce qu'il a observé, AVEC HORREUR, comment certains gé…
  • Devenu apiculteur
  • Devenu apiculteur
    Devenu apiculteur

    Devenu apiculteur

    Retraité, assez vite malade par ce qui semble être un empoisonnement du à la céruse, à cause d'une blessure mal soignée, mon grand-père se découvrira une passion pour l'apiculture dans la maison du 69 avenue du Val d'Or, à Woluwé-Saint-Pierre, où j'ai moi-même passé les huit premières années de ma vie.

     

     

    fullsizeoutput 5460

    Marie Gouze, dite 𝑶𝒍𝒚𝒎𝒑𝒆 𝒅𝒆 𝑮𝒐𝒖𝒈𝒆𝒔
    𝐴𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐷𝑒́𝑐𝑙𝑎𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑖𝑡𝑜𝑦𝑒𝑛𝑛𝑒, 𝑚𝑖𝑙𝑖𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙'𝑎𝑏𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙'𝑒𝑠𝑐𝑙𝑎𝑣𝑎𝑔𝑒, 𝑠𝑒𝑐𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒 𝑔𝑢𝑖𝑙𝑙𝑜𝑡𝑖𝑛𝑒́𝑒 𝑒𝑛 𝐹𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒, 𝑙𝑒 3 𝑛𝑜𝑣𝑒𝑚𝑏𝑟𝑒 1793, 𝑎̀ 45 𝑎𝑛𝑠, sous une Première République qui n’a jamais vu le jour

    (Jusqu’à quand fallut-il attendre ?)

    Née dans une famille bourgeoise de Montauban, fille naturelle du poète et auteur dramatique Lefranc de Pompignan, mariée à 17 ans et veuve un an plus tard, elle quitte Montauban et monte à Paris, où son éducation bourgeoise et sa filiation connue avec Lefranc, lui ouvre l'accès aux milieux littéraires et lui permit très tôt d’embrasser l'esprit des Lumières, et de s’ouvrir à une carrière littéraire. Elle ne se remaria jamais, afin de garder sa liberté littéraire, et considérant de toute façon le mariage religieux comme le tombeau de la confiance et de l’amour.
    Dès 1788, elle propose dans ses écrits un vaste programme de mesures sociales, et notamment le projet d’impôt patriotique. Très vite elle sera interpellée par le sort des esclaves noirs des colonies. Elle écrira qu’elle est graduellement passée de l’idée générale en vigueur que la nature même du Noir le rendait inférieur à la conviction que c’était la nature humaine avide de profit qui transformait le Noir en être inférieur. Bien que n’ayant pas voyagé elle-même dans les colonies françaises, ce sont principalement ses longues discussions avec des personnes qui seront les fondateurs de la société des Amis des Noirs qui forgeront ses convictions. Parmi ceux-ci La Fayette, Pétion, Lavoisier, la Rochefoucauld, et plus tard l’Abbé Grégoire, et surtout Jacques Brissot, qui connaissait sans doute le mieux la question, de par ses voyages à Londres, où il a fréquenté la Société de l’abolition de la traite des Noirs, et ses voyages aux jeunes Etats-Unis, où il rencontrera notamment George Washington par l’entremise de La Fayette. Olympe de Gouges a écrit plusieurs essais sur la condition des Noirs dans les colonies, et en particulier à Saint-Domingue, ainsi que deux pièces : Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage, en 1784, et le Marché des Noirs, en 1790. 
    Dans les premiers temps de la révolution, l’époque de la démocratisation de la société, beaucoup de ces démocrates étaient amis et étaient membre du Club des Jacobins, tels que Brissot précisément, Pétion également, et bien sûr Maximilien de Robespierre, qui n’a jamais appartenu à la société des Amis des Noirs, mais en partageait largement les idées.
    En 1791, Antoine Barnave surtout fut sa cible favorite. Barnave avec Adrien Duport et Alexandre de Lameth formèrent ce qu’ils appelèrent le « triumvirat » et se placèrent à l’extrême-gauche de l’Assemblée Constituante. Ses talents d’orateur eurent une influence funeste sur l’Assemblée. Il commencera par écarter Mirabeau et La Fayette qui risquaient de lui disputer le pouvoir. Il désirait en finir au plus vite avec la révolution, défendant l’inviolabilité de la personne du Roi, et le maintien d’un droit de véto aménagé. Surtout il était un ardent défenseur des colons et du maintien de l’esclavage, ce qui lui valut les foudres d’Olympe de Gouges, et de la gauche de l’Assemblée, en particulier Robespierre et Brissot. Dans cette Assemblée, siègent principalement deux partis de gauche, les Montagnards, dont Robespierre, Danton et Marat (car ils occupent les bancs du haut de l’amphithéâtre, et les Brissotins, partisans de Brissot, qui seront appelés bien après la révolution, les Girondins, car la plupart des premiers députés de ce parti, dont Vergniaud étaient originaires de la Gironde. Barnave, lui, critiqué par la gauche, quitta les Jacobins pour fonder le club, puis le parti des Feuillants, qui, après les émeutes du Champs-de-Mars des 16-17 juillet 1791, prendra de plus en plus d’ascendant sur l’Assemblée, faisant craindre la fin de l’évolution démocratique, et favorisant l’adoption de la première Constitution, votée le 3 septembre 1791 (donc après la fuite à Varennes en juin 1791), et approuvée par le roi. Elle définit la notion de Nation, qui est l’Assemblée constituée de 745 membres et le roi. Elle refuse le bicaméralisme. Le droit de véto du roi est maintenu, mais il devient suspensif et il ne peut retarder de plus de six ans (!) l’application d’une loi votée. Les ministres restent nommés par le roi, et surtout, point le plus attaqué par Olympe de Gouges, outre le fait que Barnave soutient les négriers, le scrutin reste purement censitaire. Ce qui signifie que seuls les « citoyens actifs », ceux qui ont les moyens financiers de payer le cens (l’impôt) peuvent participer aux élections. Les pauvres, et bien évidemment les femmes sont exclues du droit de vote. La France compte alors 28 millions d’habitants et seuls 4 millions d’hommes ont le droit de vote.

    Cette première constitution ne peut convenir aux plus démocrates de l’Assemblée, et elle sera d’ailleurs très vite attaquée. Il n’empêche, à mon avis, que l’esprit de ce que sera cette Révolution Française y est déjà présent. Cette révolution sera une révolution bourgeoise, de petits notables de province qui finiront par s’écharper entre eux dans le sang, et le peuple sera dupé en en fera les frais, et pour longtemps. Mais continuons. Deux jours à peine après le vote de cette Ière Constitution infamante, Olympe de Gouges rédigea le texte de la Déclaration des droits des femmes et des citoyennes, qu’elle adressa à Marie-Antoinette. Ce texte, pastiche volontaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne deviendra bien évidemment jamais un texte officiel, puisqu’il fut refusé par le Convention. Il n’empêche qu’il constitue la première déclaration jamais écrite de l’universalité des droits humains.
    Les seules victoires féministes obtenues par Olympe de Gouges furent l’autorisation faite aux femmes à participer à des cérémonies à caractère politique : la fête de la loi, et la commémoration de la prise de la Bastille, à partir de 1792.Dans le conflit qui opposait dès 1792 les Montagnards aux Girondins, elle pris tout d’abord le parti des premiers, de Robespierre et de Marat, contre Brissot, Vergniaud, Condorcet. Les deux sujets principaux de ce conflit était la guerre offensive, voulue par les Girondins, contre l’ennemi extérieur dans le but de préserver la République, alors que les Montagnards voulaient préserver la paix. Et d’autre part la volonté ferme des Montagnards de conserver un pouvoir unique et centralisé, alors que les Girondins privilégiaient une forme de confédération avec une grande partie des pouvoirs de décision laissés aux départements. C’est sur le point de la guerre qu’Olympe de Gouges se ralliait à la cause des Montagnards, déclarant ne pas être fâchée contre les idées de Brissot, mais qu’il y avait un fossé entre les idées sur papier et l’utopie de leur réalisation concrète, sans que cela ne crée encore d’avantage le malheur du peuple français. Mais vinrent les massacres de septembre, du 2 au 7 septembre 1792, lors desquels quelques Montagnards de la Convention exhortèrent le peuple aux pires exactions, jusque dans les prisons à Paris et en province, faisant environ 1500 morts, le tout dans un climat de crainte d’invasion austro-prussienne et de révoltes dans les provinces. Olympe de Gouges en fut particulièrement choquée et en voua une haine sans borne à Marat, qu’elle taxa « d’avorton de la Révolution ». A titre personnel, je ne lui donne pas tort. Marat était un petit médecin médiocre et un physicien raté, dont les expériences faisaient sourire Benjamin Franklin, alors ambassadeur des Etats-Unis en France. Marat, originaire de la principauté de Neuchâtel (devenu aujourd’hui canton suisse de Neuchâtel) est le prototype de ces petits notables de province assez médiocres, devenus épris de liberté quand la Révolution commence. C’est à dire qu’ils y voient l’opportunité de plus de libertés, de plus de privilèges pour leur condition, eux les bourgeois, par rapport à la noblesse. L’adoption de la première constitution en est un témoignage. Marat figure parmi les plus acharnés d’entre eux. Il est de ceux-là qui feront échouer la Révolution Française, avec toutes les conséquences politiques et économiques qui en découleront pendant près d’un siècle.

    Très certainement influencée par ces massacres de septembre, Olympe de Gouges, dès octobre 1792, se rapproche des Girondins, attirée par ses relations avec Sophie de Grouchy, épouse de Condorcet. 

    Le 20 septembre 1792, les choses s’emballent encore d’avantage. La Convention déclare l’abolition de la royauté et que l’An I de la République commence (le 22 septembre exactement, qui deviendra le 1ervendémiaire du calendrier républicain). Le 25 septembre, la République est déclarée Une et Indivisible.

    Elle qui a été longtemps en faveur d’une monarchie constitutionnelle, épouse alors les idées républicaines, tout en continuant à vouloir préserver la famille royale, jusqu’à se proposer d’assister Malesherbes (magistrat à qui on doit notamment la protection de Diderot sous Louis XV et son aide pour que l’Encyclopédie soit publiée), dans la défense du roi à la Convention. Ce qui lui fut refusé.
    Elle écrivait qu’elle était en faveur de la protection de la famille royale, tout en affirmant que si des puissances étrangères (l’Autriche en particulier) menaçaient la France pour rétablir le roi, on devrait alors placer toute la famille royale, avec femmes et enfants en première ligne du front pour empêcher les assaillants de tirer sur les patriotes. Fin 1792 est approuvée une nouvelle constitution beaucoup plus démocratique que la première, dite Constitution de l’An I, basée essentiellement sur un projet girondin. Le vote a lieu au suffrage universel des citoyens.  Ont qualités de citoyens, les hommes, de plus de 21 ans, et habitant depuis plus d’un an en France. La République est Une et Indivisible et non fédérée ou confédérée. L’Assemblée demeure unicamérale. L’exécutif est composé de huit membres élus pour deux ans, et est contrôlé et peut être révoqué par l’Assemblée. Au niveau judiciaire, tout citoyen à le droit d’être jugé devant un tribunal composé d’un jury, et la peine de mort pour délits privés est abolie.
    Il fut décidé d’attendre la paix avec l’extérieur et dans les provinces pour que cette constitution entre en vigueur. En attendant, un gouvernement révolutionnaire remplacera un gouvernement constitutionnel.

    Entretemps, le 10 mars 1793, est créé, sur proposition de Danton et Levasseur, le Tribunal révolutionnaire, « pour punir les ennemis du peuple ». Il a, au départ pour vocation d’empêcher de nouveaux massacres arbitraires comme le furent les massacres de septembre 1792.  Mais très vite cela deviendra la machine à tuer le moindre adversaire politique, de façon de plus en plus arbitraire. Pendant les 16 mois séparant sa création de la chute de Robespierre, 4021 jugements y seront prononcés, dont 2585 condamnations à mort, principalement par Fouquier-Tinville en tant qu’Accusateur public.

    C’est d’ailleurs ce tribunal qui jugera et condamnera à mort les Girondins, suite à leur mise en accusation par Saint-Just, le 2 juin 1793. Fait qu’Olympe de Gouges qualifiera d’extrêmement grave, dans la mesure où l’arrestation d’élus du peuple par d’autres élus du peuple constitue une violation évidente de la démocratie. Suite à l’arrestation et la condamnation des Girondins, la Constitution de l’An I, toujours pas entrée en application, sera amendée par les Montagnards le 24 juin 1793, essentiellement par addition dans la Constitution de l’An I de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, complétée de certains articles, tels que les droits économiques et sociaux, la souveraineté populaire et non plus nationale (ébauche du referendum), le droit à l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple. Cette Constitution de l’An I ne sera toutefois jamais adoptée, car, face aux menaces d’insurrections « contre-révolutionnaires », principalement en Vendée et à Lyon, la Convention décide de maintenir en place le gouvernement révolutionnaire et d’instaurer un régime de Terreur destiné à punir les ennemis de la révolution. La Convention se verra très vite dominée par deux comités, le Comité de Salut Général, et surtout le Comité de Salut Public qui se voit confier les affaires extérieures, la sûreté intérieure de l’État et la conduite des affaires les plus importantes. Il est dominé par Robespierre, Saint-Just et Couthon, qui, alors que la loi prévoit le remplacement annuel de ses membres, y garderont le pouvoir de façon permanente. Cette période, qui s’arrêtera avec la chute de Robespierre provoquée par le Comité de Salut Général et les députés de la Plaine, verra l’exécution de 17000 personnes, dont celles condamnées par le Tribunal révolutionnaire, et la mort de 150000 victimes dans la guerre de Vendée. 
    Toutes les atrocités de cette période n’ont pas été évoquées ici, et notamment la terrible répression religieuse, alors que Robespierre, paradoxalement, sans doute poussé par le peuple mécontent, réinstaurera un culte sous l’aspect de cette bouffonnerie que fut l’Être Suprême.
    Robespierre, Saint-Just et Couthon seront exécutés sans jugement le 27 juillet 1794 (9 thermidor An II), et dans la suite un millier de leurs partisans le seront également. Que devient Olympe de Gouges pendant ce temps ? Elle dénonce Robespierre dans ses écrits, considérant qu’il a transformé la révolution et ses principes en une dictature sanguinaire. Elle restera proche de Danton, chez qui elle admire l’Homme des Principes, celui de la suppression de l’emprisonnement pour dettes, celui du prix du pain qui doit rester abordable pour tout homme pauvre, celui de l’éducation, principe le plus important après l’accès au pain, celui de l’impôt sur les riches, et adversaire de Robespierre lorsque celui-ci instaure la Grande Terreur. 


    Olympe de Gouges, qui n’a jamais pris définitivement position pour la République par rapport à une monarchie constitutionnelle, publie le 20 juillet 1793 une affiche qu’elle intitule Les Trois Urneset qui appelle à une élection à trois choix : république une et indivisible, république fédéraliste, retour à la monarchie constitutionnelle. Le fait même d’évoquer la monarchie constitutionnelle est considérée comme un crime de haute trahison par le Comité de Salut Public. Elle est arrêtée le jour même, et inculpée. Elle passe devant le Tribunal révolutionnaire le 2 novembre 1793, soit 2 jours après l’exécution de ses amis de la Gironde. Après un procès sommaire, sans assistance d’un avocat, elle est condamnée à mort, et exécutée le lendemain 3 novembre 1793, à 45 ans, pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que ce gouvernement révolutionnaire évoluant en dehors de toutes lois constitutionnelles.

    Mon point de vue personnel par rapport à cette Révolution Française et à cette Première République, est qu’elle a démarré dans un esprit de liberté et d’égalité, menée par des hommes intègres,  sans doute comme Robespierre à ses débuts. Le Serment du Jeu de Paume et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 en sont les actes qui étaient marqueurs d’espoir. Mais très vite, elle a été dévoyée par une classe bourgeoise constituée essentiellement de petits notables de province (dont faisait d’ailleurs partie Robespierre) qui y ont vu d’avantage une opportunité de s’octroyer des privilèges que de se préoccuper du peuple. La fuite de Louis XVI, dite fuite à Varennes fut sans doute le virage d’une révolution se voulant progressiste vers une dictature de plus en plus sanguinaire. Et j’éprouve beaucoup de difficultés à comprendre que la France en ait fait l’événement fondateur de la République et en soit fière au point d’en faire, au travers de l’acte symbolique de prise de la Bastille, sa fête nationale. Les seuls éléments positifs de cette période, à mon avis, sont d’une part que la famine a pris fin en 1793, et qu’une convention démocratique, préfigurant les grands principes d’égalité et de liberté et de séparation des pouvoirs a été approuvée en cette même année 1793, mais malheureusement n’a JAMAIS été appliquée.  

    En ce qui me concerne, certes sur une période plus courte de seulement trois ans, ce bain de sang, et ce crime anti-démocratique ignoble qui a fait qu’un comité dictatorial s’arrogeait le droit de condamner et d’exécuter des élus du peuple, n’a rien à envier à la période stalinienne, pourtant tellement décriée par les français qui se targuent d'être des démocrates.

    Au début de ce siècle, la France était la plus grande puissance politique et économique d’Europe. Au travers du siècle malgré un pouvoir monarchique absolu et répressif, et la toute-puissance de la noblesse et du clergé, c’est en France qu’est né l’Esprit des Lumières, dont les plus illustres représentants furent Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Diderot. Diderot qui fut complètement ignoré par la révolution. D’abord parce qu’il avait de lui-même fait en sorte que ses œuvres principales ne soient éditées qu’à titre posthume, de crainte de la censure, et parce que ses idées allaient bien au-delà de ce que les révolutionnaires eux-mêmes étaient prêts à accepter en termes de liberté et de rationalisme et d’athéisme. Diderot demeurera ignoré pendant pratiquement tout le XIXe siècle, et il faudra attendre le XXe siècle pour vraiment le découvrir et connaître l’existence de certaines de ses œuvres les plus importantes comme Le Neveu de Rameau.

    À la fin du siècle, la France termine exsangue, au propre comme au figuré. Elle a massacré son peuple et dépensé des fortunes pour défendre cette révolution bâclée contre les « ennemis de la république, intérieurs et extérieurs ». Au même moment, une autre révolution commence en Europe, grâce d’ailleurs en partie aux Lumières et aux progrès scientifiques, grâce aussi à la Royal Society de Londres à la création de laquelle Isaac Newton a largement contribué. La révolution industrielle. L’Angleterre s’y est engouffrée. La France, toute à ses conflits n’a pas eu l’occasion de lui emboiter le pas. Elle va accuser un retard énorme sur l’Angleterre, qui deviendra au XIXe siècle la première puissance économique mondiale. La France ne comblera jamais son retard. C’est toujours le cas aujourd’hui. Et le désastre ne s’arrête pas là. Après l’exécution de Robespierre, les modérés de la Convention mettent au point une nouvelle constitution. Celle-ci est adoptée par la Convention thermidorienne le 22 août 1795 (5 fructidor An III) et a comme préambule la Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen de 1795. C’est la première constitution républicaine à avoir été appliquée en France. Elle met en place le régime exécutif du Directoire, qui entrera en fonction le 26 octobre 1795 (4 brumaire An IV). Il s’agit d’un ensemble de cinq directeurs, chefs de l’exécutif, entre lesquels les différents ministres sont répartis, pour éviter la tyrannie. Je ne peux m’empêcher de comparer cela au triumvirat romain du Ier siècle avant notre ère, lui aussi instauré pour éviter de mettre le pouvoir dans les mains d’une seule personne. Ce siècle fut le pire siècle de guerres civiles à Rome. Trois au total. Dues aux conflits entre les Consuls. Entre Marius et Sylla, entre César et Pompée, conduisant à la dictature, entre Octave et Marc-Antoine enfin, qui ne s’apaisera que lorsque le Principat sera instauré.
    Le Directoire fut une période qui dura à peine 4 ans, mais qui, sans ne plus connaître les vagues sanguinaires qui caractérisèrent les années 1792-1794, n’en fut pas moins une période particulièrement troublée, instable et totalement inégalitaire, pendant laquelle les conflits et complots furent incessants, me rappelant cette période romaine qui distribua l’exécutif entre plusieurs mains. On assista à de nombreux complots royalistes d’une part, jacobins d’autre part. La bourgeoisie enrichie par l’opportunisme des années précédentes étant de plus en plus nombreuse, le suffrage redevient censitaire (Eh oui ! Le « pays des droits de l’homme » n’a respecté aucune de ses deux constitutions de la période dont il a fait sa fête nationale). Les élections annuelles, dans une France devenue bicamérale (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens) sont autant de désaveux pour l’exécutif qui se maintient en place à force de coups d’états, en particulier lorsque, chose qui devrait être impensable dans une République ayant réussi, les monarchistes sont devenus majoritaires aux Conseils. C’est alors que l’Abbé Sieyès pris plus d’emprise sur les destinées du directoire. Cet homme, peu connu aujourd’hui, fut de tous les coups. Il participa à toutes les phases de la révolution depuis 1789 jusqu’au Consulat. Toujours en douce, sans prise de risque exagérée. Robespierre le surnommait « la taupe de la Révolution ». Il était proche de la famille royale, puis épousa la révolution naissante en étant membre du Tiers-Etat, où d’ailleurs il s’opposa à Mirabeau. Il participa à l’élaboration de la première constitution. Il vota la mort du roi. Il s’effaça de la Convention durant la Terreur pour réapparaître en décembre 1794 et joua un rôle actif lors de l’élaboration de la Constitution de l’An III. Il fut député de la Sarthe puis de l’Indre-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents. Il fut mandaté en Hollande pour y négocier un traité de paix. Il fut pendant un an (de juin 1798 à mai 1799) ambassadeur à Berlin, où il obtint la neutralité de la Prusse. Lors de la montée en puissance des monarchistes qui réclamaient une révision de la Constitution, il soutint le coup d’état du Directoire du 18 fructidor An V, alors qu’il était président du Conseil des Cinq-Cents. En 1799, il entre au Directoire. Etant lui-même en faveur d’une révision de la constitution, il œuvre en ce sens en écartant les Directeurs qui lui sont défavorables, et comme il faut attendre un délai de 9 ans pour obtenir une révision, il fomente lui-même un nouveau coup d’état, en recherchant une « main armée » qu’il finit par trouver en Bonaparte de retour d’Egypte. Le coup d’état du 18 brumaire An VIII donne naissance au Consulat de trois membres, Bonaparte, Sieyès et Ducos. Bonaparte écarta très vite et très facilement les deux autres pour prendre les pleins pouvoirs. La Constitution de l’An III est enterrée, et on connaît la suite.

    La république avait vécu. La République qui est issue des Lumières, qui a écrit un texte splendide sur les Droits de l’Homme, mais qui ne l’a jamais appliqué, de même qu’elle ne s’est jamais conformée à aucune de ses deux Constitutions, qui a vécu pendant 8 ans dans la violence, les bains de sang, les guerres et les complots. La République qui a enfanté d’un Hymne qui fut au départ un chant guerrier écrit pour les troupes, parmi lesquelles des Marseillais, combattant sur le Rhin contre l’attaquant autrichien. Ce chant même que des députés entonnent encore à voix haute, et que, pire encore, on fait chanter par des enfants de 6 ans dans les écoles : « Contre nous de la tyrannie, l'étendard sanglant est levé. Entendez-vous dans nos campagnes, mugir ces féroces soldats ? Ils viennent jusque dans vos bras, égorger vos fils, vos compagnes ! Aux armes, citoyens, formez vos bataillons, marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons ». 

    Franchement !!! Est-ce digne de chanter cela à l’Assemblée nationale ? N’est-ce pas tout simplement épouvantable de faire chanter cela à des enfants de 6 ans ? Qui en plus, n’y comprennent sans doute rien. Étendard sanglant ? Féroces soldats ? Nos sillons ? Quels sillons, et quel sang impur ?
    C’est un peu comme quand on me faisait radoter « Jésus, le fruit de vos entrailles » à un âge où on ne m’avait pas encore appris comment naissaient les enfants. Jésus, un fruit ??? Bizarre. Mais au moins, c’était un fruit, pas un féroce soldat égorgeur.
    À titre de comparaison, prenons l’Hymne national tchèque : «Où est ma patrie ? L'eau ruisselle dans les prés. Les pins murmurent sur les rochers. Le verger luit de la fleur du printemps. Un paradis terrestre en vue ! Et c'est ça, un si beau pays, cette terre tchèque, ma patrie. »

    Tout cela au nom d’une révolution ratée, dont le seul succès fut le prix du pain voulu par Danton, et la fin de la famine. Maigre bilan.

    La suite donc, un tyran s’auto-couronnant empereur, mettant l’Europe à feu et à sang, la double restauration de deux monarchies où trônaient les propres frères du guillotiné.
    Viennent les Trois Glorieuses des 27, 28 et 29 juillet 1830, où le peuple de Paris, lassé du pouvoir autoritaire du règne des Bourbons, se révolte pour ne pas mettre fin à la monarchie, mais mettre sur le trône, Louis-Philippe d’Orléans, de la branche cadette des Bourbons, non plus comme roi de France, mais comme roi des Français, passant ainsi à une monarchie parlementaire, où le roi règne mais ne gouverne plus. Le régime aura à composer très difficilement avec les différentes factions en présence, les Orléanistes, les Légitimistes (monarchistes fidèles aux Bourbons), les bonapartistes et les républicains. Longtemps, Louis-Philippe tentera d’adopter une politique du juste-milieu (le fameux Aurea mediocritas d’Horace), et cette monarchie de Juillet, qui dura quand même 18 ans, aurait pu être une des époques les plus stables du XIXe siècles, si les dissensions politiques, n’intéressant finalement que la haute bourgeoisie n’avaient été omniprésentes. Le scrutin était d’ailleurs purement censitaire, et le fossé se creusait entre bourgeoisie de plus en plus riche et peuple ouvrier, main d’œuvre opprimée de l’industrialisation grandissante, devenant de plus en plus pauvre, et vivant dans des conditions sanitaires déplorables. Durant toutes ces 18 années de cette monarchie de Juillet, Adolphe Thiers, un orléaniste ayant au départ des idées de gauche, joua un rôle déterminant. Il fit le jeu de la bourgeoisie, glissant ainsi de plus en plus à droite, occupera une place centrale dans la colonisation de l’Algérie, alors que disettes, faillites, chômage, paupérisation, et par là, manifestations de plus en plus virulentes du monde ouvrier qui va jusqu’à casser leurs outils de travail se multiplient. La demande pressante du passage au suffrage universel n’est jamais acceptée. Thiers qui choisit de défendre la bourgeoisie à tout prix, choisit la répression. La monarchie en fera les frais et Louis-Philippe finit par abdiquer en 1848 au profit de son petit-fils Philippe d’Orléans, futur comte de Paris, et la IIe République est proclamée le 24 février 1848.
    Cette IIe République se caractérise d’abord par son côté éphémère (à peine 4 ans, et en réalité à peine 3), et son pouvoir autoritaire. Au début, le suffrage universel masculin est pour la première fois réellement instauré en France. Les socialistes portés par les ouvriers jouent un rôle politique important. En fin d’année, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Bonaparte est élu au suffrage universel masculin. A la tête du Parti de l’Ordre, il évince les socialistes, tandis qu’au contraire le clergé voit son influence grandir dans le domaine de l’éducation. Il limite progressivement le suffrage universel pour freiner la progression de la gauche, tandis que son propre parti est de plus en plus en faveur d’un retour de la monarchie. La constitution l’empêchant de se représenter pour un second mandat, il organise avec les Bonapartistes encore nombreux un coup d’état, le 2 décembre 1851, lui octroyant les pleins pouvoirs, puis un an après, jour pour jour, le 2 décembre 1852, il se proclame Empereur du second empire que connaitra la France en ce siècle où elle s’était imaginée républicaine.

    Ce second empire a été considéré par après, surtout sous la IIIe république comme une période noire du XIXe siècle. Ceci surtout à cause du coup d’Etat qui lui a donné naissance, et à la défaite de 1870 face à la Prusse, qui a ôté l’Alsace et une partie de la Lorraine à la France. Traumatisme qui restera aussi vif dans les esprits que la débâcle de 1940, et qui conduira une grande majorité des Français à haïr les Allemands jusqu’à les transformer en va-t’en guerre extrêmes, seulement calmés par la victoire de 1918 et les conditions triomphantes mais combien épouvantables du traité de Versailles.  A cela, il faut ajouter la vindicte de Victor Hugo contre Louis-Napoléon. Après le coup d’Etat du 2 décembre 1951, Victor Hugo s’exile à Bruxelles, plus tard, à Jersey et à Guernesey. Pour 20 ans. C’est un homme extrêmement populaire et auréolé de gloire. Il a été Pair de France, il est membre de l’Académie Française. Auteur de poésies célèbres et surtout de deux grands romans comme « Les Derniers Jours D’un Condamné », combat contre la peine de mort, « Notre Dame de Paris », et des pièces comme « Ruy Blas » ou « Hernani ». Victor Hugo vouera une haine de 20 ans à Louis-Napoléon, dans ses ouvrages « Napoléon Le Petit » et surtout dans « Les Châtiments ». Ce n’est guère trop que de dire qu’il s’y montre carrément odieux. Pourtant, au départ, ils sont plutôt amis. Tous deux sont de droite, et tous deux évolueront progressivement vers des valeurs de gauche. Victor Hugo est un fervent bonapartiste sous le premier empire, après avoir été monarchiste. Tous deux sont députés à l’Assemblée constituante de 1848, une époque marquée par un mutuel respect. Il qualifie Louis-Napoléon de « distingué et intelligent ». Il soutient sa candidature à l’Élysée et sera même un de ses conseillers, tandis que ses idées évoluent de plus en plus vers la république et le socialisme. Mais Louis-Napoléon suit un parcours de pensée similaire, malgré l’opposition de son épouse Eugénie, catholique fervente et militante. Alors pourquoi subitement tant de haine. Certes le coup d’État, acte éminemment anti-démocratique. Coup d’état qui ne fera en final que peu de victimes (environ 300-400), alors qu’on avait compté 5000 morts sur les barricades ouvrières des trois glorieuses de 1848. Coup d’État qu’il faut aussi replacer dans son contexte : la Chambre des Députés était très majoritairement aux mains des monarchistes, hostiles au suffrage universel et aux idées républicaines. Même si sous l’Empire, il dominera l’Assemblée, en ce sens que seul lui pourra proposer des lois, celles-ci seront mises au vote de l’Assemblée qui sera élue au suffrage universel masculin entièrement rétabli. Et la plupart des gens de progrès, du monde de la culture se montreront satisfaits de ce passage de la monarchie parlementaire à l’Empire. Louis-Napoléon sera plébiscité. Les élections au suffrage universel verront le ralliement de la toute grande majorité des campagnes à l’Empire, ainsi que le peuple ouvrier, au début. Les attaques de Victor Hugo ne seront pas écoutées. Il restera longtemps un auteur toujours célèbre, mais ne comptera plus sur la scène politique. D’ailleurs Louis-Napoléon se montre plutôt progressiste, surtout en matière d’éducation nationale, où il fera en sorte que les filles aient libre accès à l’enseignement, malgré la résistance catholique. Il se préoccupera avec sincérité de la condition ouvrière allant jusqu’à accepter de mettre en place l’ébauche d’un syndicat ouvrier, fit créer les caisses de retraite et les assurances contre les accidents de travail. Les transports ont progressé, en particulier le chemin de fer. Paris a été transformé sous le préfet Haussmann, rendant la ville plus saine et facilitant aussi les déplacements des transports en commun (certes Haussmann lui-même avoua qu’un des buts des grands boulevards étaient aussi le déplacement plus rapide des troupes). C’était tout compte fait une période de progrès, même d’un point de vue social. Hugo pourtant a persisté dans sa haine tenace. Un élément supplémentaire a pu jouer. Au temps où il soutenait Louis-Napoléon, alors président de la IIe République, il briguait le portefeuille ministériel de l’Éducation Nationale, et face à la demande pressante de la majorité, composée presqu’exclusivement de catholiques, il a dû le leur céder. Hugo le républicain ne l’a pas accepté. De même qu’au moment d’une loi d’amnistie générale des prisonniers et exilés politiques, Hugo l’a refusée et est resté en exil. Les historiens du XXe et du XXIe siècles se sont abondamment penchés sur cette période du Second Empire, et sur l’attitude de Victor Hugo. Beaucoup d’entre eux, sans vouloir réhabiliter Louis-Napoléon (ce n’est d’ailleurs pas le rôle d’un historien) lui ont redonné une place plus logique et moins ternie dans l’histoire du XIXe siècle, et beaucoup ont donné tort à Victor Hugo.
    Hugo était illustre et très riche. Il se considérait comme supérieur à Louis-Napoléon. Son exil lui permettait de continuer l’écriture de ses œuvres les plus célèbres, comme les Misérables, et à travailler avec acharnement à la protection de ses droits d’auteur. Par ses manifestes contre Louis-Napoléon et ses œuvres en faveur de la cause du peuple, il entendait se positionner en chef de l’opposition républicaine et socialiste, mais avec l’énorme avantage de ne devoir effectuer aucune action concrète sur le terrain politique. En quelques sortes, le programme était beau, mais la pièce n’était jamais jouée.

    L’attentat manqué d’Orsini contre Louis-Napoléon et Eugénie, le 14 janvier 1858, à l’entrée de l’opéra de Paris (c’était encore l’opéra de la rue Le Pelletier, qui a précédé l’opéra Garnier) marquera un changement dans la politique européenne de Louis-Napoléon. Il était jusque-là plutôt pacifique et n’était guère intervenu en politique étrangère, bien qu’il ait une vision d’une Europe des Nations. Suite à l’affaire d’Orsini, il se rapprocha de Cavour, et par là, de Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, duc de Savoie, prince du Piémont et comte de Nice. Il leur offre les services de la France pour vaincre l’Autriche et contribuer à l’unification italienne. Il n’ira cependant pas jusqu’au bout, puisque Venise restera aux mains des Autrichiens et que Rome et les états pontificaux resteront la propriété du pape, à nouveau par l’entremise de sa très catholique épouse Eugénie. Toutefois, la première unification italienne était assurée, puisque tout le nord jusqu’à la Toscane ainsi que le royaume de Naples seront réunis en un seul pays ayant Victor-Emmanuel II comme roi, et Florence pour capitale (le premier palais royal fut le Palazzo Pitti de Florence). En compensation, le 24 mars 1860, la Savoie et le comté de Nice furent rattachés à la France. La Savoie fut séparée en deux départements, Savoie et Haute Savoie, qui sont donc les derniers territoires à avoir complété la France géopolitique telle qu’elle est aujourd’hui. 

    Du côté des Balkans, il s’allie à l’Angleterre, l’ennemi de toujours, pour soutenir l’Empire ottoman dans sa guerre contre la Russie, qui voulait s’octroyer le contrôle du Bosphore et l’accès à la Méditerranée. La guerre de Crimée conduit à la victoire de Sébastopol, qui scellera l’appartenance du Bosphore aux Ottomans. Cette victoire a encore une répercussion actuellement, puisque c’est le contrôle du Bosphore qui est une des raisons stratégiques essentielles de l’appartenance de la Turquie à l’Otan. En compensation, le Tsar obtiendra qu’on ne mette pas en cause l’appartenance de la Pologne à la Russie.

    Par ailleurs, toujours selon le principe des nationalités, Louis-Napoléon ne s’opposera pas à la réunification allemande, et fera preuve de neutralité dans la guerre qui opposera la Prusse à l’Autriche, se soldant par la défaite de l’Empire Autrichien, le rattachement de plusieurs territoires à la Prusse, le Holstein, le Hanovre, la Hesse-Cassel, le duché de Nassau et Francfort-sur-le-Main pour former la confédération d'Allemagne du Nord. Cette défaite de l’Autriche lui fera perdre également la Vénétie et les régions correspondant actuellement au Trentin et au Haut-Adige, au profit de l’Italie, qui acquièrent également les états-pontificaux, finalisant ainsi l’unification du pays.

    Au cours de la deuxième décennie du Second Empire, alors que la politique de Louis-Napoléon devient de plus en plus libérale, c’est sa politique extérieure qui allait marquer sa perte.
    Il y eu d’abord l’expédition désastreuse du Mexique. Au début des années ’60, le Mexique était un état fortement endetté vis-à-vis de l’Angleterre, de l’Espagne et de la France. Eugénie y voyait une opportunité d’y créer un grand Empire catholique, contrebalançant dans la région la puissance des Etats-Unis protestants. Le moment étant d’autant plus approprié que les Etats-Unis ne pourraient s’interposer, alors qu’ils étaient en pleine guerre de sécession. Louis-Napoléon imagine qu’en créant une zone d'influence française dans cette région du monde, il y offrirait des débouchés pour l'industrie mais aussi un accès à de nombreuses matières premières, et qu’il détournerait beaucoup de nouveaux colons, notamment d’origine italienne ou grecque des Etats-Unis. Les négociations avec les Anglais et les Espagnols n’aboutissent pas, et très tôt, seule l’armée française se retrouve au Mexique pour soutenir le gouvernement libéral mexicain. Il offre la couronne du nouvel empire mexicain à Maximilien, frère de François-Joseph d’Autriche, en compensation de son soutien à la nouvelle monarchie italienne. Très vite cependant, la rébellion du peuple mexicain déborde l’armée française et les conservateurs mexicains qu’ils soutiennent. L’armée française se retire du Mexique, y abandonnant Maximilien. L’épouse de Maximilien est Charlotte de Belgique, fille de Léopold Ier. Elle est à ce moment en Europe pour essayer de convaincre les Français et le Vatican de lever une armée pour secourir son mari. Sans succès. Maximilien est exécuté par la révolution mexicaine en 1867. Charlotte n’en sera avertie que six mois plus tard. Elle terminera sa vie en Belgique, dans un état de demi-folie et vivant totalement isolée, jusqu’ à sa mort en 1927 à l’âge de 87 ans.

    Mais c’est surtout du côté de la Prusse que les choses tournent mal. Le chancelier Bismarck lui avait promis que s’il faisait preuve de neutralité dans le conflit prusso-autrichien, il ne s’opposerait pas à l’occupation par la France de la Belgique et du Luxembourg. Louis-Napoléon ignorait que dans le même temps, Bismarck concluait un traité de protection mutuelle avec les États d’Allemagne méridionale. Guillaume III des Pays-Bas, à qui appartenait le Luxembourg était par ailleurs intéressé par le vendre à la France. Mais il subordonne cette vente à un accord de la Prusse. L’opinion allemande est scandalisée. Pour eux, le Luxembourg qui a appartenu au Saint-Empire, fait partie du pangermanisme. Les états allemands du sud craignent également un contrôle accru de la France. Bismarck force Guillaume III d’Orange à renoncer à la vente.
    Dans le même temps, la succession d’Espagne est ouverte, et le prince Léopold de Hohenzollern se porte candidat au trône. Louis-Napoléon craint une politique d’encerclement comme au temps de Charles-Quint. Il demande à Guillaume de Prusse de renoncer à ce choix. Celui-ci accepte mais refuse de renoncer définitivement par écrit au trône d’Espagne. Sa réponse polie est transformée en une version dédaigneuse dans la dépêche d’Elms de Bismarck. De part et d’autre, les tensions et les volontés guerrières sont à leur comble. Louis-Napoléon est de nature pacifiste, et tente de se rallier aux conseils de paix de l’orléaniste Thiers et du républicain Gambetta. En vain. L’opinion française, surtout la droite légitimiste et bonapartiste, avec une fois de plus l’appui d’Eugénie veut la confrontation armée. La guerre est déclarée le 19 juillet 1870. Ce n’est qu’une série de revers pour la France, la Prusse comptant le double d’hommes et étant nettement mieux armée. Le sort de l’Empire est scellé lors de la capitulation de Sedan, le 1erseptembre 1870. L’Allemagne se réunifie. Louis-Napoléon est exilé en Angleterre où il mourra trois ans plus tard. Les députés républicains, avec Léon Gambetta à leur tête, proclament la IIIe République le 4 septembre. Le lendemain, 5 septembre, Victor Hugo fait son entrée triomphale à Paris. Il soutient les républicains, encore très minoritaires, dont Gambetta et Clémenceau. Il s’oppose au traité de paix avec l’Allemagne voulu par Thiers. Il soutient la Commune de Paris, mais il n’y participe pas, se trouvant alors à Bruxelles, mais en condamne les excès.

    Concernant Victor Hugo, je me range à l’avis de nombreux historiens modernes. Sa haine envers Louis-Napoléon était démesurée, voire inutile et destructrice pour l’avenir de la France. Il a eu une attitude intransigeante vis-à-vis du coup d’état du 2 décembre 1851, sans même vouloir comprendre que l’alternative, comme l’a écrit Georges Sand, était plus terrible encore. Hugo avait clairement un agenda personnel et cultivait ainsi sa gloire. Les deux hommes étaient plutôt des libéraux. Ensemble, ils auraient pu travailler à l’élaboration d’une France plus progressiste. Son appui à Louis-Napoléon aurait sans doute limité les ardeurs de ses nombreux opposants, surtout monarchistes, appuyés par sa propre épouse Eugénie, et qui ont fait que son pouvoir n’a jamais été bâti sur des bases solides. C’est Eugénie aussi qui avait des rêves de dynastie et voulait à tout prix voir son fils sur le trône de France. De mon point de vue Hugo aurait pu travailler de concert avec Louis-Napoléon pour que celui-ci dépose à sa mort, l’Empire dans lequel l’élection du corps législatif au suffrage universel n’a jamais été abandonné, dans les mains de la République.

    La volonté de Louis-Napoléon de voir se réaliser les nationalismes en Europe fut sans doute une erreur stratégique, surtout en ce qui concerne l’Allemagne, car cela a débouché sur des fossés de haine creusés entre les états. Ou alors, il fallait voir plus loin, et, comme Nietzsche le théorisa un peu plus tard (Nietzsche qui était un fervent opposant au nationalisme, et en particulier à la vision pangermanique de son pays), viser une plus grande solidarité entre les nations, en quelques sortes, une première union européenne, que Nietzsche illustrait par le percement du Saint-Gothard à l’aide de la dynamite de son ami Alfred Nobel.

    La guerre avec l’Allemagne réunifiée n’en est pas finie pour autant. Gambetta veut continuer la lutte. L’Allemagne occupe 40 départements français et assiège Paris. Les premières élections législatives de la IIIe République donnent un immense avantage aux monarchistes orléanais et légitimistes (400 députés sur 638). Pas tellement parce que le peuple est monarchiste, mais parce que les monarchistes veulent la paix et que le peuple est fatigué de la guerre. Adolphe Thiers est nommé chef de l’exécutif. Suite aux négociations de Thiers avec Bismarck, un armistice est signé le 10 mai 1871. La dette de guerre française est colossale, et elle perd l’Alsace et une très grande partie de la Lorraine, dont Metz et les Vosges.

    Cet armistice dont les bases furent établies dès janvier 1871 vit l’opposition massive des Parisiens, qui étaient assiégés et se battaient depuis 4 mois. La faim régnait dans la ville. Celle-ci, contrôlée principalement par la gauche, se révolta contre le pouvoir. La Commune de Paris, qui dura du 18 mars au 28 mai 1871, fut extrêmement meurtrière pour les communards comptant environ 10000 morts et des centaines de condamnation à mort. Paradoxalement, le fait que le gouvernement ait pu mater une nouvelle révolution donna du crédit à la République naissante. A son dépend, la révolution manquée de la Commune de Paris constitua vraiment l’acte fondateur de la République Française, et non pas cette autre révolution, elle aussi manquée, qui eut lieu quelques 90 ans plus tôt.

    Voilà aussi pourquoi, malheureusement, Le Temps Des Cerises n’a pas eu l’occasion de devenir un nouvel Hymne National, et que cette guerrière et désuète Marseillaise est restée envers et contre tout.

    La IIIe République connaît toutefois des débuts balbutiants. Adolphe Thiers est élu premier président de la république par une chambre à toute grande majorité monarchiste. Ceux-ci sont divisés entre légitimistes, fidèles au comte de Chambord, petit-fils de Charles X, et orléanistes, fidèles au comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe. Une stupide histoire de drapeau jette heureusement la discorde entre eux, et les empêche de faire rebasculer la république vers la monarchie, alors qu’à ce moment, personne ne donnait très cher de cette république naissante. Devant cette discorde entre monarchistes, Thiers, pourtant orléanais, se range du côté des républicains, jusqu’à ce qu’une union des monarchistes finissent à le contraindre à la démission. Il est remplacé par le général Patrice de Mac Mahon, qui a maté la Commune de Paris, et qui est un légitimiste convaincu, gouvernant peu et mettant toute son énergie à tenter de faire revenir le pays à la monarchie, en rétablissant l’ordre moral et en supprimant l’essentiel des symboles républicains. La réaction républicaine ne se fait pas attendre, et ceux-ci graduellement deviennent majoritaires à la Chambre, contraignant finalement Mac Mahon à la démission.

    Nous sommes alors en 1879. La IIIe République est enfin stabilisée. Les Républicains sont nettement majoritaires à la Chambre et au Sénat, répartis entre la gauche républicaine de Jules Ferry, l’union républicaine de Gambetta et les radicaux de Clémenceau. Le nouveau président est Jules Grévy, pour une durée de presque 9 ans. Le président de la république n’a cependant que peu de pouvoirs sous cette troisième république. L’essentiel du pouvoir étant entre les mains du chef du gouvernement, renommé Président du Conseil. Sous la présidence du Jules Grévy, il n’y aura pas moins de 9 gouvernements différents, avec notamment Jules Ferry et Léon Gambetta comme présidents du Conseil.

    Cette IIIe République, si on considère qu’elle débuta en 1870, dura 70 ans, jusqu’à juillet 1940. Elle a été principalement caractérisée par son esprit revanchard par rapport à l’Allemagne, et se terminera pourtant dans la débâcle et la collaboration de l’État français de Pétain. Elle ne connut pas de moments très glorieux. Boulangisme, antisémitisme exacerbé, avec l’affaire Dreyfus d’une part, et la montée inexorable de l’extrême-droite dans les années trente. Une guerre mondiale, qui fut un massacre abominable pour la seule volonté de puissance des souverains européens envoyant leurs peuples au casse-pipe. Des généraux exerçant sur leurs troupes un pouvoir exécrable, envoyant à l’abattoir une génération perdue, pour des motifs politiques inadmissibles, mais auxquels tous ces jeunes poilus obéissaient à la fois toujours par esprit de revanche et par peur des représailles. Cette guerre fut une boucherie injustifiable et les conditions odieuses du traité de Versailles ne conduisirent qu’à une chose : l’émergence du nazisme. Et tout le monde chantait la Marseillaise. « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » chantaient les mioches, en attendant de chanter « Maréchal nous voilà ».

    Et finalement, tout au long de cette période de 150 ans qui séparent la fin de la monarchie absolue de droit divin à la fin de la IIIe république, je ne vois que très peu de personnalités politiques qui se sont réellement préoccupées du sort du peuple de France tout en restant des personnalités intègres. Jaurès a sauvé l’honneur de cette troisième république en étant un homme de paix et d‘union des peuples au travers de l’Internationale socialiste. Sinon, au tout début de la république ? Mirabeau, je ne sais pas. Il n’a pas vécu assez longtemps. Parmi les élus, je ne retiens que Danton. Et puis surtout cette femme, qui ne pouvait être élue, mais qui a tant fait entendre sa voix, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges.


     

     

    opera garnier facade
    Opéra Garnier

    En lisant récemment qu'une exposition sur Edgar Degas est organisée au musée d'Orsay, dans le cadre de l'anniversaire de l'Opéra de Paris, j'apprends ainsi que l'Opéra de Paris fête cette année ses 350 ans. Je me doute bien qu'on ne parle pas ici de l'opéra Garnier1, dont la construction a commencé sous Napoléon III, au même moment que les grands travaux haussmanniens qui modifieront en profondeur l'image de Paris. L'opéra Garnier sera terminé et inauguré sous la Troisième République, en 1875.

    J'ai donc eu envie d'en connaître d'avantage, et suis remonté 350 ans en arrière, soit en 1669, pendant le règne de Louis XIV. Le roi a alors 31 ans et contrôle lui-même les affaires du pays, depuis la mort de Mazarin en 1661. Mazarin dirigeait effectivement le pays, en tant que Ministre Principal. A sa mort, les prétendants au poste se bousculèrent au portillon. Parmi ceux-ci, un des personnages les plus puissants du Royaume, Nicolas Fouquet, Superintendant aux Finances. Mazarin, toutefois, se méfiait de Fouquet, et avant sa mort, il avait conseillé au roi d'écarter Fouquet et de lui préférer Jean-Baptiste Colbert, pour s'occuper des finances du Royaume. Colbert avait de fait toute la confiance de Mazarin pour ce poste, car il avait géré avec brio l'immense fortune de Mazarin pendant les 10 dernières années de sa vie. 

    Louis XIV, alors âgé de 22 ans, décide de diriger seul le "Conseil des Ministres", dont les deux principaux "ministres" furent Colbert et Louvois. Le premier cumulait les charges de Contrôleur des Finances, et de Secrétaire d'Etat de la Maison du Roi et de la Marine. Louvois, celle de Secrétaire d'Etat à la Guerre, puis Contrôleur des Finances, à la mort de Colbert en 1683. Fouquet, on le sait, fut non seulement écarté, mais banni et emprisonné à vie.

    C'est dans ce contexte politique, qu'est fondée  en 1669, sous l'instigation de Colbert, l'Académie royale de Musique, regroupant un groupe de chanteurs, le premier orchestre professionnel de France, et le corps de ballet de l'Académie royale de Danse. Cette académie est aussi appelée Académie d'opéra, ou tout simplement Opéra. Seul le vocable "Opéra" est encore utilisé aujourd'hui. On ne fait donc plus la distinction en français entre l'oeuvre et l'édifice,à l'encontre des anglo-saxons qui distinguent opera (l'oeuvre) d'opera house.

    Car, en 1669, c'est bien de l'établissement d'un lieu où seront donnés les opéras qu'il s'agit. La direction en sera donnée, par lettre de patente de Colbert, le 28 juin 1669, au poète Pierre Perrin, un "parolier de musiques qui se chantent" et qui avait contribué à faire connaître l'opéra italien à la Cour.
    De fait certains opéras avaient déjà été joués à Paris du vivant de Mazarin, tels que La finta pazza de Francesco Sacrati, dans la salle du Petit-Bourbon, face au Louvre, ou l'Ercole amante de Francesco Cavalli, lors de l'inauguration de la salle des Machines du Palais des Tuileries. Mais tout ceci restait encore très confidentiel, et Colbert, à l'instar des Italiens, a voulu donner à l'opéra, ses lettres de noblesse, en créant cette académie.

    Voici le texte de cette patente :

    L'Académie d'opéra

    Lettre patente du 28 juin 1669

    Louis, par la grâce de Dieu, Roy de France & de Navarre, à tous ceux qui ces présentes Lettres verront. Salut. 

    Notre amé & féal Pierre Perrin, Conseiller en nos Conseils, & Introducteur des Ambassadeurs près la Personne de feu notre très-cher & bien amé Oncle le duc d'Orléans, Nous a très-humblement fait remontrer, que depuis quelques années les Italiens ont établi diverses Académies, dans lesquelles il se fait des Représentations en Musique, qu'on nomme Opera : Que ces Académies étant composées des plus excellens Musiciens du Pape, & autres Princes, même de personnes d'honnêtes familles, nobles, & Gentilshommes de naissance, très-sçavans é expérimentés en l'Art de la Musique qui y vont chanter, font à présent les plus beaux Spectacles & les plus agréables divertissemens, non-seulement des Villes de Romes, Venise & autres Cours d'Italie, mais encore ceux des Villes & Cours d'Allemagne & d'Angleterre, où lesdites Académies ont été pareillement établies à l'imitation des Italiens ; que ceux qui font les frais nécessaires pour lesdites Représentations, se remboursent de leurs avances sur ce qui se reprende du Public à la porte des lieux où elles se font ; & enfin que s'il nous plaisoit de lui accorder la permission d'établir dans notre Royaume de pareilles Académies pour y faire chanter en public de pareils Opera, ou Représentations en Musique & langue Françoise, il espere que non-seulement ces choses contribueroient à notre divertissement & à celui du Public, mais encore que nos sujets s'accoutumant au goût de la Musique se porteroient insensiblement à se perfectionner en cet Art, l'un des plus nobles des Arts libéraux.

    À ces causes, desirant contribuer à l'avancement des Arts dans notre Royaume, & traiter favorablement ledit Exposant, tant en considération des services qu'il a rendu à feu notre très-cher & bien-amé Oncle, que de ceux qu'il nous rend depuis quelques années en la composition des paroles de Musique qui se chantent, tant en notre Chapelle qu'en notre Chambre ; Nous avons, audit Perrin, accordé & octroyé, accordons & octroyons par ces Présentes, signées de notre main, la permission d'établir en notre bonne ville de Paris & autres de notre Royaume, une Académie, composée de tel nombre & qualité de personnes qu'il avisera, pour y représenter & chanter en Public des Opera & Représentations en Musique & en vers François, pareilles & semblables à celles d'Italie : & pour dédommager l'Exposant des grands frais qu'il conviendra faire pour lesdistes Représentations, tant pour les Théâtres, Machines, Décorations, Habits qu'autres choses nécessaires, Nous lui permettons de prendre du Public telles sommes qu'il avisera, & à cette fin d'établir des Gardes & autres gens nécessaires à la porte des lieux où se feront lesdistes Représentations : Faisant très-expresses inhibitions & défenses à toutes personnes, de quelque qualité & conditions qu'elles soient, même aux Officiers de notre Maison, d'y entrer sans payer & de faire chanter de pareils Opera, ou Représentations en Musique & en vers François dans toute l'étendue de notre Royaume, pendant douze années, sans le consentement & permission dudit Exposant, à peine de dix mille livres d'amende, confiscation des Théâtres, Machines & Habits, applicable un tiers à Nous, un tiers à l'Hôpital Général, & l'autre tiers audit Exposant. Et attendu que lesdits Opera & Représentations sont des Ouvrages de Musique tous différens des Comédies recitées, & que nous les érigeons par cesdites Présentes, sur le pied de celles des Académies d'Italie, où les Gentilshommes chantent sans déroger : Voulons & Nous plaît, que tous les Gentilshommes, Damoiselles, & autres personnes puissent chanter audit Opera, sans que pour ce ils dérogent au titre de Noblesse, ni à leurs Priviléges, Charges, Droits & Immunités, révoquant par ces Présentes toutes Permissions & Priviléges que Nous pourrions avoir ci-devant donnés & accordés, tant pour raison dudit Opera que pour réciter des Comédies en Musique, sous quelque nom, qualité, condition & prétexte que ce puisse être. 

    Si Donnons en Mandement à nos amés & féaux Conseillers les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris, & autres nos Justiciers & Officiers qu'il appartiendra, que ces Présentes ils ayent à faire lire, publier & enregistrer ; & du contenu en icelles, faire jouir & user ledit Exposant pleinement & paisiblement, cessant & faisant cesser tous troubles & empêchemens au contraire : Car tel est notre plaisir. 

    Donné à Saint Germain-en-Laye, le vingt-huitième jour de Juin, l'an de grâce mil six cens soixante-neuf, & de notre Regne le vingt-septième. 

    Signé, LOUIS, & sur le repli, par le Roy, COLBERT

     

    Plaque Jeu de paume de la Bouteille Rue Jacques Callot Paris 6

    Plaque commémorative
    au coin de la rue Caillot
    et de la rue Mazarine

     

     

     

    Il s'agit donc d'un privilège (un monopole) octroyé à Perrin, aucun autre théâtre de France n'ayant le droit d'organiser des représentations d'opéras. Mais à l'encontre d'autres théâtres, tels que la Comédie Française, l'Académie d'opéra doit vivre de ses propres recettes, aucune subvention royale ne lui étant accordée. Perrin s'associe avec le marquis de Sourdéac et le financier Laurens de Bersac qui louent pour cinq ans la salle du Jeu de Paume de la Bouteille, dans la rue Fossé de Nesle (actuelle rue Mazarine) et qui y font construire la machinerie nécessaire aux spectacles d'opéras. Cette salle, louée en 1670, sera le premier Opéra de Paris. La première représentation eut lieu en 1671, avec Pomone, composé par Robert Cambert sur un livret de Pierre Perrin. Cet opéra est le premier opéra d'un compositeur français. Mais Perrin, escroqué par ses associés, est un temps emprisonné pour dettes, et se voit dans l'obligation de céder sa patente.

    Jeu de Paume de Béquet Bel Air View VJohnson 2008 p101

    Salle du Bel-Air, vue des remparts

     

     

    Lully la reprendra, avec grand succès, à la fois quant à la création et quant à la gestion. Il y créera une vingtaine d'oeuvres, et lui et ses successeurs négocieront âprement la cession pour tout ou partie du privilège à des entrepreneurs d'autres villes. Ainsi, en 1684, une seconde académie de musique voit le jour à Marseille. Puis suivront Lyon, Rouen, Lille et Bordeaux. Toutefois Lully se voit contraint de changer de salle, car les ex-associés de Perrin sont toujours sous contrat de location avec la salle de la Bouteille. Il déménage donc l'Académie dans une autre salle de jeu de paume : la Salle du Bel-Air ou salle du Jeu de Paume de Bécquet, rue Vaugirard, près du fossé entourant la ville. En août 1672, il la fait transformer en salle de théâtre avec sa machinerie de scène, et y donne ses premières représentations en Novembre 1972. Pendant ce temps, les associés de Perrin restent liés par bail avec la Bouteille, mais n'ont plus le droit d'y produire aucune oeuvre d'art lyrique. Toutefois, dès le début, Lully considère ce nouvel endroit comme temporaire, car peu appropriée pour ses projets de développement de l'opéra en France. A la mort de Molière, le 1er février 1673, soit à peine 3 mois après l'ouverture de la Salle du Bel-Air, Lully insiste auprès de Louis XIV et obtient d'occuper gratuitement la salle du Théâtre du Palais Royal où la troupe de Molière se produisait. Le Théâtre du Palais Royal existe toujours aujourd'hui. il est situé sur le côté nord des jardins, à l'angle de la rue Montpensier, et de la rue de Beaujolais et ne doit pas être confondu avec la Comédie Française, qui est attenante au Palais Royal, côté sud. Celle-ci, située depuis 1799 dans la salle Richelieu, abrite la Troupe des Comédiens-Français, fondée par l'ancienne troupe de Molière, 7 ans après sa mort, en 1680.

    theatre palais royal hier et aujourdhui
    Théâtre du Palais Royal, au XVIIe siècle et aujourd'hui

     

    L'Académie de musique restera au Théâtre du Palais Royal pendant 90 ans, jusqu'à ce que celui-ci soit détruit par un incendie. A la mort de Lully, en 1687, des suites d'un gangrène due à une blessure mal soignée au pied, il cède sa patente à son gendre Jean Nicolas de Francine. Celui-ci n'est pas compositeur lui-même, si bien qu'il fait appel à plusieurs compositeurs de cette époque baroque pour perpétuer la création de l'Académie. Notamment Marc-Antoine Charpentier. Il était aussi mauvais gestionnaire et finit par vendre sa patente à Pierre Guyenet en 1704. Celui-ci ne parvient pas à redresser les finances et de Francine revient en 1715, pour enfin la céder au compositeur André Cardinal Destouches, en 1728. La période de Jean Nicolas de Francine marque un net recul de la notoriété de l'Académie royale de Musique. Destouches ne restera à la direction de l'Académie que deux ans. Ensuite, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les administrateurs qui lui succéderont, ne resteront en poste que pour un ou deux ans. Certains seront des financiers, d'autres des compositeurs.

    Le Théâtre du Palais Royal a donc été détruit par un incendie en 1763. L'Académie royale de Musique émigre alors dans la Salle des Machines du Palais des Tuileries, en attendant la construction d'une nouvelle salle au Palais Royal. Pour l'occasion, la Salle des Machines verra ses dimensions fortement réduites pour être adaptée aux spectacles d'opéras. Elle pourra occuper 2000 personnes. Pour la petite histoire, c'est de cette salle que naîtront les expressions "côté cour" (cour du Louvre, à droite pour les spectateurs) et "côté jardin" (jardin des Tuileries, à gauche pour les spectateurs).

    PalaisTuileries1757 copie
    Le Palais des Tuileries, en 1757, vu du quai d'Orsay, fermant la cour du Louvre.
    A l'avant plan, le Pavillon de Marsan, formant le coin, suivi immédiatement de la salle des Machines (encadrée de rouge)

     

    En 1770, la nouvelle salle du Palais Royal est achevée par l'architecte Pierre-Louis Moreau (qui pour l'occasion, rhabille toutes les façades du Palais Royal) et l'Académie royale de Musique y rétablit ses quartiers. Celle-ci est située plus à l'Est que l'ancien théâtre, au coin de la rue de Valois. C'est le premier édifice parisien qui a été dès le départ conçu pour être un Opéra.
    C'est une période faste de l'Académie royale de Musique. La nouvelle salle sera inaugurée le 20 janvier 1770 avec Zoroastre de Jean-Philippe Rameau, puis elle verra de nombreuses création, en particulier tous les opéras français du compositeur autrichien Christoph Willibald Gluck.

    1280px Opéra de Paris salle du Palais Royal incendié le 8 juin 1781
    La deuxième salle du Palais Royal, oeuvre de l'architecte Pierre-Louis Moreau, inaugurée en 1770

     

    incendie 1781 opera palais royal

    Incendie de la seconde salle du Palais-Royal, vu de l'intérieur des jardins



    Malheureusement, seulement 11 ans plus tard, en 1781, cette seconde salle du Palais Royal sera détruite à son tour par un incendie. 

    Le désastre intervient à 20h30, après une représentation d’Orphée et Eurydice, opéra de Gluck joué dans cette même salle depuis 1774, probablement suite à l’embrasement du décor. L'incendie dura pratiquement une journée entière. Il sera immortalisé par plusieurs tableaux de Hubert Robert, peints de jour comme de nuit, comme celui-ci, vu de l'intérieur des jardins du Palais Royal.

    Ce théâtre ne sera jamais reconstruit. Le Théâtre de la Porte Saint-Martin, beaucoup plus au nord sur le Boulevard Saint-Martin, a été construit à la hâte en deux mois pour le remplacer. Dans l'intervalle, la compagnie d'opéra se produit à l'Hotel des Menus-Plaisirs de Paris, rue Bergère.

    Les Menus-Plaisirs étaient une organisation intégrée à la Maison du Roi. Elle était une des organistations les plus importantes de la Maison du Roi et s'occupait de tout ce qui concernait les "plaisirs du Roi", c'est à dire, principalement les cérémonies, les fêtes et les spectacles, dont, bien entendu, les opéras faisaient partie. Les bâtiments qui constituaient cet Hotel des Menus-Plaisirs occupaient un vaste terrain dans un quadrilatère entouré par ce qu'on appelle aujourd'hui la rue Bergère, la rue du Faubourg Montmartre, la rue Richer et la rue du Faubourg Poissonière. C'est dans ces bâtiments qu'étaient rangés le mobilier, les décors, les parures ... servant aux fêtes et spectacles organisés pour les "plaisirs du Roi" (à ne pas confondre avec l'autre Hotel des Menus-Plaisirs, fondé par Louis XV en 1745, à Versailles, destiné aux mêmes fonctions, et dans lequel se réunirent les Etats généraux, en 1789). Ces bâtiments comportaient une salle de théâtre assez vaste dans laquelle on répétait les spectacles qui seraient donnés à Versailles, et qui donc pendant les mois nécessaires à construire le Théâtre de la rue Saint-Martin, abrita l'Académie royale de Musique. A partir de 1784, une partie de ces bâtiments, circonscrits aux rues Bergère, du Conservatoire et Sainte-Cécile, deviendont le Conservatoire de Musique de Paris. La salle de spectacle fut transformée en salle de concert, à l'acoustique exceptionnelle, dans laquelle fut donné en 1828 le premier concert de la Société des concerts du Conservatoire. Depuis 1946, cet établissement est devenu le Conservatoire national supérieur d'art dramatique

    Theatre du Conservatoire Paris CNSAD
    Ancien Hotel des Menus-Plaisirs de Paris, devenu Conservatoire national supérieur d'art dramatique,
    à l'angle des rues Sainte-Cécile et du Conservatoire, dans le 9e arrondissement.

     

    La salle des Menus-Plaisirs de Paris n'abritera l'Académie royale de Musique que durant deux mois, car dès l'incendie du Palais-Royal, Marie-Antoinette exigea la création urgente d'une toute nouvelle salle d'Opéra. Le nouveau lieu est choisit à la Porte Saint-Martin, à l'emplacement d'un cimétière protestant. Sa construction par l’architecte Lenoir fut réalisée en deux mois seulement. Pour respecter l'exigence de la Reine, Lenoir a mobilisé des centaines de compagnons et de corps de métiers, travaillant jour et nuit. Ce chantier pharaonique conduisit à un véritable exploit : la nouvelle Académie royale de Musique fut construite en deux mois à peine : première pierre le 26 août 1781 , inauguration officielle le 26 octobre, en présence de la Reine. Cette salle comportait 1800 places dès sa création. Pour la première fois, des sièges étaient placés au parterre. Elle reste encore aujourd'hui une des plus grandes salles de théâtre des boulevards parisiens.
    Le Théâtre de la Porte Saint-Martin, à son tour, eut une existence éphémère en tant qu'opéra. Cela dura 13 ans. Il restera donc un opéra durant toute la Révolution Française, jusqu'au jour de la chute de Robespierre, le 9 thermidor An II (27 juillet 1794), marquant la fin de la Terreur. Il portera à son tour, le nom d'Académie royale de Musique, juqu'à la fin de la Monarchie, après la fuite à Varennes de Louis XVI, en 1791. Ensuite, il s'appelera Théâtre de l'Opéra en 1791 et 1792, puis Théâtre des Arts en 1793 et 1794. Après la chute de Robespierre et durant tout le Directoire, le théâtre n'est plus utilisé que comme salle de réunion, puis, tout en restant un bien d'Etat, il est abandonné, avant d'être rouvert, sous le nom de Théâtre de la Porte Saint-Martin (nom qu'il n'avait jamais porté jusque là). On y joue des pièces à grand spectacle, des comédies et des ballets. A l'exclusion d'une fermeture entre 1807 et 1810, suite à un décret impérial, et l'arrêt forcé entre 1871 et 1873, suite à un incendie lié aux événements de la Commune de Paris, le théâtre a continué à exister jusqu'à nos jours et constitue toujours l'un des théâtres les plus populaires de Paris. Après l'inauguration du théâtre reconstruit, en 1873, on y jouera les plus grandes pièces du répertoire, comme Cyrano de Bergerac qui y sera créée, ou plusieurs oeuvres de Victor Hugo, par exemple. Sarah Bernhardt s’y produit pendant plusieurs mois d’affilée et y reste fidèle jusqu’à la fin du siècle.

    theatre porte saint martin 1828
    Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1828

     

    C'est sur un ordre du Comité de Salut Public, que l'Académie de Musique, devenue Académie des Arts, doit quitter la Porte Saint-Martin, destinée à devenir une salle de réunion, pour intégrer la nouvelle salle fondée à ses frais par Mlle Montansier (de son vrai nom Marguerite Brunet, une directrice de théâtre déjà connue à Paris), située sur la rue Richelieu, devenue rue de la Loi pendant le Révolution. Ce théâtre, appelé alors Théâtre National ou salle Montansier, devient le Théâtre des Arts, en continuation du nom donné jusqu'en 1794 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. C'est là que furent notamment représentées les premières en France de La Flûte Enchantée de Mozart, ou enore celle de La Création de Joseph Haydn. C'est en se rendant à cette dernière que Bonaparte, encore Consul, échappe de justesse à une machine infernale. Cette salle s'appellera successivement Théâtre des Arts (1794), Théâtre de la République et des Arts (1797), Théâtre de l'Opéra (1802), Académie impériale de musique (1804, à l'instauration de l'Empire), Académie royale de musique (1814 sous la Restauration), Académie impériale de musique (1815, pendant les cent jours), puis à nouveau Académie royale de musique (1815, sous la seconde Restauration). En 1820, le Duc de Berry, fils de Charles-Philippe de France (frére de Louis XVI et de Louis XVIII et futur Charles X) y est poignardé par Pierre Louis Louvel, un bonapartiste qui espère ainsi éteindre le dynastie des Bourbons. Le Duc mourut le lendemain de l'attentat2. Par représailles contre le théâtre, qui pourtant n'était en rien responsable de cet attentat, Louis XVIII le fit démolir, et à la place y construisit une chapelle expiatoire. Cette chapelle ne fut jamais terminée, car après la Révolution de Juillet (1830), elle fut à son tour démolie en 1839, et un square pris sa place, nommé tout d'abord place Richelieu, puisque le rue devenue rue de la Loi sous la Révolution Française avait repris son nom de rue Richelieu. En 1844, à la demande de Louis-Philippe, la Fontaine Louvois y fut construite par Louis Visconti. Cette fontaine monumentale est composée de sculptures allégoriques qui représentent quatre grands fleuves et rivières français : la Seine, la Garonne, la Loire, et la Saône (à l'instar de la Fontaine des Quatre Fleuves, bâtie par Gian Lorenzo Bernini sur la Piazza Navona de Rome, qui représente les plus grands fleuves des quatre continents connus). Cette place Richelieu fut par après rebaptisée Square Louvois. Il est situé dans le deuxième arrondissement, à courte distance du Palais-Royal.

    Opéra de la rue Richelieu
    Académie de Musique de la rue Richelieu ou Salle Montansier, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le Square Louvois
    P1050085 Paris II fontaine Louvois rwk
    Square et Fontaine Louvois, aujourd'hui.

     

    Théâtre Louvois interior view Donnet 1821 plate12 GB Princeton

     

    Il faut donc, à la fermeture et la destruction de la Salle Montansier, à nouveau retrouver un nouveau lieu pour l'Académie de musique de Paris. L'emplacement choisi est celui d'une partie des jardins de l'hôtel de Choiseul, l'hôtel lui-même étant affecté à l'administration de l'opéra. L'endroit se trouve plus au Nord, dans le 9e arrondissement, sur la rue Le Peletier. On décide que se sera une salle provisoire, et elle sera construite en à peine un an. L'Opéra Le Peletier (ou Opéra de la rue Le Peletier) restera cependant en activité pendant 52 ans. Mais pendant sa construction, il faut trouver des salles pour continuer à y donner des représentations lyriques. Ce sera d'abord le Théâtre Louvois, situé sur la rue Louvois, face à la rue Lulli, située juste à l'arrière de la salle Montansier. Deux représentations seulement y seront données et le théâtre lui-même disparaîtra en 1825.


    P1090582 Paris II salle Favart rwk


    La salle Favart, de nos jours.

     

     

    Ensuite ce sera l'Opéra-Comique, appelé aussi " salle Favart ", situé place Boieldieu, un peu plus au Nord, toujours dans le 2e arrondissement. Là aussi, quelques représentations seulement seront données, avant l'inauguration de la salle de la rue Le Peletier, le 16 août 1921. La salle Favart, elle, construite en 1783, à la demande de Marie-Antoinette, ne cessera d'être active jusqu'à aujourd'hui, malgré deux incendies, en 1838 et 1887, qui exigent des fermetures temporaires pour refaire une nouvelle salle. La salle actuelle est donc la troisième salle Favart. La salle Favart accueille l'Opéra-Comique jusqu'en 1972, date à laquelle cette mission est abandonnée, pour devenir une école de formation de jeune chanteurs. Lorsque la société du Théâtre national de l'Opéra est fondée en 1978, la salle Favart devient un temps, la seconde salle d'opéra de Paris, jusqu'à la construction de l'opéra Bastille, inauguré en 1989. En 1990, la salle Favart retrouve son autonomie. En 2005, elle obtient le statut d'entreprise publique sous le nom Théâtre national de l'Opéra-Comique, et se voit confier une mission très large, comprenant aussi bien des pièces sans musiques que des oeuvres lyriques, et un répertoire allant de la musique baroque à la musique contemporaine.

    L'Opéra1 de la rue Le Peletier est donc construit pendant ce temps, en un an, du  au 

    Foyer de danse opera le peletier
    Foyer de la danse à l'Opéra de la rue Le Peletier (1872) - Musée d'Orsay - Paris

     

    Construit en structure légère, l'opéra Le Peletier était destiné à n'être qu'une salle temporaire. Il resta cependant actif pendant 52 ans, et connu les plus grandes heures de l'opéra parisien, à une époque où les créations étaient nombreuses et qui voyait l'émergence d'un grand nombre de compositeurs de génie, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en France et ailleurs en Europe, et où il y avait un engouement d'une grande partie de la population pour l'art lyrique. Malheureusement, ce qu'on craignait depuis le début pour cette très grande salle aux structures légères et entièrement éclairée au gaz, finit par arriver : dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, pour une cause inconnue, l'opéra Le Peletier fut la proie d'un violent incendie qui dura près de 24 heures. Tout l'édifice fut détruit. Seule une grande partie des archives purent être sauvées, grâce à la réaction prompte de l'archiviste et du souffleur. Tous les papiers historiques de la maison, les livrets, les partitions, la collection des affiches depuis 1804, le recueil des états d'émargement depuis 1749 contenant les autographes des artistes furent ainsi épargnés.

    opera de la rue le peletier
    Haut: Opéra de la rue Le Peletier vers 1873, peu avant sa destruction
    Bas:
    Gauche: Scéne de l'Opéra lors de son inauguration, le 16 août 1821, avec "Les Bayardères" de Charles Simon Castel; les loges du rez-de-chaussée devant la scène sont murées, en souvenir du Duc de Berry qui occupait la loge de droite à la rue Richelieu
    Milieu: La salle vers 1873
    Droite: L'incendie du 28-29 octobre 1873

     

    La construction de l'opéra Garnier avait déjà débuté sous le Second Empire, mais avait été interrompue du fait de la guerre Franco-Prussienne de 1870 et de la Commune de Paris de 1871. Suite à l'incendie de l'opéra Le Peletier, on décida donc d'en hâter le chantier, en même temps qu'on modifiait en profondeur le tracé des boulevards situés autour de cette future place de l'Opéra, et qu'un réseau de bouches d'incendies était construit sous tous les boulevards et artères de la ville (la métaphore comparant les rues principales aux artères du corps humain, était déjà connue, car inventée par Victor Hugo en 1830, lorsqu'il rédigeait Notre Dame de Paris - Livre Troisième, Chapitre II : "Paris à Vol d'Oiseau", paragraphe 10).


    Salle Ventadour c1830 HBwebsite

    Salle Ventadour vers 1830

     

    En attendant la finition de l'opéra Garnier, l'Académie de Musique occupe temporairement la Salle Ventadour. Cette salle du 2e arrondissement, aujourd'hui devenue le foyer social de la Banque de France, accueillit un temps l'Opéra-Comique. On y vit aussi la création de Ruy Blas de Victor Hugo en 1838, puis en 1941, les compositeurs italiens étant de retour à Paris, ils occupent pendant 30 ans cette salle et de nombreux opéras italiens y sont représentés en France pour la première fois. Et non des moindres, puisque parmi ceux-ci, on trouve Don Pasquale de Donizetti, Nabucco, Il Trovatore et Rigoletto de Verdi, mais aussi Fidelio de Beethoven

     

     

    Dès 1858, Napoléon III prend la décision de faire construire un nouvel opéra, suite à l'attentat de l'anarchiste italien Orsini devant l'Opéra de la rue Le Peletier. Cette rue est étroite, et l'Empereur considère que l'endroit ne peut pas être correctement sécurisé. Il décide donc que ce nouvel opéra doit être construit dans un endroit beaucoup plus ouvert. C'est le Baron Haussmann qui lui suggère l'endroit, sur une place en forme de losange d'où partent plusieurs grands boulevards, et qui sera entourée de bâtiments de prestige. Un concours est organisé, et c'est le jeune architecte Charles Garnier qui l'emporte. Les travaux commencent dès 1861, tandis qu'au même moment, une nouvelle large avenue est percée allant de ce qui deviendra la place de l'Opéra à l'aîle Richelieu du Palais du Louvre, dans laquelle Napoléon III réside. Voulant en effet se protéger au mieux de nouveaux attentats, il fait non seulement ériger l'Opéra dans un espace très ouvert, mais cette large avenue lui permettra également de rejoindre rapidement l'Opéra dans sa berline, par cette avenue de l'Opéra moins propice aux attentats. Une fois arrivé, une rampe d'accès et une entrée séparées lui permettront d'entrer dans le théâtre.

    Les travaux colossaux avancent assez lentement et requièrent une équipe nombreuse d'ouvriers et artistes. Ils seront inachevés lorsque le chantier sera arrêté pour cause de guerre franco-prussienne, en 1870. Les troubles qui suivront, la Commune de Paris et les débuts hésitants de la Troisième République2, seront peu propices à rassembler les fonds nécessaires à la finition du chantier. Napoléon III ne connaîtra jamais la fin du chantier de son Opéra. Il meurt en exil en Angleterre le 9 janvier 1873, des suites de complications d'une lithiase vésicale. Et ce n'est qu'en octobre de cette même année, suite à l'incendie de l'Opéra de la rue Le Peletier, qu'on décide de relancer et d'activer les travaux de l'opéra Garnier. On rappelle donc Charles Garnier qui s'y active pendant toute l'année 1874. Ce ne sera pas tâche facile pour lui, car le chantier a été abandonné pendant 5 ans, et il lui faut retrouver le maximum d'ouvriers, artisans et artistes qui avaient oeuvré à la construction, et qui sont maintenant dispersés. De même, certains matériaux, nécessaires en grande quantité, sont difficiles à rassembler, et pour certains, les prix ont énormément augmenté en 5 ans. De nombreuses oeuvres, sculptures ou peintures resteront inachevées, et les plans ne pourront pas toujours être respectés. Il s'en suivra un manque d'harmonie en plusieurs endroits.

    Charles Garnier réussira cependant à parachever son oeuvre en un an, et l'Opéra sera inauguré le 5 janvier 1875. Vu de l'extérieur il a des allures monolithiques, de styles éclectiques, plus ou moins d'inspiration baroque. A ses détracteurs, parmi lesquels l'Impératrice Eugénie, qui lui reprochaient que cet édifice était d'aucun style connu, Charles Garnier répondait " C'est du Napoléon III ! " Tout était dit, l'orgueil de l'empereur était comblé, et il n'hésitait pas à répondre que son épouse n'y connaissait rien en matière d'art. Néanmoins, je trouve l'ouvrage très harmonieux, très certainement grâce au fait qu'il se détache largement des édifices haussmaniens qui l'entourent, du fait du large espace sur lequel il est bâti, et aussi parce qu'il peut être observé de très loin, en prenant du recul dans la large avenue de l'Opéra. Quant à l'intérieur, je le trouve splendide et majestueux. En entrant, le regard est tout de suite happé par le grand escalier tout en larges courbes, aux marches évoluant du convexe au concave, en marbre blanc de Seravezza, à la balustrade en onyx, et aux balustres en marbre rouge, s'appuyant sur un socle en marbre vert de Suède, le tout décoré de dorures et de mosaïques, et des deux statues-torchères géantes en cuivre au bas de l'escalier. Les autres espaces que je trouve grandioses : le grand foyer, le foyer de la danse, et la superbe salle, son lustre et son plafond, dont on reparlera plus bas. Et bien sûr tout l'espace de scène, ses cintres et ses machines; scène la plus vaste jamais construite à cette époque.

    En cette fin de 19e siècle, l'Opéra n'est pas uniquement un lieu de spectacle. C'est aussi un endroit de rencontre, entre gens de pouvoir, industriels, ou tout simplement les membres de la bourgeoisie parisienne. On y discute politique ou affaires. Garnier y construit donc de vastes espaces dévolus aux rencontres avant le spectacle ou pendant les entr'actes, qui dépassent largement la superficie de la salle de spectacle : le grand hall d'entrée, la salle des abonnés et ses couloirs, le grand foyer et ses salons attenants, l'avant-foyer et ses petites rotondes attenantes (rotonde de la lune, aux tons froids argentés, côté jardin, et rotonde du soleil, aux tons chauds, côté cour), et puis les larges couloirs donnant vers les loges, et les deux grandes rotondes qui flanquent la salle, juste dans l'axe central du losange de la place. La rotonde Zambelli, côté jardin, qui servait de bibliothèque et qui est maintenant le musée du palais Garnier. Et la rotonde Chauviré, côté cour, au rez-de-chaussée de laquelle on achète actuellement les tickets ou les abonnements, et où au premier étage, à hauteur des premières loges, on trouve, comme se fut le cas depuis le début, la rotonde du Glacier.

    Mais rien ne vaut quelques photos plutôt que de longues explications pour rappeler la richesse de l'intérieur de l'Opéra.

    photos opera garnier

    Opéra Garnier (aussi appelé palais Garnier), inauguré le 15 janvier 1875

    1. Grand escalier. La première volée permet d'accéder aux fauteuils d'orchestre (autrefois "parterre"), au balcon (autrefois "amphitéâtre") et aux baignoires (les loges du rez-de-chaussée de part et d'autre des fauteuils d'orchestre). Les volées latérales permettent d'accéder aux 4 autres étages de loges et aux espaces ouverts au public, comme le Grand Foyer.
    2 .Le Grand Foyer, pour les rencontres et les consommations durant les entr'actes. Donnant d'un côté sur la loggia et de l'autre sur l'avant-foyer. Largement équipé de glaces, il s'inspire des grandes galeries de châteaux tels que Versailles. Les lustres comme presque tous les lustres de l'Opéra sont dessinés par Charles Garnier.
    3. Le foyer de la Danse, salle de répétition et d'échauffement pour le corps de ballet, il est situé immédiatement derrière la scène. Le mur métallique le séparant de la scène peut être soulevé, permettent ainsi au corps de ballet d'être vu depuis la salle et augmentant ainsi la profondeur et la perspective.
    4. La salle vue de la scène, avec 3 étages de loges, et tout en haut, le paradis.
    5. Vue latérale du balcon de la salle, et les 3 étages de loges. On distingue sur la gauche, les baignoires au niveau des fauteils d'orchestre.
    6. Salle vue de l'arrière. Le balcon à l'avant-plan, les fauteulis d'orchestre plus bas, séparés par un couloir central, les loges d'avant-scène, et le rideau de scène, peint en trompe-l'oeil.
    7. Le grand lustre central, lui aussi dessiné par Garnier. Il mesure 8 mètres de haut et pèse 8 tonnes.
    8. Le plafond actuel peint d'après une maquette de Marc Chagall, et placé en 1964. Il est marouflé sur un disque circulaire en polyester apposé contre l'ancien plafond, peint par Jules Eugène Lenepveu. Il évoque, en cinq parties aux vives couleurs, les grands jalons et ouvrages représentatifs de l'histoire des arts de l'Opéra et de la danse ainsi que quatorze compositeurs marquants des arts lyriques et chorégraphiques du répertoire. La partie centrale recouvre la grille de l'ancien plafond, qui servait à remonter le lustre, et qui n'était plus nécessaire. Le plafond de Chagall, juste apposé contre le plafond d'origine, peut donc être retiré à tout moment.
    9. Maquette du plafond original de Jules Eugène Lenepveu, visible dans le musée du palais Garnier. Ce plafond représente les muses et les heures du jour et de la nuit. Il mesure 54 mètres de diamètre, et la grille centrale de 18 mètres de diamètre servait à remonter le lustre pour son entretien.
    10. Maquette du palais Garnier, se trouvant au Musée d'Orsay. ale vestibule d'entrée voûté en berceau, avec les statues de Rameau, Lully, Gluck et Haendel, représentant respectivement les oeuvres lyriques françaises, italiennes, allemandes et anglaises. b. salle de contrôle des billets. c. Grand Foyer. d. Avant-Foyer, avec à ses deux extrémités, deux petites rotondes : celle de la lune, côté jardin (ouest), aux couloirs froides argentées, et celle du soleil, côté cour (est) aux couleurs chaudes dorées. e. Grand escalier. f. salle de spectacle. g. la grande rotonde sous la coupole métallique. La cheminée du lustre a maintenant été supprimée, et la rotonde a été divisée en deux dans le sens de la hauteur, pour en faire trois très grandes salles de répétition : la salle Marius Petipa au-dessus, immédiatement sous la coupole, d'une superficie de 400 m2, et au-dessous, deux salles de 220 m2, les salles Lifar et Noureev. h. le bassin de la Pythie d'Apollon, cachée sous le grand escalier. i. l'ancienne salle des abonnés. j. la cage de scène, incluant le plateau de scène lui-même, au plancher en chêne, de 53 mètres de large et de 26 mètres de profondeur, incliné de 5 degrés vers le public. Il constituait à l'époque le plus vaste plateau de scène au monde. Les coulisses côté jardin et côté cour (appelées ainsi, car à l'origine, elles contenaient les décors coulissants sur des rails), les cintres au–dessus de la scène, contenant 83 tubes, les porteuses, longues de 28 mètres et pouvant porter des décors ou des rideaux sur une hauteur de 17 mètres et jusqu'à un poids d'une tonne. Les machineries sous la scène qui par un jeu de trappes dans le plateau de scène, peuvent faire apparaître décors ou objets, même en cours de spectacle. Et bien sûr, toute une série de tambours et contrepoids pour actionner l'ensemble. k. Le Foyer de la Danse, entouré de nombreuses autres salles de répétition, dont juste au-dessous, la salle de répétition du choeur, et plusieurs étages de loges d'artistes.

     

    Charles Garnier équipe l'Opéra d'une entrée latérale du côté ouest qui communique avec une rotonde entourée de colonnes, et située juste sous la salle de spectacle. Cette entrée et cette rotonde est réservée aux abonnés. Il faut de fait se rendre compte qu'à cete époque, les personnes abonnées se rendaient jusqu'à 3 fois par semaine à l'Opéra, et jouissaient de conditions d'accès et de places privilégiées dans la salle. C'est dans cette rotonde ouverte, située au niveau le plus bas de l'Opéra, que Charles Garnier, dont le nom complet est Jean Louis Charles Garnier, dissimulera, par modestie, la seule signature de l'exécution de son chef d'oeuvre (une salle de 2000 personnes, la plus grande scène à cette date, et le plus grand édifice avec une surface au sol de 15 000 m2). Son nom, et les dates de début et de fin de la construction, figurent de façon quasi cryptée sur le plafond de cette ancienne salle des abonnés : JEAN LOUIS CHARLES GARNIER ARCHITECTE 1861-1875.

     

    Les entrées au spectacle sont, à cette époque, organisées de façon très méthodique : les spectateurs du dernier étage, le paradis, entrent 3 heures avant le début du spectacle, et ainsi de suite. Les abonnés, eux, sont appelés 30 minutes avant le début. Ils passent alors devant des miroirs pour vérifier leurs tenues, passent devant le bassin de la pythie d'Apollon, partiellement masquée par un brouillard d'eau, puis montent les escaliers menant vers le grand hall, pour enfin gravir le grand escalier vers les loges. Ils sont ainsi vus de tous ceux qui se trouvent déjà dans la salle.

    L'opéra Garnier s'appelait alors, et ce, jusqu'en 1988, tout simplement et tout normalement Opéra de Paris, et sur la façade de l'Opéra figure l'appelation qui a toujours été l'appellation officielle de l'Opéra depuis sa création en 1669 : " Académie Nationale de Musique ". Seul le qualificatif changea selon les époques : royale, nationale ou impériale.

    académie nationale de musique

     

    Aussi, sur le lambrequin métallique surmontant le rideau de scène, Charles Garnier fait marquer la date "ANNO 1669" qui commémore la date de création de l'Opéra parisien, comme nous l'avons vu, par la lettre de patente de Colbert, sur ordre de Louis XIV. Sur le bord du cercle situé au centre de cette date, on trouve d'ailleurs " MUSICAE ACADEMIAM INSTITUIT LUDOVICUS XIV" (Louis XIV fonda l'Académie de Musique), et au centre, un soleil portant la devise de Louis XIV " NEC PLURIBUS IMPAR", à la traduction incertaine, "À nul autre pareil" ou "Au-dessus de tous". Au-dessus de la mêlée, donc, comme le soleil. Devise elle-même empruntée à Philippe II d'Espagne, qui lui régnait sur deux continents.

    lambrequin opera garnier

     

    On raconte que lors de l'inauguration de l'Opéra, le 15 janvier 1875, Charles Garnier dut payer sa place et n'eut droit qu'à une loge du second étage. Le très royaliste second président de la IIIe République, Patrice de Mac Mahon, l'humiliant ainsi pour avoir accepté ce chantier commandé par Napoléon III.

    Une légende raconte aussi que le lourd lustre de 8 tonnes est tombé sur les spectateurs pendant une représentation du Faust de Gounod, le 20 mai 1896. Il n'en est rien. Il s'agit en fait de la chute de l'un des 8 contrepoids du lustre, chacun de 750 kg, qui tomba lors d'une représentation, non de Faust, mais d'Hellé d'Etienne-Eugène Floquet. Le lustre ne bougea pas, mais le contrepoids traversa les cinquièmes loges, vides et termina sa course au niveau des quatrièmes loges, où il tua une vieille dame très modeste. Cette affaire, et la panique qui s'en suivit, inspira Gaston Leroux pour un des épisodes principaux du Fantôme de l'Opéra, publié en 1910, et repris par Andrew Lloyd Weber, pour sa comédie musicale The Phantom of the Opera, jouée sans interruption à Londres depuis 1986, et la plus longtemps jouée à Broadway également.

    Les créations lyriques de l'opéra Garnier furent essentiellement françaises, parmi lesquelles 4 opéras de Camille de Saint-Saëns et Thaïs de Jules Massenet. Parmi les oeuvres chorégraphiques, l'une des plus célèbres au monde y fut créée en 1928: le Boléro de Maurice Ravel.

    Pour une information complète sur l'architecture et les divers travaux entrepris à l'opéra Garnier entre 1861 et 1987, lire son carnet d'identité de juin 1987.

     

    En 1982, le ministre de la culture, Jack Lang, considère que l'opéra Garnier a une salle trop petite, et qu'il est dépassé en matière technique. Il propose au président François Mittérand la construction d'un nouvel opéra, moderne et populaire. L'idée naît immédiatement de faire coïncider l'inauguration de ce nouvel opéra avec les fêtes de commémoration du bicentenaire de la prise de la Bastille. D'ailleurs, sur la place de la Bastille se trouve une gare désafectée depuis 1969. Il est donc très vite décidé que cette gare sera démolie et que ce sera la place du nouvel opéra. Dès 1983, un concours est organisé, et l'uruguyo-canadien Carlos Ott emporte le chantier.

    opera bastille 3photos

    L'opéra Bastille voit le jour comme prévu, en 1989. C'est un opéra résolument contemporain. Sa façade avant, semi-circulaire est tournée vers la colonne de juillet de la place de la Bastille. Evidemment, l'espace réservé aux déambulations du public pendant les entr'actes y est beaucoup plus limité qu'à l'opéra Garnier. Les temps ont changé. Par contre, la salle est d'une part plus grande (2745 places) et constituée de grands balcons modernes d'où la vue du spectacle est bonne de partout. Mais personnellement, je n'aime pas cette architecture, surtout parce qu'elle est construite en un endroit où ce modernisme choque mon regard. Ce fut d'ailleurs une constante dans les architectures voulues par Lang et Mittérand. Si mon regard a fini par accepter la pyramide du Louvre, parce qu'elle est placée au milieu de la très large cour Richelieu, et qu'elle est en verre, je trouve par contre totalement absurdes, ces colonnes de Buren, en avant-scène des jardins du Palais-Royal. L'intérieur de l'opéra Bastille aussi, je le juge beaucoup trop froid et contemporain, par rapport au classicisme des oeuvres lyriques.

    L'opéra Bastille, construit dans la hâte, pour être prêt pour les cérémonies du bicentenaire, a connu des débuts difficiles. Les machineries, pilotées maintenant électroniquement, ont connu de nombreuses pannes qu'il fallait parfois réparer en pleine représentation. Et sa façade s'est très vite dégradée. En 1990 déjà, une des dalles de façade s'écroulait, et il faudra équiper cette façade de filets de protection pendant des années. Un interminable procès s'en suivra entre l'Etat et les constructeurs. Procès finalement gagné par l'Etat en 2007.

    En plus de la salle principale, l'opéra Bastille comporte deux autres salles plus petites : l'une de 500 places située sous la salle principale, et l'autre de 237 places dans un batiment annexe. Une troisième, de 800 places, est prévue pour 2022-2023.

    Depuis 1994, les deux opéras parisiens forment officiellement l'Opéra national de Paris, sous une direction commune, et sous tutelle du ministère de la Culture. C'est désormais le nom officiel de ce qui depuis 1669 s'appelait toujours officiellement l'Académie de musique, regroupant l'art lyrique et le ballet. L'opéra de la place de l'Opéra, même s'il est, par tradition, toujours appelé Opéra de Paris, a donc vu son nom officiellement changé en opéra Garnier ou palais Garnier.

    Si on regarde la programmation annuelle de l'Opéra de Paris, on constate que le palais Garnier est désormais principalement dévolu à la danse, tandis que la majorité des opéras se jouent à l'opéra Bastille. Les concerts eux, sont principalement organisés dans les salles annexes de l'opéra Bastille.

     

    Voici donc bouclée l'histoire des 14 salles occupées par l'Académie royale de Musique, devenue aujourd'hui l'Opéra national de Paris. Je terminerai ce texte en les situant sur une carte de Paris, et en les numérotant selon leur ordre chronologique, de 1669 à aujourd'hui.

     


    1. le mot "opéra" prend une majuscule quand on parle du lieu dans l'absolu ("je vais ce soir à l'Opéra" ou quand il est suivi du nom d'un lieu (l'Opéra de Paris, ou l'Opéra de la rue Le Peletier), mais une minuscule s'il porte un nom particulier (L'opéra Le Peletier, l'opéra Garnier, l'opéra Bastille. Et bien sûr, une minuscule lorsqu'il s'agit d'une oeuvre (l'opéra Thaïs de Massenet). (retour)

    2. Le Duc de Berry était le second fils du dernier Bourbon régnant, Charles X (son premier fils, le Duc d'Angoulème, qui avait épousé Marie-Thérèse, fille de Louis XVI, n'avait pas d'enfant). Au moment de son assassinat, il avait une fille, et son épouse était enceinte. L'enfant naissant après la mort de son père, était un fils, Henri d'Artois. Lorsque Charles X doit abdiquer après les "Trois Glorieuses" de juillet 1830, suite à un pouvoir conservateur et autoritaire, il force le Duc d'Angoulème à renoncer au trône et désigne son petit fils comme successeur sous le nom d'Henri V. Celui-ci ne règnera cependant pas, puisque les Français choisirons le cousin de Charles X, le Duc d'Orléans, qui deviendra "Roi des Français" sous le nom de Louis-Philippe Ier, tandis qu'Henri d'Artois, alors agé de 9 ans à peine, est exilé en Angleterre. Plus tard, en 1870, après la défaite de Sedan face à la Prusse, et la chute de Napoléon III, la nouvelle Assemblée est à grande majorité composée de monarchistes, divisés en légitimistes, fidèles aux Bourbons, et orléanistes. Adolphe Thiers est nommé chef de l'exécutif et deviendra le premier président de la Troisième République. Henri d'Artois, portant alors le titre de courtoisie de Comte de Chambord, fait son grand retour en France. Des négociations vont très loin pour restaurer la monarchie et ont été sur le point d'aboutir. Une opposition intransigeante du Comte de Chambord au drapeau tricolore, qui durera de longues années, et son refus de recontrer les orléanistes, dont le Comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe, le mettra en constante opposition avec l'exécutif. Thiers finira, en 1873, par décréter que la république est incontournable, et les monarchistes majoritaires le forceront à démissionner, au profit de l'orléaniste Patrice de Mac Mahon, devenant donc second président de la Troisième République. Bien que les pourparlers avec le Duc de Chambord se poursuivent, celui-ci demeure intraitable par rapport au drapeau tricolore. La Troisième Restauration semble alors compromise, et la majorité et Mac Mahon, qui considèrent toujours que cette République est transitoire avant la restauration de la monarchie, s'éloignent du Duc de Chambord pour se rapprocher des Orléanais. Mac Mahon fait voter le mandat présidentiel à sept ans en novembre 1873, en espérant que le Duc de Chambord mourra avant la fin de son mandat présidentiel. La République est réellement instituée en 1875 par les nouvelles lois constitutionnelles de février et de juillet. Les élections de 1877 et de 1879 donnent la majorité à la gauche à la Chambre, puis au Sénat, et Mac Mahon, ne disposant plus d'aucun soutien des conservateurs, se voit dans l'obligation de démissionner. La Troisième République est enfin stabilisée, ... jusqu'au funeste 10 juillet 1940. (retour)


     

     

     

    rome forum

    Rome est pour moi une des plus belles et culturellement, une des plus riches capitales européennes avec Paris et Prague.

    Rome, ville ouverte

    En 1943, suite à la chute de Mussolini, les Allemands occupent Rome et la déclare « Ville ouverte ». Roberto Rossellini en fera dès 1945 le premier film italien néoréaliste de l’époque postfasciste. Une ville ouverte signifie, en temps de guerre, qu’elle ne peut servir d’objectif militaire, et donc n’être ni attaquée, ni bombardée, tant cette ville représente un patrimoine culturel qui doit être préservé.
    Et de fait, Rome est riche d’au moins trois époques culturelles majeures :l’Antiquité romaine, la Haute Renaissance italienne, et l’Époque Baroque.

    Mais ce terme de « Ville ouverte » évoque, pour moi, bien d’avantage l’atmosphère que je respire quand je me ballade dans Rome. Malgré l’afflux de touristes, je n’y éprouve jamais l’impression d’oppression, comme je peux par exemple la ressentir à Florence. Car Rome est constituée partout de grands boulevards arborés, de longues et larges artères, et surtout d’un très grand nombre de grandes places magnifiques, avec partout des ruines ou des édifices historiques grandioses, et de très nombreux endroits où se restaurer à tous les prix, où s’arrêter pour un petit apéro ou pour une glace à l’italienne.

    Un peu de géographie

    sept collines de rome

     Depuis l’Antiquité, le centre de Rome en ses remparts est construit sur sept collines situées sur la rive gauche du Tibre ( le Vatican, par contre, est sur la rive droite). Au centre, deux collines où se déroulait l’essentiel de la vie politique et publique de la Rome antique : Le Capitole(la plus petite de ces 7 collines), où se trouvait le Sénat romain, et le Palatin, lieu de résidence de la plupart des empereurs. Entre les deux, les forums romains, lieux de manifestations publiques, de commémorations et de culte. 

    Entourant ces collines centrales, le Quirinal, où se trouve le palais du président de la république italienne, le Viminal, l’Esquilin, le Caelius et l’Aventin. Ces collines ne sont pas des montagnes. Elles ne font guère plus que 40 à 50 mètres de hauteur, et il est souvent difficile de les distinguer au milieu de l’habitat dense de la ville. Toutefois, en flânant dans Rome (ce que je recommande), on s’apercevra vite qu’on ne cesse de monter et descendre.

     

    Les « incontournables »

    J’appelle « incontournables », les lieux les plus connus de Rome et que la plupart des visiteurs ne restant que quelques jours aiment voir. Ce ne sont pas nécessairement mespréférences.

    La Rome Antique

    L’essentiel est concentré en plein centre, autour des collines du Palatin et du Capitole.

    Le Colisée : c’est la plus grande des arènes romaines (suivie de celles de Vérone). C’est un édifice colossal qui comptait 50.000 places. C’est d’ailleurs ce qu’il signifie. On l’appelle Colosseo en italien. À sa construction, au premier siècle, entre 70 et 96, il s’appelait amphitéâtre Flavien, du nom de la famille impériale régnante lors de sa construction : les Flaviens. Il a été commencé sous Vespasien et terminé sous les principats de ses deux fils Titus et Domitien.  A sa mort en 68, Néron était tombé en disgrâce, et son somptueux palais, la Domus aurea, ses jardins et son lac artificiel furent entièrement détruits. Seule la statue colossale de Néron a survécu pendant quelques siècles, juste à côté du Colisée. C’est d’ailleurs en réalité à elle qu’on doit ce nom de Colosseo.

    colisée

     Vespasien a voulu rendre la grandeur de l’endroit en y construisant cet édifice dédié aux spectacles pour le peuple, à l’endroit du lac de Néron. On pouvait y donner de somptueux spectacles, y compris nautiques (en emplissant l’arêne de plusieurs mètres d’eau). Il fut aussi très vite utilisé pour les combats de gladiateurs, et plus tard, comme on le sait, pour des spectacles de supplices, notamment des premiers chrétiens. Il se trouve juste à côté des forums romains, au pied du Mont Palatin. La voie par laquelle les généraux vainqueurs entraient sur le Forum pour y être accueilli en triomphe (la Via Sacra) passe devant. C’est ainsi qu’on y trouve, juste à côté, l’Arc de Triomphe de Constantin, et plus loin, à l’entrée des Forums, celui de Titus. Le Colisée doit absolument être visité avec un très bon guide, pour comprendre l’architecture, le fonctionnement et l’histoire du Colisée

     

    Le Mont Palatin : en sortant du Colisée, et en passant à côté de l’Arc de Constantin, on monte sur le Mont Palatin. De nombreux empereurs y érigèrent leurs palais, dont Auguste, Tibère, Domitien ou encore Hadrien, car on y jouissait d’une vue sur toute la Rome impériale : le Colisée bien sûr, mais aussi les Forums, le Capitole, et, du côté opposé aux forums, le gigantesque Cirque Maximus, où avaient lieu les courses de chars. Ils assistaient ainsi aux courses depuis les terrasses de leurs palais. Le mot « Palais » vient d’ailleurs directement du mot « Palatin ». Aujourd’hui, il ne reste quasiment rien du cirque Maximus, si ce n’est une immense pelouse qui en épouse les contours et qui permet encore de se figurer ses énormes dimensions. Sur le Palatin, seules les ruines des palais d’Auguste et de Tibère se visitent encore. En quittant le Mont Palatin par le nord, on passe par les jardins Farnese, anciens jardins botaniques de Rome, des terrasses desquels, on a une magnifique vue sue les forums, et d’où on a également directement accès à ces forums.

    circus maximus et mont palatin copie
    Circus Maximus et ruines des palais du Mont Palatin au fond

     

    Les Forums romains : on parle très généralement « du forum ». C’est la place publique de la Rome républicaine (jusqu’à Jules César) puis impériale (depuis le premier empereur, Octave-Auguste, jusqu’à la chute de l’Empire Romain d’Occident, en 476). C’est un lieu politique et religieux. Politique et religion sont d’ailleurs intimement liés chez les Romains, très pieux. Il est entouré de nombreux temples. La Via Sacra y aboutit, voie par laquelle les généraux vainqueurs entraient triomphalement sur le Forum, et devenaient des personnages des plus importants de la cité, et souvent de futurs empereurs. C’est près du forum que fut assassiné Jules César en 44 av. JC. On n’en connaît pas exactement l’endroit. Par contre, le lieu supposé de sa crémation est toujours visible.


    Si on parle DES forums romains, c’est parce que plusieurs places ont par la suite été ajoutées au forum principal, tel le forum de Jules César, construit par Auguste, ou celui d’Auguste lui-même, ou encore celui de Trajan. La zone du Forum et de ses extensions se ferme sur l’Arc de Triomphe de Septime Sévère, au pied du Capitole.

    N.B. Une visite combinée du Colisée, du Mont Palatin et des Forums est possible. Il vaut mieux réserver bien à l’avance ses billets sur l’un des nombreux sites internet de billetterie, car les files sur place sont très longues. Réservez aussi de préférence une visite guidée. Et surtout, ne pas se faire arnaquer par les nombreuses personnes qui guettent les touristes, et qui vous vendent des tickets à des prix prohibitifs ou se font passer pour des guides. 

    forums
    Forums romains. Sur la droite, le Mont Palatin avec la terrasse des jardins Farnese, et au fond, le Colisée

     

    Le Capitole : C’est sur la petite colline du Capitole (Campidoglio, en italien), au nord des forums, que se trouvait le Sénat romain, aujourd’hui disparu. Aujourd’hui, on y trouve en son centre la très belle Piazza del Campidoglio, l’une des plus belles places de Rome, conçue par Michel-Ange, et au milieu de laquelle se trouve la statue équestre de l’Empereur Marc-Aurèle. On y accède par un escalier monumental situé à l’ouest de la colline. La place est entourée des Musées du Capitole, où sont collectionnées les plus belles œuvres de l’époque antique, ainsi qu’une pinacothèque ( = musée dédié à la peinture ) où on trouve des œuvres d’artistes majeurs des XVIe et XVIIe siècle.
    A l’arrière des musées, vers le sud, on a également une très belle vue sur les forums, et on accède à la Roche Tarpéienne (Rupes Tarpea, en italien), non loin de là, d’où on précipitait les condamnés, principalement ceux accusés de haute trahison. De là vient l’expression « Il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne », signifiant, qu’après les honneurs, la déchéance peut venir très vite. 

    capitole
    Place du Capitole avec la statue équestre de Marc Aurèle, entourée des musées du Capitole. Au fond, l’escalier d’accès. 
     À droite, l’arrière du monument à Victor Emmanuel 

    Places, Fontaines et Boulevards

    Piazza Venezia et Monument à Victor-Emmanuel II :

    victor Emmanuel IIJuste au pied du Capitole, côté Nord, se trouve la Place de Venise (Piazza Venezia). Le Palais de Venise (Palazzo Venezia) la borde à l’ouest. Aujourd’hui Musée National, il fut le quartier général de Mussolini, d’où il haranguait les foules. Au sud de la place, juste au pied du Capitole, se trouve le gigantesque monument blanc à la gloire de Victor-Emmanuel II, premier roi de l’Italie réunifiée en 1861. Cet énorme monument fut érigé pour commémorer les 50 ans de la réunification italienne en 1911. Il abrite le musée de la réunification, et en son centre, la tombe du soldat inconnu. Des colonnes situées tout en haut, on jouit d’une large vue sur toute la partie antique de Rome. De par sa forme et ses dimensions démesurées, de nombreux romains donnent à ce monument le sobriquet de « machine à écrire ».

    vers le coliseeDe la Place de Venise partent la Via del Plebiscito et surtout la longue Via del Corso, deux des artères commerçantes importantes de Rome.
    Le monument à Victor-Emmanuel II est relié au Colisée par la très large Via dei Fori Imperiali, édifiée sous Mussolini, en 1932, pour commémorer les 10 ans du fascisme. Elle sépare le forum républicain à droite, des forums impériaux à gauche, est bordée de statues des personnages les plus importants de l’Empire romain, et relie symboliquement le siège de l’Italie fasciste au Colisée, symbole monumental de la Rome impériale.

    Piazza Navona et la statue des Quatre Fleuves : c’est une des plus grandes places de Rome et des plus visitées. Elle est très allongée avec les deux extrémités en demi-cercles. Car elle a été construite sur l’emplacement du stade de courses de chars de l’Empereur Domitien, dont elle a conservé les dimensions exactes. 

    On y trouve trois fontaines : la fontaine de Neptune et la fontaine du Maure à ses deux extrémités, et surtout, en son centre, face à l’église Sainte-Agnès-en-Agone, la majestueuse fontaine des Quatre Fleuves, surmontée d’un des nombreux obélisques décorant les places de Rome, et toutes, bien évidemment, pillées en Egypte.

    Cette fontaine a été conçue par le sculpteur majeur de l’époque baroque romaine, Gian Lorenzo Bernini(dit, en français, Le Bernin). Elle représente quatre personnages assis au-dessus des jets d’eau alimentant la grande vasque du bas. Chaque personnage a été sculpté par un artiste différent sous les ordres du Bernin, et représente 4 fleuves des 4 continents connus au XVIIe siècle : le Danube, représentant l’Europe, le Gange pour l’Asie, le Nil pour l’Afrique (le visage voilé, car on ne savait pas encore où était sa source), et le Rio de la Plata, pour l’Amérique, avec un sac d’où s’échappent des pièces d’or pour exprimer la richesse du nouveau continent.

    piazza navonafontaine de 4 fleuves
    Piazza Navona et la statue des Quatres Fleuves


    apero piazza navona

     

    Malgré l’affluence de groupes de touristes qui y passent, mais ne restent qu’un moment autour de la statue des Quatre Fleuves, la place est tellement larges et bordées de beaux établissements avec terrasses ensoleillées, que je la trouve particulièrement agréable pour y faire une halte quotidienne et s’y rafraichir à une terrasse, pour peu qu’on s’éloigne un peu de la fontaine centrale. C’est un de mes endroits préférés de Rome.

     

     

     

    La Fontaine de Trevi : (Fontana di Trevi, en italien) s’appelle ainsi parce qu’elle est bordée par trois rues (tre vie). C’est une fontaine énorme de l’époque baroque tardive (1730) représentant Neptune dans un char de coquillages tirés par des chevaux ailés et des tritons. Elle surplombe une très grande pièce d’eau. La fontaine et la pièce d’eau occupent la majeure partie de cette place assez petite. Le reste est littéralement bourré de touristes, hiver comme été, à tel point qu’il est très difficile de s’y frayer un passage. Que font ils ? Ils s’assaillent sur le bord de la pièce d’eau (quand ils y arrivent) dos à la fontaine, et jettent une pièce dans l’eau par-dessus leur épaule, la tradition voulant qu’ils s’assurent ainsi de revenir un jour à Rome. Pour la petite histoire, avant le passage à l’Euro, les touristes y jetaient des pièces de quelques centimes de lires, ce qui ne représentait vraiment pas grand-chose. Mais chaque nuit, les sdf et les gamins venaient ramasser ces pièces pour se faire un peu d’argent. Après le passage à l’Euro, en 2002, la tradition a continué, mais avec des centimes d’Euros, ce qui représentait environ 500 fois plus. Les autorités romaines ont alors mis halte à cette pratique nocturne, et ont eux-mêmes collecté les pièces, qui représentent de l’ordre d’un million d’Euros par an, reversés à Caritas.
    La popularité de la fontaine de Trevi vient bien sûr du film de Fellini, La Dolce Vita, dans lequel Marcello Mastroianni s’apprête à embrasser Anita Ekberg dans la fontaine, lorsque … A la mort de Mastroianni, en 1995, la ville de Rome voile les statues de noir.
    Passez-y pour le folklore, si vous ne l’avez jamais vue, mais ne vous y attardez pas. L’endroit n’est vraiment pas intéressant.

     fontaine de trevi copie

     

    Place d’Espagne : La Piazza di Spagna est une place relativement petite, au carrefour de plusieurs rues, dans le quartier des boutiques de luxe. C’est aussi une place assaillie par les touristes pour y voir la très belle fontaine construite par le père du Bernin, Pietro Bernini, qui représente une barque (Fontana Barcaccia). Un escalier monumental monte de la place vers l’église gothique Trinité-des-Monts, d’où on a une très belle vue sur la place et sur la Villa Medicis toute proche. La Trinité-des-Monts, la Villa Medicis et l’Eglise Saint-Louis-des-Français (proche de la piazza Navona) sont les trois lieux de Rome administrés par la France.

    La Barcaccia  Trinité des Monts

    La Barcaccia (à gauche) et l’église de la Trinité-des-Monts (à droite)


    Parenthèse historique la papauté, la renaissance italienne, la haute renaissance, le maniérisme, la réforme et l’époque baroque.

    Les papes doivent quitter Rome en 1309, sous la pression du Roi de France Philippe IV Le Bel. Celui-ci, ayant besoin de lever des impôts pour financer ses guerres contre les villes flamandes, taxe fortement le clergé français. Les papes de Rome s’y opposent, et en rétorsion, Philippe Le Bel force la papauté à quitter Rome et à s’installer en Avignon.
    À leur retour à Rome en 1378, Rome est très dévastée et la pauvreté y est omniprésente. La vieille basilique papale, datant de l’Empereur Constantin est particulièrement délabrée. Dès leur retour, naissent des projets pour construire une nouvelle basilique. Mais les différents projets ne voient pas le jour, car d’autres priorités surgissent régulièrement, notamment la lutte contre les Ottomans, qui se rapprochent et prennent Constantinople en 1453.
    L’Italie, à cette époque est divisée en cités-états indépendants. Rome fait partie des Etats du Pape. Le Sud (le Royaume de Naples et des deux Siciles) appartient à l’Espagne. Au Nord, les cités puissantes sont Milan, Venise, Ravenne et surtout Florence.
    C’est à Florence que naît la Renaissance au début du XVe siècle (le Quattrocento), grâce au mécénat de riches marchands et de riches banquiers, dont les Médicis. La Renaissance italienne est une rupture avec l’art gothique, pour se rapprocher des valeurs artistiques et humanistes de l’Antiquité grecque. La Renaissance voit aussi l’apparition de façons plus naturelles de représenter le monde. La découverte de la perspective y jouera un grand rôle. Cette évolution artistique et humaniste se manifeste en architecture, en peinture et en sculpture. Les précurseurs sont les florentins Brunelleschi, en architecture, Masaccio, en peinture, et Donatello en sculpture. La perspective en tant que nouvelle façon de représenter l’espace, plus conforme avec notre vision binoculaire, est inventée par Filippo Brunelleschi. Elle sera ensuite théorisée par écrit par un autre architecte contemporain, Alberti. Brunelleschi est devenu célèbre pour sa première œuvre majeure, la coupole de la cathédrale Santa Maria dei Fiori de Florence. Cette église et sa coupole sont encore de type gothique, mais les règles de perspectives de Brunelleschi y sont déjà appliquées. Cependant, se sont dans des édifices comme l’église San Lorenzo de Florence, ou encore la chapelle des Pazzi dans la basilique Santa Croce, que ses règles de perspective et le retour vers la simplicité de l’architecture grecque créent la rupture avec le passé et donnent naissance à une toute nouvelle architecture épurée.

    Masaccio, encore très jeune, adopte immédiatement la perspective de Brunelleschi dans ses peintures et rompt complètement avec le gothique. Il meurt malheureusement très jeune, à 27 ans, dans des conditions mystérieuses à Rome, et peu de ses œuvres nous sont parvenues. Il nous reste heureusement la somptueuse vie de Saint-Pierre décorant la chapelle Brancacci de l’église carmélite Santa-Maria del carmine dans l’Oltrarno, à Florence.
    Et puis, le formidable sculpteur que fut Donatello, et que personnellement je préfère de loin à Michel-Ange. Il met aussi immédiatement en œuvre les règles de perspectives, sculpte les premiers nus en ronde-bosse depuis l’antiquité, et les façonnent pour y faire rebondir la lumière, et ainsi augmenter la perception du relief et des trois dimensions, en rupture complète avec la sculpture gothique. Son David en bronze, visible au musée du Bargello à Florence, est somptueux.
    Les travaux de ces précurseurs engendrent un énorme enthousiasme chez de très nombreux artistes qui leur succède, et l’art de la Renaissance dépasse très vite les frontières de Florence. Ainsi Il Perugino (Le Perugin) à Pérouse ou Piero della Francesca sur les hauteurs d’Arezzo. De nouveaux mécènes aussi les soutiennent en dehors de Florence. Federico III da Montefeltro, Duc d’Urbino, devient un des mécènes les plus importants de cet art naissant. Montefeltro fera d’Urbino un autre pôle artistique majeur du centre de l’Italie, et surtout un carrefour de rencontre entre les artistes florentins, les artistes vénitiens et les artistes flamands comme Juste le Grand ou Hugo Van der Goes.
    Parmi les artistes travaillant dans l’atelier de Federico de Montefeltro, un certain Giovanni Sanzio. Il donne naissance à un fils en 1483, qui ne connaitra pas Federico da Montefeltro, mort l’année précedente. Ce fils, Raffaello Sanzio(Raphaël) sera très vite orienté par son père vers la peinture. Il se retrouve très vite orphelin, de mère à 8 ans et de père à 11 ans. À 17 ans, il rejoint Le Pérugin à Pérouse en Ombrie. Il travaillera 4 ans avec Le Pérugin, sera évidemment fortement inspiré par son style, mais très vite l’élève dépassera le maître. En 1504, à 21 ans, il quitte Pérouse pour Florence, où il fréquentera assidument Michel-Ange et surtout Léonard de Vinci, tous deux ses ainés. 
    Léonard de Vinci, à cette époque, révolutionne l’art de peindre. Il s’écarte de la perspective classique par lignes de fuites pour disposer personnages et objets sur différents plans, en adaptant leur grandeur à la distance. Mais surtout, il prend conscience que l’air ambiant fait partie intrinsèque de la perception que notre œil a des choses. L’air crée de légères diffractions qui estompent quelque peu le contour des personnages et des objets, et cet air aussi altère les couleurs au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’avant-plan. Au plus on s’éloigne, au plus l’air estompe les contours et au plus les couleurs froides, les bleus et les verts dominent. Léonard a révolutionné l’art de représenter un espace à trois dimensions sur une toile en créant le sfumato(l’estompé). Raphaël appliquera le sfumato de Léonard, mais de façon plus modérée que lui. Car Raphaël a le souci du détail. Il attache, plus que quiconque, une importance prépondérante au dessin. Un sfumato trop affirmé l’empêche de capter ces détails.

    Nous l’avons vu, Michel-Ange est appelé à Rome par Jules II pour peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Après un siècle de tergiversations, Jules II décide aussi d’entamer les travaux d’une nouvelle basilique pour remplacer celle de Constantin devenue vétuste. Jules II est un della Rovere, la famille ducale régnant à ce moment sur Urbino. Tout naturellement, il fait appel à un architecte de renom aussi originaire d’Urbino. Il s’agit de Bramante. Bramante établi les plans et entame les travaux de la nouvelle basilique Saint-Pierre. Jules II voulant aussi refaire toutes les fresques des salles de réception des appartements, Bramante lui conseille de faire venir un jeune peintre de 25 ans, originaire comme eux d’Urbino. Raphaël se retrouve donc aussi à Rome. La façon de représenter l’espace a fortement évolué vers plus de réalisme. Au début de ce nouveau siècle, le Cinquecento, le pôle de l’art s’est déplacé de Florence vers Rome, bien que Léonard n’y déménagera pas, mais au contraire suivra François Ier en France et que Sandro Botticelli restera à Florence. C’est cette période qu’on a nommé Haute Renaissance. On considère qu’elle se termine avec la mort de Raphaël en 1520, (mort jeune du paludisme attrapé en recensant les antiquités romaines dans les souterrains de Rome. Ensuite, le sac de Rome par les troupes de Charles Quint créera une émotion telle que la peinture et la sculpture en sera une nouvelle fois affectée. On s’éloignera du naturalisme de la Renaissance pour représenter les corps dans des positions plus torturées, s’éloignant des attitudes naturelles, et exprimer ainsi d’avantage les émotions. C’est la période maniériste qui commence et qui durera jusqu’en 1580 environ.

    Pendant ce temps, la basilique Saint-Pierre se construit. Bramante meurt en 1514. De nombreux architectes lui succéderont, dont Raphaël, et dont Michel-Ange. La basilique est terminée en 1590.

    Les travaux ont couté extrêmement cher.  Pour financer les travaux, la papauté invente le système des indulgences. Il s’agit de billets valant des années de remise de purgatoire après la mort. Le clergé en fait le commerce auprès de riches croyants crédules. Il s’agissait évidemment d’une escroquerie à grande échelle, mais la volonté de puissance de la papauté était à ce prix.

    Des chrétiens ont commencé à protester contre ces pratiques et voulaient que l’Eglise se réforme pour revenir à plus de moralité. L’un de ces groupes était dirigé par Martin Luther dans le Saint Empire Romain Germanique, et aussi de Calvin à Genève. A aucun moment, du moins au début, il ne s’agissait de créer une nouvelle religion, mais d’apurer les pratiques de la religion chrétienne et de la papauté.
    Néanmoins, les papes voyaient leur puissance menacée, et les protestants ont été jugés hérétiques. S’en sont suivies les guerres de religion du XVIe siècle, conduisant notamment en France au massacre de la Saint Barthélémy. Un schisme s’est donc produit, et le protestantisme est né de ces excès.

    La papauté, toutefois, a elle-même remis en cause les pratiques telles que le commerce des indulgences, et a estimé qu’il fallait revoir en profondeur les pratiques du culte pour freiner les fuites de fidèles vers le protestantisme et développer des règles et méthodes renforçant la foi. Un concile fut organisé dans la ville de Trente, pour établir ces nouvelles règles de la pratique religieuse. Ce concile de Trente débuta en 1542, et se termina en 1563. Le concile de Trente aboutit à un ensemble de mesures, appelées Contre-Réforme, destinées à renforcer la foi. Un ordre religieux est créé sous l’impulsion de l’Espagnol Ignace de Loyola pour contrôler la mise en place et le respect de la contre-réforme. Cet ordre est la Compagnie de Jésus, autrement dit les jésuites. La contre-réforme vise principalement à rendre omniprésente la représentation de Jésus, de la Vierge et des Saints lorsque les fidèles assistent aux offices. Des retables sont créés derrières tous les autels, constitués d’un ensemble de peintures pieuses, souvent peintes par des artistes de grand renom. La musique participe aussi grandement à la spiritualité. La première église des jésuites, l’église de Gesù, est construite tout près de la Piazza Venezia. Son autel et son retable sont surélevés pour être mieux vus par les fidèles, la chaire est placée à mi-distance dans la nef pour que le prêche ait lieu à proximité des fidèles. L’église est surmontée d’une coupole, et la façade est plane e dépouillée, surmontée d’un fronton. La plupart des églises du XVIIe siècle s’inspireront du plan de cette église de Gesù. L’art, qu’on appellera par la suite Art baroque, peinture baroque, musique baroque est né. Cette période baroque qui imprégnera non seulement la pratique religieuse mais aussi tous les arts majeurs, durera environ de 1580 à 1730, et verra l’émergence de nombreux artistes, peintres, sculpteurs et musiciens de grand renom, dans toute l’Europe. Le Caravage (Caravaggio), dont nous reparlerons, se situe à la charnière entre la Renaissance et le Baroque. Il se réclame des artistes de la Renaissance, mais ses procédés picturaux révolutionnaires influenceront beaucoup de peintres baroques qui viendrons après lui.


     

    Le Vatican

    N.B. Il y a deux parties à visiter au Vatican. La Basilique Saint-Pierre et les Musées du Vatican. Il est aussi hautement recommandé de réserver à l’avance sur Internet. Il est possible de se procurer un pass de deux jours, en achetant un billet coupe-file pour la basilique, tant la file peut être très longue.

    Les Musées du Vatican : ces musées sont immenses et regorgent de richesses. Le lieu de loin le plus connu est bien évidemment la chapelle Sixtine, au plafond peint par Michel-Ange entre 1508 et 1512. Elle fut inaugurée en 1512 par le pape Jules II, celui-là même qui avait appelé Michel-Ange, le Florentin à Rome. 

    plafond chapelle sixtine

    jugement dernierMichel-Ange sera rappelé près de 30 ans plus tard, à l’âge de 60 ans, par le pape Clément VII, pour peindre cette fois la fresque du jugement dernier sur le mur derrière l’autel. En 30 ans le style pictural de Michel-Ange a bien évolué et est influencé par le courant majeur de l’époque. Nous ne sommes plus à l’époque de la Haute Renaissance, mais à celle du maniérisme, et le Jugement Dernier est clairement une œuvre maniériste. Depuis sa dernière restauration au cours des années 80, on peut en observer les couleurs étonnantes de cette fresque, couleurs typiques du maniérisme, et pour beaucoup, dues au développement de nouveaux pigments, amenés en grande partie par les grands maîtres de la couleur que furent les peintres vénitiens : des roses pastel, des jaunes citron, beaucoup de lapis-lazuli, des violets saturés, à la manière du Tintoret.
    N’oublions pas quand même d’admirer les fresques des murs latéraux, dues à ces autres grands maîtres de la Renaissance que furent Le Pérugin, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio et Cosimo Rosselli

     

     

     N.B. Si vous ne comptez visiter que la chapelle Sixtine et la basilique, il est bien sûr possible de le faire en un jour. Toutefois, pour profiter pleinement de la chapelle en évitant la foule, il est préférable de s’y rendre immédiatement dès l’ouverture des musées, et d’acheter un billet coupe-file pour la basilique, car la file risquera d’y être très longue, après la visite de la chapelle.

    L’autre œuvre magistrale des musées du Vatican, ce sont les Chambres de Raphaël (Stanze di Raffaello, en italien). Ces quatre chambres faisaient à l’époque partie des suites de réception des appartement pontificaux. Ces quatre chambres ont été recouvertes de fresques par Raphaël et ses élèves. Les travaux ont duré de 1508 à 1524, soit 4 ans après la mort de Raphaël en 1520. D’ouest en est, il s’agit des chambres de l’Incendie du Borgo, de la Signature, d’Héliodore, et de Constantin. Les fresques qui recouvrent les murs de ces quatre chambres comptent parmi les œuvres les plus prestigieuses de la Haute Renaissance, et ont créé la notoriété de Raphaël, de son vivant. Mort a seulement 37 ans, il est inhumé au Panthéon de Rome, et a été considéré jusqu’au XIXe siècle comme le peintre le plus essentiel de l’histoire de la peinture. Les jeunes générations d’aujourd’hui le connaissent peu, au contraire de Michel-Ange et de Léonard de Vinci, mais il faut dire que ces derniers ont vécus respectivement 89 et 67 ans, alors que Raphaël est décédé jeune à 37 ans, avec déjà une grande œuvre picturale derrière lui. Nul doute que s’il avait atteint la vieillesse comme ses deux illustres contemporains, son art n’aurait fait qu’évoluer, et qu’il serait encore aujourd’hui dans toutes les mémoires.
    Nous allons décrire ici deux des fresques principales des Chambres de Raphaël, 

    Chambres de Raphaël : L’École d’Athènes

    The School of Athens by Raffaello Sanzio da Urbino

    L’École d’Athènes est une des œuvres maîtresses de Raphaël. Elle se trouve dans la salle des Signatures, la première chambre décorée par Raphaël. Cette illustration de la Philosophie permet à Raphaël de rassembler les figures majeures de la pensée antique à l'intérieur d'un temple idéal, inspiré du projet de Bramante pour la réalisation de la basilique de Saint-Pierre à Rome. Il les incarne par les illustres artistes de son temps (et de lui-même) faisant ainsi de la Rome moderne l'équivalent de la Grèce antique.
    Au centre, on trouve Platon à gauche, la main tournée vers le ciel, expliquant l’origine du monde, et à droite, Aristote, la main vers la terre, exprimant l’empirisme de sa pensée.
    Au premier plan, on retrouve, à gauche, du côté de Platon, les théoriciens, dont Pythagore, écrivant dans son livre, et à droite, sous Aristote, les empiriques, dont Euclide, penché sur son ardoise, sous les traits de Bramante.  Isolé au centre appuyé sur un bloc de marbre, Héraclite, le philosophe pessimiste, sous les traits de Michel-Ange, qui était à ce moment à Rome, peignant le plafond de la chapelle Sixtine, et qui était lui aussi connu pour son caractère bourru. L’autre personnage isolé, allongé sur les marches est Diogène de Sinople.

    De nombreux ouvrages décrivent en détail cette œuvre majeure de Raphaël. On en trouvera déjà une bonne description sur Wikipédia.

    Chambres de Raphaël : L’Incendie du Borgo

    Chambre de Raphael - Incendie du Borgo

    L’incendie du Borgo est une autre fresque monumentale de Raphaël, peinte dans la seconde chambre qu’il a décorée, avec l’aide de ses élèves, et qui, depuis, porte le nom de Chambre de l’Incendie. 

    La fresque relate un événement s’étant produit en 847. Le Borgo, le quartier de Rome situé entre l’ancienne basilique de Constantin et le Tibre était totalement en flamme, et le peuple réclamait la bénédiction du pape Léon IV (son nom est inscrit sous le balcon d’où il bénit le Borgo en flamme, d’un signe de croix). 

    On reconnaît tout au fond, l’ancienne basilique de Constantin, tandis que le pape, de façon anachronique, se trouve sur une terrasse trilobée de style renaissance.

    L’innovation recherchée par Raphaël, est de ne pas placer le personnage important le pape, à l’avant de la fresque, mais au contraire, à peine visible dans le lointain, tandis que l’accent est mis sur la dramaturgie de l’incendie.

    Les références à l’Antiquité sont à nouveau omniprésentes, non seulement de par les éléments architecturaux, les colonnes corinthiennes au centre, et les colonnes ioniques à droite, mais aussi par la présence du trio de gauche, qui représente Énée portant son père Anchise, accompagné de son fils Ascagne. Cet élément relie Rome à la ville de Troie en flamme, de laquelle, selon l’Énéide d’Ovide, Énée s’échappe ainsi portant son père en compagnie de son fils. Énée selon le récit d’Ovide est à l’origine de la création de Rome, reliant ainsi les Romains aux Troyens, ennemis des Grecs.

    Avec cette fresque, Raphaël fait clairement évoluer son style, et ouvre la voie au maniérisme. C’est particulièrement évident en observant le personnage nu accroché au mur, dans une position mettant sa musculture en évidence, et dans l’attitude des femmes au centre de la toile, au premier plan.Autres salles des Musées du Vatican
    S’il vous reste du temps, n’hésitez pas à déambuler dans les nombreuses autres salles des Musées. La salle des cartes, par laquelle on passe obligatoirement pour se rendre à la chapelle Sixtine, est très intéressante, car elle nous montre comment on se représentait le monde connu à l’époque. 

    IL existe de nombreuses richesses que personnellement je n’ai pas vues car elles n’éveillaient pas mon intérêt, telles que bien sûr, de nombreux vêtements ou objets liturgiques ornés de nombreuses pierres précieuses, mais aussi des salles de collections comme des céramiques chinoises … ou même des expositions temporaires de peintres contemporains ou du XIXe siècle.

    La pinacothèque des musées du Vatican, qui compte 18 salles, vaut presque une visite à elle seule, tant elle compte de chefs d’œuvres depuis le XIVe siècle, jusqu’à l’époque baroque : de mémoire, Giotto, Fra Angelico, Le Pérugin, Filippo Lippi, Raphaël, Léonard de Vinci, Le Titien, Véronèse, Le Caravage, Nicolas Poussin et plusieurs autres.

     

    La Basilique Saint-Pierre :

    basilique saint pierre

    Je dois bien avouer que ce que j’aime surtout à la basilique Saint-Pierre, c’est son immense place elliptique construite par le Bernin, au milieu du XVIIe siècle, en pleine époque baroque, bien après la fin de la construction de la basilique elle-même. Cette ellipse mesurant 340m sur 240m est entourée d’une élégante galerie de 4 rangées de colonnes doriques en travertin, surmontée d’une balustrade décorée de 140 statues. L’obélisque centrale, ancien obélisque du Circus Vaticanus en est le point d’orgue, dont la présence majestueuse est mise en valeur par les cercles concentriques blancs et les lignes radiales blanches. La beauté du lieu est encore accentuée par les deux fontaines jumelles situées à droite et à gauche de l’obélisque.  Le Bernin a prolongé cette place par un plan incliné montant vers les marches de la basilique, accentuant ainsi l’effet de perspective attirant le regard vers l’édifice.

    Inside Of St. Peter’s BasilicaQuand on entre dans la basilique, on passe d’abord par un narthex, galerie couverte précédant l’entrée proprement dite. Puis il est vrai qu’on est frappé par l’immensité de l’endroit, la plus grande église au monde. J’y venais surtout pour y voir l’architecture dessinée par Bramante au début du XVIe siècle, architecture inspirée du Panthéon romain, mais où, contrairement au Panthéon, la coupole n’est pas supportée par des murs porteurs mais par quatre piliers gigantesques. La coupole est splendide, et tout comme celle de Brunelleschi à Florence, elle est constituée de deux coupoles superposées séparées par un vide, mais s’appuyant conjointement sur les piliers. Malgré les nombreux architectes successifs tout au long de sa construction qui dura pratiquement tout le siècle, le plan initial de Bramante n’a été que très légèrement modifié. On y retrouve les bras en forme de croix grecque voulue par Bramante (4 bras de longueur identique) et terminés par des extrémités arrondies. Seule la nef, par laquelle on pénètre a été légèrement prolongée. Les déambulatoires latéraux sont également éclairés par des oculi aux centres de jolies petites coupoles. 
    Pour le reste, malheureusement, je n’aime pas du tout l’ambiance intérieure due à la décoration par des statues immenses et franchement très loin d’être des chefs-d’œuvre. Même les immenses statues du Bernin n’apportent rien à l’austérité de l’endroit. Il en est de même pour cet affreux baldaquin, du aussi au Bernin, surmontant l’autel situé au croisement des quatre bras.

    La seule splendeur artistique de ce lieu, la Pietà de Michel-Ange, dont il faut pouvoir admirer les détails morphologiques du corps du Christ mort, muscles, tendons, veines … se trouve malheureusement dans une cage vitrée dans la première chapelle à droite de l’entrée, et dont on ne peut s’approcher à moins de 10 mètres. Autant dire, qu’on ne voit RIEN. L’autre œuvre importante, la statue équestre de Constantin, par Le Bernin, se trouve derrière une porte fermée à l’extrémité droite du narthex, et il faut être invité pour la voir. 

    En résumé, à l’exclusion de la place, et de l’architecture d’ensemble, la basilique Saint-Pierre ne m’a absolument pas plu, et j’ai considéré cette visite comme une perte de temps, à l’inverse des musées du Vatican.

    La Villa Borghese

    La Villa Borghese est un parc de 80 hectares au nord de Rome. Outre le fait qu’on y trouve des endroits d’animation pour les enfants, des établissements pour se désaltérer, de nombreux très beaux arbres et de grandes allées, la Villa Borghese contient également plusieurs musées prestigieux. Notamment la Villa Médicis, qui héberge l’Académie de France à Rome, la Villa Giulia, le musée national étrusque, et la Galerie Borghese où sont rassemblés une pléthore de superbes œuvres d’art de l’époque hellénistique, de l’époque romaine, et des XVIe et XVIIe siècles.  

    On y arrive en continuant vers le nord depuis l’église de la Trinité-des-Monts. On passe devant la Villa Médicis, et on entre dans le parc par l’entrée principale située au coin suivant. Prendre du temps pour se ballader dans le parc avant ou après avoir visité la Villa Giulia (que je n’ai pas eu le temps de voir, mais où se trouvent des pièces étrusques magnifiques, que j’ai étudiées à mes cours d’histoire de l’art) et/ou la Galerie Borghese.

    La Galerie Borghese

    Il faut impérativement réserver ses billets d’entrée, sur le site de la Galerie ou sur d’autres sites de billetterie, pour éviter les files. Les heures d’entrée sont fixées et ont lieu toutes les deux heures. Ce qui signifie qu’on est censé visiter le Galerie Borghese en deux heures. Ce qui est d’ailleurs suffisants.

    Les points forts sont une salle complète dédiée au Caravage, des œuvres de Raphaël ( la Descente de Croix, et la Dame à la Licorne, entre autres), et surtout ce qui constitue probablement les plus belles sculptures du Bernin, l’Enlèvement de Proserpine, le David du Bernin, et Apollon et Daphné. Ajoutons des œuvres du Pérugin, de Rubens, du Corrège, de magnifiques pièces antiques, et ce superbe tableau flamand de Gerrit Van Honthorst, le Concerto, datant de 1653, représentant un groupe de musiciens en train de répéter.
    Le clou de la visite est pour moi, l’Enlèvement de Proserpine du Bernin. Cette œuvre maniériste en marbre de Carrare occupe le centre d’une des pièces. On y voit Pluton soulevant Proserpine, qui se débat et le repousse d’un bras, tandis que Cerbère, le chien à trois têtes gardant les enfers, monte la garde. Deux traits de génie dans cette œuvre : la petite larme à l’œil de Proserpine, et surtout le réalisme des doigts de Pluton s’enfonçant dans la chair de la cuisse de Proserpine.

    villa borghesesalle du caravage

    raphael depositionconcerto

    proserpine 1proserpine 2proserpine 3

    Première rangée : à gauche, Villa Borghese ; à droite, salle du Caravage
    Seconde rangée : à gauche, Raphaël, déposition du Christ ; à droite, Gerrit Van Honthorst, le Concerto
    Troisième rangée : Le Bernin, l’Enlèvement de Proserpine, vue avant, vue arrière et détail

     

    Le Caravage : 

    artiste romain par excellence du début de l’époque baroque à Rome, il y a laissé de nombreuses œuvres.

    Nous avons déjà vu qu’on pouvait trouver de nombreuses œuvres du Caravage à la Galerie Borghese ainsi qu’aux pinacothèques du Vatican et du Capitole, mais on peut aussi entrer gratuitement dans certaines églises et y trouver des œuvres du Caravage parmi ses plus célèbres.


    Le Caravage (Michelangelo Merisi)
    Né en 1571 à Caravaggio - Mort en 11610 à Porto Ercole

    Le Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi, naît à Caravaggio en Lombardie en 1571. Très tôt orphelin de père il grandit au sein d’une famille aisée.

    Il entre en 1584 en apprentissage dans l’atelier du peintre Simone Peterzano à Milan qu’il quitte au bout de quelques années. C’est sans doute là qu’il acquière sa sensibilité pour le traitement réaliste, caractéristique de l’école lombarde de l’époque.

    En 1592 il part pour Rome et rejoint l’atelier du peintre maniériste Cavalier d’Arpino où il est chargé de peindre des natures mortes de fleurs et de fruits, motifs qu’il utilisera toute sa vie et qui deviendront quasiment une marque de sa production artistique. Son style se révèle et son talent se fait vite remarquer. N’ayant pas les moyens de payer des personnes pour poser, il peint en se servant de lui-même comme modèle. (Le Jeune Bacchus malade, par exemple est un autoportrait. Ses tableaux rompent déjà avec la tradition maniériste en proposant une lecture immédiate de l’image où le sujet, prit sur le vif, est figé dans l’instant comme s’il avait été “photographié“, concept visuel nouveau et inventé par le jeune artiste.

    Dans ses scènes présentant des personnages mythologiques, religieux ou traditionnels il s’écarte également de la manière de la renaissance en les représentants sous l’apparence de personnes “réelles“, telles qu’il les rencontre dans son quotidien : sans aucune idéalisation, souvent vêtues de façon contemporaine et suggérant des traits de caractère appartenant plus au modèle qu’au personnage représenté.
    Caravage aborde ensuite la peinture de genre qui deviendra grâce à lui un des thèmes majeurs du XVIIe siècle. Son style arrive à maturité, portant l’héritage du maniériste pour la composition, de l’école lombarde pour le réalisme lié à l’utilisation de la couleur et de la lumière et de l’influence de peintres vénitiens tels que le Titien, Giorgione ou Lorenzo Lotto pour les ambiances intimes et nocturnes.

    Si l’anticonformisme en peinture au début du XVIIe siècle consiste, sous l’influence des Carrache, à s’éloigner du maniérisme en se rapprochant du modèle classique de Raphaël et Michel-Ange, Caravage en propose un nouveau basé sur l’étude de la réalité, tant au niveau du fond que de la forme, qu’il oppose à l’étude traditionnelle du savoir. Ses personnages sont humains, dans leur apparence autant que dans leurs émotions : la joie, le courage, la volonté, la peur, la surprise, la violence, sont autant d’attributs dont le Caravage pare ses personnages et offre à la lecture du spectateur.

    Tant de nouveautés ne lui confèrent pas un accueil favorable de la part de la majorité des adeptes de l’art mais il est néanmoins soutenu par un certain nombre, conscient du génie de l’artiste. Il reçoit alors de nombreuses commandes de la part de dignitaires religieux pour la décoration de leur chapelle.

    A partir de 1600 environ il peint ses plus grands chefs-d’œuvre et commence à connaître la célébrité.Néanmoins son caractère agressif et coléreux finit par jouer en sa défaveur. Caravage est un homme violent, il se bat régulièrement, séjourne quelquefois en prison, et va même jusqu’à tuer. Il aime s’habiller à la manière des riches, et même si ses vêtements sont déchirés cela ne fait qu’ajouter à son goût de l’exubérance et de la provocation.Contraint de partir de Rome pour fuir des représailles à la suite d’un meurtre en 1606, il mène alors une vie d’errance. Il se réfugie à Naples où il continue à peindre pour des commanditaires privés.
    Il part ensuite à Malte en 1608 où le Grand Maître de l’Ordre de Malte le fait Chevalier en hommage à son talent. Il en est vite renvoyé, en raison d’une altercation grave avec l’un des membres de l’Ordre. Il s’évade de prison et part pour la Sicile jusqu’en 1609. Il décide ensuite de revenir en Italie où le pape aurait abandonné les poursuites à son égard et lui aurait pardonné.

    C’est sur le chemin du retour, en Toscane, à Porto Ercole, sur la presqu’île de Monte Argentario, qu’il trouve la mort à l’âge de 39 ans. L’on ne sait pas s'il a succombé à une fièvre alors qu’il traversait des marais sur la route de Rome ou si d’anciennes connaissances ont su profiter de son retour pour se venger d’affronts passés.Le Caravage aura laissé aux générations suivantes un héritage artistique des plus importants. Il a non seulement rompu avec la manière de son époque mais il a surtout permis à l’art de prendre une direction nouvelle. Si Giotto et Masaccio qui ont permis l’évolution de l’image gothique à la renaissance, Caravage a inventé une grammaire et un vocabulaire pictural entièrement nouveaux qui serviront de base à la peinture baroque dans un premier temps mais également à tous les mouvements des siècles à venir dont l’objectif sera de rendre en image la vérité telle qu’on la voit et de l’interpréter avec toute la force de la passion mais sans aucun compromis.


    Église Saint-Louis des Français :

    Située entre le Panthéon et la Piazza Navona, c’est l’église nationale des Français à Rome. La place qui l’entoure est d’ailleurs très imprégné de culture française, et on y trouve notamment la meilleure librairie française de Rome

    L'œuvre la plus célèbre de l'église est sans conteste le cycle de peinture ornant la cinquième chapelle de gauche, la chapelle Contarelli. Cet ensemble, réalisé par Le Caravage de 1599 à 1602 sur une commande du cardinal Matthieu Contarelli, est consacré à la vie de saint Matthieu. Trois tableaux illustrent ce cycle : à gauche La Vocation de saint Matthieu, en face Saint Matthieu et l'Ange qui constitue le retable, et à droite le Martyre de saint Matthieu.

    vocation de saint mathieu
    La vocation de Saint Mathieu
    saint mathieu et l'ange
    Saint Mathieu et l’ange
    le marthyr de saint mathieu
    Le martyre de Saint Mathieu

    La basilique paroissiale Santa Maria del Popolo

    Cette basilique se trouve sur la très belle Piazza del Popolo, au pied des jardins de la Villa Borghese. De cette place, on peut en passant entre les églises jumelles de Santa Maria in Montesanto et Santa Maria dei Miracoli, rejoindre le long Via del Corso pour rejoindre la Piazza Venezzia.

    Dans cette basilique Santa Maria del Popolo, la chapelle Cesari comporte deux Caravage célèbres datant de 1601 : sur le mur gauche, la Crucifixion de Saint Pierre, et sur le mur droit, la Conversion de Saint Paul.

    Du côté opposé, on trouve aussi une chapelle réalisée par Raphaël, avec une très belle coupole dont les mosaïques sont de Luigi de Pace (1516)

    crucifixion de saint pierreConversion de saint paul
    A gauche : Crucifixion de Saint Pierre. A droite : Conversion de Saint Paul.

    piazza del popolo
    Piazza del Popolo

     

    Le Panthéon

    Le Panthéon romain se trouve dans le quartier situé entre la Via del Corso et la Piazza Navona. Il fut construit au premier siècle sur l’ordre de l’Empereur Agrippa. Endommagé par plusieurs incendies, il fut reconstruit sous Hadrienau début su second siècle. Il était un temple dédié à toutes les divinités antiques.

    Au VIIe siècle, il fut converti en église, et abrite aujourd’hui les tombeaux de personnages célèbres, tels que le peintre Raphaël, décédé à Rome en 1520, le premier roi d’Italie Victor Emmanuel II et le roi Umberto I.

    La place située devant le Panthéon est très animée et constitue un endroit agréable pour y manger en soirée.

    le pantheoncoupole du pantheon

    tombeau de raphael
    Tombeau de Raphaël
    tombeau de victor emmanuel IItombeau d'umberto I

     

     

    CALYPSO 🎶 Cette fille lui a fait le coup du sang chaud 🎶

    ulysse et calypso dans la caverne
    Jan Brueghel l’Ancien – caverne fantastique avec Ulysse et Calypso, vers 1616

     

    Quand, dans l’Odyssée, Ulysse quitte Troie pour rentrer dans son île grecque d’Ithaque, il part pour 10 ans d’errance sur la mer, à cause du courroux de Poseidon, après qu’Ulysse ait aveuglé son fils, le cyclope Polyphème. Parmi ses mésaventures, Ulysse fera naufrage dans le détroit de Messine. Il dérivera durant neuf jours sur l’épave de son bateau jusqu’à l’île d’Ogygie où il rencontre la reine de l’île, la nymphe Calypso. Celle-ci, autre piège de Poseidon, tombera éperdument amoureuse d’Ulysse et le gardera prisonnier pendant 7 ans dans sa grotte. Hermès, l’envoyé de Zeus viendra finalement le délivrer et Ulysse naviguera encore 19 jours avant d’atteindre Ithaque. Sur ses 10 années d’errance, Ulysse en aura donc passé 7 avec Calypso. 
    Au début de l’époque hellénistique déjà, soit au IIIe siècle avant notre ère, les érudits de la bibliothèque d’Alexandrie, localisaient Ogygie comme étant l’île actuelle de Gozo, la seconde île de l’archipel de Malte, et sur laquelle nous nous trouvons pour une semaine. La tradition touristique faisant le reste, la grotte de Calypso se trouverait sur la côte nord de l’île. C’est une petite grotte pas très spectaculaire située à l’ouest de la plage de sable doré de la baie de Ramla.

    mixta cave gozo
    La baie de Ramla vue de la grotte de Mixta

     

    C’est cette plage qu’on aperçoit sur cette photo, prise depuis une autre grotte beaucoup plus grande et belle, la grotte de Mixta, située à l’est de la plage, et des hauteurs de laquelle on jouit d’une vue à couper le souffle sur la côte, tant vers l’est que vers l’ouest. 
    Bien évidemment l’attribution de Gozo à Ogygie est sujette à caution. En 1924, l’helléniste et diplomate français, Victor Bérard, le premier traducteur francophone de l’Odyssée, a tenté de situer tous les lieux cités par Homère, au VIIIe siècle avant notre ère, et localisait plutôt Ogygie près des côtes marocaines. Les progrès faits depuis en archéologie, indiquent que la localisation de Bérard n’est pas plus crédible, car il a utilisé des techniques maritimes modernes pour situer des endroits où Ulysse aurait navigué au moment de la guerre de Troie. Il est d’ailleurs beaucoup plus probable, que malgré les nombreux détails de navigation mentionnés dans l’Odyssée, tous ces endroits ne furent que purement mythiques. 
    Quoiqu’il en soit, la tradition ayant fait son chemin, Ogygie est maintenant communément associée à Gozo. 
    Et donc, quand un dragueur de mine de la Royal Navy, entièrement en bois, construit dans les chantiers navals de Seattle, et prenant du service en 1943 à Malte, est converti après guerre en transbordeur entre l’île de Malte et sa petite sœur Gozo, on décide de le renommer Calypso.
    La Calypso est rachetée en 1950 par le milliardaire irlandais Thomas Guinness, qui très vite accepte de la louer au Commandant Jacques-Yves Cousteau pour la somme symbolique d’un franc par an. La suite est bien connue. La Calypso est transformée en navire océanographique. Elle fera naufrage en 1996, un an avant la mort de Cousteau. Renflouée, tout comme Ulysse, elle errera de port en port pour être restaurée. Elle se trouve actuellement à Izmir en Turquie, où on a conservé le savoir faire pour restaurer des bateaux en bois de cette époque. Elle est encore en cours de restauration, après avoir subit des pillages en France et un incendie en Turquie, alors que sa nouvelle coque en bois était presque terminée. Poseidon, décidément, s’acharne encore et toujours.

    (Infos sur la restauration de la Calypso sur le site cousteau.org)

    calypso cave
    Grotte de Calypso (actuellement effondrée) à l'ouest de la baie de Ramla
    bateau calypso
    La Calypso de Jacques-Yves Cousteau

     

    calypso dragueur de mines
    Dragueur de mine identique à la Calypso pendant la seconde guerre mondiale
    calypso a concarneau
    La Calypso dans le port de Concarneau avant son transfert à Izmir